L’ancien directeur de la TAM : « La gratuité totale n’est pas une solution ! »

Par le 18 janvier 2019

Dunkerque, Châteauroux, Issoudun, Niort, Aubagne ou encore Castres font partie de ces villes, aujourd’hui une trentaine à avoir mis en place la gratuité totale des transports. Une idée reprise ou adaptée, comme à Paris et Toulouse où la gratuité partielle est instaurée. Montpellier est-elle la prochaine sur la liste ?

Ligne 1 de tram à Montpellier. Crédit : Defoix Pauline.

44 ans après Compiègne, 1ere ville à mettre en place les transports gratuits, l’idée séduit toujours. Le 9 janvier dernier, la maire de Paris a annoncé la gratuité pour les enfants de 4 à 11 ans pour septembre prochain. Pour l’ancien directeur des transports de l’agglomération de Montpellier (TAM) de 2001 à 2010, Marc Le Tourneur, le modèle payant reste une obligation des grandes villes.

La maire de Paris, Anne Hidalgo a annoncé le 9 janvier dernier une gratuité partielle des transports dans le Grand Paris. Après les adultes handicapés et les enfants de moins de 4 ans, ce sont les enfants de 4 à 11 ans qui sont concernés par cette mesure, qu’en pensez-vous ?

C’est une bonne mesure mais qui rappelons-le est réfléchi, car peu d’enfants de moins de 11 ans prennent les transports seuls. En général ils sont accompagnés et ces accompagnateurs-là payent leur ticket ou abonnement. C’est pour cela qu’à Montpellier un tarif famille a été mis en place. Elle a annoncé d’autres mesures qui sont également favorable comme la gratuité des transports pour les enfants handicapés. Je suis d’ailleurs d’accord avec elle sur un point, c’est que la gratuité totale n’est pas une solution ! Dans une ville comme Paris et d’autres grandes villes, c’est irréalisable et aux dépens de la qualité de l’offre.

Une trentaine de ville en France ont mis en place une gratuité totale des transports, est-ce un projet qu’il est possible de mettre en place dans la métropole de Montpellier ?

Il faut d’abord regarder le profil des villes qui ont passé le cap. Prenons l’exemple de Dunkerque, qui est aujourd’hui, la plus grosse métropole européenne à avoir instauré la gratuité totale de ses transports. La métropole de Dunkerque c’est 200 000 habitants, contre 465 000 pour celle de Montpellier. Ensuite, elle ne dispose que d’un réseau de bus et les distances à parcourir sont plus courtes. Des conditions plus favorables à la mise en place d’une gratuité totale des transports. C’est le cas pour la majorité des villes qui ont mis en place cette mesure, comme Niort ou encore Châteauroux. La clientèle payante ne représente que 10 à 15 %, une perte qui pèse que peu dans les dépenses totales. Même si elle demande d’investir dans des véhicules et des employés, comme les chauffeurs, c’est un investissement moindre.

A Montpellier, c’est une mesure qui coûterait trop cher. Trams et bus sont pleins en heure de pointe et la clientèle payante est beaucoup plus importante du fait d’une meilleure offre. La gratuité engendre une hausse de la fréquentation et donc un investissement dans une nouvelle flotte de tram notamment pour garantir confort et efficacité du service. Cela représenterait une somme vertigineuse ! C’est donc un projet irréaliste à l’échelle d’une métropole comme celle de Montpellier.

Ajoutons à cela que c’est une mesure qu’il n’est pas possible de mettre en place rapidement. Il faut trois ans entre l’idée proposée et la mise en place de celle-ci. C’est donc une mesure qui doit être prévue en début de mandat, ce qui n’était pas le cas de Mr Saurel.

La gratuité totale ou partielle peut-elle réduire les inégalités sociales ?

A Montpellier, nous sommes dans une situation de pénurie en ce qui concerne les transports en commun. Il n’y a pas seulement des inégalités sociales, mais aussi des inégalités territoriales. Par exemple, les personnes qui habite Lavérune ou Grabels vont moins être enclins à prendre les transports en commun que celles qui se trouvent sur la ligne 1 comme à Port Marianne, Riz du Lez ou encore Boutonnet. Plus on s’éloigne, plus il est difficile d’utiliser les transports en commun. Mettre en place une gratuité totale ou partielle ne viendrait pas résoudre le problème de ces personnes qui se trouvent loin et qui disposent de peu de moyens. Ce qu’il est nécessaire de mettre en place ici à Montpellier c’est une tarification suivant le quotient familial, qui est une question fondamentale selon moi. Des villes comme Grenoble, Nantes, Strasbourg ou Lille ont déjà mis ce dispositif en place. L’avantage de celui-ci, c’est qu’il permet de mettre le curseur où l’on veut. Mais adapter la tarification des transports selon le revenu des familles permettrait de coller au plus près des besoins de chacun et de réduire en partie les inégalités sociales en ce qui concerne les transports. Mais cette mesure ne viendra pas résoudre la question des inégalités territoriales.

Cela mènerait-il a une diminution de la fraude et des incivilités ?

Honnêtement c’est une question qui n’a pas lieu d’être. Tout d’abord car nous n’avons pas le monopole du déplacement comme certains le laisse croire. Il existe des alternatives pour se déplacer. Sur des distances courtes, il est possible de se déplacer à pied ou à vélo, ce qui est gratuit. Par ailleurs, la fraude représente environ 10 % des recettes du trafic, ce qui est mince. Le coût de la vente des billets et du contrôle des titres de transports représente également une part minime dans le budget total, qui est de l’ordre de 15 %.

Même si à Montpellier, la fraude a l’air massive, tout comme ses moyens pour la réprimander, elle est commune à d’autres. Il serait plutôt nécessaire d’investir dans des solutions écologiques qui donne la possibilité aux personnes de se déplacer différemment dans de bonnes conditions et surtout adaptées. Ce que je trouve aberrant par exemple, c’est qu’après la rénovation de la gare Saint-Roch, aucun parking à vélo n’ai été construit. A Grenoble ce sont 1 800 places de disponibles, à Strasbourg 4 800 places. A l’échelle d’une ville comme Montpellier la possibilité de se déplacer en vélo est clairement réduit. Peu de piste cyclable, presque pas de parking à vélo.

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à propos de l'auteur

Auteur : Pauline Defoix

Devenir journaliste, une volonté qui s’est imposée à moi. Du livre de Valérie Zenatti Une bouteille dans la mer de Gaza, au personnage qu’incarne Patrick Poivre D’Arvor, chacun a su déclencher en moi cette certitude que le métier que je souhaiterais exercer plus tard serais celui de journaliste. Que ce soit les endroits dans lesquels j’ai pu vivre, cette envie de nouer avec mes origines, ou encore mon appétence pour la politique suite à mon parcours, chaque moment de ma vie m’ont mené à cette évidence : raconter aux gens de quoi est fait le monde, proche ou loin d’eux.

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