Avec les contrôleurs, « Ticket, s’il vous plaît ! »

Le front en sueur, le regard rivé sur le quai à chaque arrêt. Le stress pour bon nombre d’usagers du tram sans ticket. Parfois, pour les contrôleurs aussi, « c’est dur ». Embarquement avec une équipe de Montpellier.

Les deux Patrick, Serge, Alain, Thierry, Jean-Michel, Pascal et Frédéric naviguent de rame en rame sur la ligne 1. Moyenne d’âge, 35 à 40 ans, Tous ont la carrure imposante. Tous cravatés, tenue impeccable. Le chef d’équipe, Patrick, décide de la marche à suivre. « C’est un peu plus difficile maintenant. Il y a plus d’agressivité qu’avant. » Par période, le contrôleur a des coups de blues. « On ne respecte plus aucune institution », déplore-t-il. Thierry a quitté la conduite pour le contrôle il y a cinq ans. Il relativise. « On est toujours dehors. Les horaires sont meilleurs. C’est un choix, on ne nous y a pas forcés. Il y a des problèmes comme partout ». Serge, lui, est dans le métier depuis dix-huit ans et ne s’en lasse pas. Même s’il a été agressé à trois reprises. Côtes cassées la première fois. C’est devenu « naturel » de contrôler. Et « il n’y a pas que le côté répressif, il y a aussi les renseignements. » Pascal poursuit : « Il y a de l’indulgence. Des fois, on regrette… » Les non titulaires ont besoin d’alterner avec la conduite, sinon « ça pèse ».

« En temps normal, je ne l’aurais pas verbalisé. S’adapter à chaque situation, c’est ça le plus dur »

14 h 30, période creuse, les contrôleurs peuvent « décompresser ». Le bon côté de la mission, « une bonne entente dans l’équipe, un soutien ». Une cohésion « très importante » dans ce métier. On l’observe quant à leur manière de travailler. A peine perceptible, un petit sifflement leur sert de code pour communiquer. Savoir quand monter, descendre et changer de rame. Récupérer la machine à carte… Qu’ils dégainent à chaque arrivée de tram. Ils s’avancent à deux par porte. Toujours. Et ne se « désolidarisent pas ». Un jeune garçon lance naturellement : « J’ai pas ma carte ». Patrick laisse passer, « pour cette fois ». Un autre valide son ticket sous le nez des contrôleurs : amende. « C’est un sport national la validation à vue. C’est sa parole contre la nôtre. »

Au Corum, sur le quai, un jeune homme lance des gestes brusques envers Serge, une armoire à glace pourtant. Pour un arrêt, il se vexe de devoir payer 27 €. Encore… « Vous n’êtes pas compréhensifs ! Les étudiants galèrent en ce moment ! » Un dialogue s’engage finalement. « C’est ça le plus important, désamorcer », souligne Frédéric. On explique au jeune homme que s’il avait prévenu qu’il ne faisait qu’un arrêt en montant dans le tram, ce serait passé. Mais pas alors qu’il était déjà dedans. Pascal souligne qu’il faut être conditionné pour faire ce métier. « Moi, ça va, je donne des cours de self-défense. »

« 15 à 20 % des personnes contrôlées rouspètent », prévient Patrick, le chef d’équipe. D’autres tentent de s’expliquer, paraissent tellement sincères, désemparées, que cela en ferait presque mal au cœur. Comme Jean-Luc : « C’est idiot, j’ai toujours mon ticket dix voyages sur moi, là, je ne sais pas où il est. C’est normal de payer. Je travaille, pour moi, l’amende c’est rien. Et puis, je ne suis pas bête, j’ai vu les contrôleurs et je suis monté quand même. » Thierry, le contrôleur, ne peut pas gracier Jean-Luc à ce moment-là. Il vient de faire payer une jeune femme qui regarde cet autre usager se défendre, pour échapper à l’amende. Le contrôleur l’assure : « En tant normal, on ne l’aurait pas verbalisé. S’adapter à chaque situation, c’est ça le plus dur. » D’un côté comme de l’autre. Bilan des deux heures : 25 procès verbaux sur les 13 rames contrôlées.

Sur six millions de voyageurs par mois, 130 000 sont contrôlés.