MUSIQUE – 10e Koa Jazz Festival : une programmation éclectique

« Du jazz partout et pour tous ! ». C’est la devise du Koa Jazz Festival, et pour sa dixième édition du 16 au 26 novembre, il ne déroge pas à la règle.

Au programme : Journal Intime, Susheela Raman, Thomas de Pourquery & Supersonic, David Eskenazy Trio, Mooncat, Kiera Lorelle, La Guiguinche, Gérard Pansanel, Fälk et bien sûr le Grand Ensemble Koa. Mêler des musiciens reconnus et des artistes régionaux participe à la richesse de la programmation et à la renommée du Festival.

Le Collectif Koa, organisateur de l’évènement, nous transporte cette année vers d’autres lieux, en plus de l’éternel JAM et du Dôme, à l’instar du Chai du Terral, La Tendresse, La Vignette, le Musée des Moulages ou encore La Petite Scène. La diversification des lieux permet une multiplication des formats avec en plus des concerts, une sieste musicale, du jazz en gare ou encore un brunch/concert. Une manière de s’adresser au plus grand nombre et de toucher tous les publics.

Car le mot d’ordre du Koa Jazz Festival, c’est la rencontre. Et les actions culturelles en sont l’occasion. Lors d’une résidence au Chai du Terral, du 15 au 17 novembre, le Grand Ensemble Koa a effectué un travail pédagogique sur le territoire de la Métropole, avec une participation des élèves du conservatoire. Le lundi 20 novembre et le jeudi 23 novembre, le « Jazz rencontre les mômes » permettra aux enfants d’aborder la question du rythme, du solo, de l’improvisation et de l’histoire du Jazz à travers un jeu de questions/réponses auprès des musiciens.

La politique tarifaire du Festival reste abordable et de nombreux évènements sont gratuits, alors ne vous privez pas !

Quand l’afro-beat s’incruste partout

« Kokolo Afrobeat Orchestra » va enflammer le Jam à Montpellier le 14 mars prochain. Un de ces groupes d’afro-beat nouvelle génération, qui écume les scènes dans le monde entier depuis plusieurs années. La musique de Fela Kuti a traversé bien des frontières et se diffuse de plus en plus. Aperçu.

Kokolo

« Kokolo » ou « les assoiffés de rythmes Africains », offrent un afro-beat pur, efficace. Formé à l’aube du 21éme siècle par Ray Lugo, un ancien musicien de la scène punk rock New-Yorkaise, ce groupe a su développer un groove incroyable en réunissant l’énergie du hip-hop, du funk et de la Latin Jazz. Le tout noyé dans un tourbillon afro-beat. Le dernier album de « Kokolo », « Love International », est sorti en novembre 2007. Quant à l’aspect « conscient » du groupe, il est renforcé par sa participation cohérente dans une variété de projets et des concerts en faveur de différentes causes (environnement, Darfour…). A cocher immédiatement sur l’agenda : la soirée du 14 mars. Les oreilles montpelliéraines vont trembler pour une nouvelle « Cosmic groove session » au Jam [[100, Rue F. de Lesseps 34000 MONTPELLIER,
21,70 €, 04 67 58 30 30]].

« Who Is This America ? »

A l’image du succès de « Kokolo », se développe aux Etats-Unis, et particulièrement à New-York, une scène afro-beat importante. Un grand coup de cœur pour « Antibalas » : c’est comme un grand verre de sangria. Plein de saveurs. Leur musique jazz, funk, afro-beat donne le sourire. Personne ne peut rester sur place sans danser lorsque la chaleur des cuivres se mélange au rythmes des percussions. Définitivement à voir en concert avec une bonne paire de chaussures.

Amayo, le chanteur d'Antibalas

La génèse d’Antibalas remonte à 1997 avec la volonté de Martin Perna, son fondateur, de prendre la relève de Fela Kuti disparu cette même année. « Pendant des années, nous avons vu que les habitants des pays du Tiers-Monde supportaient des injustices innombrables. Et maintenant de telles injustices arrivent de plus en plus souvent sur les rivages américains. Nous l’avons senti depuis longtemps, mais maintenant c’est devenu un grand, grand problème. » « Antibalas » a donc poursuivi la tradition politique de l’afro-beat. En témoigne « Who Is This America ? » leur troisième album sorti en 2004, l’année des élections. Le nom du dernier album « Security » (2007), en dit long également. Leur combat : véhiculer l’image d’une autre Amerique. Une Amerique humaniste qui croit que l’argent ne peut pas tout acheter, qui pense que la force n’est pas un moyen de faire justice et qui refuse le système Bush.

Quand on écoute « Nomo », on pense «Antibalas». Des points communs, New-York et le style musical, mais une touche spéciale. Totalement inconnu en France jusqu’à peu, ils ont sorti un premier album début 2005. Moins africain dans l’âme mais tout aussi excellent. Un deuxième album est sorti en juin 2006 : « New Tones ». Le résultat est complètement novateur. Un côté jazzy, cuivré, grooveux. Dans un style moins en transe, moins long aussi que celui du maître. Et des cuivres imbattables.

Petit Crochet par le Canada : le dernier album de « SoulJazz Orchestra », « Freedom No Go Die », est en écoute en ce moment dans toutes les fnac. Casque sur les oreilles, là aussi, on ne peut que se trémousser en plein milieu du magasin.

Déferlante en Afrique

Ghana Soundz vol2

En Afrique, on assiste à une véritable déferlante afro-beat depuis que Fela a crée cette musique. Le DJ anglais Miles Cleret a sillonné le Ghana, l’autre pays de l’afro-beat, pendant près de deux ans, à la recherche de 45 tours. A l’arrivée, deux volumes d’une compilation incontournable, sortis en 2005 : « Ghana Soundz ». L’afrique, Fela, James Brown, tout est là, en concentré! Un voyage dans le temps.

En Ethiopie, un genre d’afro-beat s’est imposé sur une durée très courte (1969-1975) : l’ethio jazz. Cette période correspond à une certaine libéralisation des mœurs dans le pays. De nombreux artistes éthiopiens peuvent alors créer librement. Un groove à la fois moderne et roots, qui comme l’afro-beat à la Fela Kuti, a su s’inspirer des musiques occidentales sans oublier les traditions musicales importantes. Toutes ces perles ont été rééditées à travers plus d’une vingtaine de compilations : les « Ethiopiques ». Un best of vient d’ailleurs de sortir.

Médaille des arts et des lettres

Manu Dibango

En Europe, l’afro-beat peine à se démocratiser. De grands noms parviennent néanmoins à tourner. Comme Tony Allen, le batteur de Fela Kuti. Quant à Manu Dibango, son « Soulmakossa » a fait de lui un homme célèbre. Le camerounais fait ses études en France, puis tente sa chance en Belgique. Un démarrage de carrière difficile, des allers-retours entre l’Europe et l’Afrique. Mais finalement des tubes dans les deux continents et même en Amérique. Celui qui est considéré par beaucoup comme le précurseur de la musique africaine «moderne» reçoit le 14 mars 1986 la médaille des Arts et des Lettres par le ministre de la culture français, Jack Lang. En mai 2004, Manu Dibango est nommé « artiste de l’Unesco pour la paix » par le Directeur général de l’organisation, Koïchiro Matsuura, « en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au développement des arts, de la paix et du dialogue des cultures dans le monde.» L’infatigable Manu Dibango a sorti en mars 2007 : «Manu Dibango joue Sydney Bechet», un hommage au compositeur et instrumentiste noir-américain originaire de la Nouvelle Orléans.

Petit-à-petit, l’afro-beat fait son nid dans le monde de la musique. On trouve des représentants même en Suède, en Israël. [« Fanga »->
http://www.afrofanga.com/], le groupe « ambassadeur » de l’afro-beat en France, comble avec talent le vide dans notre pays. Un afro-beat évolué, aux sonorités électro. Une ouverture d’esprit aussi, une simplicité qui fait du bien.

Femi Kuti n’a pas la langue dans sa poche, lui non plus

Deuxième descente de police au QG de Femi Kuti, en décembre dernier, à Lagos, au Nigéria. Le prétexte ? « Le Shrine» serait un repère de malfaiteurs. Le musicien dérange. Pas étonnant quand on écoute les paroles de ses chansons. Il vise la corruption, accuse le pouvoir en place, comme son père. Moins extrême que Fela Kuti, il a démocratisé l’Afro-beat à travers le monde. Il donne de l’espoir au Nigérians. Le DVD « Live at the Shrine », sortit en 2004, le décrit bien. Immersion dans le monde de Femi.

Femi Kuti tient solidement le flambeau. En 2004, sort un double album, un disque live enregistré au « Shrine », à Lagos et un DVD de Raphaël Frydman, « Live at the Shrine ». Le documentaire fait partager le quotidien de Femi. Il vit dans un appartement au dessus de la salle de concert, et passe la majeure partie de son temps en répétition. Le soir, il joue des heures sur scène, jusqu’à l’épuisement. Accompagné d’une vingtaine de musiciens et danseuses, il se transforme en bête de scène.

« Ces monstres »

Couleurs de l’Afrique. Piano, trompette, saxophone…Des danseuses en costume, peintures sur le visage. Un vrai show. Des affiches : « Fela est toujours vivant ». « Le sida est parmi nous, protégez-vous ». « Mouvement contre le 2e esclavage ».

La soirée commence. « Mes frères et mes sœurs, bienvenue pour un nouveau « Sunday jump » à l’Africa Shrine. Vous avez fait un long chemin pour venir ici en ces temps difficiles. On est la pour vous donner toutes les bonnes vibrations que vous méritez ». Le clavier démarre, puis la basse. Le sourire de Femi est énorme. Tout comme les paroles. « Hier on nous disait que nous allions gagner. Nous avons donc douloureusement lutté pour voir un changement démocratique émerger. Ils ont continué à nous escroquer. Ah oui ils nous ont roulé » Il prend sa clarinette. Une énergie folle s’empare de lui.

Femi entonne alors « Can’t buy me », encore et toujours contre la corruption : « A qui cet homme parle-t-il ? Il se vante de ses richesses. Il a des terres partout. Il a douze voitures, dix maisons. Il veut acheter ma loyauté. Mais on ne peut pas m’acheter. » Le public s’exclame « Femi la voix de l’Afrique ! L’ambassadeur de l’Afrique ! Femi président de l’Afrique ! » Au tour du morceau « Shotan » de rententir. « Tu vas regretter d’avoir fait confiance au gouvernement d’Obasanjo [[Le président de la République fédérale du Nigeria de 1976 à 1979 et de 1999 à 2007]]. Il va nous envoyer en enfer ». Comme son père, Femi n’a pas sa langue dans sa poche. « I wanna be free » tombe comme un coup de massue : « Dès que l’on dort, épuisés, ils mettent au point leurs maléfiques projets. Et s’approprient nos ressources naturelles. Les dirigeants africains et leurs homologues étrangers sont des esprits malsains. A causes de ces monstres nous ne serons jamais libres demain ».

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« Si j’arrivais à mobiliser mon peuple, l’Afrique serait libérée. »

Des images de la vie quotidienne au « Shrine », des témoignages, entrecoupent celles de la soirée. Le public vote démocratiquement les chansons à mettre sur l’album. Comme pour rappeler qu’au « Shrine » au moins, les Nigérians peuvent exprimer leurs opinions librement.
Un groupe de jeunes fait l’apologie de Femi. « Ses chansons nous permettent de connaître la situation du Nigeria et de l’Afrique. Il nous fait comprendre que les Africains doivent se battre pour leurs droits, comme dans la chanson « Demo-crazy ». On a comprit que c’était le gouvernement qui nous rendait fous. Le pays va de plus en plus mal. Les prix montent, les gens meurent de faim. On n’a pas d’électricité, le système éducatif est mauvais. Femi Kuti nous apprend à réfléchir et à lutter ». Une vieille dame renchérit : « C’est dur. Les salaires ne sont pas payés, les retraites non plus. Les choses ne sont pas douces. Mais quand vous avez un endroit où vous poser, où vous pouvez tout oublier, passer un bon moment, je trouve ça formidable. Femi a fait beaucoup pour ces gens. Tout est cadré et organisé. A l’époque de Fela, c’était violent. Il y avait toujours des problèmes.»

« Un seul pays africain bien gouverné pourrait tout changer. Un seul dirigeant progressiste, honnête, suffirait », disait Fela Kuti. Son fils de reprendre : « si j’arrivais à mobiliser mon peuple, l’Afrique serait libérée ». Le film termine sur des vues du Nigeria, sur la pauvreté.

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Le combat de Femi Kuti aujourd’hui : « La justice, la vérité ». « Mon père est mort à cause de la vérité. Tout fils voudrait une revanche pour son père. » On attend avec impatience son prochain album qui doit sortir en 2008. Son jeune frère Seun Kuti se lance aussi dans la bagarre. Son album « Think Africa » est sortit en août 2007. Leur père, Fela, avait épousé ses vingt-sept danseuses. Inutile de préciser l’importance de sa descendance. Sa relève le sera sans doute aussi.