Discorde dans la majorité

Sarkozy énerve. Et la tendance ne s’arrête pas à la gauche. Outre les villepinistes, depuis le début critiques à l’égard du président, certains barons de l’UMP montent au créneau. Après la crise à propos des OGM, nouvelles tensions en perspective dans les rangs de la majorité.

L’UMP serait-il sur le point de voler en éclats ? Depuis l’accession de Sarkozy à la tête du parti de la droite parlementaire, de nombreuses voix critiques s’élèvent à son encontre. Dans son propre parti, sa propre majorité.

Dans un entretien à L’Express du 6 mai, c’est Hervé Gaymard, député UMP, qui a jugé « incroyable que des bureaux politiques du parti du Président se tiennent au palais de l’Élysée ». L’ancien ministre de l’Economie du gouvernement Raffarin s’est ensuite référé à De Gaulle, incarnation, selon lui, « de la liberté de l’esprit et de la liberté intérieure». rapportgaymard_500.jpgAjoutant qu’il avait « toujours opéré une distinction nette entre les sphères publique et privée ». Première attaque !
Plus loin, le député de Savoie rappelle que le général De Gaulle « opérait une séparation claire entre le chef de l’Etat et, comme il disait, « l’armée de ceux qui le soutiennent ». Que des bureaux politiques de l’UMP se tiennent aujourd’hui au palais de l’Elysée me paraît incroyable». Deuxième attaque. Une dérive partisane de Sarkozy que Gaymard partage avec Julien Dray, porte-parole du PS. «Ces propos traduisent une dérive préoccupante de celui qui devrait être le premier des Français, au-dessus des contingences partisanes et des intérêts personnels », dénonce-t-il. Critiquant également la transformation de l’Elysée en «local de l’UMP».

«Le parti n’est pas à la hauteur»

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Cette armée, indéfectible, commence justement à montrer des signes de méfiance. Le 11 mai, dans une interview accordée au Parisien Dimanche, c’est le maire de Nice et proche du chef de l’Etat Christian Estrosi qui s’est exprimé sans ménager l’organisation actuelle de l’UMP : «elle tarde à porter ses fruits. Les députés se battent pour défendre avec ferveur les convictions de ceux qui les ont élus. En revanche, le parti, lui, n’est pas à la hauteur.»

Le parti ou son utilisation par le président ? Car cette réorganisation dont il parle, c’est l’arrivée dans l’organigramme de deux ministres, proches de l’Élysée, Xavier Bertrand et Nathalie Kosiuscko-Morizet, faisant fi des militants. Un bel exemple de démocratie. Suite à la défaite aux municipales, Estrosi pointe ainsi l’échec de cette stratégie.

Copé refuse les « réformes toutes ficelées« 

COPPE_JeanFrancois_2_.jpgCe même 11 mai, sur Canal +, c’est Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale qui s’est attardé sur le manque de concertation des députés de la part du gouvernement. « On produit ensemble les réformes. On ne les prend pas toutes ficelées après le Conseil des ministres pour appuyer sur le bouton ‘oui’, ironise-t-il. D’ailleurs, à chaque fois qu’on n’est pas associé en amont, ça fait des couacs. »

Lors des dernières municipales, les urnes, et les sondages qui ont suivis, ont démontré que Nicolas Sarkozy s’était éloigné des Français. S’il s’éloigne de ses partisans, attention au risque, déjà présent, d’ultra-personnalisation du pouvoir.

Documentaire et chaînes publiques

Si un « genre » de l’audiovisuel français peut s’interroger sur les nouveaux dispositifs en matière de financement des télévisions publiques, c’est le documentaire.

Olivier Mille, président de la commission d’aide à la création télévision Procirep, rappelle «le secteur public finance une part importante de la fiction et de l’animation et la totalité du documentaire» [[ Ecran Total n° 678, oct 2007]] L’apport des chaînes publiques dans le documentaire s’élève à 99,8 millions d’euros en 2006, soit un taux de financement de l’ordre de 45,2% [[Chiffres CNC]]
Le budget d’un documentaire de 52 minutes destiné à une chaîne hertzienne coûte en moyenne 150 000 euros . Dans ce budget, plusieurs acteurs interviennent selon un scénario très précis.
Scénario qui met en lumière la dépendance du documentaire envers la manne des chaînes publiques.
Pour financer un documentaire, trois acteurs sont indispensables : un diffuseur (dans ce cas les chaînes publiques), un producteur, et l’Etat (via le Cosip/CNC, compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels) . Le Cosip, crée en 1986, est selon Didier Mauro, auteur de « Le documentaire, Cinéma et Télévision »[[ Le documentaire, Cinéma et télévision, éditions Dixit, Paris, 2003]] « le principal bailleur de fonds du documentaire » . Il est alimenté par une taxe sur la redevance et les recettes publicitaires des chaînes publiques et privées ainsi que sur les abonnements.

Un scénario précis

Lorsque qu’un documentariste a un projet destiné à être diffusé à la télévision, il peut espérer obtenir des aides à l’écriture via le CNC Centre National de la Cinématographie, la SCAM Société Civile des Auteurs Multimédias, les régions … .
Une fois ces aides obtenues (ou non, les dossiers sont nombreux), il doit trouver une société de production prête à s’investir afin de réunir les moyens nécessaires à la réalisation du film. Le producteur prépare alors avec l’auteur le dossier de présentation du projet .
Ce dossier est proposé aux chaînes de télévision en vue d’établir un contrat de diffusion ou de coproduction. Il sert ensuite à demander des financements aux institutions (Cosip, Procirep…). Le projet n’est éligible qu’une fois contractualisées les relations entre la société de production et la chaîne de télévision .
Les démarches visant à rechercher des financements complémentaires (aides de l’Union européenne, des collectivités territoriales, des ministères et musées, instituts de recherche, prévente de droits de diffusion etc.) ne seront elles déclenchées, qu’une fois établis les rapports entre le Cosip et la société de production.

Les règles du scénario

Les règles qui régissent ce scénario sont nombreuses . Elles portent sur le statut de l’œuvre audiovisuelle, sa définition, sa production, sa diffusion (les chaînes publiques ont une obligation de diffusion de 40 % d’oeuvres françaises et 60 % d’œuvres européennes). Certaines de ces règles sont aujourd’hui remises en question.
La commission Copé sur la « nouvelle télévision publique » a pour but de réfléchir à quatre grandes thématiques : le financement, les nouvelles technologies, la définition du futur contrat de service public et enfin la gouvernance d’entreprise, c’est-à-dire les rapports entre France Télévision et l’Etat. Une façon de mettre en route «l’une des plus grandes réformes accomplies» durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sauf que la réforme de l’audiovisuel était, bien avant ces effets d’annonces, déjà en chemin.
En octobre dernier, le gouvernement reculait sur la procédure d’adoption du décret visant au renforcement des obligations d’investissement des diffuseurs dans les œuvres audiovisuelles. Ce décret, voté par le Parlement, précisait la notion d’oeuvre et le pourcentage des quotas leur revenant.
A peu près au même moment, Christine Albanel confiait une mission de concertation à David Kessler et Dominique Richard ayant pour but de réfléchir à l’évolution des décrets Tasca, au motif qu’ils seraient désormais inadaptés «à l’ère du numérique ». Décrets qui contraignent les chaînes à investir 16% de leur chiffre d’affaire dans la production audiovisuelle .
Ces discussions ont contribué à augmenter les tensions entre producteurs et diffuseurs.
Désaccords vites aplanis après l’intervention du 8 janvier de Nicolas Sarkozy . Muriel Roze, directrice des magazines et documentaires sur FR3, a résumé l’état actuel des choses, en commentant le projet de suppression de la publicité sur les chaînes publiques « Les producteurs sont forcément un peu inquiets, c’est évident, leur sort est très largement lié au nôtre ».

Quels scénarios pour la création audiovisuelle ?

Suite à l’annonce de Nicolas Sarkozy relative à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, les appréhensions des professionnels de la création sont nombreuses.



« Nous sommes inquiets » confiait Jacques Peskine, délégué général de l’union syndicale des producteurs audiovisuels (USPA), lors du festival international des programmes audiovisuels (FIPA) à Biarritz.
Un sentiment que la création de la commission instituée par Nicolas Sarkozy pour réfléchir à un nouvel audiovisuel public, n’est pas parvenue à éliminer. Jean-François Copé, son président, a été apostrophé le 20 février dernier sur France inter, au sujet des effets collatéraux de cette annonce. L’auditeur : un scénariste de téléfilm, lui précise «sachez que nous les créateurs, ressentons déjà les conséquences de cette déclaration (fuite de certains annonceurs). Dans quelle mesure pouvez-vous nous garantir la pérennité du financement ?». Dans sa réponse, Jean-François Copé s’est reporté aux propos de Nicolas Sarkozy selon lesquels il y aurait une compensation à l’euro près des pertes liées à la suppression de la publicité . «Une promesse qui n’engage que ceux qui y croient» commente le même jour à la radio Catherine Tasca, ancienne ministre de la culture et de la communication «nous connaissons l’état actuel des finances publiques, je ne crois pas un instant en la capacité d’installer durablement un volume équivalent».

La popularité de Nicolas Sarkozy est en berne. Les français semblent plus confiants en l’action de son premier ministre. C’est d’ailleurs à lui qu’a été adressé, le 23 janvier dernier, un courrier commun des organisations de l’audiovisuel et du cinéma.
Dans cette lettre, les auteurs admettent que « la philosophie (du projet de suppression) pourrait aller dans le bon sens » mais soulignent « le flou » des contours sur la compensation des ressources. Ils ajoutent « le service public joue un rôle essentiel dans la diversité et le dynamisme de la production française de fiction, de documentaire, d’animation et de spectacles vivants. Nous nous trouvons donc à un instant décisif de l’avenir de France Télévision et de la création audiovisuelle française ».

Qu’est-ce que cela signifie ?

Qu’en est-il des mécanismes qui rendent la création directement dépendante de la télévision publique ? Quel est le quotidien des professionnels de la création audiovisuelle ? Que pensent les spectateurs de cette réforme ? Qu’en pensent certains spécialistes ?

Une série d’articles pour répondre à ces questions

Les premiers, à travers l’exemple du documentaire, s’attacheront à présenter les étapes à suivre pour le financement de ce « genre » particulier (Documentaire et chaînes publiques) ainsi que le quotidien des acteurs stratégiques du film documentaire (Le documentariste, le producteur et le réalisateur).
Puis, une interrogation sur l’exception culturelle française servira d’introduction aux articles consacrés aux attentes du public (Télévision Publique, qu’en pense le public ?) ainsi qu’à celles de spécialistes ayant réfléchi dans leurs travaux à la télévision (Une autre télévision est possible, oui mais laquelle ?).