Darcos : Le vilain petit canard de Périgueux

Périgueux, préfecture de la Dordogne. Dans un département où le foie gras est roi, le vilain petit canard du gouvernement s’appelle Xavier Darcos. Le maire sortant et ministre de l’éducation nationale perd près de 15 points par rapport à 2001. Arrivé second avec 45,25% contre 45,70% pour son adversaire socialiste, le candidat UMP est le seul ministre candidat en ballottage difficile dans un fief qui semblait gagné d’avance.

Ils étaient 23 membres du gouvernement à affronter la légitimité des urnes lors de ces élections municipales et cantonales. Seule une poignée a subi de plein fouet la victoire hexagonale de la gauche. Parmi eux, le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, maire sortant de Périgueux. A égalité -44 voix d’écart- avec le candidat socialiste qu’il avait nettement battu en 2001, le natif de Limoges risque gros.

La permanence de l’UMP fermée le soir du premier tour

A 60 ans, Xavier Darcos pouvait compter pourtant sur une liste d’union avec le Modem. Il doit cette alliance d’avant premier tour à son amitié avec François Bayrou dont il fut chef de cabinet au ministère de l’éducation nationale en 1994, avant de devenir le conseiller à l’éducation d’Alain Juppé, alors premier ministre. Mais les 6% de la liste dissidente Modem seront les véritables arbitres du second tour. La droite périgourdine vacille. Depuis 1971 et l’élection du gaulliste Yves Guéna à l’hôtel de ville, jamais Périgueux n’a connu un premier magistrat socialiste. « Une petite révolution est en cours. Depuis quarante ans, Périgueux a toujours élu un maire de droite, la semaine prochaine la gauche a de vraies chances de l’emporter » disent les opposants au ministre. Preuve de la fébrilité de l’UMP dans la préfecture périgourdine, dimanche soir, la permanence du parti présidentiel était fermée alors que Darcos préférait rester enfermé dans son bureau de la mairie.
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Pour l’UMP, qui tente de minimiser le caractère national de cette échéance, les ministres battus pourront rester en poste. « Si vous dites qu’à chaque fois, ils ne peuvent pas rester, il n’y aura plus aucun ministre qui voudra se présenter aux élections, ce qui est quand même embêtant dans une démocratie » justifiait Patrick Devedjan, secrétaire général de l’UMP, quelques jours avant le premier tour. Mais ces ministres en situation périlleuse ne sont pas légions. Et un léger remaniement ministériel n’est plus à exclure. Une défaite à Périgueux de Xavier Darcos résonnerait comme une claque importante dans une ville qui vote généralement à droite aux scrutins locaux.

Sarkozy fait campagne, une stratégie sans succès

Le cas Darcos met également en exergue la particularité de la capitale de la Dordogne. Depuis 1995, les Pétrocoriens alternent un vote à gauche aux échéances nationales avec un vote local à droite. L’inverse de la tendance française sur la même période. En 2007, Ségolène Royal y avait largement devancé Nicolas Sarkozy (56,45 % pour la candidate socialiste) avant que Pascal Deguilhem, candidat PS, ne soit élu député en juin. C’est dans cet anti-sarkozysme que réside la potentielle défaite de Darcos. Ministre en vue du gouvernement sur des sujets sensibles (mémoire d’un enfant de la Shoah, réforme de la carte scolaire), Darcos est l’un des rares maires à avoir accueilli le président de la République au cours de sa campagne.
Une stratégie visiblement sans succès.

La girouette PS et le vent du Modem

Le vent tourne, la tête du PS aussi. Les alliances et discussions de l’entre-deux tours des élections municipales 2008 révèlent les contradictions idéologiques qui minent un parti socialiste, pourtant gagnant du scrutin.

Débat stratégique au PS

La contradiction la plus flagrante est l’œuvre de l’ancien couple socialiste le plus célèbre, Ségolène Royal – François Hollande. Dès le soir du 1er tour, dimanche 9 mars, la candidate à l’élection présidentielle s’est exprimée en faveur d’alliances avec le Modem. « La gauche doit s’allier partout avec le MoDem » a-t-elle déclaré devant les caméras et les militants. Le lendemain, le premier secrétaire du PS jusqu’en novembre a tenu à nuancer ces propos : « Il ne peut pas y avoir de discussions nationales (ndlr : avec le Modem) ». Se joue donc la future orientation idéologique du PS. Les pontes du parti tardent à prendre position. Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon qui négocie son retour au PS et vise un strapontin sénatorial, a fait son choix : « Comme Ségolène Royal l’a déclaré dès dimanche soir, j’appelle moi aussi, pour ce second tour, à l’union avec le MODEM dans toutes les villes et dans tous les cantons de notre région afin d’amplifier le mouvement du premier tour. Avant d’enchaîner, Il faut poursuivre dans cette voie dimanche prochain car se joue, sous nos yeux, le laboratoire d’une prochaine majorité de gouvernement. »
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Ce débat au sujet de la drague du Modem met en exergue, plus que jamais, la problématique du prochain congrès : l’aggiornamento, la rénovation, certes, mais vers quel côté ? Vers le centre, donc vers Bayrou comme le souhaite la frange la plus « libérale » économiquement du PS ? Ou bien vers la gauche, le PCF, les Verts et la gauche anti-capitaliste ?

Des alliances contradictoires

Ainsi la stratégie d’alliance dépend étroitement du bon vouloir du Modem. A Périgueux, le Modem s’est allié pré-premier tour à la liste UMP du très sarkozyste Xavier Darcos, ami personnel de François Bayrou. Il en va de même à Bordeaux où Alain Juppé a été élu dès le premier tour avec le soutien des centristes. Cette position « normande », « ptet ben à droite, ptet ben à gauche », de Bayrou énerve coté socialiste. François Hollande raille cette indécision : « il y a autant de positions du modem que de villes en France ». Les négociations hétérogènes menées au cas par cas, ville par ville, donne un reflet parfait de la problématique socialiste.

Quelques exemples caractéristiques:

A Paris, la liste de Bertrand Delanoë, qui comprenait des communistes, a rapidement décidé de récompenser « la fidélité » des Verts mais a catégoriquement réfuté toute fusion de liste avec le Modem parisien de Marielle de Sarnez. Une option vers la gauche. Le Modem sera de la triangulaire.

Montpellier, géographiquement diamétralement opposée à la capitale, stratégiquement aussi. C’est à la tête d’une liste d’union avec le Modem qu’Hélène Mandroux est arrivée en tête du premier tour avec 47,11%. Situation exceptionnelle, du coup, ce sont les Verts, forts de 11%, qui partiront seuls au second tour, faute d’un accord avec le PS. Un échec des négociations que le parti écologiste attribue à Frêche, confirmant l’orientation « ségoléniste » du PS local : « tout était scellé d’avance : les responsables locaux du parti socialiste ne voulaient pas d’accord. Nous avons appris depuis que c’est Georges Frêche en personne qui a plaidé notre exclusion devant le conseil fédéral du PS hier soir. Le PS obéit à ses exclus » peut-on lire sur le site des Verts montpelliérains.

Autre schéma qui se retrouve fréquemment : une liste PS/PC affronte au second tour une liste Modem/UMP. C’est le cas dans le très symbolique département de la Seine-Saint-Denis. A Noisy-le-Sec, la liste socialiste menée par Elisabeth Guigou a fusionné avec la liste PC et sera confrontée dimanche prochain à une liste UMP/Modem.

La victoire de la gauche lors de ces municipales ne devra pas occulter la rénovation annoncée du parti. Cette nouvelle échéance électorale aura néanmoins permis de confronter le Parti socialiste aux différents courants qui le tiraillent. D’ici novembre et le congrès du PS, le vent peut tourner. Reste à savoir vers quel horizon les divers courants auront emporté le bateau socialiste.

Papy fait de la résistance

« Les Françaises et les Français ont majoritairement apporté leurs suffrages sur les candidats de gauche et sur les élu-es et candidat-es communistes qui font de notre Parti la troisième force politique de notre pays ». Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, peut se réjouir de ce 9 mars 2008. Le principal apprentissage de ce premier tour des municipales ne réside pas dans la défaite attendue de la droite ni dans la victoire, moins large qu’espérée, du PS mais dans les bons scores du parti communiste.

Le PCF jouait sa survie dans ce scrutin. Au lendemain du premier tour, il est toujours présent et bien vivant. Troisième formation politique du pays, le parti communiste devance le Modem, sensé être le grand arbitre du scrutin, et démontre une fois de plus l’importance de son assise locale. Des bastions perdus en 2001 sont reconquis (Dieppe par exemple), d’autres, lorgnés par le PS, ont été ou sont en passe d’être conservés.
La secrétaire nationale du PCF s’exprime le soir du premier tour
Ces résultats posent une question fondamentale à la gauche française et notamment au parti socialiste. De quel côté doit il tourner son regard ? Vers le centre et le Modem comme l’a fait Ségolène Royal, réitérant ses appels du pied à François Bayrou ? Ou vers un PCF revigoré par une audience sensiblement accrue par rapport aux scrutins de 2007 ?

La stratégie socialiste était pourtant simple : en finir avec l’assistanat de leur voisin de gauche, en finir avec ce qui leur paraissait être de l’acharnement thérapeutique. Ainsi de nombreuses listes dissidentes PS entraient en concurrence avec des listes PCF dès le premier tour dans 7 des 13 municipalités de Seine Saint Denis, historique « banlieue rouge ». La Courneuve et Bagnolet, villes symboliques tant l’assise et la tradition « rouge » y sont fortes, ont confirmé la résistance communiste. La bataille sera rude pour la présidence du département de Seine-Saint-Denis, communiste depuis sa création en 1967, qu’entend ravir le socialiste Claude Bartolone. Les citoyens ont préféré faire confiance aux équipes communistes sortantes qu’aux nouveaux venus socialistes. Un aveu de confiance et de fidélité au PCF autant qu’un avertissement à un PS « embourgeoisé » (Laurent Joffrin) qui réussit ses meilleurs scores grâce à l’électorat « bobo » des centres-villes.
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Mais la résistance est nationale. A Vénissieux, à Martigues, à Arles, à Vierzon ou à Dieppe …, les équipes communistes sont élues dès le 1er tour ou en ballottage très favorable en vue du second. Fort d’une légitimité démocratique retrouvée, le PCF met en garde le PS : « les alliances avec le Modem sont contre-nature » explique un dirigeant du parti.
Pendant que l’UMP et le PS vont se battre les faveurs de François Bayrou, le « vieillissant » parti communiste français résiste et entend bien démontrer que la gauche française doit encore compter sur lui. Un argument de poids en cas de fondation, à l’italienne, d’un nouveau parti à gauche auquel les communistes pourraient participer.