Février 1885, les États européens (France, Grande-Bretagne, Italie, Belgique, Espagne, Portugal) se réunissent lors de la conférence de Berlin pour décider, non sans débats, le partage de l’Afrique et sa colonisation. L’objectif affiché est « humanitaire » : «Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures», explique Jules Ferry, alors porte-parole de la gauche républicaine, quelques mois plus tard.
Il faudra ensuite attendre les années 1950 et 1960 pour que les pays africains obtiennent tour à tour leur indépendance. Une indépendance officielle.
En quittant le continent, l’occident leur a laissé la dette octroyée pour la bonne marche de la colonisation. Une dette à régler aux grands organismes financiers mondiaux : le FMI (Fonds Monétaire International) et la banque mondiale. Une dette qualifiée de multilatérale.
En parallèle, une seconde dette a déjà été mise en place, celle de l’aide publique au développement, qui n’est pas un don, mais un prêt à rembourser. Une dette bilatérale cette fois, émanant de politiques publiques des pays développés. En apparence à la manière du plan Marshall américain pour aider l’Europe après la seconde guerre mondiale. Mais, selon Thomas Sankara, «on nous a présenté des dossiers et des montages financiers alléchants. Nous nous sommes endettés pour cinquante ans, soixante ans et même plus. C’est-à-dire que l’on nous à amenés à compromettre nos peuples pendant cinquante ans et plus».
C’est en grande partie grâce à ses richesses naturelles que l’Afrique rembourse. Le Mali et le Burkina-Faso exportent le coton, le Congo la banane notamment. Mais il faut se nourrir. Et les pays importent ensuite les produits finis conçus avec leurs matières premières exportées. Même constat pour le pétrole. Au Nigeria, plus grand producteur d’or noir africain, aucune raffinerie ne fonctionne. Selon Eric Toussaint, historien et politologue, la dette est un des principaux facteurs de la pauvreté dans le continent. «On empêche notamment le développement des producteurs locaux» et donc l’indépendance économique des pays, explique t-il.
Il a crée en 1990 le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM). Il reprend les réflexions revendiquées par Thomas Sankara dans son discours en juillet 1987 à Addis Abeba, trois mois avant sa mort :«La dette sous sa forme actuelle, est une reconquête savamment organisée de l’Afrique(…). Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser. (…) Si nous payons nous allons mourir».
En 1999, le CADTM fait une pétition qui obtient 17 millions de signature en faveur de l’annulation de la dette. Présentée au G8 de Cologne la même année, la France et la Grande-Bretagne s’engagent à annuler 90% de la dette bilatérale des pays africains. Dix ans plus tard, «des allègements ont été effectués, mais ils sont loin d’être suffisants», souligne Eric Toussaint.
Peu d’efforts également ont été consentis par le FMI et la banque mondiale pour la dette multilatérale. En 1996, ils acceptent un allègement de la dette de 42 pays, dont la plupart en Afrique. Une condition cependant : les pays doivent prendre des « mesures d’ajustement structurel ». A savoir, la privatisation des entreprises publiques, de l’éducation, de la distribution de l’eau… Le Mali, le Mozambique et l’Ouganda ont ainsi réduit leur endettement, tout en réduisant encore leurs chances de développement social.
Se libérer du joug de la dette ne suffira pourtant pas. Une volonté politique sera nécessaire au sein des pays africains pour un développement endogène, et indépendant des importations. «Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, relève Éric Toussaint, les dirigeants ont tout intérêt à maintenir leur pays en état de soumission des aides publiques, aides grâce auxquelles ces derniers accumulent des richesses».
Au sein des populations locales, des manifestations sont régulièrement organisées pour dénoncer « cette colonisation financière » et la complicité des dirigeants africains, mais la situation a peu évolué. Au Zimbabwe, lors des élections présidentielles de mars dernier, de nombreux opposants au président dictateur sortant Robert Mugabe avaient été tués. Son adversaire Tsvangiraï s’était retiré avant le second tour, laissant le libre-arbitre au chef d’Etat.
De son côté, l’occident a d’autres responsabilités, Angolagate, dettes privées… qui assoient leur mainmise sur la situation économique, sociale et politique du continent africain.
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