La possible chute de Silvio Berlusconi

« In the name of God, Italy and Europe, go ! » Le Financial Times pourrait bientôt voir son vœu exaucé. Plus que jamais, Silvio Berlusconi est sur la corde raide et il lui faudra tous les talents du meilleur des funambules pour ne pas tomber.

L’Italie placée sous tutelle économique

Troisième économie de la zone euro, l’Italie et sa dette colossale de plus de mille milliards d’euros sont en première ligne dans le collimateur du Fonds Monétaire International. C’est d’ailleurs pour cette raison que Silvio Berlusconi a fini par accepter que son pays soit placé sous la tutelle du FMI. « Nous nous sommes explicitement mis d’accord aujourd’hui sur le fait que le FMI et la Commission européenne devraient présenter leurs rapports chaque trimestre » a déclaré à ce sujet la chancelière allemande Angela Merkel. Une équipe d’experts devrait donc être envoyée tous les trois mois à Rome afin de vérifier que le gouvernement tient bien toutes ses promesses en matière économique.
Une telle décision devrait permettre de protéger l’Italie de toute propagation de la dette grecque à son économie et, au-delà, à l’économie mondiale. C’est en tout cas ce qu’a affirmé le président américain Barack Obama : « Bien que la Grèce soit le sujet le plus urgent, s’il y a une contagion à des pays plus grands, nous pourrions finir dans une situation non gérable. Nous avons besoin de construire une enceinte de protection. Le FMI doit avoir un rôle de soutien important »
Cette aide reste malgré tout difficile à encaisser pour le Cavaliere. Cela faisait des semaines qu’il promettait des mesures d’austérité mais cette fois-ci, elles vont devenir concrètes : dans deux semaines, il devra les faire examiner par le Parlement italien. Le même jour aura lieu un vote de confiance sur son gouvernement. Pas sur qu’il s’en sorte aussi bien le premier ministre grec George Papandreou…

Les parlementaires appelés à renouveler leur confiance

En deux décennies, Silvio Berlusconi aura été trois fois président du Conseil. Son mandat devait normalement durer jusqu’en 2013 mais, face à la crise politico-économique que traverse le pays et aux appels à sa démission, le Cavaliere n’a d’autre choix que d’accepter un vote de confiance au Parlement. Même s’il affiche un sourire de façade, la partie n’est pas gagnée d’avance. Les défections au sein de son parti, il Popolo della Libertà, n’en finissent plus. Jeudi, ce sont deux députés qui ont quitté le bateau en rejoignant le parti de centre-droit Unione dei Democratici Cristiani e di Centro. Le nombre de députés de la majorité est ainsi tombé à 314 sur 630 et sept autres alliés de Silvio Berlusconi pourraient décider eux aussi de le quitter. Au sein du gouvernement, personne n’est dupe. Guido Crosetto, sous-secrétaire d’Etat à la défense a avoué « [qu’il] ne sait pas combien de jours ou de semaine il reste à vivre à ce gouvernement. Mais il est clair qu’avec une majorité aussi fragile, cela ne peut pas durer longtemps ». Le ministre de l’économie, Giulio Tremonti, s’est refusé, lui, à répondre à toute question portant sur l’avenir politique de Silvio Berlusconi. Un silence éloquent. « Nous avons une majorité qui, je continue à le penser, est solide et nous allons donc continuer à gouverner » a en revanche affirmé le Cavaliere qui part toutefois à la pêche aux voix : « Nous devons leur faire comprendre que nous les considérons, nous devons leur donner notre reconnaissance, un rôle à jouer. » La carotte au bout du bâton, en somme.
Mais si son image déplait fortement à une grande partie des italiens et du reste du monde, il n’est pas certain que la chute de Silvio Berlusconi soit une bonne chose, du moins pas dans l’immédiat. En l’absence d’opposition forte et d’idées efficaces, l’Italie pourrait s’effondrer complètement. C’est d’ailleurs ce qui se dit au sein même de l’opposition : « Il est nécessaire de se rendre aux urnes le plus tôt possible –commente Antonio di Pietro- Mais attention aux gouvernements techniques parce qu’une majorité qui ferait les mêmes choses que ce nous n’acceptons pas de Berlusconi, ça serait comme tomber de Charybde en Scylla »
« In the name of God, Italy and Europe, go ! » disions-nous donc. Oui. Mais seulement si une majorité efficace se met en place.

« Draquila » un documentaire anti-berlusconi

Le nouveau documentaire de Sabina Guzzanti : « Draquila, l’Italie qui tremble » est sorti en salle ce mercredi 3 novembre. Après « Viva Zapatero!», la réalisatrice italienne livre une nouvelle critique de Silvio berlusconi.

Quelle meilleure publicité pour le quatrième long métrage de Sabina Guzzanti que les dernières déclarations du président du conseil italien, Silvio Berlusconi? Il Cavaliere s’est une nouvelle fois illustré cette semaine. Récemment mis en cause dans un nouveau scandale sexuel, il a déclaré qu’« il vaut mieux avoir la passion des belles femmes qu’être gay ».

Ce documentaire, présenté au dernier festival de Cannes, avait fait parler de lui suite au refus du ministre des Biens et des Activités culturels, Sandro Bondi, de venir au festival car il estimait que le film était une offense à l’Italie.

Il faut dire que Sabina Guzzanti n’épargne pas le chef du gouvernement italien. La réalisatrice dénonce la mauvaise gestion du tremblement de terre qui a eu lieu à L’Aquila, capitale des Abruzzes, en avril 2009. Par ce tragique événement, Silvio Berlusconi a vu une formidable occasion de redorer son image alors qu’il chutait dans les sondages. Cette ville, dans laquelle de nombreux monuments ont été endommagés par le séisme, est laissée à l’abandon. Il Cavaliere se présente en sauveur et charge la protection civile (un organisme de secours) de construire de nouvelles habitations dans la campagne environnante. Mais à quel prix? Il écarte les autorités locales et les habitants des décisions concernant la reconstruction. Et profite de ce qu’il définit comme une urgence pour contourner les lois, notamment en matière d’urbanisme. On découvre aussi le sort réservé aux sinistrés pendant la durée des travaux. Ils se retrouvent pendant des mois dans des hôtels loin de leur ville ou dans des campements de fortune. A l’arrivée, si certains seront relogés, se sont quelques 30000 habitants qui se sont retrouvés sans abris.

La Mickael Moore italienne

Sabina Guzzanti
Sabina Guzzanti n’en est pas à son coup d’essai. En 2005, le documentaire « Viva Zapatero! » présentait l’enquête qu’elle avait mené suite à la déprogrammation de son show Raiot de la télévision publique. Elle dénonçait le non-respect de la liberté d’expression dans une Italie où Silvio Berlusconi contrôle la quasi-totalité des médias. « Draquila, l’Italie qui tremble » a reçu un franc succès en Italie. Plus dramatique que « Viva Zapatero » selon la réalisatrice, le documentaire mêle tout de même sérieux des témoignages et ton humoristique. Et ça fonctionne!

Dans sa démonstration elle montre comment Il Cavaliere utilise l’État pour servir ses propres intérêts. Il arrange les lois à sa manière, place des personnes de son entourage (ses liens avec la mafia sont aussi abordés), contrôle les télévisions et réussi ainsi à manipuler l’opinion publique. Tout cela sans réaction d’une opposition quasi inexistante.

Ce film présente tout de même un espoir pour les italiens. Si l’Italie est derrière la France au classement de la liberté de la presse (les deux pays sont respectivement à la 49ème et 44ème place), il est encore possible de critiquer ouvertement le pouvoir en place.

Il Cavaliere resserre les rênes médiatiques

Menacé récemment par la tenue de législatives anticipées et de nouveau au cœur de l’actualité judiciaire avec une enquête pour fraude fiscale via sa société Mediaset, Silvio Berlusconi multiplie les actions pour empêcher les journalistes de mettre en péril une popularité mise à mal par des scandales à répétition.

Après un vote de confiance au Parlement et le ralliement in extremis des dissidents de son parti menés par Gianfranco Fini, Il Cavaliere a échappé à des législatives anticipées et semble assuré de préserver sa mandature jusqu’en 2013.

De quoi préoccuper les Italiens encore soucieux de la liberté de la presse qui font face à un Président du Conseil qui mélange fonctions politiques et médiatiques.

Détenteur de trois chaînes de télévision privées, de la maison d’édition Mondadori ainsi que d’organes de presse au sein de son groupe Mediaset, Berlusconi n’hésite pas à intervenir auprès de la direction de la télévision publique Rai lorsque des journalistes le dérangent.

Pressions sur la Rai

A l’image du journaliste Michele Santoro, présentateur de l’émission politique Anno Zero sur Rai 2 qui, après avoir été démis une première fois de ses fonctions puis remis en place par la justice, a été suspendu le 13 octobre pour une durée de dix jours.
Cette sanction fait officiellement suite aux insultes que le journaliste avait adressées au directeur général de la Rai lors de son émission de rentrée. Officieusement, selon les médias, il s’agirait d’une sanction pour son indépendance d’esprit et son obstination à passer outre les avertissements de l’entourage du Cavaliere, notamment en invitant une escort girl sur son plateau pour évoquer les cachets reçus lors des soirées passées avec Berlusconi.

Sur la Rai News 24, c’est Corradino Mineo, homme de gauche, qui s’est vu destitué de son émission et demeure en mauvaise posture.
Egalement sur la liste noire de Berlusconi, Serena Dandini, présentatrice de l’émission satirique Parla Con Me, sur Rai 3, a pour le moment réussi à préserver son poste.

Autrefois le pluralisme devait être assuré par la répartition des différentes chaînes publiques entre les trois grands courants politiques : démocratie chrétienne, parti socialiste et parti communiste.
A partir des années 90, l’arrivée de Berlusconi couplée à la chute des partis traditionnels corrompus, ont remis en cause cette répartition qui s’est faite plus inégale, Rai 1 a été dirigée par des proches du Cavaliere, Rai 2 par l’ex-allié Gianfranco Fini et la ligue du Nord et Rai 3 restant la plus à gauche.

Les médias refusent le bâillon

Berlusconi a poussé le vice jusqu’à vouloir imposer le silence aux journalistes par des moyens légaux.
En témoigne le projet de loi sur l’interdiction de la publication des écoutes policières menées dans le cadre d’une affaire judiciaire.
Surnommée « loi bâillon », elle avait conduit à une levée de boucliers et à une journée de grève des journalistes en juillet dernier.
La mobilisation avait fini par faire plier le gouvernement qui avait amendé son texte, permettant la publication des écoutes, à certaines conditions.

Les chiens de garde de la démocratie semblent donc encore en position de refuser la laisse qu’on voudrait leur imposer, une chance car l’Italie était en 49e position au dernier classement mondial de la liberté de la presse effectué par Reporters Sans Frontières.

Second tour de l’élection présidentielle chilienne : vers la victoire de la droite

A quelques jours du second tour de l’élection présidentielle chilienne qui se tiendra le 17 janvier prochain, Hautcourant a donné la parole à deux étudiants chiliens qui font leurs études en France. Ils partagent leur vision de l’élection et, au delà, de l’avenir de leur pays. Tous deux craignent l’arrivée au pouvoir de Sebastian Piñera : le Berlusconi chilien.

Le Berlusconi chilien. C’est ainsi que la gauche qualifie Sebastian Piñera, le candidat de la « Rénovation nationale » (centre-droit) en liste pour le second tour de l’élection présidentielle chilienne qui se tiendra le 17 janvier prochain. Il affrontera le leader de la concertation (coalition de centre-gauche au pouvoir depuis 1989 et la chute de la dictature d’Augusto Pinochet), Eduardo Frei, membre du parti démocrate chrétien. Pour la première fois en 20 ans, la droite semble en position de l’emporter. En effet, Eduardo Frei est donné perdant dans la plupart des sondages). Hautcourant a donné la parole à deux étudiants chiliens de France. S’ils n’ont que peu ou pas connu la dictature de Pinochet, ils suivent avec attention, l’évolution de leur pays.

Elisa, étudiante à Toulouse : « Le gouvernement Piñera sera loin de changer l’inclinaison néolibérale du Chili »

L’élection de Sébastian Piñera aurait un coté très positif : le renouvellement de la sphère politique chilienne qui n’a pas changé depuis de l’arrivée de la démocratie, c’est-à-dire depuis 20 ans. Par contre, ma crainte réside dans l’énorme pouvoir que détiendrait cet homme. Propriétaire de grandes entreprises, d’une chaine de télévision, d’un club de foot, il est un mélange parfait entre Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi. Par exemple, Piñera envisage de faire venir des membres de l’opposition dans son nouveau gouvernement.

Les politiques qu’il prône, et notamment le libéralisme économique, ne feront que perpétuer l’héritage de Pinochet. C’est-à-dire, celui d’un système privé élitiste qui donne l’accès aux richesses à ceux qui en ont déjà les moyens. Le Chili est encore l’un des pays où les inégalités économiques sont les plus importantes du monde.

En clair, le gouvernement de Piñera serait loin de changer la direction néolibérale du Chili. Il privilégierait la flexibilisation du marché du travail en éliminant le salaire minimum avec l’argument fallacieux de combattre le chômage. Il libéraliserait également tous les marchés possibles et imaginables en soutenant que si quelques uns sont plus riches, cela profitera à tous. C’est pour cela que l’instauration d’un système d’éducation et de santé accessibles à tous, sont peu envisageables à court terme.

C’est la grande limite du système politique chilien. Il est fait de petits partis qui coalisent et ne font que des petites réformes d’un pays encore loin de changer en profondeur.

Felipe, étudiant à Paris : « Eduardo Frei ne fait pas trop rêver non plus »

Je suis assez désabusé par les deux candidats présents au second tour. Piñera est une sorte de Berlusconi chilien. Il est néolibéral, veut remettre en cause les petits progrès obtenus par le centre-gauche. Quand à Eduardo Frei, il ne fait pas trop rêver non plus. Il a déjà été président de la République (de 1994 à 2000) et n’incarne donc pas trop le changement. Le parti démocrate chrétien a eu une position ambiguë au moment du coup d’état de Pinochet. Ils n’ont pas trop rejeté le coup d’état car ils souhaitaient que l’on revienne sur les réformes « trop sociales » mises en place par Salvador Allende. Cela résume assez bien la position toujours timorée de ce parti dans l’histoire du pays.

Je reste quand même assez optimiste pour le Chili. Michelle Bachelet a su mettre en place des réformes positives sans aller assez en profondeur. Mais, le seul fait qu’une femme l’emporte dans un pays très machiste constitue un énorme progrès. On dit qu’elle pourrait se représenter aux prochaines élections (Au Chili, les candidats ne peuvent pas effectuer deux mandats d’affilé). Elle rebattrait alors la droite de Sebastian Piñera.

Berlusconi et Veltroni, deux hommes pour un siège

Dimanche et lundi se dérouleront des législatives anticipées en Italie, dans un contexte politique fragilisé. La démission en janvier de Romano Prodi, après l’éclatement de sa coalition de centre-gauche, au pouvoir depuis vingt mois, a précipité le calendrier électoral.

L’Italie est toutefois coutumière de ces crises. En cinquante ans, un seul gouvernement est allé au bout de la législature de cinq ans : le cabinet Berlusconi, de 2001 à 2006.
Pour sortir le pays d’une crise morale et économique, les Italiens devront choisir entre deux personnalités que presque tout oppose : un homme d’affaires richissime, Silvio Berlusconi, et un professionnel de la politique, Walter Veltroni.
C’est la première fois que « Il Cavaliere » affrontera, à 71 ans, un homme nettement plus jeune que lui, puisque l’ex-maire de Rome est âgé de 52 ans. Une génération de différence et des parcours antinomiques.

Vieux routier de la politique, Veltroni s’est engagé dès les années 1970 dans les jeunesses communistes. Il a accompagné toutes les mues de la gauche, jusqu’à la création du Parti démocrate à l’automne, dont il a pris la tête. Berlusconi n’est entré en politique qu’en 1993. Mais il lui a suffi d’un an pour remporter dès 1994 les élections et devenir chef du gouvernement. Très discret sur sa vie privée, « l’intellectuel de gauche » qu’est Walter Veltroni pourrait l’emporter. Mais son Parti Démocrate (PD, centre-gauche) est donné perdant dans les derniers sondages contre le Peuple de la liberté (PDL, droite), la nouvelle formation de l’«exubérant » Silvio Berlusconi.

Or, en Italie, pays de bicaméralisme parfait, les deux chambres ont le même poids. Il s’agit donc d’obtenir une majorité substantielle de sièges, tant à la Chambre des députés qu’au Sénat. Ambition acquise pour Berlusconi : « les derniers sondages d’opinion garantissent absolument notre victoire » déclare t’il à quelques jours du scrutin.
Les deux leaders affichent cependant un point commun: le sens de la communication politique. Leurs programmes étant quasi similaires, ils misent tout sur l’image et la télévision. Mais cela suffira-t-il à répondre aux inquiétudes des électeurs ?