Droits tv du foot : les bars jubilent

Les bars seront-ils les grands gagnants du grand mic-mac de la rentrée du foot ? La ligue des champions, plus grande compétition de foot européen est désormais diffusée sur RMC Sport. Un casse-tête pour les amoureux du ballon rond obligés de multiplier les abonnements aux offres TV pour voir tous les matchs.

Payer plus pour ne rien manquer, telle est la loi des droits tv. Le 11 mai 2017, l’UEFA attribuait les droits de diffusion des deux coupes d’Europe de football à SFR Sport (aujourd’hui RMC) pour la période 2018-2021. Entre 9 et 19 euros ont du se rajouter aux 34,90 € (offre Bein sport + Canal) sur la facture des habitués des soirées foot du mardi et du mercredi. Pour ceux qui trouvent cela excessif, il reste deux solutions : utiliser les sites de streaming illégaux sur le net ou se rendre dans un bar. Une aubaine pour ces derniers.

« Lors du match opposant le Paris SG à Liverpool, mi-septembre, nous avons eu beaucoup de clients qui n’avaient jamais fréquenté l’établissement auparavant. En une soirée, nous avons rentabilisé l’abonnement d’un mois », se réjouit Anthony Rambal, manager général de l’Australian Bar. Cette rencontre de haut niveau a d’ailleurs permis à de nombreux bars de faire le plein. La diffusion de ce match a pourtant posé problèmes à de nombreux bars même ceux qui avaient souscris à la chaîne. « RMC s’est clairement loupé ce soir là avec des problèmes techniques, ce qui nous a obligé de passer par le streaming ! Les gens ont regardé le match avec des commentaires en russe ! », se rappelle le manager du bar situé place de l’Europe.

350 euros d’abonnement par mois

Ce recours à des sites de diffusion illégaux est toutefois peu courant chez les établissements de nuit, leur qualité restant à désirer. « Il y a beaucoup de décalage avec le direct, la dernière fois nous avons même manqué le dernier but du match », regrette Sébastien Nay du O’Sullivan.

Il faut croire qu’investir dans les chaînes de sport, quel que soit leur coût, est devenu primordial pour ramener de la clientèle aux comptoirs. « Il est clair que l’offre devient beaucoup trop chère. Mais le sport est l’âme de notre bar, donc nous dépensons tant qu’il le faut. Cela fait partie du jeu », assure le manager général du pub irlandais qui dépense environ 350 euros par mois pour retransmettre les rencontres sur ses quatre écrans. Le Montpelliérain met aussi l’accent sur la convivialité qui serait « la première raison poussant les gens à se rendre dans les bars plutôt que de rester dans leur canapé ».

Si la ligue des champions et les matches du PSG restent les événements les plus sollicités, le rugby n’est pas en reste. « Le championnat de France (Top 14) et les matches internationaux faisant jouer des équipes comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande nous ramènent de la clientèle également », affirme Cory, un des gérants du Fitzpatrick, dans le quartier St Roch. Même si le sport-business agace certains passionnés, les bières, elles, continueront de couler à flot.

Streaming : peu de risque de poursuites selon un juriste

De nombreux sites illégaux proposent aujourd’hui un large panel de contenu sportif au grand bonheur des fauchés. Les chaînes les plus « piratées » sont Russes, Anglaises ou encore Espagnoles. L’article 335-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit 3 ans de prison et une amende de 300 000 euros pour les internautes commettant ce délit de contrefaçon. Cependant, le risque d’être poursuivi pour avoir visionné des matchs illégalement reste assez faible. Le temps judiciaire joue en faveur des pirates. « Pour un bar, il faut que l’infraction soit signalée avant la fin du match afin que des huissiers puissent intervenir sinon les preuves manqueront », explique Jean-Michel Orion, juriste spécialiste de la propriété intellectuelle à Paris.

Les affaires liées à des sites de streaming en direct se font d’ailleurs assez rares bien que cela soit illégal. « Il y a quelques années, la Ligue de Football Professionnelle (LFP) avait attaqué un site de streaming espagnol pour des faits constatés dans des bars, mais aucun contentieux n’a eu lieu », se souvient l’ancien directeur juridique de France télévisions. Les « pirates » ont encore de beaux jours devant eux.

Pierre Carles : Une menthe à l’eau avec un réalisateur indépendant.

Pierre Carles est réalisateur de films documentaires dont le dernier, « Fin de concession », est sorti en salles en octobre 2010. Auteur de films critiques du monde des médias (« Juppé, forcément… », « Pas vu pas pris », « Enfin pris ? ») ou de celui du travail (« Attention danger travail », « Volem rien foutre al païs »), nous l’avons rencontré en marge du Forum National sur les Médias Indépendants. Entretien.

HC : Vous avez participé aujourd’hui à un forum organisé dans les locaux de la région Languedoc-Roussillon. Pensez-vous que vous puissiez rester indépendant en acceptant des aides de la région pour la production de certains films ?

PC : Oui, car ce n’est pas décisif dans la fabrication du film. Si on peut avoir des moyens supplémentaires pour faire des films indépendants, je n’y vois pas d’inconvénient. Ce qui est très important pour nous, c’est que ce soit fait de manière libre et indépendante, que la télévision n’ait pas son mot à dire. On a toujours proposé nos projets à Arte, ils n’en ont jamais voulu.

HC : Certains médias locaux qui s’entendent mal avec la région, comme l’Agglorieuse, n’ont pas pu venir.

PC : Je ne le savais pas. Pourquoi personne n’a dit ça dans la salle ? Il fallait le dire, il faut rebondir là-dessus.

HC : A l’époque de la sortie du PLPL (journal qui allait devenir Plan B, ndlr), est-ce que vous pensiez avoir la force de frappe nécessaire pour déstabiliser les médias dominants ?

PC : Ca ne se posait pas en ces termes. Mais il y avait une dynamique, une effervescence. Le bouquin de Bourdieu (Sur la télévision, ndlr) avait un très grand succès, comme celui de Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde. Les éditions Raisons d’agir démarraient très fort, comme mon film Pas vu pas pris. On était parti sur quelque chose qui avait une diffusion relativement large. On s’était dit : « On va foutre un sacré bordel et on va énerver vraiment ces puissants des médias », même si on n’était pas naïfs.

HC : Dans « Fin de concession », vous laissez sentir un certain désenchantement par rapport à vos premiers films. Pendant la conférence, vous avez dit qu’il fallait chercher de nouvelles techniques, chercher de la nouveauté.

PC : Ces gens là (« ces puissants des médias », ndlr), il faut vraiment leur taper dessus. Le fait qu’ils soient toujours à des postes importants, avec la capacité d’avoir ce pouvoir de nuisance qui est le leur, doit nous interpeler. Dix ans plus tard, ils sont toujours là et continuent de faire le sale boulot.

Il faut s’interroger sur l’efficacité des luttes, on est donc allé mener des actions au Dîner du siècle pour perturber ce dîner où se côtoient les élites médiatiques, économiques et politiques. On est aussi allé bomber le scooter de David Pujadas pour essayer d’inventer de nouvelles formes de contestation.

HC : Quelle est la portée d’une action comme le « dorage » du scooter de Pujadas ?

PC : Avant-hier il animait le débat des primaires socialistes donc on a échoué
quelque part. En même temps je pense qu’on a réussi à montrer David Pujadas autrement que selon l’image qu’il avait jusque là. J’ai entendu des gens à France Télévision qui disaient : « On sait pourquoi il est comme ça, il fait partie du dîner du siècle ».

En fait il a été repéré à Science-Po par Raymond Barre, il voulait l’embarquer dans son staff. Ils l’avaient déjà repéré comme de droite. Je crois d’ailleurs que c’est pour ça qu’il n’a pas porté plainte, parce qu’il s’est dit : « Je vais faire de la publicité à leur action, et je n’ai pas envie de me justifier sur le fait que je suis un laquais du pouvoir ». Donc on a quand même réussi quelque chose. Je pense qu’il y a eu quelque chose d’inquiétant pour lui dans cette action.

HC : Comment atteindre le grand public ?

PC : Les films qu’on a faits dans les années 90, les ouvrages, ont touché un public relativement large. 160 000 exemplaires d’un bouquin c’est un best-seller. Il y a eu une période pendant laquelle on n’était pas dans un cercle confidentiel. J’ai participé à des débats dans des salles de cinéma avec des centaines de personnes, j’ai vu des conférences de Halimi ou Bourdieu avec des milliers de personnes. Après on n’était pas invité non plus au JT de TF1 et nos analyses n’étaient pas connues de millions de personnes.

HC : Par quelles nouvelles techniques « désembourgeoiser » le mouvement contestataire ? N’êtes-vous pas trop ancré dans le schéma de « l’avant-garde » qui doit expliquer au peuple qu’il est manipulé ?

PC : Je n’ai pas de solution. Internet reproduit les mêmes inégalités, les mêmes hiérarchies…Ce n’est pas la panacée. Les mêmes rapports de force sont reproduits. Ce n’est pas parce que tout le monde peut créer son site qu’il aura la même visibilité que le site d’une grosse compagnie. Sur le papier, internet rend les choses démocratiques, mais il faut un certain capital scolaire ou culturel pour aller chercher l’information alternative, dissidente, critique, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Exprimez-vous sur internet…

HC : Ce qui a été dit tout à l’heure, « la dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours »…(Jean-Louis Barrault, ndlr)

PC : Ce n’est pas de moi, je n’ai rien inventé. Mais le « ferme ta gueule » fonctionne toujours. Il y a plein de choses qui sont interdites à la télévision.

HC : Quelle analyse avez-vous de l’information circulaire, de la « confraternité » que vous avez dénoncé, de l’incapacité de la télé à se critiquer elle-même ?

PC : On a vu qu’avec les primaires socialistes, la vie entière du pays tournée vers le fait de désigner untel plutôt qu’untel, pendant ce temps-là, on ne parle pas du social.
J’ai fait l’analyse d’un journal dans une fac à Angoulême. On a analysé le journal de 20h de TF1. il y avait 18 minutes sur les primaires socialistes, que des conflits de personnes, quasiment pas de programme, on voyait simplement qu’untel s’était fâché avec untel.
Après, un sujet sur les PV à Paris, alors « ce n’est pas bien car on a augmenté le taux de PV ». On arrive à la trentième minute, plein de gens allaient se retrouver cet hiver dans la rue, ça risquait de provoquer une catastrophe sociale.

Dans la hiérarchie de l’information, on voit ce qui préoccupe la télé, en exagérant les micro-différences de personnalité entre candidats d’une élection, en fabriquant la fiction d’un choix politique. A force de matraquer ça, les gens finissent par s’intéresser au match des primaires.
Donc, quand on fabrique un événement fabriqué de toutes pièces par ces médias, ça devient sujet de discussion, ça rentre dans l’espace public. Tout le monde fini par avoir un avis là-dessus, on se retrouve à ne pas s’intéresser à autre chose.

HC : Comment un média alternatif peut-il prétendre arriver à modifier les schémas de pensée ?

PC : Ils nous vendent et disséminent un mode de vie, le fait de chercher le bonheur à travers la consommation. Mais ils nous matraquent aussi sur l’absence d’utopie, c’est-à-dire sur le fait de nous résigner au fait qu’il n’y ait pas d’autre société possible que celle qu’ils nous présentent comme idéale et formidable, de ne pas imaginer qu’il puisse y en avoir d’autres.

Quand on a fait le film Volem rien foutre al pais, où on voit des gens vivre autrement, inventer des formes de microsociétés en rupture avec la société de consommation, ce ne sont pas des choses qu’on voit à la télé. Si on les voit à la télé c’est pour les marginaliser, les présenter comme des supers marginaux, comme des fous furieux.

Après, il n’existe pas de médias alternatifs. Il faut refuser ce mot car le mot alternatif voudrait dire qu’il y aurait une alternative aux grands médias, alors qu’elle n’existe pas aujourd’hui. Il n’y pas de médias alternatifs. Ce sont des médias indépendants, critiques, minoritaires, dissidents, hérétiques, mais ça ne constitue pas pour l’instant une alternative.
Il y a plein de choses en Amérique latine en ce moment qui sont intéressantes pour nous. Il faut inventer des choses dont on n’a pas idée aujourd’hui. Par exemple quand on crée C-P Productions, qui produit mes films avec Annie Gonzalez et une quinzaine de personnes, on invente un outil de production qui n’a pas d’équivalent en France.

François Ruffin, qui est passé par une école de journalisme, a inventé, avec ses copains, un journal indépendant sur Amiens, Fakir, qui a fini par devenir un journal national.
On peut entendre d’autres sons de cloches que ce que l’on entend habituellement. Il faut être inventif, il ne faut pas avoir peur, il faut faire les choses collectivement. C’est très important de s’inscrire dans une démarche collective, de travailler à plusieurs.

HC : Le problème principal pour une démarche de ce type c’est la contrainte économique…

PC : Oui, pour être indépendant il faut d’abord avoir une indépendance économique qui l’autorise. Si on veut travailler correctement sur des enquêtes, avoir du temps pour revenir sur les a priori de départ, en prenant du temps pour renverser des idées reçues, prendre le temps de douter, tout ce temps-là, c’est de l’argent. C’est le problème du format à la télévision, dans la presse. Les choses courtes sont superficielles en général.

C’est pour ça aussi que le journal XXI, créé par Laurent Beccaria, montre qu’on peut publier des articles très longs, qu’on peut faire des enquêtes en bande dessinée. C’est un média indépendant intéressant aussi, qui n’existait pas avant.

HC : La presse est une marchandise spécifique. Est-ce qu’on n’est pas dans un mécanisme d’innovation technique pour acquérir des parts de marché ?

PC : Quand on parle comme ça, c’est qu’on fait d’abord du commerce. Mais il ne faut pas être naïf. Même mes films font du spectacle, ils s’inscrivent dans une logique commerciale.

HC : Pierre Carles, merci.

crédit photo : Oscar Adrián Pineda Rojas

Haut Courant sur Radio Campus : le mystère des faits divers

Haut Courant ne se limite désormais plus à son site internet. Cette semaine, les étudiants journalistes se sont penchés sur le phénomène des faits divers dans les médias.

Pourquoi sont-ils tant appréciés par les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs ? Comment les rédactions choisissent-elles de mettre un fait divers plutôt qu’un autre en avant ? Quelles sont les dérives, parfois morbides que les médias opèrent eux-mêmes ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de trouver une réponse.

Au sommaire cette semaine :

 La phrase de la semaine par Clémence Olivier, qui a réfléchi sur l’affirmation de David Pujadas selon laquelle son JT sur France 2 ne diffusait pas plus d’un fait divers par soir.

 Une interview de Jean-Charles Reix par Damien Fournier. Ce chroniqueur judiciaire a travaillé sur l’affaire Grégory et, plus dans l’actualité, l’affaire Bissonnet. Il a accepté de répondre à nos questions.

 La chronique décryptage de Hugo Jolion-David, ou l’histoire d’un stagiaire à qui revient la charge de couvrir un fait divers particulièrement glacial…

Haut Courant sur RCM

Les errements de David Pujadas

En 2010, David Pujadas, présentateur du journal de 20 heures sur France 2, a été la cible de nombreuses critiques. Qu’elles soient internes ou bien externes, le journaliste n’a pas été épargné. Petit florilège de fin d’année.

WikiLeaks : « Le 11 septembre de la diplomatie mondiale »

Le 28 novembre dernier, WikiLeaks a commencé la publication de plusieurs milliers de mémos diplomatiques américains. Relayés par cinq grands quotidiens mondiaux (Le Monde, El Pais, The New York Times, The Guardian et Der Spiegel) les révélations du site restent au cœur de tous les débats. Deux experts, Guillaume Dasquié, journaliste d’investigation à Libération, et Mathieu O’Neil, maître de conférence à la Sorbonne, expliquent ce phénomène controversé.

Un miroir de la culture hacker

En créant WikiLeaks, Julian Assange, a fait connaître au grand public une pratique informatique réservée aux seuls hackers depuis les années 1990. conference_wikileaks.jpg Spécialiste des médias alternatifs aux États-Unis, Mathieu O’Neil est venu expliquer aux Montpelliérains cette révolution dans le monde de l’information. Cet universitaire australien a tenu à rappeler, mardi 14 décembre, que les fuites publiées par le site ont été fournies par des hackers, « ces informaticiens qui travaillent de façon totalement libre […]. Aux États-Unis, leur culture est basée sur une vision libérale, voire libertaire. On parle de tout et tout peut se dire. » Cet esprit venu d’outre-atlantique suscite l’incompréhension des Européens, notamment « l’aspect intrusif du hacker, qui entre là où on n’est pas censé entrer. »

Seul véritable principe de WikiLeaks : la transparence. Paradoxalement, cette volonté de dévoiler tous les secrets gouvernementaux repose sur une organisation complexe et opaque. Cette dernière lui d’ailleurs a permis d’échapper aux menaces de fermeture du site. Guillaume Dasquié s’est penché sur la question et donne son avis sur ce système.

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Chaque jour, les câbles diplomatiques paraissent au compte-goutte dans la presse mondiale. Au total, 250 000 documents devraient être publiés. De nombreuses personnes s’interrogent cependant sur cette promesse ambitieuse. Lors des précédentes révélations, sur les guerres en Irak et en Afghanistan, WikiLeaks avait annoncé la mise en ligne d’un grand nombre de documents. Dans les faits, une partie n’a jamais été rendue publique.

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« Premier vrai combat entre les États et Internet »

Les révélations sur l’Afghanistan (ou « Afghan Diaries ») publiées durant l’été 2010 ont attiré l’attention des seuls spécialistes. En dévoilant des pratiques inconnues du grand public, les mémos diplomatiques impliquent aujourd’hui les grands acteurs de la scène politique internationale. De Sarkozy à Poutine, les diplomates américains jugent sévèrement de nombreux responsables, remettant ainsi en cause la confiance des pays envers les États-Unis.

Pour Mathieu O’Neil, « c’est la première fois qu’il y un vrai combat entre internet et les États et que les hackers s’en prennent au pouvoir politique de façon aussi directe. » Cet affrontement pourrait bien être à l’origine « d’un 11 septembre de la diplomatie mondiale ».

Plus rien n’est caché, tout est mis au grand jour :« Avec un tel système, on ne peut plus parler de désinformation, les documents bruts sont accessibles à tout le monde. » Le professeur de la Sorbonne est conscient de la puissance de telles sources. Il relativise cependant le déclenchement de réelles menaces. Ni les diplomates, ni les relations inter-étatiques ne sont en danger. Guillaume Dasquié le rejoint sur ce point.

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Julian Assange, symbole critiqué du site

Indissociable de son fondateur, WikiLeaks vit aujourd’hui au rythme des affaires judiciaires de Julian Assange. La personnalité marquée de ce dernier a déjà provoqué des désaccords avec certains de ces proches collaborateurs. Mathieu O’Neil rappelle le cas de Daniel Schmitt, ou de son vrai nom Daniel Domscheit-Berg, numéro 2 de WikiLeaks, qui « lui avait reproché d’être devenu trop personnel » avant de quitter le site. « Assange a toujours eu envie de tout savoir, pour lui le pouvoir politique n’est qu’une conspiration secrète qu’il faut empêcher de faire fonctionner en révélant ses dossiers confidentiels. »

Ces dernières semaines, de nombreux blogueurs ont étudié le cas Assange, allant jusqu’à y trouver des ressemblances avec Guillaume Dasquié. Flatté de cette comparaison, le journaliste de Libération relativise tout de même ce rapprochement.

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Il Cavaliere resserre les rênes médiatiques

Menacé récemment par la tenue de législatives anticipées et de nouveau au cœur de l’actualité judiciaire avec une enquête pour fraude fiscale via sa société Mediaset, Silvio Berlusconi multiplie les actions pour empêcher les journalistes de mettre en péril une popularité mise à mal par des scandales à répétition.

Après un vote de confiance au Parlement et le ralliement in extremis des dissidents de son parti menés par Gianfranco Fini, Il Cavaliere a échappé à des législatives anticipées et semble assuré de préserver sa mandature jusqu’en 2013.

De quoi préoccuper les Italiens encore soucieux de la liberté de la presse qui font face à un Président du Conseil qui mélange fonctions politiques et médiatiques.

Détenteur de trois chaînes de télévision privées, de la maison d’édition Mondadori ainsi que d’organes de presse au sein de son groupe Mediaset, Berlusconi n’hésite pas à intervenir auprès de la direction de la télévision publique Rai lorsque des journalistes le dérangent.

Pressions sur la Rai

A l’image du journaliste Michele Santoro, présentateur de l’émission politique Anno Zero sur Rai 2 qui, après avoir été démis une première fois de ses fonctions puis remis en place par la justice, a été suspendu le 13 octobre pour une durée de dix jours.
Cette sanction fait officiellement suite aux insultes que le journaliste avait adressées au directeur général de la Rai lors de son émission de rentrée. Officieusement, selon les médias, il s’agirait d’une sanction pour son indépendance d’esprit et son obstination à passer outre les avertissements de l’entourage du Cavaliere, notamment en invitant une escort girl sur son plateau pour évoquer les cachets reçus lors des soirées passées avec Berlusconi.

Sur la Rai News 24, c’est Corradino Mineo, homme de gauche, qui s’est vu destitué de son émission et demeure en mauvaise posture.
Egalement sur la liste noire de Berlusconi, Serena Dandini, présentatrice de l’émission satirique Parla Con Me, sur Rai 3, a pour le moment réussi à préserver son poste.

Autrefois le pluralisme devait être assuré par la répartition des différentes chaînes publiques entre les trois grands courants politiques : démocratie chrétienne, parti socialiste et parti communiste.
A partir des années 90, l’arrivée de Berlusconi couplée à la chute des partis traditionnels corrompus, ont remis en cause cette répartition qui s’est faite plus inégale, Rai 1 a été dirigée par des proches du Cavaliere, Rai 2 par l’ex-allié Gianfranco Fini et la ligue du Nord et Rai 3 restant la plus à gauche.

Les médias refusent le bâillon

Berlusconi a poussé le vice jusqu’à vouloir imposer le silence aux journalistes par des moyens légaux.
En témoigne le projet de loi sur l’interdiction de la publication des écoutes policières menées dans le cadre d’une affaire judiciaire.
Surnommée « loi bâillon », elle avait conduit à une levée de boucliers et à une journée de grève des journalistes en juillet dernier.
La mobilisation avait fini par faire plier le gouvernement qui avait amendé son texte, permettant la publication des écoutes, à certaines conditions.

Les chiens de garde de la démocratie semblent donc encore en position de refuser la laisse qu’on voudrait leur imposer, une chance car l’Italie était en 49e position au dernier classement mondial de la liberté de la presse effectué par Reporters Sans Frontières.

Le New York Times précise le retour de l’information payante sur Internet

En annonçant son retour à une formule payante, l’influent quotidien new-yorkais prend position dans un débat encore loin d’être tranché…

Serait-on à l’aube d’un changement de paradigme ? Minoritaire jusqu’à aujourd’hui, la tentation d’un passage à des contenus payants pour les versions on-line des titres de presse se confirme. Le très respecté New-York Times a fait l’annonce, mercredi 20 Janvier, du retour à des contenus payants, deux ans après avoir renoncé à cette formule testée par le journal entre 2005 et 2007. Ce revirement stratégique de l’institution new-yorkaise s’inscrit dans un mouvement de fond amorcé par d’autres titres à travers la toile. Outre la presse économique qui, à l’image du Financial Times ou du Wall Street Journal, s’était déjà engagée sur la voie de contenus payants, le Standard Times (NewsCorp) a lui aussi basculé et devrait être suivi par d’autres sous l’impulsion d’un Rupert Murdoch convaincu de tenir la formule magique. En France, Le Figaro et l’Express devraient suivre le chemin de Liberation qui était passé à l’automne à une formule payante.

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Modèle mixte

Le modèle qui semble tenir la corde actuellement est une formule hybride, savant mélange de gratuit et de payant. Mais celui-ci se cherche encore et les formules proposées en sont toujours au stade de la « version beta ». Des sous modèles parfaitement antagonistes s’affrontent. Alors que certains sites sont payants dès leur entrée (Washington Post, Mediapart), d’autres, comme Le Monde, ont choisi de laisser leur contenu accessible gratuitement et proposent des versions premiums avec tous types de prestations supplémentaires (exclusivités, archives, dossiers…). D’autres enfin ne restreignent l’accès à leurs contenus qu’à partir d’un certain nombre de connexions. Cette dernière version du modèle mixte rassemble aujourd’hui la majorité des acteurs du secteur et sera celle du New York Times à partir de l’année prochaine.

Incertitudes et espoir

L’année prochaine… Le moins que l’on puisse dire est que tous n’ont pas la détermination d’un Rupert Murdoch, qui clamait ce week-end haut et fort qu’il préférait « moins de lecteurs, mais qui paient » et qui a confirmé son intention de retirer ses articles payants du référencement des moteurs de recherche. Le New York Times, donc, qui renvoie le passage au payant à un vague « début 2011 », mais aussi, en France, l’Express et le Figaro qui ont repoussé de quelques mois leur mue annoncée.
Ces tâtonnements trahissent les doutes et les réticences des titres de presse à renoncer au principe de gratuité, et surtout à la manne publicitaire qui l’accompagne. La préférence actuelle pour un modèle (gratuit d’abord, payant ensuite) qui permettrait de continuer à jouir d’un référencement, et donc d’une audience, génératrice de revenus publicitaires traduit bien ces préoccupations. Le pari de la presse payante en ligne est donc loin d’être gagné.
Reste que si le New York Times peut se permettre un tel pari, beaucoup d’autres auront du mal à le suivre. Avec ses 16,8 millions de visiteurs uniques, le quotidien new-yorkais aux 101 prix Pulitzer est déjà presque assuré de trouver son public pour une offre Internet payante. La perte substantielle de revenus publicitaires liée au passage à une version payante risquerait par contre de devenir ingérable pour la majorité des autres titres de presse occidentaux.
Le débat reste donc ouvert, et l’heure est plus que jamais à l’attentisme, alors que l’arrivée imminente des tablettes portables pourrait encore venir changer la donne et ouvrir des perspectives insoupçonnées à la presse numérique.

Slate.fr, l’information à l’américaine

L’ancien directeur de la publication du « Monde », Jean-Marie Colombani, a annoncé mardi 10 février le lancement officiel de la version française du site d’information américain Slate.com. Un nouveau « pure player » sur la toile, qui tente d’enrayer la crise de la presse écrite par une information de qualité sur Internet.

Il y avait Bakchich, Rue 89 puis Mediapart. Des « pure player » comme on aime à les nommer. Des journaux numériques fidèles aux préceptes de l’éthique de la presse écrite, mais animés d’une fougue et d’une croyance dans le papier pixelisé. Aujourd’hui, ils sont rejoint par un quatrième mousquetaire, média qui a déja fait ses preuves aux Etats-Unis avec un succès indéniable : Slate.

Fondé en 1996 par Michael Kingsley avec le soutien financier de Microsoft, Slate sera racheté par le Washington Post en 2004. Depuis, Slate.com est devenu le premier site d’information américain « pure player » (qui ne décline pas de version papier ou audiovisuelle), avec 6 millions de visiteurs uniques mensuels. Son code de valeurs se distingue par une rigueur, une pertinence, parfois même un ton provocateur et ironique. Son design est sobre mais efficace, et nourrit l’ambition du projet : faire de Slate un journal numérique d’informations, de « facts, facts, facts« , mais avec un recul, avec un fort esprit d’analyse.

La participation du site mère, Slate.com, sera à hauteur de 15% du capital.

Slate possède donc désormais sa version française. Mais le nouveau « pure player » dirigé par Jean-Marie Colombani se veut pour autant indépendant, comme l’explique l’ex-patron du monde en affichant son ambition sur le site : « Slate.fr, entreprise indépendante contrôlée par ses fondateurs, a pour ambition de devenir l’un des principaux lieux en France d’analyses et de débats dans les domaines politiques, économiques, sociaux, technologiques et culturels« . L’actionnariat majoritaire sera ainsi détenu par Jean-Marie Colombani, mais aussi par deux anciens du Monde, Eric Leser et Eric Le Boucher, auxquels s’ajoutent Johan Hufnagel, ancien rédacteur en chef du site 20 minutes, ainsi que l’écrivain et économiste Jacques Attali. La participation du site mère, Slate.com, sera à hauteur de 15% du capital.

« Slate.fr est destiné à ceux qui veulent prendre du recul, et avoir une vision de l’actualité avec une valeur ajoutée »

Le lancement de ce petit frère français du géant américain est une très bonne nouvelle pour la presse hexagonale. Reconnu comme un média indépendant avec une information de qualité, admiré et source d’inspiration de médias français comme Mediapart, Slate.com redonne ses galons de noblesse au journalisme, à son éthique. Son information est de type magazine, distanciée et pesée, ne privilégiant pas l’actualité chaude, les dépêches, et le flux mené d’une main de fer par Google News. La version française devrait reprendre ces mêmes dogmes. Pour Eric Leser, fondateur, Slate.fr est destiné « à ceux qui veulent prendre du recul, et avoir une vision de l’actualité avec une valeur ajoutée ». D’ailleurs, le site français traduira régulièrement des articles de Slate.com afin de proposer du contenu, et enrichir de plumes américaines un site pour l’instant encore pauvre en articles.

Les fondateurs se sont donné un délai de trois ans pour être stables financièrement dans un projet où ils auront investi 2 à 3 millions d’euros. Des rumeurs circulent sur le soutien politique d’un certain Nicolas Sarkozy. Eric Leser s’en défend : « nous n’avons aucun engagement politique, tous les bords sont représentés« . Il serait en effet dommage que l’espoir d’une nouvelle presse de qualité et indépendante se fonde dans la mélasse politique de nombreux titres français.