Lost in the swell : faire du surf une aventure

Les trois bretons surfent sur la vague du succès. Leur dernier trip : les côtes sauvages du Gabon. De cette aventure sportive et humaine hors du commun, ils ont fait un film : Le Paradis Perdu. Rencontre avec la bande de copains qui fait bouger les codes du surf.

Incarnent-ils la nouvelle vague du surf français ? Les trois youtubeurs-surfeurs brestois de Lost in the swell, Aurélien – dit Nono – Ewen et Ronan n’en finissent pas de faire parler d’eux. En octobre dernier, ils raflaient la mise au cours de la première édition du festival du film de voyage et d’aventure What a trip à Montpellier en remportant trois prix dont le Grand prix du jury et le Prix du public grâce à leur long métrage Le Paradis perdu, tourné au Gabon. Une consécration.

Mais avant d’être une success story, c’est avant tout une histoire de copains, le surf en filigrane.

De la Bretagne à l’Indonésie

C’est en sixième qu’ Ewen et Ronan se rencontrent. Une amitié se crée autour d’une passion : celle du surf, qu’ils s’amuseront à partager tout d’abord occasionnellement sur internet à travers des petites vidéos de leurs exploits. Ce n’est qu’au début des années 2000 qu’ils font la connaissance de Nono, « sur un parking d’un spot de surf », en rient-ils encore. « C’est moi qui suis rentré dans leur crew de surfeurs-skateurs-bodyboardeurs, se remémore Nono. Depuis, on ne s’est plus séparés ».

Tandis qu’Ewen et Nono sont moniteurs de surf, Ronan, lui, vit de la vidéo et de la photo. Il tournera avec Nono le premier film de surf en Bretagne : Barravel.

Après, tout s’enchaine. Ils partent trois mois au Maroc au moment où TF1 lance la première saison de Koh Lanta. Une source d’inspiration inattendue : « Et pourquoi on ferait pas notre Koh lanta ? ». Le concept était lancé. L’Indonésie suivra, avec un film qu’ils tenteront sans succès de vendre aux médias. « On avait bossé comme des fous sur le sujet, on ne voulait pas abandonner. On a donc réfléchi à une autre solution ». Cette solution a été de faire de ce film une websérie sur Dailymotion. Énorme carton dans le milieu du surf. Ils totalisent 2 millions de vues sur leur site. La formule fonctionne.

Leur ambition commune : ne pouvoir vivre que de ça. Un souhait peut-être bientôt exhaussé. Le succès attire les partenaires : « On a fidélisé des marques dont on est devenus les ambassadeurs. Elles nous aident à concrétiser nos projets et à devenir des youtubeurs », explique Nono. Les trois aventuriers utilisent aussi le financement participatif, qui représente près d’un quart de leur budget voyage. C’était le cas pour leur dernière aventure au Gabon, le « Paradis Perdu »…

Lost in the swell, l’interview

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Comment procédez-vous pour vous mettre d’accord sur une destination et quels sont vos critères de choix ?

Nono  : On valide tout à trois. On passe des heures sur Google earth. Le fait d’apporter un coté écolo dans nos moyens de transport est important. Pour le voyage au Gabon, on a choisi les vélos « fatbike » de Solidream. Pour le précédent voyage, on se déplaçait sur un trimaran éco-conçu.
Le shaper qui construit les planches de surf ne bosse qu’avec des matériaux qui viennent du pétrole. Un pain de mousse c’est du pétrole, on n’arrive pas à le recycler. Du coup, on fait faire nos planches de surf par Notox au Pays basque. La fibre de verre est remplacée par de la fibre de lin et la résine est coupée par de la cellulose de pin.

Cette dimension écologique est très prégnante dans le film… Quel message vous voulez transmettre ?

-518.jpg Nono  : Oui c’est vrai qu’on la souligne énormément. Au Gabon, on a été choqués par la pollution. C’est alarmant. On ne s’y attendait pas. Il faut le dire. Aujourd’hui on parle dans tous les médias d’éco-responsabilité, d’éco-gestes. Nous, on avait déjà ce rapport-là à l’environnement, parce qu’on est surfeurs, on est toujours au contact des éléments et de la nature. Bien évidemment cela se ressent dans nos vidéos, on le met en avant. Comme on le voit avec nos planches de surf, il y a des solutions à tous ces plastiques et cette pétrochimie. On peut faire sans en fait. C’est ce qu’on essaie de dire aussi par le biais de nos films. Le but est de sensibiliser. D’ailleurs, dès qu’on le peut, on va en parler dans des écoles.

Durant votre voyage, vous vous déplacez quasi exclusivement en vélo, sur des terrains peu praticables et avec tout votre matériel. Physiquement, ça a l’air très éprouvant… Comment vous êtes-vous préparés à cela ?

Nono  : On est partis au Gabon durant l’été 2016. À l’automne 2015, on a organisé trois semaines de mise en situation en traversant l’Aquitaine à vélo. Ronan fait du longboard, Ewen et moi on surfe tout le temps. On est tous les trois en forme toute l’année !

Ewen : La préparation du projet nous a demandé beaucoup de temps. Et plus l’échéance approchait, plus on avait de choses à faire. C’est sûr que si on avait eu le luxe de pouvoir se dégager du temps pour faire plus de vélo, ça aurait été mieux. Parce que le surf, c’est le haut du corps qui travaille pas mal et moins les jambes. Du coup, au début de l’aventure, c’était vraiment dur ! Au fur et à mesure, on devenait plus performants.

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Aujourd’hui, le surf s’est démocratisé et suscite un engouement énorme. Vous, vous cherchez des spots cachés au bout du monde. Quelle est votre perception de cette activité ?

Ewen  : C’est vrai que maintenant pour une pub de parfum, tu as du surfeur, pour une agence de voyage, tu as du surfeur… C’est le sport à la mode !

Nono  : Nous, on est à l’opposé, on est des explorateurs. Depuis toujours, l’univers du surf c’est des pros qui surfent bien dans des vidéos. Le surf a toujours été une compilation d’images et de figures, comme tu peux voir le patinage artistique. Mais tu ne sais pas qui sont derrière ces surfeurs hyper performants et dont on ne connait que le nom. On essaie de montrer l’envers du décors.

Ewen : C’est vrai que chez nous, ces dernières années, il y a de plus en plus de monde dans l’eau. Pour le surf, c’est pas forcément l’idéal. Nous ce qu’on cherche, c’est l’idée de partir à l’autre bout du monde et surfer des vagues seuls. Ça peut paraître paradoxal parce qu’on participe un peu à la promotion du surf et d’un autre côté on part à l’autre bout du monde pour être tout seul !

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Un moment dans le film on voit un aileron… Vous n’avez pas eu peur ? Les combinaisons anti-requin et les bracelets, ça marche vraiment ?

Ewen et Nono  : C’était un dauphin ! (rires)

Ewen : Mais il y avait des requins. En gros, pour les systèmes anti-requin, il y a la combinaison qui rappelle les rayures du serpent corail. Ce sont des Australiens qui ont développé ça. Le serpent corail est un des serpents les plus venimeux de la planète et les requins seraient repoussés par le signal visuel. Sauf que le visuel, ça marche dans l’eau claire et au Gabon, l’eau était trouble. Donc je pense que ça ne marchait pas. Et les bracelets anti-requin, ce sont des aimants, ça perturberait leurs électro-récepteurs.

C’est au conditionnel ?

Ewen: Oui, quand on est rentrés du Gabon, un jeune s’est fait attaqué par un petit requin. Et il avait ce bracelet à la main. Par contre, c’est un bon placebo. Une fois, on est allés surfer en short, on était beaucoup plus stressés que lorsqu’on avait nos combinaisons et bracelets, même si on savait que ça ne servait pas à grand chose.

Prendre des risques, ça ne vous fait pas peur ?

Nono  : Pendant le voyage, il peut t’arriver n’importe quoi. En marchant sur la plage, tu peux te piquer avec une seringue, il y en avait plein au Gabon. Là, tu rentres en France direct. Et même notre panneau solaire, si tu le casses : plus de batterie, plus de caméra, plus de film, tu trouves une solution ou tu rentres à la maison. Parfois ça ne tient qu’à un fil ! Sur ce trip-là on n’a pas été malades, on n’a rien cassé. On a eu une bonne étoile.

Et la prochaine aventure ?

Nono  : On a plus ou moins tranché la destination mais je ne peux pas trop vous en dire plus. Le moyen de transport écolo, ça va être très original. Il faudra qu’on se forme alors on va partir cet hiver tourner un épisode pilote au sud de l’Europe, là où il y a des vagues. Le voyage de trois mois, ça sera à l’automne 2018.

Les surfeurs de Palavas sont-ils de vrais surfeurs?

Le surf attire de plus en plus de monde dans la région montpelliéraine. Pourtant, les vagues de Palavas ne ressemblent pas souvent à celles de la côte Atlantique.

Du surf à Palavas-les-Flots ? «  D’après ce qu’on voit sur Surf Report (application permettant d’avoir des prévisions sur les spots de surf, ndlr), Palavas c’est flat, il n’y a souvent pas de vague. Si je devais aller là-bas je n’y trouverais pas mon compte », estime Yann de l’Ecole de Surf de Bretagne La Torche. Pourtant la discipline est en plein boom.

Une activité en plein essor

A l’école de surf Palawaï Surf School, le nombre d’inscrits est passé d’une vingtaine il y a cinq ans à 140 cette année. Clarence, moniteur de surf, a créé l’école en 2012. Il explique : « dans la région, l’évolution s’est faite plus tard qu’ailleurs car il fallait le temps d’éduquer les gens au fait qu’il y a bien des vagues. Jusqu’à il y a quelques années, le surf n’était pas accessible au grand public car il n’y avait pas de matériel ». La proximité de Montpellier bénéficierait au spot de Palavas en effaçant le phénomène de saisonnalité que l’on peut voir dans les Landes, analyse-t-il. Hossegor comme Palavas voient leur population multipliée par dix en période estivale. Mais contrairement à la petite ville des Landes, Palavas est situé à moins de 15 km d’une grande métropole, vrai vivier à futurs surfeurs.
Valentin, surfeur palavasien et créateur de la communauté Facebook Surf Hérault suivie par plus de 650 personnes, fait le même constat, «  avec le dynamisme de Montpellier et l’ouverture de l’école de surf, on est passé d’une petite famille à beaucoup de monde ».

Des surfeurs patients, parfois frustrés

Les surfeurs palavasiens se sont adaptés aux spécificités de la zone : «  Il faut être disponible et pouvoir se libérer dès qu’il y a des vagues, mais il y a de belles sessions et une bonne ambiance dans l’eau  » explique Fanny, une habituée du spot. Des vagues qui ne sont pas très grosses : parfait pour débuter. Pour Clarence, la difficulté à Palavas pour un surfeur en cours d’apprentissage «  c’est le perfectionnement, cela reste un challenge ici, il faut bouger pour évoluer  ». Mac Millan, shaper établi a proximité du spot palavasien (voir l’encadré) reconnait que le pratiquant local est parfois « un surfeur frustré » dans l’attente de vagues. Mais comme tous les surfeurs, ce sont des voyageurs dans l’âme, ils n’hésitent pas à « bouger pour trouver des vagues  ».

Mais alors, vrais surfeurs? « Il y a de vrais surfeurs partout, un surfeur c’est quelqu’un qui est capable de s’adapter à un maximum de conditions, de s’adapter à des vagues » explique Jérôme du Hossegor Surf Club.
Maintenant vous le savez, Palavas et Honolulu ont une chose en commun : de vrais surfeurs.

CULTURE – What A Trip a fait voyager 3200 spectateurs

Du 28 septembre au 1er octobre se tenait à Montpellier le premier festival du film de voyage et d’aventure What a Trip. Village camp de base sur l’Esplanade et projections à l’espace Rabelais, douze films étaient en compétition.
Le jury, présidé par le biologiste Laurent Ballesta et composé de professionnels de l’aventure et de la réalisation vidéo, a remis quatre prix. Le public a également pu s’exprimer en votant pour décerner le Prix du Public.
Grâce à leur film Paradis Perdu tourné au Gabon, les trois surfeurs Bretons de Lost in the Swell ont su tirer leur épingle du jeu. Primés à trois reprises, ils ressortent les grands vainqueurs du festival en remportant notamment le Grand prix du jury et le Prix du public.
Avec 3200 spectateurs lors des 12 séances de projections – dont trois complètes – 1500 auditeurs aux différentes conférences, 1900 visiteurs aux expositions photos, 200 participants aux ateliers organisés sur le village, cette première édition du What a Trip Festival a surpassé toutes les attentes des ses organisateurs. Ces derniers parlent d’un « véritable succès » et remettent déjà les voiles vers la deuxième édition.