Pascal Le Brun-Cordier : « nous avons d’emblée affirmé que les ZAT se développeraient dans toute la ville y compris dans les quartiers populaires »

Par le 11 novembre 2011

Du vendredi 11 au dimanche 13 novembre va se tenir à Montpellier la troisième édition des ZAT (Zones artistiques temporaires). Rencontre avec son directeur artistique : Pascal Le Brun-Cordier.

Pouvez-vous présenter brièvement le concept des ZAT pour ceux qui ne le connaitraient pas encore ?

C’est un grand projet artistique populaire prévu sur dix ans, dont l’objectif est d’explorer la ville de Montpellier et de la mettre en récit, d’enrichir et d’intensifier l’expérience urbaine, avec les artistes et les habitants. Il s’agit d’un rendez-vous régulier (pour le moment, chaque printemps et chaque automne), gratuit, dans l’espace public, dans toutes les zones de la ville, qui propose des spectacles et des surprises urbaines. Une édition des ZAT, c’est entre deux et quatre jours de manifestations artistiques surprenantes, décalées, qui relèvent de la danse, du théâtre, du cirque, des arts visuels, du street art et de la performance, pendant lesquels la ville se métamorphose, se poétise et se révèle autrement.

Cette troisième édition sera centrée autour du mythe du monstre du Loch Lez. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Cette 3ème ZAT a deux versants. Le premier est lié à l’inauguration du nouvel Hôtel de Ville de Montpellier : samedi et dimanche, nous y proposons une exploration artistique, avec des impromptus théâtraux, un parcours sonore, des conférences décalées, et un grand concert qui se déroulera sur la place de l’Hôtel de Ville. De l’autre côté du Lez, le second versant de cette édition se déploie autour du Bassin Jacques-Coeur et s’organise autour d’une histoire incroyable, celle du monstre du Loch Lez. A Montpellier depuis plusieurs siècles, un monstre aquatique hante les profondeurs du Lez. Les premières traces de ce monstre remontent au 1er siècle ap J.-C (une mosaïque retrouvée sur le site archéologique de Lattara le représente). Le monstre refait ensuite surface au dixième, quatorzième et enfin au seizième siècle. Lors de ce dernier épisode, Nostradamus a rédigé une prophétie annonçant sa réapparition le jour où les onze chiffres 1 seront alignés, soit ce vendredi 11 novembre 2011 à 11h11 et 11 secondes. Autour de cette légende urbaine, nous proposons une série de rendez-vous, notamment des chantiers de fouilles archéo-mythologiques, une zone de peluchologie, des spectacles, des interventions de conteurs et de comédiens…

Justement les ZAT sont financées par le budget municipal alloué à la culture. En tant que directeur artistique de cet évènement, bénéficiez-vous d’une totale liberté dans le choix des artistes et des projets programmés ?

Les ZAT sont un projet porté par la ville de Montpellier, donc par l’élu à la culture. Il y a ainsi le cadre global du projet, et dans ce cadre, après qu’un espace ait été défini, je peux construire la programmation. Ce travail se fait par un dialogue permanent avec toute l’équipe de la ZAT au sein de la Direction de la Culture et du Patrimoine, et avec l’élu à la culture. Je précise que la ville m’a accordé sa confiance, et que ma liberté a jusqu’à présent été totale.

Quels sont vos critères de sélection pour recruter les artistes programmés aux ZAT ?

La programmation des ZAT est totalement contextuelle. Elle suit une recherche sur le territoire, la définition d’un axe artistique précis qui organise ensuite toute la programmation. J’invite les artistes que je connais, que je suis depuis longtemps soit en leur proposant de créer un spectacle ou une installation spécifique pour le site, soit en adaptant une création existante. Je suis au contact de beaucoup d’artistes depuis de nombreuses années, qui ont la caractéristique de travailler dans et avec l’espace public. C’est un travail très particulier qui demande une capacité particulière de composer avec l’environnement, le monde, la société. Etre vivant en somme! Il y a donc un travail de sélection, de réflexion et parfois de compagnonnage avec ces artistes.

Antigone pour la première édition, le domaine de Méric pour la deuxième et maintenant le quartier moderne de Port-Marianne. A quand une édition des ZAT au cœur d’un quartier populaire ?

Les ZAT ont la volonté de se développer sur une période de dix ans. C’est un temps rare dans la culture qui permet de l’ambition, de l’imagination, et l’expérimentation de formats différents. On a commencé dans une logique urbanistique, sur des sites centrés autour du Lez. Dans une ville comme Montpellier, c’est un élément très structurant pour l’histoire, la géographie et le paysage. Le Lez est un choix pris avec l’ancien élu de la culture Michaël Delafosse. Antigone, le domaine de Méric, et Port Marianne sont trois quartiers très différents les uns des autres, mais ils se situent tous au bord de ce fleuve.

En 2010, lors du lancement de cet évènement, nous avons d’emblée affirmé que les ZAT se développeraient dans toute la ville y compris dans les quartiers populaires; il y a eu une volonté d’aller à la Paillade et aussi dans d’autres quartiers. Mais aujourd’hui la réponse à cette question appartient au nouvel élu: Philippe Saurel.

Les ZAT sont les héritières des « quARTiers libres » ; festivals d’art de rue aux thématiques diversifiées, se déroulant à travers toute la ville et mettant sur le devant de la scène une programmation 100% montpelliéraine. Avec la mutation de cet évènement sous la forme des ZAT, quelle place reste-il pour les artistes locaux ?

« Des artistes qui vivent et travaillent à Montpellier », je préfère les appeler comme ça. « Artistes locaux »n’est pas une expression très valorisante. Un artiste se justifie d’abord par son projet et non par l’endroit où il vit.

Ces artistes donc, sont présents dans les ZAT depuis la première édition. A chaque fois 6 ou 7 projets sont inventés avec des artistes montpelliérains ou de la région, notamment venus du Gard (compagnie Ilotopie) pour cette troisième ZAT. Ils connaissent bien le territoire et ont des projets passionnants. Effectivement « quARTiers libres » était un festival exclusivement monté avec des artistes montpelliérains, mais ce n’est pas la définition des ZAT. Dans notre projet, les artistes venus d’ailleurs apportent un autre regard sur la ville et son paysage. Ce regard extérieur y apporte du décalage de la surprise, de la fraicheur et de la singularité.

Quel type de public cet évènement attire-t-il ?

Toutes les manifestations artistiques dans l’espace public touchent des publics très diversifiés. Les ZAT n’échappent pas à cette règle.

Il faut d’abord parler de population. Des personnes qui passent dans la ville par hasard, découvrent et se laissent happer par un projet ou une situation artistique poétique sans forcément l’identifier comme tel. Ce sont des gens qui n’osent pas rentrer dans les musées ou théâtres. Ils ont parfois le sentiment que ces lieux ne sont pas faits pour eux, ou n’ont pas l’argent pour s’y rendre.

Il y a aussi des publics. Des personnes qui sont là parce qu’elles ont voulu venir. Elles ont épluché le programme et construit leur propre itinéraire. Certains d’entre eux fréquentent habituellement peu les institutions culturelles montpelliéraines. Ils vont alors apprécier le contexte plus informel dans lequel les propositions artistiques sont ici présentées. Ils veulent vivre un instant, partager un moment. Les gens viennent parfois plus pour une ambiance que pour un projet. Ce phénomène heurte d’ailleurs la sensibilité de nombreux « cultureux ». Mais c’est juste une autre manière d’envisager le rapport à la culture.

Le public des ZAT est donc très diversifié. Le noyau des spectateurs habitués et habituels de la culture y est beaucoup moins important que dans les institutions et festivals conventionnels. Il y a, et c’est là le plus important, de nouveaux publics, parfois plus jeunes, en tout cas plus diversifiés socialement, générationellement et territorialement.

Bénéficiant d’un engagement de dix ans pris par le conseil municipal, comment imaginez- vous l’évolution de cet évènement au fil des saisons ?

Il est difficile de vous répondre. Ma position de directeur artistique se fonde sur un dialogue avec les élus, et ces élus peuvent changer. Cela vient d’ailleurs de se produire avec le nouvel adjoint à la culture Philippe Saurel. Tout dépend donc encore une fois de la teneur du dialogue qui s’engage avec les élus.


Montpellier : ZAT N° 3 par Catégorie(s) :


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à propos de l'auteur

Auteur : Anthony Tejero

Le métier de journaliste m'est d'abord apparu comme une option; une idée en germe parmi d'autres. Un germe qui n'a cessé de croître et déraciner peu à peu mes autres aspirations professionnelles, s'avérant finalement le plus vorace.

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