Patrick Timsit : « Sarkozy est un collaborateur »

Le roi du politiquement incorrect, Patrick Timsit, est de retour avec son « One Man Stand-Up Show». Jeudi 15 avril, l’humoriste sera sur la scène du Palais des Congrès du Cap d’Agde pour le 7eme Festival d’humour. Revenant sur l’actualité, il fait la part belle aux polémiques et autre débat sur l’identité nationale.

Etes-vous heureux de venir présenter votre spectacle au Cap d’Agde ?

Oui, ce spectacle est toujours un plaisir à jouer. Je devais le présenter deux soirs à l’Olympia. Résultat : cela dure depuis deux ans et demi. Là, c’est la dernière tournée.

Vous le réadaptez au gré de l’actualité ?

Oui. Aujourd’hui, il n’a plus rien à voir avec celui joué à l’Olympia. En réalité, il n’a même plus de nom. A présent, je l’appelerai Décomplexé. A chaque retour de tournée, je ramène des pans entiers de spectacle. Avec Bruno Gaccio et Jean-François Halin, nous avons vraiment été inspiré.

Où puisez-vous votre inspiration ?

Le spectacle contient tout ce dont j’ai envie de parler : mes colères, mes doutes, ma vie… C’est un échantillon de mon quotidien : le couple, le non-couple, la famille, la mort, la vie, la religion, le racisme, les voyages… le Cap d’Agde !

Un sujet comme le débat sur l’identité nationale, ça vous inspire ?

Je l’évoque dans un sketch sur le match France-Irlande. De nos jours, on est décomplexé : on n’hésite pas à parler des étrangers, des Auvergnats et d’identité nationale. Alors, pourquoi se prendre la tête ? On marque un but de la main, pas de quoi avoir honte : on a gagné ! Vive la France !

Selon Stéphane Guillon, Sarkozy est le meilleur client qui soit. C’est vrai ?

Absolument. Il dit une chose le matin, on peut la mettre à coup sûr dans le spectacle le soir, telle quelle. C’est carrément un collaborateur, un auteur qui ne nous prend aucun droit d’auteur.

Un mot sur la polémique Eric Zemmour ?

Lorsqu’il dit que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, ce n’est pas exact. Si les chiffres lui donnent raison, la réalité non. En vérité, s’ils sont plus souvent arrêtés, c’est qu’au faciès, ce sont eux qui sont les plus contrôlés. Cette polémique est un faux débat.

Et concernant la polémique Guillon/Besson ?

Eric Besson a le droit de ne pas trouver drôle la caricature de Guillon et de lui répondre. Par contre, que Jean-Luc Hees, président de Radio France présente des excuses, c’est pas possible. Cela veut dire qu’il a le cul entre deux chaises et qu’il est tenu par le pouvoir.

Les comiques n’ont jamais autant eu la parole que de nos jours. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de procédures contre eux. Il y a une vraie volonté de nous contrôler. C’est ça qui fait peur

Recueilli par Julie DERACHE

Abd Al Malik : « Allumons les bougies de l’espoir ».

En amoureux des mots et poète humaniste des temps modernes, Abd Al Malik est venu déclamer quelques extraits de son nouveau livre « La guerre des banlieues n’aura pas lieu » et partager sa vision de la vie, de la France, de l’avenir. La librairie Sauramps Odyssée a accueilli le rappeur, slammeur et auteur-compositeur, ce mercredi 24 mars, pour le plus grand plaisir des Montpelliérains. Après la rencontre, c’est avec le sourire qu’il se livre à HautCourant. Un petit instant d’éternité.

« Nous sommes tous issus de la même lumière ». Une dédicace. Des mots qui touchent au cœur. Abd Al Malik, c’est ça. « Avec le cœur », une générosité, une émotion, un amour des mots. Un artiste qui garde le sourire et ne fait pas semblant. De Sénèque à Akhénaton en passant par Aimé Césaire et Jean Ferrat, son univers éclectique se dessine autour de philosophes, de rappeurs, de grands noms de la littérature et de chanteurs d’une autre décennie. « Un mélange de tradition et de modernité ». Pour lui, l’art a l’ambition d’universel.

Défaire les clichés et déconstruire les préjugés, voilà son maître mot. A ceux qui le voient tantôt comme un rappeur, tantôt comme un slammeur, tantôt comme un interprète de « chanson française de cité », il répond : « je suis un rappeur qui amène une singularité à mon art ». A ceux qui ne voient l’Islam que par le prisme de l’extrémisme, de la violence et de la burqa, il répond que lorsque l’on est dans une vraie démarche spirituelle, « on est dans le respect des lois du pays, dans le respect de tout être – homme et femme –, dans le respect de soi-même, on est dans l’écoute, dans le non-jugement, dans le dialogue… ». A ceux qui ne voient dans les banlieues qu’une bombe à retardement, il offre La guerre des banlieues n’aura pas lieu.

Une lettre ouverte à Éric Besson

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Sorte de conte initiatique moderne qui présente un cheminement de vie et offre un état des lieux sur la France d’aujourd’hui, La guerre des banlieues n’aura pas lieu, c’est un peu le Mentir-vrai d’Aragon. Se servant d’un matériel autobiographique provenant de sa propre histoire, Abd Al Malik raconte des faits réels gardés dans sa mémoire pour une composition fictionnelle qui, bien que produit d’un mensonge et donc « menteuse », transporte une vérité qui s’approche plus de la réalité. Son objectif ? « Dire que nos élites politiques, culturelles et intellectuelles, sont de plus en plus déphasées avec la réalité, avec ce que l’on peut vivre, nous, dans la vraie vie. Il faut résorber le fossé entre les élites et nous le peuple. Il faut que l’on travaille à ce que la France soit à la hauteur d’elle-même. En termes d’idées et de principes philosophiques et fondateurs, la France est un pays merveilleux. Mais, les valeurs n’ont de sens qu’illustrées. Liberté, égalité, fraternité, richesse de la diversité, ces beaux principes n’ont de sens que s’ils sont actés. Sinon, c’est cruel, gravissime, presque criminel ». Un politique, comme un artiste, c’est quelqu’un qui devrait avoir « mal aux autres », dit-il en citant Jacques Brel.

Le poète réalise au fur et à mesure de son écriture que son livre est une véritable lettre ouverte à Éric Besson, une réponse au débat sur l’identité nationale. Qu’est-ce que l’identité française, et non nationale, pour lui ? « L’identité française, ce n’est pas une religion, une couleur de peau, c’est une communauté d’idées, une vision, un être au monde. C’est le rapport à l’universel, à la langue, à la singularité, à la culture. C’est ça que d’être français, et je suis fier et heureux d’être français. Il faut que l’on montre la richesse et la beauté de cette identité-là. Ce débat aurait pu créer du lien mais, maladroit et agressif, il a été mal mené. Conséquence : la montée du Front National et une désunion dans le pays. »

Et, face à un monde « incohérent » où les êtres sont « éclatés », il faut « travailler à être un, de l’intérieur ». Pour le poète, s’il est une chose fondamentale dans cette construction, c’est la cohérence : « ma cohérence est éthique, déontologique et morale, avec des valeurs. Sans être toutefois ni dans une démarche moralisatrice, ni une démarche dans le jugement d’autrui ».

Des mots qui dansent, une émotion passe. Questions à un poète.

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« Les mots mènent aux actes […] Ils préparent l’âme, la mettent en condition, la poussent à la tendresse ». Sainte Thérèse d’Avila (citée par Abd Al Malik dans la préface de La guerre des banlieues n’aura pas lieu)

Pensez-vous que seuls les mots peuvent guérir les maux de la société ?

Bien sûr. Tout part de là, tout commence par les mots. « Au commencement était le Verbe » (nldr, Évangile selon Saint Jean). Autant, l’Histoire nous a montré que des horreurs ont trouvé leur origine dans les mots, autant les changements positifs trouvent aussi leur origine dans les mots. Alors, le verbe est soit porteur de vie, soit mortifère. C’est à nous de choisir.

D’où vient cet amour des mots ?

Gamin, j’étais dyslexique. Quand j’ai pu lire et écrire correctement, ça a été une bouée de sauvetage, puis un merveilleux véhicule pour voyager. C’est un monde qui s’est ouvert à moi. J’ai dévoré tous les bouquins, même si je ne comprenais pas tout ce que je lisais. Très tôt j’ai été introduit à de grands auteurs. Et, petit à petit, ces auteurs sont devenus des amis. Des amis qui, peu à peu, m’ont poussé à l’écriture.

J’ai une vie livresque très riche. Mais, s’il y a une chose que tous ces auteurs m’apprennent, c’est que le plus important n’est pas dans les livres. Le plus important est dans la vie. Les livres ne sont qu’un prétexte pour faire du lien, pour comprendre que l’on doit partager avec les gens, que l’on doit vivre les choses. L’essentiel se vit. Lisez, puis fermez les livres et vivez.

Que pensez-vous de l’adage « le poids des mots, le choc des photos » ?

J’aimerai que l’on aille plus loin. Un être, ce n’est pas qu’une photographie. Les gens sont faits de chair et de sang, ils ont des espoirs, des craintes, des peurs, des joies. Les mots aident à décrypter, à décrire un monde intérieur, à communiquer, à échanger avec les autres. Par contre, il faut se méfier des images. C’est une réalité figée dans le temps et dans l’espace. Or, il y a des choses qui se passent en annexe, avant et après.

Pensez-vous qu’un mot peut tuer ?

Bien sûr. Parfois, on dit des choses abruptes, comme ça, sans se rendre compte et ça peut tuer. Les mots peuvent empêcher l’espoir, la possibilité de transcender une condition et peuvent être porteurs d’enfermement. C’est pour cela qu’il faut faire très attention aux mots que l’on emploie.

Vous vous dites patriote. C’est dans une démarche patriote que vous avez écrit ce livre ?

Ma démarche artistique, musicale ou littéraire, est souvent faite dans une démarche patriotique. Un patriotisme au sens de Sartre, de Camus : dire qu’il y a des valeurs avec lesquelles on ne doit pas transiger. Des valeurs que l’on doit porter, défendre, envers et contre tout.

Quelles sont les valeurs les plus importantes pour vous ?

D’abord, les valeurs fondatrices de ce pays : la liberté, l’égalité, la fraternité, l’universel. Puis, le respect de l’autre dans la différence, la solidarité, le fait de pouvoir transcender sa condition par le savoir et devenir quelqu’un alors que l’on vient de nulle part. Ce sont des valeurs ancrées à l’Histoire de ce pays. Des gens se sont battus, sont morts pour ça.

Dans C’est du lourd, vous dites « quand tu insultes ton pays, tu t’insultes toi-même », à qui est adressé ce message ?

A nous tous. Beaucoup ont pensé que je m’adressais uniquement aux jeunes des cités. Bien sûr, cela les concerne. Mais, cela concerne aussi les politiques et les élites en général. Dont des intellectuels qui ne voient que des choses négatives, qui refusent de voir que la diversité est une chance ou d’admettre que l’immigration a toujours été source de richesses. C’est aussi insulter son pays. Il est facile de dire : « regardez rien ne fonctionne ». Tout le monde peut le faire. Mais se dire « c’est vrai que c’est difficile, mais soyons ceux qui allumons les bougies de l’espoir, au lieu de constater et de rester dans l’obscurité » est autrement plus enrichissant.

Pourquoi cette référence à La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux ?

D’abord pour m’inscrire dans un acte littéraire. Puis, je trouvais ça fort, le fait que personne ne veut la guerre mais que des fois on agit de manière inéluctable vers elle. La possibilité de ne pas faire la guerre est dans nos mains à tous, pour peu que l’on s’en donne les moyens, que l’on évoque et que l’on invoque la paix. Dire que la guerre des banlieues n’aura pas lieu, c’est une ligne de mire, c’est dire : « on va faire en sorte qu’elle n’ait pas lieu ».

Vous parlez souvent de spiritualité, comment la vivez-vous quotidiennement ?

Je la vis au travers de l’Islam. Je suis musulman pratiquant. Mais, la spiritualité embrasse toute chose. On peut ne pas croire en Dieu et être profondément spirituel. La spiritualité est un être au monde. C’est une capacité à partager avec les autres, à comprendre que notre destin à tous est lié.

Êtes-vous un optimiste ou un idéaliste ?

Les deux. Optimiste, c’est voir le verre à moitié plein. Idéaliste, c’est avoir un idéal. Le fait de rêver, d’avoir des utopies, de voir les choses de façon positive, permet de travailler à rendre nos rêves réels. Je ne suis pas « cuicui les petits oiseaux », je ne nie pas les problèmes que l’on traverse. Mais, ma démarche est authentiquement positive. Mon idée est de donner de l’espoir.

Pour finir, pensez-vous que tout ne passe que dans l’émotion que suscite les mots ?

Dans l’émotion, il n’y a ni couleur, ni sexe, ni âge, ni milieu socioculturel. Il y a juste des hommes et des femmes avec un même cœur qui bat.

Julie DERACHE

Le silencieux lendemain du « Grand débat sur l’identité nationale »

Presque un mois après sa suspension, qu’en est-il du « grand débat sur l’identité nationale » mis en place par Éric Besson au mois de novembre dernier ? Hautcourant revient sur les suites de ce débat controversé, longtemps au cœur de la tempête médiatique.

C’est un fait qui ne se dément pas. Le « grand débat sur l’identité nationale » lancé par Éric Besson a fait pschitt. Enterrée en grande pompe par le Premier ministre, François Fillon, le 8 février dernier, l’œuvre du ministre de l’intégration et de l’identité nationale semble bel et bien avoir disparue des écrans radars du débat politique français.

Pour s’en persuader, il suffit de se rendre sur le site du « grand débat sur l’identité nationale », sorte de vestige, témoin des controverses et dérapages des derniers mois.

Car il faut bien le dire, depuis le gel du débat sur l’identité nationale début février, le site ne connaît plus la même vitalité qui l’animait lors de son lancement retentissant. Il est en quasi-inertie.

Dès la page d’accueil, c’est non sans amertume que le zélé contributeur cliquant sur l’onglet « grand débat » constate que la page est « introuvable ». Pire, « la page que vous demandez n’existe plus » !

Le constat n’est guère plus réjouissant au sein de la rubrique « actualité ». La dernière contribution éclairée au « grand débat » remonte au 10 février, deux jours après son interruption. C’est également à la date du 10 février que cesse l’actualisation de l’espace presse. La dernière publication concerne ainsi les « Décisions issues des trois premiers mois du grand débat sur l’identité nationale ».

Parmi les mesures phares : « Créer un carnet du jeune citoyen », « Donner à tous les enfants de France l’occasion de chanter au moins une fois par an la Marseillaise », « Rendre obligatoire la présence du drapeau français dans chaque école et la présence de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans chaque classe », ou encore, « Rendre plus solennelle l’accession à la nationalité française ».

Mais, pour les plus fervents défenseurs du débat qui ne sauraient se satisfaire de telles mesures, les contributions les plus érudites peuvent toujours être publiées sur le site. Et certains ne s’en privent pas. Si les dérapages et autres écarts de langage aux relents xénophobes se font plus rares, ils n’ont pas complètements disparus de la circulation.

« Depuis la fin de la colonisation, la France assiste à une nouvelle vague de migration venue d’Afrique. Dans l’immense majorité des cas, ces peuples ne sont pas intégrés. Pourquoi ? » s’interroge ainsi Sérésin. La réponse pour ce gardien de l’identité nationale est simple : il faut chercher « les racines communes entre la France et les sociétés polonaise, portugaise, … et vous aurez la réponse. Français de souche et peuples immigrés se croisaient sur le parvis de l’église. L’échange était possible. Ceci est impossible avec les peuples musulmans qui vivent à l’écart de la civilisation occidentale et qu’on ne peut croiser ni dans la rue ni dans les églises » …

Dans la même veine, un dénommé Cosinus s’en prend à « tous les gouvernements [qui] ont bradé la nationalité Française en la donnant comme un timbre poste à n’importe quel immigré tout en lui conservant sa nationalité d’origine. L’immigration musulmane massive est une MENACE pour l’Identité Nationale qu’elle détruit de plus en plus« . Et de poursuivre son discours d’ouverture : « les immigrés d’Afrique ne veulent pas s’intégrer mais nous imposer leurs mœurs : polygamie, burqa […]. Où est l’Identité Nationale dans les villes des émeutes ethniques de 2005 ? Ce n’est pas à la France de s’adapter aux musulmans mais l’inverse ! Il faut en finir avec le laxisme, la capitulation, la lâcheté gouvernementale face aux agressions des musulmans. Réagissez! Le laxisme gouvernemental nous exaspère On veut des actes dignes d’un gouvernement ! AGISSEZ !!! ».

Un certain Charles De Herstal se pose quant à lui en historien averti de l’identité nationale : « 1500 ans de combats, de souffrances pour en arriver à donner les clés de notre pays aux musulmans et à terme, s’en faire chasser. Si vous connaissez l’Histoire vous verrez que depuis le 7ème siècle tous les peuples d’Afrique du Nord ont été soit arabisés soit éradiqués et quelquefois les deux (Kabyles). Nous deviendrons des esclaves comme ces millions de noirs africains envoyés dans les pays arabes, les hommes étant systématiquement castrés pour éviter que ne se forment des communautés noires dans les pays arabes, opération réussie. […] Vous vous rendrez vite compte que plus la proportion de musulmans, pratiquants et non pratiquants, va aller croissante plus les choses vont se compliquer, ça s’est toujours passé ainsi partout dans le monde, pourquoi cela se passerait-il autrement chez nous ».

Mais pourtant, en dépit de ces derniers barouds d’honneur nauséabonds, les contributions de ce genre semblent s’être éclipsées. Le cœur n’y est plus.

Même chez ses plus fervents défenseurs au sein des sphères médiatiques, ces « soldats perdus de l’identité nationale », qui voyaient dans cette suspension du débat une victoire du « Parti des Médias », le triomphe des « prêtres anti-racistes », la cause ne semble plus guère rassembler.

Reste le très radical Riposte laïque pour s’inquiéter des dangers de mettre un terme au débat. A l’image de l’article d’Yves Rectenwald dans son numéro de mars : « demain, la France sera musulmane sans qu’aujourd’hui quelqu’un puisse s’en offusquer. […] Car demain, nos femmes seront voilées, la loi musulmane, la charia, aura primauté sur les lois de la république, le ramadan sera obligatoire, les viandes de porc bannies, … on pourra battre sa femme et la répudier en toute impunité, on pourra être polygame sans être poursuivi… seul Allah dirigera nos actes et nos consciences. […] Demain, les églises seront transformées en mosquées, les catholiques en dhimmis, sujets soumis à la loi coranique… Nous serons tous enturbannés, en babouches, prêts à céder St Jacques de Compostelle pour la Mecque… Nous serons en marche pour une parfaite assimilation, la Gaule sera l’Arabia, le français deviendra un sabir déjà usité dans nos banlieues » …

Mais au-delà de ces derniers assauts, la presse, dans son ensemble, ne fait plus écho au débat sur l’identité nationale. A l’image du silence du site en ligne Mediapart, qui, avec son « appel« , s’était voulu le porte drapeau des opposants au débat.

Les médias délaissent même son instigateur, Éric Besson, qui, longtemps au cœur de la tempête médiatique, apparaît aujourd’hui isolé, en panne de médiatisation. Même son agenda, semble désespérément vide.

Le ministre pourrait pourtant vite revenir sur les devants de la scène. Son projet de loi portant sur le durcissement des règles de renouvellement des cartes de séjour, tenant compte des « efforts d’intégration du migrant », ne devrait pas manquer de faire réagir.

Il reste qu’en définitive, si le « grand débat sur l’identité nationale » semble avoir été définitivement enterré, la xénophobie rampante et la stigmatisation systématique continuent de se manifester de manière toujours plus patente, à l’image de la délétère « affaire » Ali Soumaré. A la question « Que signifie être français ? « , les réponses des responsables politiques du pays n’ont sûrement pas fini de nous surprendre.

En aparté avec Christiane Taubira

Christiane Taubira était, ce jeudi 28 janvier, l’invitée des associations étudiantes Racin’ et Polisud, quelques jours après les deux consultations successives des Guyanais et des Martiniquais sur l’avenir institutionnel de leurs territoires.

L’université Montpellier I a reçu, le jeudi 28 janvier, une invitée de marque : Christiane Taubira, députée de la première circonscription de la Guyane et ancienne candidate aux élections présidentielles de 2002. Dans un amphithéâtre noir de monde, elle a débattu avec les Montpelliérains sur la question « spécificités, citoyenneté de l’outre-mer, quels enjeux pour l’avenir ?« .

Un contexte qui s’y prête

Le hasard a bien fait les choses : la rencontre coïncide avec le résultat des deux consultations, les 10 et 24 janvier, portant sur le futur de la Martinique et de la Guyane. Taubira parle de la seconde consultation comme d’un « cadeau empoisonné« , d’une « réforme administrative a minima » sans « vrais enjeux » contrairement à la première.

Le 10 janvier, les électeurs de Martinique et de Guyane étaient appelés à se prononcer sur le changement de statut de leurs collectivités régies par l’article 73 de la Constitution française, pour un régime de plus large autonomie prévu par l’article 74. C. Taubira critique au passage le fait que l’on « consulte les gens sur un article avant de décider ce qu’on va y mettre dedans« . En cas de réponse positive, un projet de loi organique devait en effet fixer l’organisation de la nouvelle collectivité et ses compétences. Mais le vote fut négatif. En Guyane, le « non » recueille 69,8 % des suffrages exprimés, et en Martinique 78,9 %.

Ainsi, les électeurs ont été consultés le 24 janvier pour créer une collectivité qui exercerait les compétences dévolues au département et à la Région, tout en demeurant régie par l’article 73. Pour cette deuxième consultation, le « oui » l’emporte à 68,30% en Martinique et à 57,48% en Guyane. L’organisation et le fonctionnement de la nouvelle collectivité unique va donc se substituer au Conseil régional et au Conseil général.

« Avec des réalités spécifiques, peut-on parler de citoyenneté ? »

L’intitulé donné à la conférence par les étudiants de l’association Racin’ ne convient pas à Christiane Taubira. Au terme de « spécificités », elle préfère celui de « réalités ». Elle revient ainsi sur l’existence d’un régime de décrets : « ce sont des décrets gouvernementaux qui légifèrent les territoires d’outre-mer ».
Alors, elle se demande comment concevoir la citoyenneté malgré la différence. En effet, il existe des écarts « évidents » entre la métropole et les Dom-Tom.

D’abord, des inégalités économiques subsistent. Selon Christiane Taubira, elles sont dues à « l’ancienne économie coloniale » et à des « réflexes conservateurs et des réflexes de crispation« . L’outre-mer vit donc dans une « insécurité financière« . L’égalité sociale est très récente. L’alignement du SMIC et des allocations familiales sur la métropole date notamment des années 2000. De plus, elle critique la politique du gouvernement qui « néglige les politiques publiques, ce qui n’est pas bon pour la citoyenneté« . Pour elle, il faut établir une véritable égalité à l’éducation et aux soins : « la France est une république qui s’est fondée sur l’égalité, or c’est une fiction, la différence est bien présente« , s’exclame-t-elle. En faisant référence à Aimé Césaire : « ils se sentent Français entièrement à part, et pas Français à part entière« , elle voudrait passer à « un vrai universalisme« . Selon la député, il faudrait que la République se donne la « capacité à inclure et contenir la diversité du monde« . Ce n’est pas Joël Abati, présent, qui la contredira.

Une polémique toujours d’actualité autour de la loi Taubira

A la fin de la rencontre, une question des plus déroutantes est posée à Christiane Taubira par un étudiant : regrette-elle d’avoir donné son nom à la loi du 21 mai 2001 ? Il est à rappeler que la député guyanaise a donné son nom à la loi dite mémorielle tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La loi dite « Taubira » soulève des critiques. Principalement de la part de certains historiens, tels qu’Olivier Pétré-Grenouilleau, qui jugent qu’elle limite l’esclavage à la traite européenne des Noirs.

Avec force, la députée répond qu’elle ne regrette « pas une seconde » son implication : « comment pourrais-je regretter de reconnaître que la traite négrière est un crime contre l’humanité ? Qu’est ce qui empêche que cela soit dit et écrit ? Il faut rappeler que pendant des siècles, l’humanité des personnes noires et métisses a été niée, dans les actes et dans des corpus de doctrines. De rappeler que c’est en se basant sur les écrits de la Bible et la désobéissance du fils de Noé, que les Noirs ont été réduits en esclavage de générations en générations. De rappeler qu’un système économique a été organisé autour de cela, un système inscrit dans le Code noir et basé sur l’exil forcé et le meurtre légal. Est-ce qu’il faudrait taire que cette éjection de millions d’hommes, de femmes, d’enfants, de la famille humaine est un crime contre l’humanité ? C’est un crime contre l’humanité, contre la mienne et contre la vôtre. Ce n’est que rétablir l’humanité dans son unité, dans son unicité, dans son intégrité. C’est tellement cela, que mise à part la France, la Terre entière est fière de cette loi ! » Elle ajoute que sur la base de ce texte, quatre régions administratives françaises (Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine et Alsace) ont monté un programme touristique culturel et historique : la « Route des abolitions de l’esclavage« . Lancée en 2004, elle s’inscrit dans le projet international de la « Route de l’esclave » soutenu par l’ONU et l’UNESCO sur le devoir de mémoire.

Elle conclut sur cette question en rappelant que « cette expérience tragique de la traite négrière est une expérience hautement humaine. Autant elle montre qu’il n’y a pas de limites à la violence, à la brutalité, à l’inhumanité de l’humain, autant elle montre l’humanité transcendante de celui-ci. A travers ces esclaves qui refusent d’être écrasés, qui résistent dès le moment de la capture et qui vont résister sans arrêt, qui vont se jeter à l’eau préférant être mangés par les requins que d’arriver au bout de ce voyage d’horreur, ces esclaves qui font des mutineries, ces esclaves qui se battent sur les plantations, ces femmes qui découvrent les plantes qui vont les faire avorter pour qu’elles n’aient pas d’enfants sur les plantations, ces femmes qui vont découvrir les plantes qui vont empoisonner le bétail pour appauvrir le maître, les Amérindiens qui se solidarisent des esclaves marrons, les intellectuels européens qui se battent … Ce sont les résistances additionnées de tous ces hommes, de toutes origines, de toutes apparences, de toutes cultures, de toutes religions, de toutes langues, qui ont anéanti le système esclavagiste. Dire que c’est un crime contre l’humanité, c’est tout simplement dire la vérité et rendre hommage à ces millions de victimes. C’est rappeler que l’on choisit son camp : banaliser la monstruosité des négriers ou sublimer le courage des victimes et des philosophes européens. Et si jamais cette loi dérangeait un historien, non pas parce qu’il est historien, mais parce qu’il est négationniste et qu’il propage des thèses contraires aux valeurs morales de la République, contraires aux valeurs éthiques, je trouverais que c’est bien peu de chose.  »

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Hautcourant pose 3 questions à Christiane Taubira

Julie Derache : Que pensez-vous de l’actuel débat sur l’identité nationale initié par le gouvernement ?

Christiane Taubira : Cette histoire de débat n’a pas de sens. Le mot même de « national » est dangereux, il a une histoire chargée. En plus, les motivations à l’origine de ce débat sont connues : il est lancé par le Ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Des historiens ont démissionné de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration lorsque le candidat Sarkozy a dit qu’il allait créer un Ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Chose qu’il a effectivement fait par la suite. Les universitaires français ont été nombreux à dire que cette juxtaposition « identité nationale » et « immigration » est malsaine. Alors, avec ce débat, Sarkozy reste dans sa logique : crisper les Français et leur faire croire qu’ils sont en péril sur leur territoire. Ce genre de crispations a mené aux pires guerres nationalistes. C’est pour lui une étape supplémentaire. Elle entraîne les gens sur des chemins dangereux. Notamment en neutralisant l’épanouissement personnel dans la société. On leur dresse une sorte d’ennemi, une cible privilégiée. Par ailleurs, étudier l’évolution de l’identité française, et non nationale, est nécessaire et intéressant pour comprendre, en autres, les mécanismes possibles d’intégration. Des chercheurs le font. Notamment des sociologues et des historiens comme Suzanne Citron.

Ibra Khady Ndiaye : Alors que le gouvernement s’empresse de légiférer sur des questions comme le port de la burqa, de nombreuses discriminations demeurent au quotidien à l’égard des minorités. Que proposez-vous pour éradiquer ces discriminations ? Et, que pensez-vous du CV anonyme ?

Christiane Taubira : Il faut se battre contre les discriminations qui touchent toutes les minorités. Les personnes d’outre-mer subissent, en France, les mêmes discriminations que les autres immigrés. Ce sont des discriminations à l’apparence. J’ai connu cela étudiante, mes enfants aussi. Notamment pour la question du logement. J’ai toujours été contre le CV anonyme. C’est une connivence : au lieu de sanctionner les discriminations et le racisme, on les cache. Cela évite de pécher. Mais, la discrimination va se faire à l’étape suivante, pendant l’entretien d’embauche. Celui qui discrimine n’est pas sanctionné et va alors continuer. Il faut que les employeurs comprennent que l’on peut avoir n’importe quelle apparence et être compétent. Ils mettent en péril le « pacte républicain » en pratiquant la discrimination car ils annulent l’égalité de la citoyenneté. On ne s’accommode pas de cela, on sanctionne. En revanche, dans le cas de la burqa, les élites politiques sanctionnent, sévissent, car elles se sentent menacées par la moindre différence. Je suis contre la burqa mais je ne suis pas pour une loi non plus. Les hommes politiques ne cherchent pas à comprendre le phénomène, à comprendre comment on arrache les femmes de cela. Alors que les gens connaissent le chômage, perdent leur logement, sont dans le désarroi… leur problème le plus immédiat est : les femmes qui portent la burqa.

Laura Flores : Quel sera l’impact de la réforme des collectivités territoriales sur les départements d’Outre-Mer?

Christiane Taubira : On a déjà enlevé l’épine du pied à Nicolas Sarkozy avec la collectivité unique de la Guyane et de la Martinique. Je pense qu’il y a des tas de choses qui sont en danger avec cette réforme. C’est-à-dire que la collectivité unique a les mêmes compétences que le Conseil Général. Les premiers actes seront les réductions budgétaires : il ne nous faudra qu’un seul service financier, un seul service administratif, etc. En faisant cela, les capacités d’intervention vont être réduites ainsi que la logistique : la possibilité de porter l’action des élus. Le nombre d’élus, notamment ceux de proximité, va être diminué. Les gros budgets tels que le RMI vont en grignoter d’autres comme ceux du sport et de la culture. Cela me paraît inévitable aussi bien ici qu’en métropole. Je pense que les gens vont s’en mordre les doigts. Ceci étant, ils n’ont pas été nombreux à voter lors de la consultation.

Vincent Peillon découvre les vertus de la politique-spectacle

Après sa décision de ne pas participer à un débat sur l’identité nationale sur France 2, Vincent Peillon, député européen, est sous le feu des critiques. Hommes politiques et journalistes lui reprochent d’avoir fait un « coup médiatique ». Retour sur la polémique de ce week-end.

Le coup médiatique de Vincent Peillon n’en finit pas de faire des remous au sein des sphères politique et médiatique. En faisant le choix de ne pas participer à l’émission « A vous de juger » sur France 2, jeudi 14 janvier, consacrée au débat sur l’identité nationale, le député européen aura réussi à créer la polémique.

« Un coup d’éclat tout à fait regrettable »

Tout au long du week-end, nombre de personnalités politiques ainsi que des journalistes sont revenus sur cette défection du membre du Parti socialiste. A commencer, par la principale intéressée, Arlette Chabot, présentatrice de l’émission « A vous de juger ». En direct, sur le plateau, la journaliste a regretté la décision de Vincent Peillon, fustigeant un « coup d’éclat tout à fait regrettable ». Le lendemain, sur Europe 1, la même Arlette Chabot ne jugeait « pas acceptable » ce refus du député européen de participer au débat. Dans l’émission « Pop Com’ » dimanche sur Canal +, la directrice générale adjointe de la chaîne publique a réitéré sa vindicte contre le socialiste qui a, à ses yeux, « privé les spectateurs du débat ». C’est « scandaleux et pas bien » poursuit Arlette Chabot. (Voir la vidéo)

Face à l’ampleur de la polémique, Patrick de Carolis, le PDG de France Télévisions a été contraint de réagir. Il a fait parvenir une lettre à Martine Aubry, première secrétaire du PS, dans laquelle il s’en prend à un « boycott volontaire des antennes de France Télévisions » qui « menace le fonctionnement même du débat démocratique dans les médias audiovisuels ».

A droite, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre a fustigé « la fuite de M. Peillon ». Dans un communiqué repris par Le Figaro, il profite de la défection de Vincent Peillon pour se livrer à une attaque en règle contre le PS qui, selon lui, « est devenu un parti extrémiste qui pour exister n’hésite pas à utiliser les plus basses méthodes et désigne un ennemi, le président de la République« . Et de s’en prendre à un « parti aux abois, sans idées et sans projet, […] qui fuit le débat d’idées et la confrontation de projets« .

L’embarras du PS

Au Parti socialiste justement, la défection de Vincent Peillon ne fait pas l’unanimité. Elle l’embarrasse. La première secrétaire, Martine Aubry, soutient mollement le député européen. Si elle affirmait, lors de ses vœux à la presse vendredi qu’elle le soutenait « pleinement », elle s’est ensuite quelque peu rétractée. Ainsi affirmait-elle, dimanche lors du grand jury RTL-Le Figaro-LCI, que « si effectivement Vincent Peillon savait depuis quelques jours que l’organisation [du débat] était celle qui avait lieu […] et si, il a organisé cela, à l’évidence, c’est non seulement incorrect mais ce n’est pas bien ». Et la première secrétaire de se désolidariser de la demande de démission d’Arlette Chabot formulée par M. Peillon.

Manuel Valls, député-maire (PS) d’Evry s’est voulu quant à lui plus sévère. Interrogé sur France inter samedi, l’élu de l’Essonne a estimé « qu’on a toujours intérêt à débattre, à présenter ses idées ». Manuel Valls a surtout dénoncé « la méthode » : « Dire qu’on y va pour ne pas y aller après, ça pose forcément toujours un problème de crédibilité ». Le socialiste Pierre Moscovici n’est pas plus tendre à l’égard de son camarade. Dans un entretien au Parisien, le député du Doubs regrette cette « politique de la chaise vide », indiquant que pour sa part, il n’était « pas un amateur de coup d’éclat ».

Mais M. Peillon compte aussi plusieurs soutiens, tels Claude Bartolone, David Assouline, Patrick Mennucci ou encore … Georges Frêche. Sur Europe 1 samedi, le Président de l’agglomération de Montpellier admet que Vincent peillon a « fait un coup médiatique ». « Je n’aime pas trop la forme …] mais il a raison […] c’est finalement pas mal joué. La seule chose qui me gêne c’est qu’il demande la démission d’Arlette Chabot » a-t-il ajouté ([écouter l’interview).

De son côté, la presse, ce week-end n’a pas été en reste. Le Figaro éditorialisait ainsi samedi sur « La dérive de M. Peillon ». Le député européen y est présenté comme un « Saint-Just aux petits pieds …] qui a empêché le débat ». Tout aussi sévère, le quotidien régional [Ouest-France qui dénonce une désertion qui donne « de lui-même [Vincent Peillon] et du PS une image poltronne et, à ses détracteurs, une merveilleuse occasion de l’affaiblir ». Et l’éditorial d’ajouter « En faisant un coup, il réitère ce qu’il reproche à Ségolène Royal dont il fut l’allié ».

Dans les pas de Ségolène Royal

Il est sûr que le refus calculé de Vincent Peillon de participer au débat n’est pas sans rappeler les « coups médiatiques » de Ségolène Royal, dont il fut le lieutenant pendant deux ans. Car en se décommandant ainsi auprès de la chaîne publique, le député européen fait preuve de son appétence pour le « blitzkrieg » médiatique, cher à son ex-associée. Une « méthode » contestable mais efficace. Il s’agit pour ces anciens alliés de faire le plus de bruit possible (quitte à être critiqué) afin d’acquérir une plus grande visibilité médiatique.

En quête de reconnaissance, le député européen n’a donc pas agit autrement que Ségolène Royal qui, au mois de novembre, s’était « invitée » au rassemblement «social, écologique et démocrate», organisé par … Vincent Peillon. A la seule différence peut être que, comme le notent plusieurs responsables socialistes, « Ségolène Royal va là où elle n’est pas invitée alors que Vincent Peillon, au contraire, ne va pas là où il est invité ».

Dans les pas de Ségolène Royale, le député européen aura découvert ce jeudi 14 janvier les vertus de la « politique spectacle ».

Une jeunesse française

La dernière réunion publique, organisée dans le cadre du débat sur l’identité nationale à Montpellier, a tourné au fiasco islamophobe ce lundi 11 janvier. Une preuve de plus, s’il en fallait, que ce débat n’apportera rien de bon et qu’il faut l’arrêter sur le champ. Si nous devons parler d’identités, des alternatives existent mais le pouvoir n’a certainement pas envie de les envisager. Parti pris à l’appui du parcours d’un officier de la Légion d’honneur aujourd’hui âgé de 84 ans, et qui vit depuis 40 ans dans le Vercors.

Identité nationale : le FN cherche à tirer profit d’un débat controversé

Jeudi 14 janvier, Marine Le Pen, numéro deux du Front national, était l’invitée de l’émission « A vous de juger» sur France 2. La députée européenne s’est livrée à un face à face houleux avec Eric Besson sur la question de l’identité nationale.

Enfin ! La confrontation sur la question de « l’identité nationale » entre Eric Besson et Marine Le Pen a eu lieu. Et c’est une petite victoire pour la fille du leader frontiste. Il faut se rappeler en effet que le ministre de l’immigration et de l’identité nationale avait annulé sa participation à un débat à Liévin (Pas-de-Calais), prévu initialement le 13 janvier, après avoir appris la venue de Mme Le Pen. Annulation qui avait provoqué les foudres de la numéro deux du FN, dénonçant « une reculade puérile et ridicule » qui témoignait de la « couardise et de la piètre idée de la démocratie » du ministre. (Voir la vidéo). Marine Le Pen tenait donc là sa revanche.

« Un débat lancé comme un thème de campagne »

Sur le fond, la confrontation s’est avérée largement stérile, entre bataille de chiffres approximatifs et attaques personnelles. Eric Besson a tenté de retrouver des accents républicains, qui lui échappaient quelque peu ces derniers temps, face à une Marine Le Pen offensive et fidèle aux positions frontistes. Le ministre de l’identité nationale et de l’immigration continue de se féliciter de la tenue de ce débat, le voyant comme le « signe de la fin d’un monopole que s’est octroyé le FN pendant un certain nombre d’années ». La députée européenne s’en est prit quant à elle à «un débat lancé comme un thème de campagne » qui ne répondait pas aux vraies questions.

Et de reprocher à Eric Besson un manque d’honnêteté quant à l’intitulé du débat. Selon elle, celui-ci aurait dû d’entrée se placer sur la question de l’immigration. L’occasion pour la numéro deux du FN d’appeler, une nouvelle fois, à un « débat sur l’immigration ». « Peut-on continuer à accueillir dans notre pays l’équivalent de la population de la ville de Lille ? » s’est elle interrogée.

Un débat finalement sans vraie conséquence, duquel l’auditoire retiendra sans doute la surprenante conclusion de Mme Le Pen. Surprenante question d’abord : «Combien pèse le fait d’être français ? ». Et réponse à la mesure de la question : « Être français pèse un gramme, le poids d’un bulletin de vote, le seul privilège que les français ont encore ». Pour le reste, la fille du leader frontiste est restée sur les positions tenues pas le Front National sur le débat depuis son lancement, début novembre.

« Une escroquerie électorale »

Déjà invitée de France 2, le 1er novembre, alors que le « grand débat sur l’identité nationale » venait d’être lancé par Eric Besson, Marine Le Pen fustigeait une « escroquerie électoraliste » qui n’avait comme seul but de « ressouder une majorité qui part en lambeaux ». (Voir la vidéo).

Derrière cette admonestation, la numéro deux du FN s’inquiétait surtout d’une opération politique et médiatique de la majorité visant à conserver l’électorat frontiste qui s’était rallié à la candidature de Nicolas Sarkozy en 2007. C’est en substance ce qu’elle déclarait dans une tribune au Monde, du 22 décembre, s’en prenant à un président de la République qui souhaite « retenter le « coup » de la campagne de 2007 : apparaître comme le protecteur de notre pays, de ses valeurs et de son identité face à toutes les agressions ».

Refusant que ce débat ne soit l’apanage du gouvernement, le Front national n’avait pas tardé à réagir en lançant dès le 4 novembre « son » site consacré au « débat » sur l’identité nationale : identitenationale.net. Un espace, peut on lire sur ce site, qui constitue une réponse au gouvernement qui a « fait le choix d’un débat fermé, ficelé, dont les conditions d’organisation dans les sous-préfectures […] ne sont pas à la hauteur de l’enjeu ». Le site n’omet toutefois pas de préciser que ce débat « est essentiel, fondamental, car il conditionne notre vie de tous les jours mais aussi l’existence même de notre Nation ».

Un contexte favorable

Le Front national tentait ainsi de ne pas laisser le débat lui échapper. Sans doute le contexte dans lequel il se déroule depuis le mois de novembre l’a-t-il aidé. Entre la votation suisse sur les minarets, les nombreux dérapages du débat et sa dérive vers des questions liées à l’immigration, le parti frontiste est apparut en capacité de redevenir audible.

A commencer par Jean-Marie Le Pen et sa fille. En réaction à la tribune de Nicolas Sarkozy dans Le Monde, le 9 décembre, la députée européenne se félicitait, sur le site du Front national, « que Nicolas Sarkozy soit obligé sous la pression populaire de reconnaître la validité du référendum suisse et à appeler à une pratique religieuse non ostensible dans la sphère publique ». Et d’ajouter, « C’est là une victoire idéologique du Front National qui a été le premier à se féliciter du vote helvétique ». Et la numéro deux du FN renchérissait sur France 5, le 8 janvier, en estimant que « le débat leur échappe l’UMP] car ils ne l’ont jamais maitrisé » ([voir la vidéo).

Son père, Jean-Marie Le Pen n’a lui non plus pas été en reste. Ainsi ironisait-il, lors de ses vœux à la presse, le 6 janvier, en remerciant le président de la République de lui avoir rendu un fier service en lançant ce débat dans l’espoir de « siphonner » les voix d’extrême droite, comme à la présidentielle de 2007. Pour le leader frontiste, « en lançant en pleine campagne électorale un débat truqué sur l’identité nationale, aux bons soins du ministre socialiste et immigrationniste de l’Immigration, Nicolas Sarkozy a involontairement réveillé les Français ».

« un risque de remontée du Front national »

Autant de prises de positions qui inquiètent, à droite comme à gauche, en vue des élections régionales de mars prochain. Car dans ce contexte, Jean-Marie Le Pen estime son parti en capacité de se maintenir au second tour dans « dix à douze régions« . A droite, François Baroin, député (UMP) de l’Aube et maire de Troyes a été le premier à s’en inquiéter. Dans un entretien au Monde, il évoquait « un risque de remontée du Front national favorisé par la crise, d’une part, et par ce débat qui, au fond, ne peut que le servir ». Dans la même veine, Azouz Begag, ancien ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances dénonçait, dans les colonnes de Sud-ouest, un débat « indigne de la République française » qui va « profiter » au Front National.

Il reste qu’en dépit d’un Front national apparemment de nouveau galvanisé par ce débat, rien n’indique son retour en force sur le plan électoral. Un sondage TNS Sofres/Logica (lire ici) réalisé les 4 et 5 janvier indique que les français sont de plus en plus nombreux à se démarquer des idées frontistes. Seuls 18% des sondés adhéreraient toujours aux thématiques du parti de Jean-Marie Le Pen.

Identité nationale : un débat peu fructueux à Montpellier

Lundi 11 s’est déroulé à l’Ecole d’Application de l’Infanterie à Montpellier (EAI) le débat sur l’identité nationale. Organisé par le député UMP Jacques Domergue, le préfet de l’Hérault, Claude Baland a néanmoins su tenir les rênes de ce débat décrié. Ambiance.

18h30. Une petite foule se presse aux portes de l’EAI. Des manifestants tendent bruyamment, mais sans débordements, une banderole indiquant « Notre identité n’est pas Nazionale ». Ils viennent pour la plupart du NPA, d’Alternative Libertaire ou encore des Jeunesses Communistes.

À l’entrée, la sécurité nous demande si nous sommes sur la liste des invités. Un débat public sur invitation, surprenant. Heureusement le député Domergue pointe son nez dehors, et nous autorise à rentrer après lui avoir expliqué notre statut d’étudiants journalistes. Dehors, certains y resteront. Pas d’invitation, pas d’entrée. Il fallait montrer plus que patte blanche.

Après avoir traversé la cour sombre de l’école, nous arrivons enfin dans la salle remplie en grande partie de personnes de plus de 60 ans. Au centre de la tribune, le préfet Claude Baland et le député Domergue sont entourés de deux professeurs de droit public. Trois représentants de la société civile sont également venus apporter leur soutien et leur témoignage.

« Moi je me sens intégré mais j’ai l’impression que c’est la France qui n’arrive pas à m’intégrer »

La première prise de parole du débat chauffe les esprits. Un des premiers intervenants s’exclame : « C’est l’immigration musulmane qui met en question nos valeurs judéo-chrétiennes et laïques ». Au fil des interventions, on comprend rapidement que la plupart de ceux qui s’expriment sont de droite. Et pour cause, des sympathisants d’obédiences différentes n’ont pu assister à la discussion, pourtant ouverte à tous. « J’ai invité les représentants de tous les partis politiques » se défend le préfet. Et pourtant pas de PS, de PC, de Verts ou de NPA.

S’il a démarré sur des chapeaux de roues, le débat s’enlise peu à peu dans les banalités, voire les discussions de café. Peu de propositions concrètes ressortent. On note qu’il est entièrement tourné vers l’intégration des immigrés. « Moi je me sens intégré mais j’ai l’impression que c’est la France qui n’arrive pas à m’intégrer » l’idée est lâchée. C’est bien là toute la problématique de ce débat qui tourne autour de la question de l’immigration, sans jamais donner de définition propre de l’identité nationale.

Alors que le préfet appelait en prémices du débat à ne pas stigmatiser une communauté en particulier, force est de constater que revient dans toute les bouches les mots immigration, problème de cohabitation entre une « communauté musulmane » issue du Maghreb, considérée comme mal intégrée et une communauté de « français de souche » (expressions utilisées à de multiples reprises).

Le débat s’est presque exclusivement axé sur cette thématique, avec des intervenants allant d’étudiants ou de jeunes travailleurs, tentant d’expliquer la condition d’un fils d’immigré maghrébins en France. Parmi les représentants politiques, les conseillers régionaux FN Alain et France Jamet ont été peu soutenu par l’auditoire malgré une diatribe appelant sans surprise à régler le problème de l’immigration. Pour expliquer le sentiment de rejet que ressentent les fils d’immigrés de première ou de troisième générations, un homme questionne : « Va-t-on encore demander à ma fille, qui est née ici en 2009, si elle est française ou non ? ».

22h00 la discussion se termine. Alors que les participants commencent à partir, un bon nombre se lève et entonne la Marseillaise. La majorité de la salle suit, un étrange sentiment nous envahit alors.

Au Québec, la question de l’identité nationale se pose aussi

Le débat sur l’identité nationale n’est pas uniquement français. De même, l’Hexagone n’est pas le seul à se questionner sur le port ostentatoire de signes religieux. Au Québec, province francophone du Canada, la controverse est virulente. Et ce depuis plusieurs années. Le président français Nicolas Sarkozy s’est-il inspiré de ses cousins d’Outre-Atlantique pour son débat sur l’identité nationale ? En 2007, le premier ministre du Québec, Jean Charest, a lancé la Commission Bouchard-Taylor, ou plus exactement la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Outre la problématique de l’intégration, cette commission a mis en exergue toutes les questions que se posent les Québécois sur leur identité nationale. Aujourd’hui encore, la polémique continue dans la Belle Province.

L’identité nationale québécoise, une question ancienne

La question de l’identité nationale est un sujet sensible au cœur de la Belle Province. Pour autant, une grande majorité des Québécois s’identifie d’abord et avant tout au Québec, avant de s’identifier au Canada. « Ils ont ben compris qu’ils ont plus l’droit de nous appeler les Canadiens, Alors que l’on est québécois » chante Linda Lemay. Le Québec est leur nation. Mais comment définir la nation québécoise ?

Le nationalisme a toujours été fort au Québec depuis le XIXe siècle, donnant lieu à différents courants politiques et à divers courants de pensée, se basant très souvent sur l’antagonisme franco-anglais. Toutefois, la question de la souveraineté s’est cristallisée dans les années 1960 avec la Révolution Tranquille. Cette dernière marque, dans l’imaginaire collectif québécois, la formation d’une nouvelle société moderne, ouverte sur le monde et pénétrée par de grands idéaux tels la démocratie, le pluralisme et la nation. La Révolution tranquille fut une importante période de réformes politiques, économiques et culturelles entreprises par Jean Lesage et René Lévesque. Aujourd’hui encore, de nombreux partis politiques tels que le Parti québécois, Québec solidaire ou le Bloc québécois désirent la souveraineté de la province.

En 2006, le gouvernement fédéral canadien, en la personne de Stephen Harper, premier ministre canadien, émet une motion reconnaissant que « Les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni« . Celle-ci engendra un grand débat autour de la définition de la nation québécoise. Citons, notamment, une conférence tenue à l’Université Laval à Québec : « La nation québécoise existe-t-elle ? ».

L’identité nationale québécoise et les accommodements raisonnables.

La discussion fut relancée lors du débat public organisé pour la Commission de consultation Taylor-Bouchard sur les pratiques d’accommodement raisonnable reliées aux différences culturelles en 2007-2008. Qu’est ce qu’un accommodement raisonnable ? C’est une notion juridique canadienne issue du droit du travail, décrite dès 1985, par la Cour suprême du Canada comme :  » L’obligation dans le cas de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, consiste à prendre des mesures raisonnables pour s’entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive  » Elle s’applique à plusieurs motifs de discrimination dont le sexe, la grossesse, l’âge, le handicap ou encore la religion.

Les requêtes de la part de groupes ethniques ou religieux minoritaires ont été considérées par une partie des médias et de l’opinion publique comme étant excessives, voire contraires aux valeurs des Québécois.
C’est en 2002 que la notion a été mise en lumière par les médias québécois, lorsqu’un jeune sikh a décidé de porter un kirpan (arme symbolique s’apparentant à un poignard) dans une école québécoise. Pour les autorités de l’école, le kirpan est une arme, alors que pour ce jeune sikh, il s’agit d’un symbole religieux. D’un côté, le port d’arme blanche sans permis est interdit au Québec, d’un autre la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît le droit de pratiquer librement sa religion. Devant le refus de l’école d’obtempérer, le jeune sikh a poursuivi l’établissement. À l’issue du procès, il a pu porter, à l’école, un kirpan dans un fourreau de bois placé à l’intérieur d’un sac d’étoffe cousu de manière à ne pouvoir être ouvert. Autre exemple : en avril 2006, une communauté juive orthodoxe a payé la pose de vitres teintées pour une salle de sport à Montréal. Elle ne voulait pas que ses enfants voient des femmes en tenue de sport. Le cas le plus marquant est celui d’une jeune musulmane ontarienne de 11 ans qui est expulsée, en 2007, d’un match de soccer à Laval, dans la banlieue de Montréal. L’arbitre décide que l’hijab (voile islamique) porté par la jeune fille est un risque pour la sécurité des participants et lui demande de le retirer. Devant son refus, il l’expulse. Aucun des médias européens présents à cette rencontre n’a jugé bon de s’intéresser à ce sujet. Face à ces différents exemples, et bien d’autres, le terme « accommodement raisonnable » a acquis une connotation péjorative et a provoqué un mécontentement dans la population.

C’est en février 2007 que le premier ministre du Québec Jean Charest ouvre alors la Commission Bouchard-Taylor, présidée par deux Québécois de renom : l’historien Gérard Bouchard et le philosophe Charles Taylor. Leurs travaux consistaient à comprendre et analyser, au travers des accommodements raisonnables, les causes d’un malaise social lié au modèle d’intégration socioculturelle institué au Québec depuis les années 1970. Ce débat avait pour objectif de répondre à la problématique : comment conjuguer pluralité et identité québécoise.

La Commission s’est terminée le 22 mai 2008 par le dépôt d’un rapport. Les résultats n’ont pas été concluants et très contestés. Notamment par de nombreux souverainistes. Mais aussi, par les immigrés eux-mêmes. Citons notamment Djemila Benhabib, journaliste d’origine algérienne. Elle décrit son malaise depuis son arrivée au Québec face aux demandes formulées par des groupes musulmans, demandes qu’elle qualifie d’islamistes et de  » prosélytistes « . Dans son essai, elle critique ouvertement les groupes qui revendiquent des passe-droits au nom de leur religion.  » Ces islamistes qui revendiquent benoîtement les auspices du respect de la religion et du droit à la différence, pervertissent l’idée de la démocratie. Qu’on se le tienne pour dit, il ne s’agit pas là de liberté individuelle, mais de prosélytisme, d’intégrisme, de fascisme ouvert. Car dès qu’une religion s’affiche ostensiblement dans la sphère publique, il y a confusion des genres « , peut-on lire dans Ma vie à contre-Coran. En faveur de la laïcité à la française, qui interdit notamment aux fillettes le port du voile islamique dans les écoles publiques, Djemila Benhabib pense que les commissaires Bouchard et Taylor ont eu tort de conclure que la crise des accommodements raisonnables, n’était qu’une crise de perceptions.

Ainsi, les effets positifs escomptés après le rapport n’ont pas eu lieu. Il semblerait même que les différentes communautés s’intègrent moins bien dans la société, suite aux résultats de la Commission. Selon Cyberpress.ca, cette dernière a provoqué une augmentation du nombre d’incidents antisémites. Un article du Devoir montre notamment que les Musulmans en subissent les contrecoups. Kamel Béji, professeur de l’Université Laval, d’origine tunisienne, a souligné que, depuis les travaux, la situation semblait encore plus difficile pour eux : « Ça a eu un effet néfaste sur les femmes voilées, a-t-il dit. Les employeurs ne veulent pas de femmes qui portent le voile et la population voit les hommes comme ceux qui forcent les femmes à le porter. » Cette problématique n’est pas sans rappeler les débats français autour de l’interdiction du port du voile ou de la burqa. Excepté que la conception de la laïcité est actuellement différente au Canada.

L’interdiction du port ostentatoire de signes religieux en question.

La problématique revient sur le devant de la scène ces derniers mois. Jean-Marc Léger, dans une chronique sur Canoë (chaine de télévision québécoise) souligne que  » la Commission Bouchard-Taylor a tenté d’aseptiser le débat, mais sans succès. Il revient inévitablement sous une forme ou une autre. Cette fois-ci, c’est sur le port de signes religieux au sein de la fonction et des services publics. À une question claire, nous obtenons une réponse tout aussi claire. Soixante pour cent des Québécois estiment que l’on devrait interdire le port de tout signe religieux dans la fonction et les services publics.  » En effet, le projet de loi 16 sur les accommodements raisonnables piloté par la ministre de l’Immigration, Yolande James, est source de polémiques. En ce mercredi 06 janvier, le Devoir met en avant les oppositions politiques face à la mise en place d’une telle loi. Par exemple, pour Québec solidaire (parti de gauche pluraliste), les droits de la personne sont les plus importants. Selon lui, on ne peut pas nier à un ensemble de personnes leur liberté d’expression et de religion en interdisant le port des signes religieux au nom du principe de laïcité. Jugement auquel s’oppose Michèle Sirois, spécialiste en sociologie des religions, qui a quitté Québec solidaire suite à cette question:  » cette prise de position s’oppose aux valeurs fondamentales de la grande majorité des Québécois et constitue un recul par rapport aux gains historiques de la gauche et du mouvement nationaliste.  » écrit-elle sur son blog.

Ainsi, au Québec comme en France, la question de la laïcité est au cœur du débat sur l’identité nationale.

Identité nationale, burqa : la majorité joue avec le feu

A l’heure du débat nauséabond sur l’identité nationale qui, loin de fédérer les français les divise plus que jamais, l’UMP se démène avec un projet de loi que Jean-François Copé et Eric Raoult portent péniblement sur leurs épaules. Celui sur l’interdiction du port du voile intégral. Décryptage.

Après des mois de discussions, force est d’admettre pour ces fervents défenseurs d’une identité républicaine qu’une loi visant à interdire le port de la burqa ou du niqab est difficilement applicable sans porter atteinte aux libertés fondamentales.

Même Xavier Darcos qui fut pourtant favorable à l’interdiction du voile dans les écoles en 2004, reconnaît dans Le Monde du jeudi 17 décembre: « qu’un dispositif répressif, dont l’application est jugée très difficile, ne serait pas de nature à régler la question complexe du port de la burqa. »

Jean-François Copé, affirmait pourtant dans Le Figaro du 16 décembre : « Il y a des fondements juridiques solides pour justifier une interdiction », en faisant référence à l’intervention de Guy Carcassonne, professeur de droit public à l’université Paris X, qui fut diffusée sur la Chaine Parlementaire.

Or « les fondements juridiques solides » que Jean-François Copé prétend détenir sont peut-être plus fragiles qu’il le laisse entendre.
Guy Carcassonne explique en effet que la seule solution pour qu’une telle loi apparaisse serait de faire appel à « l’ordre publique et la sécurité ». « Il ne s’agirait pas d’interdire le voile intégral mais tout ce qui cache le visage » car le fait de montrer son visage est le signe que l’on appartient à une société. Cela fait parti de nos codes sociaux, non seulement pour des questions de sécurité mais aussi parce que c’est un des signes de reconnaissance que nous partageons.

Soit, mais est-ce vraiment pour des questions de sécurité que ces parlementaires ont voulu au départ interdire le voile intégral ? N’y-a-t il pas quelque chose de biaisé dans cette volonté de légiférer à tous prix sur un phénomène, qui rappelons-le ne peut pas être mesuré, et dont les conséquences sociales ne peuvent être évaluées qu’avec des conjectures hasardeuses voire pire, par des jugements de valeurs stigmatisant ?

L’UMP, dans son obsession d’affirmer haut et fort ce que c’est que d’être français, réalise alors qu’il n’est pas possible de légiférer sur le port du voile intégral pour des raisons qui aurait pu être valable : le respect de la laïcité ou la dignité de la personne liée au traitement infligé aux femmes par leurs maris.

Ainsi, le respect de la laïcité ne peut être invoqué car selon Guy Carcassonne : « La République peut s’imposer à elle-même une laïcité, mais le législateur ne saurait pas interdire au citoyen la liberté de choisir ce qu’il considère comme important pour sa foi ».

La dignité de la personne non plus car interdire le voile intégral au nom de celle-ci relèverait du jugement arbitraire. Qui va définir ce qu’un individu juge digne pour sa propre personne. L’État ? Une commission de la dignité ? Et en poussant la logique plus loin, est-il digne de porter un tatouage, un piercing, une croix ou une kipa ? Préjuger de cela nous amènerait immanquablement vers des dérives que la vieille Europe connait bien.

Impossible donc de légiférer sur ces principes et pourtant on cherche, on continue, on veut coûte que coûte sanctionner. Quand bien même l’utilité d’une telle loi est douteuse mais qu’en plus son application, stigmatisant une population que l’on met déjà trop souvent sous les feux des projecteurs, se fera pour de fausses raisons de sécurité et d’ordre public.

Symptomatique, cette proposition de loi illustre bien la position de la majorité qui s’efforce constamment d’établir des liens entre la foi musulmane et l’intégrité de la république française et se retrouve souvent dans des impasses. Ces débats divisent même les hommes politiques au sein de la majorité et exacerbent les tensions en donnant forme à des problèmes qui n’en étaient pas forcément au départ.
Le débat sur l’identité nationale suit la même logique. Mettre sur le devant de la scène des pseudos problèmes de société pour éviter des débats beaucoup plus gênant pour le gouvernement sur la gestion de la dette, la Réforme Générale des Politiques Publiques, la réforme sur la taxe professionnelle, la suppression du juge d’instruction, la revalorisation annuelle du SMIC au strict minimum face au maintien du bouclier fiscal, l’intégration européenne forcée par le traité de Lisbonne, le retour dans le commandement intégré de l’ONU ou encore les quotas d’immigrés renvoyés dans leurs pays. Autant de sujets qui mériteraient un véritable débat national avec les mêmes moyens que ceux déployés pour l’identité nationale.

Ce débat ci n’est qu’une grossière manœuvre de diversion, une basse manière de fédérer toutes les rancœurs autour de crispations identitaires, une méthode de division aussi vieille qu’efficace.
Conscient de l’impasse dans laquelle la majorité est en train de s’engouffrer, les ministres se divisent déjà sur le sujet.

Cette exacerbation de la problématique du voile et de l’identité nationale destinée à étouffer les contestations sur les autres politiques mises en pratique n’est pas sans risque. Le feu que le gouvernement allume ainsi par petites touches risque ainsi de se propager rapidement. Les émeutes de 2005 dans les banlieues sont certes passées, mais toujours bien présentes dans les mémoires, et le gouvernement ferait bien de s’en soucier.