Second tour de l’élection présidentielle chilienne : vers la victoire de la droite

A quelques jours du second tour de l’élection présidentielle chilienne qui se tiendra le 17 janvier prochain, Hautcourant a donné la parole à deux étudiants chiliens qui font leurs études en France. Ils partagent leur vision de l’élection et, au delà, de l’avenir de leur pays. Tous deux craignent l’arrivée au pouvoir de Sebastian Piñera : le Berlusconi chilien.

Le Berlusconi chilien. C’est ainsi que la gauche qualifie Sebastian Piñera, le candidat de la « Rénovation nationale » (centre-droit) en liste pour le second tour de l’élection présidentielle chilienne qui se tiendra le 17 janvier prochain. Il affrontera le leader de la concertation (coalition de centre-gauche au pouvoir depuis 1989 et la chute de la dictature d’Augusto Pinochet), Eduardo Frei, membre du parti démocrate chrétien. Pour la première fois en 20 ans, la droite semble en position de l’emporter. En effet, Eduardo Frei est donné perdant dans la plupart des sondages). Hautcourant a donné la parole à deux étudiants chiliens de France. S’ils n’ont que peu ou pas connu la dictature de Pinochet, ils suivent avec attention, l’évolution de leur pays.

Elisa, étudiante à Toulouse : « Le gouvernement Piñera sera loin de changer l’inclinaison néolibérale du Chili »

L’élection de Sébastian Piñera aurait un coté très positif : le renouvellement de la sphère politique chilienne qui n’a pas changé depuis de l’arrivée de la démocratie, c’est-à-dire depuis 20 ans. Par contre, ma crainte réside dans l’énorme pouvoir que détiendrait cet homme. Propriétaire de grandes entreprises, d’une chaine de télévision, d’un club de foot, il est un mélange parfait entre Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi. Par exemple, Piñera envisage de faire venir des membres de l’opposition dans son nouveau gouvernement.

Les politiques qu’il prône, et notamment le libéralisme économique, ne feront que perpétuer l’héritage de Pinochet. C’est-à-dire, celui d’un système privé élitiste qui donne l’accès aux richesses à ceux qui en ont déjà les moyens. Le Chili est encore l’un des pays où les inégalités économiques sont les plus importantes du monde.

En clair, le gouvernement de Piñera serait loin de changer la direction néolibérale du Chili. Il privilégierait la flexibilisation du marché du travail en éliminant le salaire minimum avec l’argument fallacieux de combattre le chômage. Il libéraliserait également tous les marchés possibles et imaginables en soutenant que si quelques uns sont plus riches, cela profitera à tous. C’est pour cela que l’instauration d’un système d’éducation et de santé accessibles à tous, sont peu envisageables à court terme.

C’est la grande limite du système politique chilien. Il est fait de petits partis qui coalisent et ne font que des petites réformes d’un pays encore loin de changer en profondeur.

Felipe, étudiant à Paris : « Eduardo Frei ne fait pas trop rêver non plus »

Je suis assez désabusé par les deux candidats présents au second tour. Piñera est une sorte de Berlusconi chilien. Il est néolibéral, veut remettre en cause les petits progrès obtenus par le centre-gauche. Quand à Eduardo Frei, il ne fait pas trop rêver non plus. Il a déjà été président de la République (de 1994 à 2000) et n’incarne donc pas trop le changement. Le parti démocrate chrétien a eu une position ambiguë au moment du coup d’état de Pinochet. Ils n’ont pas trop rejeté le coup d’état car ils souhaitaient que l’on revienne sur les réformes « trop sociales » mises en place par Salvador Allende. Cela résume assez bien la position toujours timorée de ce parti dans l’histoire du pays.

Je reste quand même assez optimiste pour le Chili. Michelle Bachelet a su mettre en place des réformes positives sans aller assez en profondeur. Mais, le seul fait qu’une femme l’emporte dans un pays très machiste constitue un énorme progrès. On dit qu’elle pourrait se représenter aux prochaines élections (Au Chili, les candidats ne peuvent pas effectuer deux mandats d’affilé). Elle rebattrait alors la droite de Sebastian Piñera.

Nu jazzman à Montpellier: rencontre avec Vittorio Silvestri

Guitariste confirmé, qui combine l’interprétation et la composition, avec les cours à l’école Jam de Montpellier, le jazzman italien, qui a partagé la scène avec de grands noms comme Monty Alexander, Art Ensemble of Chicago ou Eliane Elias, nous reçoit pour dévoiler le parcours d’une vie marquée par ce style.

Le swing manouche nous fait battre des pieds lorsque Vittorio joue en rejoignant Gipsy Jazz Sessions qui joue tous les dimanche à la Pleine Lune. Avec le guitariste Claudio Della Corte, ils enchaînent des dialogues de thèmes, des rythmiques à vitesse d’enfer, et même des jeux insolites de percussions avec les guitares. Loin des apparences et malgré l’aisance dans le swing, comme dans le rag, ou la musique classique, c’est le jazz moderne que ce musicien cultive avec soin.

photopress.jpgHaut Courant : Vous jouez à présent dans plusieurs formations différentes : Florence Fourcade Quartet. Harpiswing , Jan van Nailtwijick Trio(formations à base de violon, harpe et trompette respectivement) et vous avez déjà une dense discographie. A quel moment avez-vous été attiré par le jazz ?

Vittorio Silvestri : Avec un père contrebassiste, j’ai été lié à la musique depuis mon plus jeune âge. J’aimais bien le rock, surtout celui des années 70 mais j’ai toujours été plus attaché au travail jazz à la guitare. J’ai découvert aussi avec Claudio (Della Torre). Il y a 27 ans, à l’adolescence nous avions que la voiture, les guitares et une grande envie de tourner. On a créé un groupe, un duo de guitare-jazz. On a nommé le groupe « Duodeno ». C’était une musique très viscérale…

Le Nu Jazz c’est donc votre genre de prédilection pour l’écriture? Pourriez-vous nous décrire le style en quelques mots ?

On l’appelle comme ça, c’est le jazz moderne, donc « new », un peu « intello » (rires). Oui, c’est dans ce style que je fais mes compositions. Il a une influence new-yorkaise. D’ailleurs, le jazz italien est bien plus marqué par le style américain que le jazz français. Cela date déjà dès l’arrivé des américains à la fin de la seconde Guerre Mondiale. Ensuite, en France, il y a eu des standards comme Django Reinhardt, Michel Legrain ou Sydney Bechet, qui ont eu une importante influence. En Italie, on s’inspire directement des États-Unis. Il faut dire que le niveau du jazz italien est très élevé et concurrentiel.

Il y a des nombreux jazzmen italiens installés en France, l’un des plus connus, Paolo Conte

Oui, parce qu’il y a beaucoup de « Paolos Conte » en Italie compte tenu du niveau. Il est difficile de se distinguer. Cependant, lorsqu’ils sont connus en France, ils sont souvent connus partout à l’étranger. Il y a également une avantage pratique pour venir en France, le statut du musicien est quand même moins précaire.

Comment trouvez-vous la scène musicale montpelliéraine ?

Pour une ville de cette taille, il y a une offre largement suffisante en termes générales. À ceci s’ajoute les écoles de musique et les stages disponibles. Par contre, comme dans toute ville étudiante, le jazz n’a pas une place très importante : un peu la dernière roue du carrosse. C’est dommage. Il est très difficile pour les élèves de trouver une salle pour faire des concerts. Même le Jam ne peut pas se permettre de passer que du jazz. Par contre, Montpellier est un peu le carrefour du Sud pour les rencontres musicales des musiciens confirmés, entre Nîmes, Toulouse, Nice…

De nous jours, on note quand même un certain engouement pour le manouche. De bons moments à venir pour le jazz ?

Le jazz manouche connait aujourd’hui une montée comme d’autres musiques « du monde ». Le jazz de façon générale est néanmoins dans une logique particulière : il est toujours resté parallèle à la musique commerciale. Dans le commerce, le rayon jazz est presque aussi important que tous les autres genres réunis, et il a toujours autant ou plus de succès. Ses amateurs sont aussi des nostalgiques du support, surtout de la pochette du vinyle. C’est un genre qui résiste, et fait de bonnes ventes.

Lorsque l’on écoute ce type de musique on dirait que l’inspiration, la créativité, est à la base. Or une maîtrise technique, de nature donc disciplinaire est évidente. Y a-t-il un conflit entre ces deux éléments ?

C’est la passion qui compte, même si ça fait cliché de le dire, il faut que cela vienne d’une introspection : D’abord se passionner, avoir un rapport à l’instrument, au style, en écoutant les autres, et ensuite faire interagir cet esprit créatif avec les connaissances théoriques qui sont aussi très importantes. Ceci dit, je préfère écouter un mauvais guitariste, avec de grandes qualités musicales, donc un bon sens de la mélodie, de l’esthétique, qu’écouter quelqu’un qui maîtrise la technique mais qui n’a pas ces qualités.

Quels projets avez-vous pour l’avenir ?

Nous préparons une nouvelle formation, Silvestri Nu Jazz Quartet, ça va être un jazz dépouillé ! Avec Claudio nous travaillerons sur des compos sérieuses, mais sans sombrer dans l’intellectualisme. Ça nous est déjà arrivé de finir des concerts à jouer tous les deux sur la même guitare…

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