Insatisfaction présidentielle autour de la loi sur la rétention de sûreté

Malgré la polémique provoquée par son annonce, la loi sur la rétention de sûreté a été publiée, mardi 26 février, au Journal officiel.

Signée lundi par le président de la République après avoir été partiellement censurée par le Conseil Constitutionnel jeudi, la loi sur la rétention de sûreté a été promulguée mardi 26 février. Des lieux d’enfermement à vie pour les criminels jugés dangereux seront donc créés.
Cette loi relative à « la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental » compte 18 articles ainsi que la décision du Conseil constitutionnel.

Il est prévu l’ouverture de centres où les détenus les plus dangereux, auteurs de crimes avec circonstances aggravantes, pourront être enfermés à vie si ils sont toujours jugés dangereux au moment de l’expiration de leur peine de prison. Seuls sont concernés les criminels condamnés à 15 ans de prison et plus. Trois magistrats, réunis en commission, décideront le placement en rétention prévu pour un an et renouvelable indéfiniment.

Le Conseil Constitutionnel a refusé, jeudi, que la loi soit rétroactive. Saisie par les parlementaires socialistes, il a estimé que la rétention de sûreté « ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi » ou « pour des faits commis antérieurement » à cette publication. De ce fait, la loi ne produira ses premiers effets que dans quinze ans, puisqu’ elle concerne les détenus condamnés à 15 ans de prison minimum.

Cette décision n’a pas été du goût de Nicolas Sarkozy et l’a amené, vendredi, à demander au premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda, « de faire toutes les propositions » pour permettre « une application immédiate » de cette loi. Ce dernier « a accepté le principe d’une réflexion sur le problème de la récidive et de la protection des victimes mais il est bien évident qu’il n’est pas question de remettre en cause la décision du Conseil constitutionnel » a expliqué un chargé de mission de la Cour de cassation. Le chef de l’Etat lui a demandé, lundi, de lui adresser ses propositions dans les trois mois.
En plus du refus sur la rétroactivité, le Conseil Constitutionnel a pointé du doigt les soins apportés aux détenus. Il faudra vérifier que le condamné a pu bénéficié, pendant son incarcération, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont il souffre.

Dans un entretien au journal Le Parisien-Aujourd’hui en France, publié mardi 26 février, Nicolas Sarkozy a réaffirmé sa volonté de rendre la loi rétroactive pour ne pas risquer de placer les criminels dans une situation d’inégalité. « On aura donc deux catégories de serial-violeurs : celui qui sera libre parce qu’il a été condamné juste avant la loi, et celui qui n’aura pas le droit de sortir parce qu’il a été condamné juste après, affirme-t-il. J’aimerais qu’on ne mette pas ce principe de la rétroactivité au service des criminels les plus dangereux ».

Selon un sondage Ifop pour Le Figaro, 80% des personnes interrogées approuvent la loi sur la rétention de sûreté. 64 % d’entre elles estiment qu’« il faut appliquer dès maintenant la rétention de sûreté à ces personnes pour éviter qu’elles récidivent ».

Dans les cœurs et sur les murs, Zoka reste présent.

Un rassemblement devant le palais de justice a eu lieu ce samedi 9 février 2008 en hommage à Jonathan, alias Zoka. Ce graffeur Montpelliérain âgé de 24 ans, est mort le 9 février 2007 suite à une chute du toit du cinéma, Le diagonal Capitole. Il tentait d’échapper à la police.

« Poursuivi par la police, Jonathan Gicquel, est tombé. Il est décédé vendredi 9 février ». Voilà l’acte de décès paru dans Le Monde daté du mercredi 14 février 2007.
Un an après la mort de Zoka, une trentaine de personnes s’est réunie, rue de Verdun, devant le cinéma Le diagonal à Montpellier. Une marche les a conduits au palais de justice où un drap blanc avec l’inscription « Une enquête pour Jonathan », a été accroché aux grilles.
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Jonathan, alias Zoka, figure emblématique du graffiti à Montpellier reconnue par ses pairs, appartenait au Crew SMB. Dans la nuit, du 26 au 27 janvier 2007, avec trois amis, il pose son blaze à plusieurs reprises sur les murs de Montpellier. Il est une heure du matin. Soudain, Jonathan marque un temps d’arrêt. Ses copains ont à peine le temps de le voir escalader qu’il est déjà sur le toit du cinéma. Il est rejoint par un de ses amis, un autre fait le guet tandis que le dernier s’éclipse. Probablement repérés par des passants ou par une des caméras de surveillance de la ville, la police se rend sur place. Zoka dessine les contours des lettres SMB, son assistant les remplit de peinture verte. Mais la bombe de ce dernier se vide. Il doit redescendre. C’est à ce moment que la police intervient. Jonathan voit la scène, ses deux amis sont plaqués au sol puis menottés.

 http://zokasmb.free.fr/

La suite de l’histoire est floue. Déjà condamné à neuf mois de prison avec sursis et dix-huit mois de mise à l’épreuve, Zoka sait que cette fois, le risque d’être incarcéré est élevé, voire inévitable. Les policiers appellent les pompiers et à l’aide d’une échelle montent sur le toit. Ils ne trouveront personne.

« La police tue les artistes, qui sont les terroristes ? »

Le lendemain, vers 13h, Jonathan est retrouvé, inanimé et ensanglanté, sur le balcon d’un riverain du cinéma. Transporté à l’hôpital dans le coma, Zoka décédera douze jours plus tard, le 9 février 2007. Le rapport de police conclue à une « chute accidentelle ».
Depuis la mort de Jonathan, ses proches demandent l’ouverture d’une enquête notamment par l’IGPN. Amis et parents regrettent les zones d’ombre qui entourent les circonstances du drame. Des questions ne trouvent pas de réponses. Comment Jonathan a pu chuter ? Pourquoi a-t-il été découvert seulement onze heures plus tard ? «Ces heures-là lui ont été fatales. J’ai lu le rapport de police. Il n’y a que deux lignes et demi sur la partie qui concerne le toit. Il y avait deux équipages de la Bac sur place, pourquoi n’ont-ils pas plus cherché ? Beaucoup d’efforts avaient pourtant été déployés pour l’attraper. C’est un point contradictoire », estime le beau-père de la victime.

Quelques jours avant sa chute, Jonathan avait fait une toile « La police tue les artistes, qui sont les terroristes ? ».

« Un détenu en prison coûte six fois moins cher qu’un malade dans un hôpital psychiatrique »

Maurice Duval est maître de conférences en ethnologie à l’université Paul Valéry (Montpellier III) et ancien directeur du CERCE (Centre d’Etudes et de Recherches Comparatives en Ethnologie).

Maurice Duval est un universitaire engagé, « j’accepte les compromis sans accepter les compromissions » précise-t-il dès les premières minutes de l’entretien.
Après avoir travaillé sur les Gurunsi au Burkina Faso, cet ethnologue a suscité débats, polémiques et controverses lors de la sortie de son ouvrage intitulé Un ethnologue au Mandarom. Enquête à l’intérieur d’une secte (Paris, PUF, 2002), résultat de 4 ans de recherches et d’infiltration au sein de la communauté.
Durant un entretien réalisé à Montpellier, Maurice Duval développe sa pensée qui met en perspective, analyse et critique le traitement carcéral « du malaise social de notre société ». Il évoque une « fracture entre les dominés et les dominants avec entre les deux, les agents de l’Etat ». L’une des conséquences de cette division est « l’accroissement des inégalités que l’on retrouve notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé ou du travail ».
Image Sin city le film - Robert Rodriguez et Frank Miller - 2005

« Les dominés recherchent une reconnaissance sociale dans le matériel puisqu’ils n’ont rien d’autre »

Selon l’ethnologue, si les « dominants » jouissent d’une position sociale confortable qui leurs apporte reconnaissance et respect au sein de la société, à l’inverse « les dominés recherchent une reconnaissance sociale dans le matériel puisqu’ils n’ont rien d’autre ». L’universitaire prend pour exemple les banlieues « qu’il convient de nommer: zones socialement défavorisées ». La disparition du parti communiste et plus largement la dépolitisation de ces quartiers n’a pas été sans conséquence. « Le PC canalisait autant les espoirs que la colère. Il proposait des objectifs et des moyens de lutte. Aujourd’hui la pauvreté comme la révolte sont encore là, mais les banlieues ne sont plus rouges. ». Et pour Maurice Duval c’est là que le bat blesse. « On assiste davantage à une criminalisation de la pauvreté qu’à une prise en charge globale du malaise sociale que la société traverse. ». L’ethnologue poursuit, « le traitement carcéral produit les effets inverses à ceux souhaités, les prisons sont productrices d’effets pervers. ».

« Un détenu en prison coûte six fois moins cher qu’un malade dans un hôpital psychiatrique »

Edvard Munch - Le cri - 1893
Les établissements pénitentiaires entraînent chez les détenus une importante consommation de drogues « afin de tenter d’oublier la situation dans laquelle ils se trouvent » mais aussi, le développement « d’une anxiété et d’une haine vis-à-vis des institutions de l’Etat » explique Maurice Duval. Pour le chercheur, l’incarcération des malades psychiatriques est une autre illustration de l’absurdité et de l’inutilité des prisons. « Un détenu en prison coûte six fois moins cher qu’un malade dans un hôpital psychiatrique » avance l’universitaire, qui poursuit, « cela reflète d’une part l’abandon des aides sociales et psychologiques au profit d’un traitement, pénal, mais aussi une normalisation de la société. ».

« Le FN n’est pas passé, mais ses idées sont passées »

Maurice Duval fait alors référence aux thèses sociobiologiques de l’extrême droite aux Etats-Unis. « Ce courant de pensée s’oppose au déterminisme social, les individus sont par exemple délinquants ou Président par essence, ils naissent pour le devenir ». L’ethnologue marque un temps d’arrêt dans le développement de sa pensée puis énonce une dernière phrase, lentement, comme une mise en garde, « le Front national n’est pas passé, mais ses idées sont passées ».


Prisons : en attendant la mort.

PRISONS : en attendant la mort.

83 ans. C’est l’espérance de vie moyenne d’un homme en France. De 1900 à 2000, elle est passée de 40 à 78 ans. Et les conséquences sont multiples. Souvent relayées par démographes ou politiques, certaines sont parfois insoupçonnées. Si les agences de voyage célèbrent le bien-être de la génération des papy-boomers, pour une fraction de la population, l’allongement de l’espérance de vie ne rime pas avec bien-être mais avec souffrances.

Invisibles. Les détenus sexagénaires sont de plus en plus nombreux. Au 1er octobre 2005, les prisons françaises comptaient 2013 incarcérés âgés de plus de 60 ans, dont 411 avaient plus de 70 ans. Un chiffre en augmentation, notamment en raison de l’allongement des sanctions depuis l’abolition de la peine de mort en 1981. L’Observatoire International des Prisons par l’intermédiaire de deux rapports en cinq ans s’est penché sur les évolutions démographiques au sein des établissements pénitentiaires. L’OIP dévoile « une souffrance cachée derrière les murs ». Cette nouvelle donne se heurte à la vétusté des prisons. Les détenus âgés parlent peu de la mort. Leur souffrance est masquée. Peu nombreux à se suicider à cet âge-là, les personnes âgées incarcérées sont davantage dans le syndrome de glissement.

« C’est mes maudits genoux et cette foutue pluie Lorraine »

Maison d’arrêt de Metz-Queuleu. 17h, sous les néons qui peinent à compenser l’obscurité écrasante du couloir central, les détenus s’affairent à leurs occupations. La règle est simple, « il faut travailler pour gagner de quoi cantiner ». Le bruit des portes qui claquent et les verrouillages automatiques rythment le déplacement des incarcérés. Fred, 30 ans, et Jacques, 64 ans, allure frêle et fragile, ont pour mission d’acheminer « les gamelles » des cuisines au « Bloc B » où séjournent les détenus. Fred pousse le chariot pendant que Jacques ouvre les lourdes portes. A leur passage l’odeur de tabac froid s’efface et laisse place au parfum du menu du soir. « Ce soir c’est choucroute les gars, Alsace en force ! » annonce Fred. Un peu plus loin, stoppé net par trois marches d’escalier, Luc, 59 ans, reprend des forces. Armé de sa canne, il exprime sa souffrance « c’est mes maudits genoux et cette foutue pluie Lorraine, c’est pas bon pour mes rhumatismes ». Philosophe ou réaliste il enchaine, « de toute façon, ici, c’est bien le seul endroit où je ne suis pas pressé. »

Vieillir et mourir en prison, Dedans-Dehors (n°46), OIP

INTERVIEW : Marcel, 67 ans a purgé une peine de 16 ans de prison. Les trois dernières années, il était incarcéré à la maison d’arrêt de Metz-Queuleu. Il a retrouvé la liberté en Juillet 2007.

Quel regard portez-vous sur vos seize ans d’incarcération ?
Etrangement, ce n’est pas la solitude ou la privation de liberté qui m’a le plus fait souffrir. On s’habitue à tout. Ce qui m’a le plus peiné c’est de ne pas pouvoir être au sein de ma famille durant des périodes douloureuses. Ne pas pouvoir assister à l’enterrement de ma mère m’a beaucoup peiné. La prison n’est pas différente de dehors sur un point. Si on garde le moral, la vie y est plus facile.

Comment vivez-vous votre réinsertion notamment au regard de votre âge ?
J’ai une chance que beaucoup d’autres détenus de mon âge n’ont pas. Mon épouse et ma fille ne m’ont pas quitté. Ce qui change tout. Non seulement en prison car je gardais le moral et j’avais des visites qui m’apportaient beaucoup de joie, mais aussi à l’extérieur. Je n’ai pas eu à me « réadapter à la vie » tout seul ; j’ai pu prendre le temps. Beaucoup de choses ont changé et à mon âge, il faut du temps pour comprendre. Internet, les portables, la carte vitale, tout ça je ne connais pas, moi !

« A la sortie on est plus seul qu’un mort. »

Que pensez-vous du fait que de plus en plus de détenus ont plus de 60 ans ?
La prison n’est pas faite pour accueillir ce public. Physiquement, c’est dur. Les portes sont lourdes, il fait froid, c’est bruyant, on s’ankylose, etc. Les services de soins ne sont pas à la hauteur des pathologies du troisième âge. Moralement, chaque année qui passe est de plus en plus souffrance. On perd espoir de revivre pleinement un jour surtout si, comme c’est souvent le cas, la famille n’est pas présente ou disparaît subitement. Du coup, à la sortie on est plus seul qu’un mort.

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«La vie en Société est un risque, on l’assume ou pas»

La globalisation de la surveillance: aux origines de l’ordre sécuritaire ». Mardi 22 janvier, la librairie Sauramps a organisé à l’auditorium du Musée Fabre une conférence avec le sociologue Armand Mattelart et le magistrat Gilles Sainati à l’occasion de la sortie de leurs ouvrages respectifs.

Annoncé comme un débat, les points de vues des deux invités ont plutôt tendu à la convergence. L’animateur du débat Jean-Jacques Gandini, avocat, ne portera pas non plus la casquette de contradicteur. L’ambiance est à la « résistance ».

Armand Mateelart est sociologue, professeur en science de l’information et de la communication. Il est à la tête d’une production bibliographique pléthorique sur la question, entamée dés 1974. Le titre de la conférence de ce soir est celui de son dernier livre: « La globalisation de la surveillance: aux origines de l’ordre sécuritaire » [[paru aux éditions La Découverte]]. Son ouvrage «le plus biographique».

A ses cotés, se trouve Gilles Sainati, magistrat, secrétaire du Syndicat de la Magistrature, et Juge d’application des peines à Montpellier de 1991 à 2003. Il présente ce soir « La Décadence sécuritaire »[[paru aux éditions La Fabrique]], son dernier ouvrage co-écrit avec Ulrich Schalchli.

Armand Mattelard, Jean-Jacques Gandini et Gilles Sainati

Armand Mattelart ouvre le bal. Sa pensée est foisonnante, son expression vive. A tel point que par moment l’exposé en devient un brin confus. Sa réflexion part, dit-il d’une intuition. Pour lui, «ce nouvel ordre juridique» qu’est la surveillance globalisée, prend ses sources dans la doctrine de surveillance du communisme dès 1947. Ce que d’autres appellent «dérive sécuritaire», il le nomme «aberration des doctrines de sécurité nationale». Les mots ont un sens. En particulier pour un universitaire qui a voué sa vie à l’étude de la communication.

Au cœur même, d’une doctrine de sécurité nationale, se trouve la notion «d’ennemi intérieur». Rampant sous ce terme, se cache une réalité plus effrayante: celle de la suspicion généralisée.

Pour lui, les doctrines de sécurités nationales sont à inscrire dans l’histoire longue des états. On ne peut les comprendre qu’aux travers des séquelles laissées dans l’histoire par les « États d’exceptions », c’est à dire en temps de guerre, ou de situations totalitaires.

Ainsi, le « Patriot Act »[[Loi voté le 26 octobre 2001 par le congrès américain. Ce texte renforce les pouvoirs des différentes agences de sécurité nationale afin de prévenir les actes terroristes. Cette loi suscité beaucoup de polémique, du fait de son aspect liberticide]] reprend la doctrine de sécurité nationale américaine là où le MacCarthysme l’avait laissée.


Armand Mattelard conclut son exposé en évoquant «une mondialisation des normes sécuritaires». Les thèmes, doctrines et méthodologies de surveillance produites dans des situations particulières circulent librement. Ce fût le cas pour les doctrines sécuritaires élaborées aux États-Unis après le 11 septembre, ou encore en Israël. Entre les lignes Mattelard trace un lien de filiation entre le Patriot Act, et l’imposition du thème de la sécurité dans la campagne électorale française de 2002.

Le Pénal se substitue au Social

Le Magistrat Gilles Sainati poursuit. Son discours est plus structuré. La thèse de l’ouvrage qu’il défend, «La Décadence sécuritaire» traite de la déliquescence des principes fondamentaux du droit pénal.

Nous sommes passés, nous dit-il, de la notion de sureté, inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à la notion de sécurité. D’un droit individuel, la notion s’est transférée continue t-il vers un droit de l’État. Là encore, la sémantique est importante. Cette substitution annihile proprement la conception d’État de Droit. Dans un État de Droit, le citoyen est libre, et il est protégé des dérives de l’État par un certains nombre de règles pré-établies. Si la sécurité nationale prime, alors les droits du citoyens ne sont plus supérieurs à ceux de l’État.

En tant que Juge d’application des peines, Gilles Sainati a vu s’effondrer la prévention au profit de la sécurité. Il a vu la police remplacer les associations. Il a vu le pouvoir du procureur augmenter et celui des juges se réduire. Il a vu l’apparition de «l’incivilité» dans le contentieux pénal. Il a vu les procédures se dédouaner d’un certain nombre de contraintes, et la compétence disparaître sous couvert de rationalité administrative.


Dans une surenchère sécuritaire, ont été créés des listings informatique (le fameux STIC) où sont recensés les coupables, mais aussi les victimes, et tous les individus qui ont été entendus dans le cadre d’une affaire pénale. Coupable ou non. Ces fichiers au départ destinés aux crimes sexuels se sont généralisés à toutes les affaires pénales. Ils sont depuis 2002 consultables par les administrations.

Pour Gilles Sainati, on est en train de développer le comportementaliste. L’objectif, qui semble relever de la science fiction, est d’empêcher l’individu de commettre un crime avant qu’il ne songe à le commettre. Par l’établissement de types comportementaux sur différents critères familiaux, économique, sociaux. Puis à ces fichiers on a adjoint les empreintes génétiques des coupables.

Dans la logique du «Qui vole un œuf, vole un bœuf». Toute condamnation passée, quelle qu’elle soit. apparaîtra comme circonstance aggravante. Ce qui est la négation de l’aspect réparateur de la sanction judiciaire.

L’accueil de l’audience sera mitigé. Après tout, bien nombreux sont les satisfaits des nouvelles mesures prises par les aéroports, et personne ne voudrait voir un pédophile ou un violeur en liberté. Pourtant, Gilles Sainati le rappelle: «Le chiffre officiel des récidives en cas de libération conditionnelle est de 1%. La vie en société est un risque, on l’assume ou pas. On ne pourra pas aboutir à une société de risque zéro à mon sens. A moins de faire le choix d’une société où la notion de liberté est très limitée
»