Les buveurs de bio vus de derrière les comptoirs

Qui achète et boit du vin bio ? Eléments de réponse chez les cavistes, restaurateurs et dans les supermarchés de Montpellier.

Vous avez sans doute remarqué, lorsqu’un samedi à 19h, vous allez en vitesse au supermarché du coin acheter une bouteille de vin, que le rayon abrite plusieurs bouteilles étiquetées « bio », et que là, vous vous dîtes « Ah tiens, pourquoi pas ? » Ou alors « Non, très peu pour moi ». Toujours est-il que, selon une étude de Sudvinbio (PDF), le vin bio, labellisé, se porte bien. En 2016, les ventes de vin bio ont progressé de 18 % sur le marché français et de 32 % à l’export par rapport à 2015. Aussi, l’enquête Sudvinbio-Ipsos 2015 (PDF), montre qu’en France, 35,8 % des sondés boivent du vin bio, régulièrement ou de temps en temps.

Mais qui sont les consommateurs de vin bio ? L’enquête Sudvinbio-Ipsos montre qu’il s’agit d’un public plus jeune, plus féminin et plus soucieux de la sécurité alimentaire et des problèmes environnementaux que les consommateurs de vins conventionnels.

L’Occitanie est la première productrice française de vin bio avec plus de 25 000 ha de vignes en bio. Alors, chez les cavistes, dans les restaurants et dans les supermarchés de Montpellier, quelle part le vin bio occupe-t-il ? Est-il un argument de vente ? Et quel est le profil de ses acheteurs ?

Pour y répondre, direction les cavistes, les supermarchés et les grands restaurants de la capitale héraultaise.

Du vin bio partout ou presque

Chez les cavistes généralistes, le bio occupe une place plus ou moins importante. « Aux grands vins de France » ou à la « Maison régionale des vins et des produits du terroir », c’est 60 à 75 % de bouteilles bio. Alors qu’à la cave de « La Courte Échelle » aux Beaux-Arts, il n’y a que 30% de bio : « Je préfère diversifier mon offre car beaucoup de vins bio se ressemblent » prévient le caviste, Philippe Allègre. En revanche, les trois confrères s’accordent sur le fait qu’il y a une réelle demande et que leur stock de vins bio tend à augmenter.

Mais par-dessus tout, ce qui compte d’abord pour eux, c’est que le vin soit bon : « Le bio est un argument de vente car c’est le petit plus » déclare le caviste d’ « Aux grands vins de France ».

La « Cave du Boutonnet » et « La cave des Arceaux » ont, elles, fait du bio leur crédo. Le gérant de la première, Laurent de Zanet, propose 100% de vins naturels et bio. « Aujourd’hui, les gens, et pas que les bobos, sont très sensibles au bio et veulent des produits sains » déclame-t-il. Selon lui, les goûts des vins bio sont plus variés que ceux des vins conventionnels. Chez la deuxième cave, 95 % des bouteilles sont bio : « C’est la région qui veut ça, et c’est aussi la politique de la maison » déclarent les sommelières.

Les gens sont souriants quand on leur dit que c’est du bio

Côté restaurants, les gastronomiques proposent également une grande proportion de vins bio. Rue de l’Aiguillerie, chez « Cellier Morel, La Maison de la Lozère », 60 à 70% des vins sont bio. « Les gens sont souriants quand on leur dit que c’est du bio » s’enthousiasme Alexandre Ségura, le sommelier. À « La Réserve Rimbaud », au bord du Lez, 80% de la carte des vins est bio. La sommelière, Céline Dalbin, précise cependant que le restaurant « n’a pas une démarche pro-bio et que ce n’est pas un argument mis en avant. Notre philosophie est plutôt celle du terroir et de la qualité ».

Enfin, sur trois restaurants non-gastronomiques contactés, deux proposent entre deux et quatre bouteilles bio à leur carte tandis que le dernier y est complètement réfractaire.

-564.jpg Quant aux trois supermarchés visités… ils en ont ! Et de plus en plus : entre 15 et 30 références selon les différentes enseignes. En général mélangés aux autres vins, ils se cachent aussi parfois au rayon bio du magasin. Les prix commencent à 4,50€ environ pour monter jusqu’à 30€.

Le profil des clients n’est pas simple à dresser. Les experts interrogés dégagent quelques tendances lourdes (jeunes, femmes, écolo, qui mangent bio) mais d’autres profils se laissent parfois tenter.

Et les vins naturels ? Là aussi, les cavistes observent une forte demande. Mais ces vins sont plus chers que les bio car plus complexes à produire. Comptez au minimum 10€ « Aux grands vins de France », par exemple alors qu’un vin bio débute à 6€ en magasin spécialisé.

Alors, si vous n’êtes pas complètement réfractaire au bio, la prochaine fois que vous hésiterez chez votre caviste, au restaurant ou au supermarché, lâchez-vous sur l’étiquette verte… c’est sans danger !

Jérémy Cadière : « Un vigneron ne fait pas de vin pour qu’on l’intellectualise »

Dans l’agitation du salon Vinisud 2017, Haut Courant a pris le temps de parler vin avec le sommelier Jérémy Cadière, médaillé du Challenge des Étoiles de la sommellerie Sud de France 2014, une consécration.

« Goûtez ce Château Beaubois, Harmonie 2013 ! C’est un petit vin à côté de mon village natal, dans le Gard. » Le sommelier parle aussi vite qu’il déguste. Entre formules imagées et métaphores romantiques, Jérémy Cadière rend le monde du vin plus accessible. Rencontre avec un « amoureux du vin ».

Qu’est-ce qu’un sommelier ?

Un sommelier, c’est comme un interprète dans le sens musical du terme. Le vigneron écrit une partition faite de cépages et de terroirs. Le sommelier se doit de l’interpréter à sa manière tout en respectant la partition. À travers un vin, j’essaye de le faire parler, de l’expliquer aux gens et de le faire vivre. Je vois mon métier comme quelque chose de très romantique. Ensuite, il y a l’approche plus technique. Un sommelier est aussi quelqu’un qui travaille sur le terrain. J’accompagne des restaurants pour dynamiser leurs cartes des vins, faire des séances de dégustation. Je prends plaisir à courir entre les tables. Au final, mon travail est d’initier les gens à prendre du plaisir avec le vin.

Vous aimez parler du vin avec des mots simples…

J’essaie d’en parler de manière simple et drôle. Il y a parfois une approche du vin qui est très guindée et traditionnelle. Mais un vigneron ne fait pas de vin pour qu’on l’intellectualise. Quand on pense trop, on tue le vin. Le cerveau tue le plaisir. Sans aller jusqu’à cette extrême, il faut un minimum de savoirs pour l’apprécier au maximum. Le vin c’est du partage, du plaisir. Déguster un vin c’est comme faire l’amour, on peut le faire seul mais c’est mieux à deux…

Alors, comment faut-il le déguster ?

Il faut prendre son temps. C’est comme la séduction. Quand vous aimez quelqu’un, vous commencez par le regarder, l’admirer. Ensuite vous vous rapprochez doucement, vous vous familiarisez avec son odeur, son parfum. Si vous vous entendez bien, alors vous pouvez danser ensemble, puis poser vos lèvres et l’embrasser. Avec le vin c’est pareil, il faut prendre le temps de le regarder, de regarder sa robe et comment il se comporte dans le verre. Si vous vous sentez appelés, vous le dégustez avec plaisir comme un premier baiser. Le conseil pour résumer tout ça, c’est prendre le temps et du plaisir.

Qu’est ce qui fait un bon vin ?

C’est le vin que vous aimez, tout simplement. Un bon vin peut être un vin de coopérative au cubi que vous buvez avec quelqu’un que vous appréciez. Au contraire, si vous buvez le meilleur vin du monde avec un trou du cul… [rires]

Des start-up spécialisées dans le monde du vin se développent pour aider les particuliers dans leurs choix, notamment MyOeno dont vous faites partie. N’avez-vous pas peur que ces applications vous piquent votre travail ?

MyOeno est un objet connecté à votre téléphone qui fonctionne par spectrométrie. Il analyse les caractéristiques du vin, le tanin, l’alcool et l’acidité. Les deux développeurs de l’application sont issus de la recherche médicale, ils ont une approche assez scientifique. J’ai participé au calibrage de la machine en lui ajoutant l’aspect humain. Les gens feront toujours appel à des sommeliers, je le considère comme un vrai assistant.

Quelle est votre bouteille du moment pour un petit budget ?

Une bouteille de Château Beaubois, Costières de Nîmes, un très bon rapport qualité/prix, ou un vin du domaine Sainte-Marie des Crozes qui est excellent.

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Jérémy Cadière travaille avec le CIVL (le Comité Interprofessionnel des Vins du Languedoc) pour promouvoir les vins de la région du Languedoc.

Le meilleur sommelier du monde

Le meilleur sommelier du monde 2000, Olivier Poussier, a présenté samedi 17 octobre au Trinque-Fougasse, une sélection de vins pour accompagner les plats préparés par le chef Eric Tapié.

Si les vins éveillent parfois nos papilles, lorsque Olivier Poussier nous en parle, ce sont nos oreilles qui se prennent de passion.

Meilleur sommelier du monde 2000, chef sommelier chez Lenôtre depuis 20 ans, patron d’une société de consultants et rédacteur à la Revue du Vin de France, ce parisien était à Montpellier samedi soir, aux caves de Trinque-Fougasse, route de Mende, où il a savamment orchestré un repas conçu par Eric Tapié, chef du Mas de Baumes.
A 139 euros le menu, un diner qui n’était certes pas à la portée de toutes les bourses, mais comme nous le confia un des convives :  » ce n’est pas tous les jours qu’on dîne avec le meilleur sommelier du monde ! ».

A la carte : la Grèce aux prémices, la Sicile en entrée, la Croatie puis le Portugal pour les plats, l’Espagne et enfin la Grèce pour boucler la boucle de ce périple gustatif, préparé « mano a mano » par les deux maîtres de tablée. Le tout sur une musique jazz jouée par deux artistes montpelliérains, Julien Ferré au piano et Kévin Inzelrac à la contre-basse. Pour Olivier Poussier, « ce soir, le but c’est de faire découvrir des cépages autochtones », à savoir des catégories rares de vignes, dont les propriétés ne se révèlent qu’en des lieux restreints et avec des climats particuliers.

La rencontre ne fut pas anodine, tant le discours de ce virtuose du goût nous a donné envie d’aller vers davantage de découvertes, pour notre palais comme pour notre culture. Car le titre de meilleur sommelier du monde n’est pas seulement attribué en fonction des capacités à discerner les nombreux vins du monde, mais aussi d’après l’histoire de ces vins, des terroirs et du climat.

Déjà élu meilleur sommelier de France en 1990, c’est par l’association de la sommellerie internationale qu’il a été élu au niveau mondial en 2000 : « quatre jours de concours où, par exemple, on nous a présenté une carte dans laquelle des erreurs ont été sciemment glissées », nous explique-il. Le prochain concours aura lieu au Chili, en avril 2010.

Pour terminer, un petit clin d’oeil à nos lecteurs : les deux vins préférés du meilleur sommelier du monde sont le Riesling et le Pinot Noir bourguignon. A consommer avec modération, non pas seulement pour la santé mais encore pour suivre la maxime d’Olivier Poussier : « Boire moins, mais boire bon. »

Franck Michau