Espéré et annoncé, le « oui » envahit Mayotte

La consultation sur le changement du statut de l’île s’est tenue ce dimanche 29 mars 2009. Le oui a déferlé dans les urnes. Un nouveau département français se prépare. Une fête aussi.
Ballade à Acoua, petite commune de 4622 habitants du nord de l’île.

Pas d’agitation. Devant la mairie d’Acoua, quelques dizaines de Mahorais attendent. Les résultats ne tomberont pas avant deux bonnes heures. Le dépouillement a commencé. 57,66% de participants. Sur le tableau blanc, la colonne de « oui » déborde, celle réservée au « non » peine à se remplir, les votes blancs se comptent sur les doigts d’une main. L’ambiance est détendue, on parie sur le contenu des enveloppes violettes. Les « non » sonnent comme des fausses notes.

« Nous sommes prêts »

M. Koutoubou Abal-Hassani, le maire UMP de la commune, arbore un large sourire. Satisfait et confiant, il explique « On a besoin de changement, dans tous les domaines. Des infrastructures en passant par le développement. Nous n’avons pas peur des bouleversements qui vont suivre. Nous ne sommes pas encore conscients de ce qui nous attend mais nous sommes prêts ».

Le combat de la « beauté »

À l’extérieur du bâtiment, certains se pressent contre les fenêtres, tentent d’apercevoir les tendances du dépouillement. Daniel Naoioui, 26 ans, qui travaille sur l’île de la Réunion a voté oui. Il nous parle de la « galère » des Mahorais. Manque de moyens et problèmes d’alcool. Il se dit « tranquille ». « Si le oui l’emporte, tant mieux, sinon la situation restera la même. Nous y sommes habitués ». Maoulana el-Mainchawi, étudiant en BEP de 19 ans, est très enthousiaste. Pour lui, c’est un «combat pour la beauté ». « La beauté, des routes, des bâtiments, des voitures... » Son rêve ? Voir rouler des 407 sur les routes mahoraises. Mais cela ne va pas sans des améliorations sociales. Il nous explique les difficultés que traversent ses parents, le barrage d’une langue qu’il n’est pas sûr lui-même de maîtriser. « La finalité c’est de nous donner les moyens de vouloir s’intégrer ».

Contradictions comoriennes ?

Sur toutes les lèvres, l’attente qui dure, « depuis cinquante ans ».
Daniel Naoioui soulève une autre facette de ce changement de statut, les relations avec les Comores. Beaucoup de Comoriens tentent en effet de gagner l’île française. Mais les Comores conservent un discours unitaire, l’île aurait été illégalement récupérée par la France. Pour l’ONU d’ailleurs, Mayotte est comorienne. Daniel relève dans cette position une forte contradiction. « Pourquoi venir en masse à Mayotte, et rejeter politiquement la France qui la fait vivre ? »

Espéré et annoncé, le « oui » envahit Mayotte

La consultation sur le changement du statut de l’île s’est tenue ce dimanche 29 mars 2009. Le oui a déferlé dans les urnes. Un nouveau département français se prépare. Une fête aussi.
Ballade à Acoua, petite commune de 4622 habitants du nord de l’île.

Pas d’agitation. Devant la mairie d’Acoua, quelques dizaines de Mahorais attendent. Les résultats ne tomberont pas avant deux bonnes heures. Le dépouillement a commencé. 57,66% de participants. Sur le tableau blanc, la colonne de « oui » déborde, celle réservée au « non » peine à se remplir, les votes blancs se comptent sur les doigts d’une main. L’ambiance est détendue, on parie sur le contenu des enveloppes violettes. Les « non » sonnent comme des fausses notes.

« Nous sommes prêts »

M. Koutoubou Abal-Hassani, le maire UMP de la commune, arbore un large sourire. Satisfait et confiant, il explique « On a besoin de changement, dans tous les domaines. Des infrastructures en passant par le développement. Nous n’avons pas peur des bouleversements qui vont suivre. Nous ne sommes pas encore conscients de ce qui nous attend mais nous sommes prêts ».

Le combat de la « beauté »

À l’extérieur du bâtiment, certains se pressent contre les fenêtres, tentent d’apercevoir les tendances du dépouillement. Daniel Naoioui, 26 ans, qui travaille sur l’île de la Réunion a voté oui. Il nous parle de la « galère » des Mahorais. Manque de moyens et problèmes d’alcool. Il se dit « tranquille ». « Si le oui l’emporte, tant mieux, sinon la situation restera la même. Nous y sommes habitués ». Maoulana el-Mainchawi, étudiant en BEP de 19 ans, est très enthousiaste. Pour lui, c’est un «combat pour la beauté ». « La beauté, des routes, des bâtiments, des voitures... » Son rêve ? Voir rouler des 407 sur les routes mahoraises. Mais cela ne va pas sans des améliorations sociales. Il nous explique les difficultés que traversent ses parents, le barrage d’une langue qu’il n’est pas sûr lui-même de maîtriser. « La finalité c’est de nous donner les moyens de vouloir s’intégrer ».

Contradictions comoriennes ?

Sur toutes les lèvres, l’attente qui dure, « depuis cinquante ans ».
Daniel Naoioui soulève une autre facette de ce changement de statut, les relations avec les Comores. Beaucoup de Comoriens tentent en effet de gagner l’île française. Mais les Comores conservent un discours unitaire, l’île aurait été illégalement récupérée par la France. Pour l’ONU d’ailleurs, Mayotte est comorienne. Daniel relève dans cette position une forte contradiction. « Pourquoi venir en masse à Mayotte, et rejeter politiquement la France qui la fait vivre ? »

Un aller simple pour Maoré

Le documentaire d’Agnès Fouilleux s’attaque à un sujet brûlant et tabou en France. Les relations entre Mayotte et les Comores décortiquées sous le prisme du néo-colonialisme.

Mercredi soir à 19h30, le cinéma Diagonal est déjà noir de monde.
Le public est venu nombreux pour assister à la projection du documentaire d’Agnès Fouilleux, Un aller simple pour Maoré .
Les associations Cimad et Survie sont aussi au rendez-vous et ont installé leur stand dans le hall d’entrée. La Cimad a pour vocation d’aider les migrants en situation irrégulière et l’association Survie milite « pour un assainissement des relations France-Afrique ». Quelques bénévoles sont là ce soir pour participer au débat qui aura lieu après le documentaire, en compagnie de la réalisatrice. En attendant, ils proposent au public différentes lectures sur les Comores et Mayotte (collectivité d’Outre-mer française), pour mieux comprendre les enjeux politiques dans cet archipel.

Le documentaire d’Agnès Fouilleux est percutant. De très belles images, parfois un peu bancales, sont ponctuées par des musiques comoriennes qui traduisent la souffrance d’un peuple.
Pour quelqu’un qui ne connaît rien à l’histoire des Comores et de Mayotte, le documentaire est parfois un peu abscons. Mais on comprend que les Comoriens, étouffés par une pauvreté absolue, immigrent par milliers vers Mayotte dans l’espoir d’une vie meilleure. Très souvent, leurs rêves de bonheur disparaîssent au cours du voyage. Les « clandestins » montent à bord des Kwassa kwassa (« ça balance, ça balance »), vieux bateaux à moteurs dans lesquels ils s’entassent. Régulièrement, le bateau chavire et la mer engloutit des passagers. Il y a tellement de morts chaque année, qui tentent de rejoindre l’île de Maoré (Mayotte), que les médias français ont fini par en parler. Mais sans jamais expliquer la raison de cette immigration massive et sans relater la répression violente que les autorités françaises leur font subir.

D’ailleurs Agnès Fouilleux l’explique:
« Je suis partie du constat de l’immigration clandestine meurtrière. C’était tellement mal expliqué dans les médias. Ca devenait un non-sens! J’ai eu envie d’expliquer tout le contexte autour de ça »
Son documentaire, tourné en 2005, décortique en effet les manigances de la France pour conserver Mayotte, ainsi que leurs conséquences désastreuses sur l’économie comorienne.
Lorsque les Comores deviennent indépendants en 1972, la France s’approprie l’île de Mayotte, violant ainsi le droit International.
C’est un sujet compliqué et épineux, que le documentaire s’attache à rendre intelligible, même si l’on regrette parfois l’insuffisance de sources.

Le documentaire d’Agnès Fouilleux est tout de même une perle rare. En effet, vous trouverez très peu, en France, d’analyses critiques des relations entre les Comores et Mayotte et de l’implication de la France. C’est un sujet sensible. Elle filme la réalité des rafles de clandestins à Maoré, de l’injustice de leur condition, du néo-colonialisme de la France.
Dans le générique du documentaire, Agnès Fouilleux précise « ce film a été réalisé sans le soutien du CNC (Centre National de la Cinématographie) et sans le soutien de la Région Rhône Alpes ».
Pourquoi?
 » Pour que le CNC finance un projet de film, il faut qu’une chaîne de télévision accepte de le diffuser. J’ai proposé mon documentaire à toutes les chaînes de télé possibles, on m’a répondu: le sujet est trop politique, les gens ne vont pas comprendre! »

Il est certain que lorsqu’on sort de la projection d’Un aller simple pour Maoré, « on n’a pas envie de dire: Vive la France! « , s’exclame un spectateur.