Si un « genre » de l’audiovisuel français peut s’interroger sur les nouveaux dispositifs en matière de financement des télévisions publiques, c’est le documentaire.
Olivier Mille, président de la commission d’aide à la création télévision Procirep, rappelle «le secteur public finance une part importante de la fiction et de l’animation et la totalité du documentaire» [[ Ecran Total n° 678, oct 2007]] L’apport des chaînes publiques dans le documentaire s’élève à 99,8 millions d’euros en 2006, soit un taux de financement de l’ordre de 45,2% [[Chiffres CNC]]
Le budget d’un documentaire de 52 minutes destiné à une chaîne hertzienne coûte en moyenne 150 000 euros . Dans ce budget, plusieurs acteurs interviennent selon un scénario très précis.
Scénario qui met en lumière la dépendance du documentaire envers la manne des chaînes publiques.
Pour financer un documentaire, trois acteurs sont indispensables : un diffuseur (dans ce cas les chaînes publiques), un producteur, et l’Etat (via le Cosip/CNC, compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels) . Le Cosip, crée en 1986, est selon Didier Mauro, auteur de « Le documentaire, Cinéma et Télévision »[[ Le documentaire, Cinéma et télévision, éditions Dixit, Paris, 2003]] « le principal bailleur de fonds du documentaire » . Il est alimenté par une taxe sur la redevance et les recettes publicitaires des chaînes publiques et privées ainsi que sur les abonnements.
Un scénario précis
Lorsque qu’un documentariste a un projet destiné à être diffusé à la télévision, il peut espérer obtenir des aides à l’écriture via le CNC Centre National de la Cinématographie, la SCAM Société Civile des Auteurs Multimédias, les régions … .
Une fois ces aides obtenues (ou non, les dossiers sont nombreux), il doit trouver une société de production prête à s’investir afin de réunir les moyens nécessaires à la réalisation du film. Le producteur prépare alors avec l’auteur le dossier de présentation du projet .
Ce dossier est proposé aux chaînes de télévision en vue d’établir un contrat de diffusion ou de coproduction. Il sert ensuite à demander des financements aux institutions (Cosip, Procirep…). Le projet n’est éligible qu’une fois contractualisées les relations entre la société de production et la chaîne de télévision .
Les démarches visant à rechercher des financements complémentaires (aides de l’Union européenne, des collectivités territoriales, des ministères et musées, instituts de recherche, prévente de droits de diffusion etc.) ne seront elles déclenchées, qu’une fois établis les rapports entre le Cosip et la société de production.
Les règles du scénario
Les règles qui régissent ce scénario sont nombreuses . Elles portent sur le statut de l’œuvre audiovisuelle, sa définition, sa production, sa diffusion (les chaînes publiques ont une obligation de diffusion de 40 % d’oeuvres françaises et 60 % d’œuvres européennes). Certaines de ces règles sont aujourd’hui remises en question.
La commission Copé sur la « nouvelle télévision publique » a pour but de réfléchir à quatre grandes thématiques : le financement, les nouvelles technologies, la définition du futur contrat de service public et enfin la gouvernance d’entreprise, c’est-à-dire les rapports entre France Télévision et l’Etat. Une façon de mettre en route «l’une des plus grandes réformes accomplies» durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sauf que la réforme de l’audiovisuel était, bien avant ces effets d’annonces, déjà en chemin.
En octobre dernier, le gouvernement reculait sur la procédure d’adoption du décret visant au renforcement des obligations d’investissement des diffuseurs dans les œuvres audiovisuelles. Ce décret, voté par le Parlement, précisait la notion d’oeuvre et le pourcentage des quotas leur revenant.
A peu près au même moment, Christine Albanel confiait une mission de concertation à David Kessler et Dominique Richard ayant pour but de réfléchir à l’évolution des décrets Tasca, au motif qu’ils seraient désormais inadaptés «à l’ère du numérique ». Décrets qui contraignent les chaînes à investir 16% de leur chiffre d’affaire dans la production audiovisuelle .
Ces discussions ont contribué à augmenter les tensions entre producteurs et diffuseurs.
Désaccords vites aplanis après l’intervention du 8 janvier de Nicolas Sarkozy . Muriel Roze, directrice des magazines et documentaires sur FR3, a résumé l’état actuel des choses, en commentant le projet de suppression de la publicité sur les chaînes publiques « Les producteurs sont forcément un peu inquiets, c’est évident, leur sort est très largement lié au nôtre ».