Le silencieux lendemain du « Grand débat sur l’identité nationale »

Par le 5 mars 2010

Presque un mois après sa suspension, qu’en est-il du « grand débat sur l’identité nationale » mis en place par Éric Besson au mois de novembre dernier ? Hautcourant revient sur les suites de ce débat controversé, longtemps au cœur de la tempête médiatique.

C’est un fait qui ne se dément pas. Le « grand débat sur l’identité nationale » lancé par Éric Besson a fait pschitt. Enterrée en grande pompe par le Premier ministre, François Fillon, le 8 février dernier, l’œuvre du ministre de l’intégration et de l’identité nationale semble bel et bien avoir disparue des écrans radars du débat politique français.

Pour s’en persuader, il suffit de se rendre sur le site du « grand débat sur l’identité nationale », sorte de vestige, témoin des controverses et dérapages des derniers mois.

Car il faut bien le dire, depuis le gel du débat sur l’identité nationale début février, le site ne connaît plus la même vitalité qui l’animait lors de son lancement retentissant. Il est en quasi-inertie.

Dès la page d’accueil, c’est non sans amertume que le zélé contributeur cliquant sur l’onglet « grand débat » constate que la page est « introuvable ». Pire, « la page que vous demandez n’existe plus » !

Le constat n’est guère plus réjouissant au sein de la rubrique « actualité ». La dernière contribution éclairée au « grand débat » remonte au 10 février, deux jours après son interruption. C’est également à la date du 10 février que cesse l’actualisation de l’espace presse. La dernière publication concerne ainsi les « Décisions issues des trois premiers mois du grand débat sur l’identité nationale ».

Parmi les mesures phares : « Créer un carnet du jeune citoyen », « Donner à tous les enfants de France l’occasion de chanter au moins une fois par an la Marseillaise », « Rendre obligatoire la présence du drapeau français dans chaque école et la présence de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans chaque classe », ou encore, « Rendre plus solennelle l’accession à la nationalité française ».

Mais, pour les plus fervents défenseurs du débat qui ne sauraient se satisfaire de telles mesures, les contributions les plus érudites peuvent toujours être publiées sur le site. Et certains ne s’en privent pas. Si les dérapages et autres écarts de langage aux relents xénophobes se font plus rares, ils n’ont pas complètements disparus de la circulation.

« Depuis la fin de la colonisation, la France assiste à une nouvelle vague de migration venue d’Afrique. Dans l’immense majorité des cas, ces peuples ne sont pas intégrés. Pourquoi ? » s’interroge ainsi Sérésin. La réponse pour ce gardien de l’identité nationale est simple : il faut chercher « les racines communes entre la France et les sociétés polonaise, portugaise, … et vous aurez la réponse. Français de souche et peuples immigrés se croisaient sur le parvis de l’église. L’échange était possible. Ceci est impossible avec les peuples musulmans qui vivent à l’écart de la civilisation occidentale et qu’on ne peut croiser ni dans la rue ni dans les églises » …

Dans la même veine, un dénommé Cosinus s’en prend à « tous les gouvernements [qui] ont bradé la nationalité Française en la donnant comme un timbre poste à n’importe quel immigré tout en lui conservant sa nationalité d’origine. L’immigration musulmane massive est une MENACE pour l’Identité Nationale qu’elle détruit de plus en plus« . Et de poursuivre son discours d’ouverture : « les immigrés d’Afrique ne veulent pas s’intégrer mais nous imposer leurs mœurs : polygamie, burqa […]. Où est l’Identité Nationale dans les villes des émeutes ethniques de 2005 ? Ce n’est pas à la France de s’adapter aux musulmans mais l’inverse ! Il faut en finir avec le laxisme, la capitulation, la lâcheté gouvernementale face aux agressions des musulmans. Réagissez! Le laxisme gouvernemental nous exaspère On veut des actes dignes d’un gouvernement ! AGISSEZ !!! ».

Un certain Charles De Herstal se pose quant à lui en historien averti de l’identité nationale : « 1500 ans de combats, de souffrances pour en arriver à donner les clés de notre pays aux musulmans et à terme, s’en faire chasser. Si vous connaissez l’Histoire vous verrez que depuis le 7ème siècle tous les peuples d’Afrique du Nord ont été soit arabisés soit éradiqués et quelquefois les deux (Kabyles). Nous deviendrons des esclaves comme ces millions de noirs africains envoyés dans les pays arabes, les hommes étant systématiquement castrés pour éviter que ne se forment des communautés noires dans les pays arabes, opération réussie. […] Vous vous rendrez vite compte que plus la proportion de musulmans, pratiquants et non pratiquants, va aller croissante plus les choses vont se compliquer, ça s’est toujours passé ainsi partout dans le monde, pourquoi cela se passerait-il autrement chez nous ».

Mais pourtant, en dépit de ces derniers barouds d’honneur nauséabonds, les contributions de ce genre semblent s’être éclipsées. Le cœur n’y est plus.

Même chez ses plus fervents défenseurs au sein des sphères médiatiques, ces « soldats perdus de l’identité nationale », qui voyaient dans cette suspension du débat une victoire du « Parti des Médias », le triomphe des « prêtres anti-racistes », la cause ne semble plus guère rassembler.

Reste le très radical Riposte laïque pour s’inquiéter des dangers de mettre un terme au débat. A l’image de l’article d’Yves Rectenwald dans son numéro de mars : « demain, la France sera musulmane sans qu’aujourd’hui quelqu’un puisse s’en offusquer. […] Car demain, nos femmes seront voilées, la loi musulmane, la charia, aura primauté sur les lois de la république, le ramadan sera obligatoire, les viandes de porc bannies, … on pourra battre sa femme et la répudier en toute impunité, on pourra être polygame sans être poursuivi… seul Allah dirigera nos actes et nos consciences. […] Demain, les églises seront transformées en mosquées, les catholiques en dhimmis, sujets soumis à la loi coranique… Nous serons tous enturbannés, en babouches, prêts à céder St Jacques de Compostelle pour la Mecque… Nous serons en marche pour une parfaite assimilation, la Gaule sera l’Arabia, le français deviendra un sabir déjà usité dans nos banlieues » …

Mais au-delà de ces derniers assauts, la presse, dans son ensemble, ne fait plus écho au débat sur l’identité nationale. A l’image du silence du site en ligne Mediapart, qui, avec son « appel« , s’était voulu le porte drapeau des opposants au débat.

Les médias délaissent même son instigateur, Éric Besson, qui, longtemps au cœur de la tempête médiatique, apparaît aujourd’hui isolé, en panne de médiatisation. Même son agenda, semble désespérément vide.

Le ministre pourrait pourtant vite revenir sur les devants de la scène. Son projet de loi portant sur le durcissement des règles de renouvellement des cartes de séjour, tenant compte des « efforts d’intégration du migrant », ne devrait pas manquer de faire réagir.

Il reste qu’en définitive, si le « grand débat sur l’identité nationale » semble avoir été définitivement enterré, la xénophobie rampante et la stigmatisation systématique continuent de se manifester de manière toujours plus patente, à l’image de la délétère « affaire » Ali Soumaré. A la question « Que signifie être français ? « , les réponses des responsables politiques du pays n’ont sûrement pas fini de nous surprendre.

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à propos de l'auteur

Auteur : Alexis Bisson

« Journaliste ? Vous avez dit journaliste ? Aujourd’hui ? Mais vous n’y pensez pas ! ». De la conseillère d’orientation avisée au jeune journaliste le plus zélé, en passant par les parents inquiets, c’est à chaque fois le même refrain qui ressurgit : la voie du journalisme est « bouchée », « saturée », « sans issues », ... Et pourtant ! Fasciné par les métiers du journalisme, et ce depuis le collège, je décidais, en dépit de ces constats aussi encourageants qu’optimistes, de m’engager sur ce périlleux et téméraire sentier journalistique. C’est ainsi qu’après une Licence d’Histoire-Science politique et un Master recherche d’Histoire contemporaine à Caen, je change d’horizon pour rejoindre les bords de la méditerranée et le Master journalisme de Montpellier. C’est donc sous le soleil de l’Hérault que je compte acquérir les méthodes, les techniques d’écritures journalistiques ainsi que les enjeux et les règles que comporte la profession pour m’armer au mieux dans ce monde réputé difficile. Aujourd’hui, ma volonté de trouver ma place dans ce métier demeure intacte. Passionné par l’Histoire, et notamment l’Histoire politique, c’est vers cet univers que je souhaiterai, dans l’idéal, me diriger. Le choix de mon sujet de Master 1, consacré à l’étude du Parti socialiste au regard du journal Le Monde, n’a fait que renforcer ce souhait. En attendant (peut être) de parvenir un jour à cet « idéal », le chemin s’annonce long et chaotique. Je souhaite ainsi multiplier les expériences au sein des divers et nombreux métiers que compte le journalisme, en presse écrite et en radio notamment.