» Sans lectrice ni lecteur, il n’y a pas de presse « 

Par le 2 décembre 2008

Au moment où se tiennent les États généraux de la presse, un acteur pourtant incontournable est encore laissé pour compte : le lecteur. Interpelé par un communiqué publié fin octobre, l’Élysée n’a pas donné suite aux attentes des associations et sociétés de lecteurs qui demandaient à y être représentées. A l’occasion de la soirée « Presse libre ! » organisée par RSF et Mediapart le 24 novembre 2008, associations, intellectuels et journalistes ont pris la défense des lecteurs.

La question a déjà été posée plusieurs fois, notamment par les journalistes de Mediapart ou de Rue89 : qu’en est-il de la place des lecteurs dans ces États généraux de la presse ? En effet, si il y a UN absent de ces discussions, et non des moindres, c’est bien le lecteur ! Pourtant, comme le rappelle si simplement le communiqué publié à ce sujet par plusieurs associations et sociétés de lecteurs le 27 octobre dernier : « sans lectrice ni lecteur, il n’y a pas de presse ». Une évidence qui repousse le « grand chantier » de Nicolas Sarkozy dans ses propres contradictions : comment moderniser la presse française sans prendre en compte l’avis de celles et ceux à qui elle est destinée ? Pire encore, comment réduire le lecteur à un simple consommateur, quand il doit être un acteur du jeu démocratique ? Pour que la presse ne soit pas réduite à « vendre les « minutes disponibles de nos cerveaux » », privilégiant la rentabilité à la qualité de l’information.

Un mois après cet appel, le constat est toujours le même : les lecteurs ne sont pas invités à prendre part aux débats. Zina Rouabah, coprésidente de la société des lecteurs de Libération, le rappelait lors de la soirée « Presse libre ! » organisée par Mediapart et RSF (Reporters Sans Frontières) le 24 novembre dernier. « Il faut croire que le lectorat « Tiers-État » n’a pas été entendu » ironisait-elle à la tribune du théâtre de la Colline. Et ce n’est pas faute d’avoir essayer de s’investir. Depuis août, ils n’ont cessé d’interpeller Emmanuelle Mignon, conseillère du président de la République en charge du dossier des États généraux, mais leurs revendications sont restées sans réponse.

« Fédérer journalistes et lecteurs »


Intellectuels et journalistes, présents aux cotés d’Edwy Plenel (directeur de publication de Mediapart) et Jean-François Julliard (secrétaire général de RSF) ont voulu apporter un soutien nécessaire à ce « public » mis à l’écart des discussions sur « sa » propre presse. Pour Bernard Stiegler, docteur à l’École des hautes études en sciences sociales, « le lecteur n’est pas un consommateur, mais un individu qui désire développer son esprit par l’information ». Il alerte sur « la menace d’une aliénation de l’esprit public » au profit d’une poignée de privilégiés. François Malye, grand reporter au Point et membre du forum permanent des sociétés de journalistes, estime pour sa part qu’« il faut fédérer les journalistes et les lecteurs ». Sans ce préalable, il n’y aura « que des revendications de patrons en phase avec les attentes de la présidence de la République », au détriment de celles des citoyens.

Une enquête[[Enquête réalisée pour le compte du quotidien 20 minutes par SSI (Survey Sampling International)]] révèle que plus de 40 % des lecteurs de presse quotidienne (payante et gratuite) considèrent celle-ci comme garante de la liberté démocratique. Pour défendre cette liberté, il est indispensable que le lectorat « Tiers-États » puisse faire entendre sa voix, avant d’être laissé pour compte dans l’indifférence générale. Selon cette même étude, 17,6% des Français ont entendu parler des États Généraux de la presse et seulement 11,6 % se sentent concernés par les problèmes de la presse. Un manque d’intérêt qui masque la menace réelle qui plane sur le pluralisme et la qualité de l’information en France.

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à propos de l'auteur

Auteur : Guillaume Rizzo

A 5 ans, je voulais devenir vétérinaire comme tout le monde, mais ma curiosité m’a mené vers d’autres sentiers. Aujourd’hui, à 25 ans, mon parcours est un peu spécial. Avec Bac S, j’ai débuté une année en fac de biologie et j’ai très vite compris que ce n’était pas fait pour moi. Je me suis finalement dirigé vers un cursus d’histoire qui m’a beaucoup mieux réussi. Après 5 ans passés dans les rangs de l'Université Paul Valéry à Montpellier, j’ai obtenu une Licence en histoire-géographie et un Master en histoire militaire. C’est durant cette période que l’idée de devenir journaliste a germé. Mon diplôme dans l’escarcelle, j’ai donc rejoint un cursus en science politique à la fac de droit de Montpellier, puis j’ai intégré le Master métiers du journalisme en 2008.