Montpellier : une journée pour lutter contre le harcèlement scolaire

L’Académie de Montpellier organise une journée sur le thème du harcèlement scolaire. L’objectif : sensibiliser les collégiens et lycéens.

« Avez-vous déjà vécu une situation de harcèlement scolaire ?  », demande un élève à la rectrice de l’académie de Montpellier, Armande Le Pellec-Muller. Collégiens et lycéens impliqués dans la vie de leur établissement et élus aux Conseils de vie de leurs écoles sont invités à la journée « non au harcèlement » ce vendredi 4 novembre. L’Académie accueille associations, écoliers et enseignants à la Canopé de Montpellier, son espace de création et d’accompagnement pédagogique.

Depuis 2015, le ministère de l’Éducation organise une journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, chaque premier jeudi de novembre. L’objectif : sensibiliser parents et élèves. La campagne de sensibilisation 2016-2017, s’attaque au cyberharcèlement, c’est-à-dire le harcèlement au travers des réseaux sociaux et des téléphones portables, loin du regard des adultes.

Élèves et lanceurs d’alerte

Des collégiens ont interrogé la rectrice, Armande Le Pellec-Muller. Les élèves buttent parfois sur leurs mots mais ont préparé minutieusement leurs questions. « Comment expliquer aux témoins muets qu’ils sont complices de leur silence ? » ; « Que pensez-vous de la notion de harcèlement modéré ? » ; « Comment se faire entendre quand certains parents se voilent la face ? »

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Armande Le Pellec-Muller souligne le rôle prépondérant de lanceur d’alerte des élèves. « Vous devez briser la loi du silence, assure-t-elle. Les plus forts ne doivent pas s’imposer face aux plus faibles. Il ne faut jamais renoncer à parler et dénoncer ces situations de harcèlement  ». Questionnée par un collégien sur les raisons qui poussent à harceler, la rectrice affirme que « les harceleurs ne sont pas bien dans leur peau. Il faut les dénoncer. » Jacky Pamart, président de l’association Hope for Education, dont les médiateurs interviennent dans les écoles pour lutter contre ce fléau, confirme que « les élèves demandent à être acteurs, ils sont pleins d’initiatives.  »

700 000 cas de harcèlements scolaires

Armande Le Pellec-Muller rappelle que 700 000 cas de harcèlements scolaires sont dénombrés chaque année en France, soit environ un élève sur 20. Un chiffre d’autant plus important que le nombre de cas non décelé reste inconnu. La rectrice insiste sur l’importance de sensibiliser l’ensemble des acteurs : élèves, parents, professeurs et surveillants. Ils doivent être capables de détecter les « signaux faibles », ces détails, même infimes, qui permettent de dénoncer une situation de harcèlement. « En tant que pair, insiste la rectrice, vous pouvez, au même titre que les professeurs ou vos parents, aider vos camarades qui souffrent en silence. »

« Les professeurs aussi sont en capacité de déceler des cas de harcèlement au travers des différentes mises en situation des élèves, nous précise la rectrice. Même si on est 30 dans une classe, il y a des moments privilégiés pour identifier des élèves en difficulté : au travers des travaux collectifs, des prises de parole individuelles ou lors des interactions avec le professeur. »

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« Il faut valoriser les bons comportements »

Le militant québécois Jasmin Roy met en œuvre une autre approche. Avec sa fondation, il se rend dans les écoles du Canada pour y instaurer un climat scolaire positif et bienveillant. Il a également écrit un livre intitulé Sale pédé (éditions de l’Homme) pour sensibiliser à l’homophobie à l’école.

« Pour mettre fin aux harcèlements, explique Jasmin Roy, il ne suffit pas de sanctionner les mauvais comportements. Il ne faut pas étiqueter systématiquement les harceleurs comme tels sans valoriser en même temps le bon comportement des élèves. Tous les acteurs doivent avoir une attitude positive. L’école doit très tôt apprendre aux élèves l’alphabétisation des émotions, c’est-à-dire apprendre à exprimer leurs émotions. Pour cela, ils doivent savoir créer du relationnel dès leur plus jeune âge afin d’éviter des situations de harcèlement. »

Jacky Pamart, et son association Hope for Education, essaie d’importer cette méthode. En France comme au Canada « les associations sont complémentaires de l’action gouvernementale. Elles doivent être encore mieux intégrées à l’action du gouvernement.  »

À l’avenir Jacky Pamart souhaite que le ministère, les professeurs et les associations s’entendent pour que la lutte contre le harcèlement scolaire soit « universelle, accessible et mutualisée  ».

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La science et le citoyen

Comme tous les ans depuis 1991, la fête de la Science se déroule du 9 au 12 octobre 2013 dans toute la France. Créée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, cette manifestation reste fidèle à sa mission première : rapprocher la science du citoyen.Cette année, à Montpellier, un village scientifique constitué d’ateliers et de conférences grand public, était accueilli dans le nouveau bâtiment doré de Génopolys.

Génopolys : un espace dédié à la transmission du savoir

Situé à deux pas de l’arrêt de tram Occitanie, ce nouvel édifice attire l’œil : sa façade arrondie ajourée en laiton et cuivre inoxydables qui rappelle les dessins des bandes d’ADN, brille au soleil. « Génopolys a pour vocation de mettre en relation la société civile, les chercheurs et les industries dans le domaine de la santé autour des questions liées aux découvertes de la génétique, c’est un nouveau concept » explique Géraldine Pawla. Avec Magali Kitzmann, elles sont deux chercheuses en biologie moléculaire reconverties dans la culture scientifique et la gestion des activités du nouveau bâtiment ouvert pour la première fois au public.

deux-enfants_bmartin.jpgSamedi après-midi, dans le hall d’entrée, des enfants autour de petites tables colorient d’étranges formes : « Les bactéries c’est un peu dégoutant de les voir bouger » marmonne une fillette concentrée sur son dessin. Au premier étage des gens s’attroupent autour de pièges à moustiques, au deuxième étage un spectacle de clowns chimistes qui font de surprenants mélanges font rire un public familial.
« J’ai vu des larves d’insectes vivantes » crie Eliott, un garçon de 4 ans qui arrive en courant.
« Nous venons avec nos enfants pour les sensibiliser à la science d’une manière ludique, comme voir que le clown peut faire de la glace avec de l’azote liquide et de l’orangina … » ajoute Eric Julien, un papa chercheur en biologie qui les accompagne. Des chercheurs sont là pour répondre aux questions : « Pourquoi utilise-t-on seulement 20 % de notre capacité cérébrale ? » demande Mathis (13 ans).

Au centre de la fête, la rencontre entre scientifiques et visiteurs

Dans l’atelier de l’association Difed, Géraldine Cuilleret et Diane Delmas, proposent de calculer son empreinte écologique en remplissant un questionnaire sur les habitudes de vie : plutôt vélo ou voiture, plats surgelés aux légumes du marché ? Le score représente l’ensemble des surfaces de la planète nécessaires pour satisfaire les modes de consommation et l’élimination des déchets. «Un français a besoin de 5 hectare en moyenne, ce qui est moitié moins qu’un américain mais 2 fois plus qu’un indien » expliquent les animatrices.
« Les enfants savent beaucoup de choses sur les insectes et sont très intéressés par nos recherches » insiste Jenny Telleria, ingénieur à l’IRD et animatrice d’un atelier sur la maladie de Chagas transmise par les insectes de la famille des Reduviidae, épinglés dans des boites. A coté, des moustiques vivants, prisonniers dans des cubes transparents, attirent les visiteurs. Ce sont les vecteurs du paludisme dans les zones tropicales et du chikungunya en France depuis peu. « On a appris qu’il n’y avait pas de médicament pour soigner le paludisme, qu’il y avait beaucoup de morts à cause de cette maladie » s’alarment Jeanne Gastaldo et Claire Poussine, originaires du Cameroun, « mais quand on dit à nos familles d’utiliser des moustiquaires ils ne le font pas, ils ne croient pas que la maladie vienne des moustiques, ils ne font pas assez de prévention ».

Apprendre autrement

Chercheurs, animateurs, parents, tous sont d’accord : informer, partager le savoir est essentiel pour susciter des passions et comprendre les enjeux de la société à venir. « Les écoles devraient plus faire le lien avec ce genre d’évènement. C’est aux professeurs d’amener les enfants dans les lieux de la science, pas nous, les parents ; l’école n’est pas assez connectée avec le monde extérieur », ajoute Mme Fleury qui arrive de Sète avec ses fils.
La veille, 21 classes étaient pourtant venues suivre les démonstrations scientifiques. Dans la Région ce sont 5000 élèves qui ont participé à la fête de la fête de la Science cette année, soit seulement 1% de l’ensemble des élèves du Languedoc Roussillon qui compte 443000 enfants scolarisés en 2013 (INSEE).
Il faut dire que cet évènement repose essentiellement sur du bénévolat car seule une subvention de 30000 euros est allouée pour l’ensemble des manifestations pour la région Languedoc-Roussillon par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Quel avenir pour la fête de la Science?

Depuis quelques années le fond dédié à la culture scientifique a suivi la même évolution que la calotte glacière : il a fondu. Les laboratoires de recherche font de leur mieux pour offrir ce qu’ils peuvent à un public de plus en plus curieux et demandeur de connaissances. « Avec un petit budget on a fait des miracles » remarque Paula Dias (Agropolis) qui a coordonné l’évènement avec un bel enthousiasme.
Les pouvoirs publics sauront-ils encourager l’énergie et la fidélité de toutes les personnes engagées dans la transmission de la culture scientifique ? La réaction enthousiaste de M. Pierre de Bousquet, Préfet de la Région, vendredi après-midi lors de sa visite à Génopolys, est un bon présage. Un évènement à suivre…

Matinale du jeudi 7 février

Tous les jeudis, les membres de l’équipe d’Haut Courant animent la matinale sur Radio Campus Montpellier.

Au programme du 7 février 2013 :

 Les titres de l’actualité internationale et nationale – Lucie Lecherbonnier

 Interview de Bernard Duffourg, secrétaire académique du SNES de l’Hérault ( Syndicat National de l’Education de Second degré) au sujet du recrutement des professeurs de l’enseignement secondaire – Jordane Burnot / Alix Moréteau

 Journal d’informations locales – Pauline Chabanis

 Chronique : Peut-on rire de tout ? – Simon Robert

 Interview de Nicolas Roubieu, directeur du projet urbanisme de Montpellier 2040 – Clothilde Dorieux

 Animation : Alix Moréteau

La semaine prochaine, l’équipe d’Haut Courant animera une matinale spéciale Saint-Valentin avec la collaboration de la page Spotted : Campus Montpellier. Vous pouvez participer : rédigez votre déclaration d’amour et envoyez-la à l’adresse mail suivante : spotted [point] montpellier [at] gmail.com, avec, pour objet, « Spotted Saint Valentin RCM ». Faites preuve d’imagination, soyez festifs et inspirés ! Les meilleures contributions seront sélectionnées et lues à l’antenne le jeudi 14 février sur 102.2.

Lilian Thuram : « Il faut éduquer contre le racisme »

Lilian Thuram était l’invité de Sauramps, jeudi 18 février 2010. Très attendu par les Montpelliérains venus en masse, le grand champion de 98 est venu présenter « Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama », appel à la tolérance aux airs d’héritage pour les générations futures. Hautcourant est allé à la rencontre de cette étoile au grand cœur…

Pour tous, Lilian Thuram est celui qui a envoyé la France en finale lors de la Coupe du Monde de football 1998, avec ses deux buts contre la Croatie. Mais Thuram, c’est bien plus que cela. C’est une cause, un combat. Il mène depuis des années une lutte contre le racisme. Une lutte que l’on peut mener grâce à une meilleure éducation. Membre du Haut conseil à l’intégration, il est aussi membre et parrain du collectif « Devoirs de Mémoires ». Il créé une fondation à son nom, dont l’objectif est clair : pour lutter contre le racisme, il faut éduquer. Dans la lignée, il vient de publier Mes étoiles noires où il dresse le portrait d’une quarantaine d’hommes et de femmes noirs.

La lutte contre le racisme et la discrimination, une nécessité

Pourquoi ce combat ?

C’est l’histoire d’une vie. Né en en Guadeloupe, j’arrive dans la région parisienne à l’âge de 9 ans. Très rapidement, je constate que la simple couleur de ma peau pouvait être chargée d’une connotation négative. A l’époque, il y avait un dessin-animé qui s’appelait « La noiraude », l’histoire d’une vache. Certains de mes camarades m’appelaient « La noiraude ». Je me suis posé des questions : pourquoi ma couleur était chargée de façon négative ? Personne ne pouvait me répondre. J’ai donc essayé de comprendre le pourquoi des choses.
Un jour, à l’école, l’on m’a appris que l’histoire du peuple noir commençait par l’esclavage. Je me suis alors demandé ce qu’il faisait avant. Tout au long de mon cursus scolaire, je n’ai rencontré aucun autre personnage noir qui aurait pu casser cette image.

En grandissant, j’ai pu rencontrer des historiens, des sociologues, des égyptologues qui ont nourri ma curiosité et qui m’ont amené à connaître des personnalités noires. Ils m’ont appris à comprendre l’Histoire de façon différente. Par exemple, l’histoire de l’esclavage n’est pas une confrontation entre Noirs et Blancs, c’est un système économique où une minorité profite d’une grande majorité. Cela m’a permis de ne pas tomber dans une certaine victimisation. Il faut éviter cela. Si l’on se considère être victime d’une société, on cherche des coupables et on entre dans un cercle infernal, sans fin.

Pour lutter contre le racisme, il faut que l’on arrive à s’imaginer une classe où en apprenant Jean de la Fontaine, la maîtresse dit que ce dernier s’est inspiré d’Esope, un Noir nubien. Rien que dire cela, développe l’imaginaire des enfants qui va changer. Le racisme naît dans la question : comment je vais m’imaginer l’autre ?

Comment devient-on raciste ?

Personne ne naît raciste. On le devient. Dans nos sociétés, des messages sont véhiculés de façon inconsciente. Avec ma fondation, j’ai la chance d’aller dans les écoles rencontrer les enfants. Je m’amuse avec eux, je leur demande : « quelles races connaissez-vous ? » Ils me répondent : « la blanche, la noire, la jaune, la rouge ». Je leur demande alors, pour rigoler, s’ils n’ont pas oublié la verte ? Ensuite, je leur demande quelles sont les qualités des Noirs ? Ils me répondent qu’ils courent bien, qu’ils chantent bien, qu’ils dansent bien… On voit donc que dans l’imaginaire des enfants la problématique du racisme est de croire que les races existent. Je pense qu’en 2010, on devrait savoir qu’il n’y a qu’une seule espèce : l’homo sapiens. Or, les enfants déterminent les différentes races par la couleur de peau, comme le faisaient les scientifiques du XIX siècle.

Dans notre société, il y a un fort préjugé raciste : les Noirs sont les plus forts en sport. Naturellement, lorsque les enfants me voient ou regardent l’ensemble des sportifs, cela valide ce que pense l’inconscient collectif. Il faut alors leur donner des personnages qui casseraient cet imaginaire.

Pour la sortie de mon livre, j’ai fait faire un sondage. Il en ressort que pour 80% de la population, lorsqu’elle entend parler du peuple noir c’est par l’esclavage, la colonisation, l’apartheid. Donc, forcément, ça joue dans l’inconscient collectif. Il faut enrichir notre imagination par la connaissance qui va faire tomber les préjugés.

Comment combattre le racisme ?

Il faut sortir des prisons dans laquelle nous nous sommes enfermés. En 2010, on peut en parler tranquillement. On pense que parler de racisme, c’est tabou. S’il y a une minorité visible, cela veut dire qu’il y a une majorité invisible. On se voit comme les autres qui nous enferment dans une logique de couleur. C’est sur toutes ces thématiques qu’il faut réfléchir. Mais, sans culpabiliser personne. Avec mon livre, les gens me disent « j’ai honte, je ne connaissais pas cette histoire…« . Il ne faut pas avoir honte de ne pas connaître cette histoire, on n’a pas été éduqué à connaître cette histoire. L’importance, aujourd’hui, est d’apprendre cette histoire, de véhiculer cette histoire, pour savoir si elle peut faire tomber les préjugés. Nous sommes une génération qui doit réfléchir sur cette question.

La fondation Lilian Thuram : éducation contre le racisme

Comment est née votre fondation ?

La fondation a une naissance un peu particulière. J’étais en Espagne, chez le Consul de Barcelone. J’étais assis à côté d’un monsieur qui me demande : « que voulez-vous faire après le football ? » En rigolant, je lui réponds : « changer le monde ». Alors, il me dit : « jeune homme, on ne change pas le monde ». Je lui explique vouloir travailler autour du racisme. Il me souhaite alors bon courage : « vous aurez du travail ! » Quinze jours après, je reçois un coup de téléphone. Ce monsieur me dit : « vous m’avez convaincu. Je pense que vous n’êtes pas si fou que ça. » Il me conseille de mettre en place une fondation. C’est ainsi qu’elle est née.

Quelles actions menez-vous ?

Sa première action : ce livre. Puis, actuellement, nous mettons en place un outil pédagogique pour la rentrée 2010. Il est destiné aux professeurs de CM1/CM2 et parle du racisme, de discrimination. De même, nous travaillons à une exposition avec le Quai Branly (ndlr, sur le thème « Exhibitions, zoos humains »). En 1931, s’est déroulée l’exposition universelle à Paris. Il faut savoir qu’à cette date, la majorité de la population française a connu les populations venant d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, par le biais de zoos. Par exemple, la famille de Christian Karembeu était dans ces zoos, avec l’inscription « cannibales venant de Nouvelle Calédonie ». Par cette exposition, nous voulons comprendre comment s’est construit le regard sur l’autre.

Avec la fondation, nous essayons donc de travailler sur le regard de l’autre, et déconstruire nos imaginaires. Nous essayons d’apporter de la connaissance pour dépasser les croyances. Notre travail vise les plus jeunes. Ils sont plus réceptifs, moins conditionnés. Nous sommes tous conditionnés et il est difficile de s’échapper de sa propre éducation. J’espère que la fondation pourra faire son travail… Et, si l’on n’y arrive pas, on aura essayé.

Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama.

Dans Mes étoiles noires, vous évoquez 45 figures. Pouvez-vous nous en présentez quelques-unes ? Commençons par deux étoiles haïtiennes : Toussaint-Louverture et Jean-Jacques Dessalines, pères de la lutte contre l’esclavage et héros de l’indépendance de ce pays…

Dans l’histoire d’Haïti, avec Toussaint-Louverture, c’est la première fois que des esclaves arrivent à renverser le système en place. De tout temps, il y avait du marronnage : l’esclave s’enfuyait et essayait de déstabiliser le pouvoir en place. Sans réussite. Toussaint-Louverture a réussi. Il a remis en cause tout un système esclavagiste, dirigé par les intérêts. Haïti en a payé le prix. Napoléon a tout fait pour réinstaurer l’esclavage. Toussaint-Louverture a été important pour moi, dans le sens où l’on considère ces personnages comme des personnes ayant lutté pour les Noirs, alors qu’ils ont simplement lutté pour la Justice. Toussaint-Louverture a fini sa vie en France, dans le Jura. Napoléon a fait en sorte qu’il ne reste pas cette lumière, ce phare pour la liberté. Dessalines a repris le flambeau, pour que Haïti soit libre.

Il existe une certaine méconnaissance de l’Histoire. Pendant le tremblement de terre et les jours qui ont suivi, la malédiction d’Haïti était sans cesse évoquée. Comme si les dieux tombaient sur l’île. Or, en règle générale, la malédiction de ces pays, c’est la pauvreté. Il faut savoir pourquoi Haïti est devenue pauvre. Pendant très longtemps, elle était la colonie qui rapportait le plus d’argent à la France. Mais, pour être indépendante, l’île a du payer une forte somme d’argent. C’est l’une des raisons pour lesquelles, elle n’a jamais pu avoir une certaine stabilité.

Après, il y a un certain nombre d’enjeux économiques derrière la misère des pays que l’on couvre. Par exemple, le Congo est un pays dont on n’entend pas trop parler. Pourtant, depuis plusieurs dizaines d’années, il y a des milliers de morts…

Vous évoquez la figure de Joseph Anténor Firmin, anthropologue, auteur de l’Égalité des Races. Pourquoi l’avoir choisi ?

Il a un rôle fondamental dans la réflexion sur le racisme scientifique. Tous les autres scientifiques autour de lui fondaient des hiérarchies de races, et établissaient que la race noire était inférieure. Et lui, haïtien, avec son ouvrage Égalité des Races, arrive. Il fait ainsi contre-pied à celui de Gobineau : Essai sur l’inégalité des races humaines. Il démontre qu’il n’y a pas d’inégalité des races, si race il y a. Il ne peut être juge et parti, et son livre passe inaperçu. Un ouvrage de l’Abbé Grégoire explique que le fait de dire que le Noir n’a pas d’âme est une bêtise.

Dans Mes étoiles noires, vous refusez l’opposition « violence/non violence » entre Malcom X et Martin Luther King et vous les incluez tous deux parmi vos étoiles. Pourquoi ?

J’ai une histoire particulière avec Malcom X. Je voulais appeler l’un de mes fils Malcom et ma famille m’a dit : « non, ce n’est pas possible, Malcom est un violent ». Ma maman surtout. Alors, mon fils ne s’appelle pas Malcom.

Plus sérieusement, nous avons tous une image de Malcom X comme quelqu’un de très violent. Né pendant la ségrégation, ce petit garçon a perdu ses oncles, et probablement son père, par le Ku Kux Klan. Sa mère tombe dans une certaine folie. C’est un départ dans la vie un peu difficile, pour ne pas tomber dans une certaine violence, dans un certain racisme envers la société qui l’opprime. Ce jeune garçon devient délinquant, finit en prison. Là, il y rencontre la lecture, la connaissance. Il s’apaise. Quand il sort de prison, il est avec les Black Muslims, un autre mouvement radical. Il continue cependant à s’éduquer. Un jour, lors d’un voyage hors des États-Unis, il voit qu’il existe d’autres choses ailleurs. En revenant, il se dit : « en fait, l’on peut travailler tous ensemble. Peu importe la couleur et la religion ». Il a compris que le vrai problème était l’injustice sociale. Ainsi, sur la fin de sa vie, Malcom X sort de la problématique des couleurs pour combattre l’injustice sociale. C’est pour cela que c’est l’une de mes étoiles. L’ensemble de mes personnages changent, à un moment de leur vie, parce qu’ils ont accès à la culture et à l’éducation.

Quel est votre rapport à Aimé Césaire ?

J’ai rencontré son livre, Discours sur le colonialisme, ses poèmes. C’est quelqu’un qui donne une réflexion intéressante sur le colonialisme, qui donne la parole aux colonisés. Évidemment, il a inventé cette notion de la négritude. Souvent, les gens s’arrêtent à « nègre » dans négritude. Alors que la négritude c’est : donner la parole aux opprimés.

J’ai eu la chance de pouvoir aller à l’enterrement d’Aimé Césaire. Pour me recueillir. C’était, pour moi, quelqu’un de très très important. Il nous fait avoir une autre vision des choses. Aimé Césaire me fait penser à quelqu’un est extrêmement important pour moi : Frantz Fanon. Ce dernier est celui qui arrive à expliquer la problématique des couleurs de peau. Il montre notamment comment la société antillaise a reproduit le racisme. On disait aux gens de la génération de ma maman qu’il était préférable de se marier avec un blanc pour que l’enfant soit plus clair de peau. On les appelait les « peaux chapées ». Fanon l’explique très bien, et ça j’en ai discuté avec maman, donc c’est vrai… Celui qui était plus clair de peau était mieux vu que celui qui était plus foncé, même au sein d’une famille. La société antillaise doit avoir une réflexion pour s’accepter. Par exemple, au niveau de la langue, le créole est dénigré. Dénigrer sa langue, c’est se dénigrer soi-même.

Nombreux sont vos personnages à être croyants, qu’est-ce que la religion pour vous ?

Je suis surpris que l’on n’accepte pas la religion de l’autre. Pour moi, la religion aide à accepter l’idée de la mort, à rendre la mort acceptable. On ne peut pas dire à quelqu’un : « ta façon d’accepter la mort n’est pas la bonne ». Comment rendre la mort acceptable ? Cette question est, pour moi, l’une des deux les plus fondamentales. La seconde étant : comment rendre la vie la plus vivable possible ? Et cela passe par la religion, et c’est pour cela qu’il faut respecter la religion de l’autre.

Une république multiculturelle et post-raciale

Vous avez récemment appelé à une « république multiculturelle et post-raciale ». Qu’entendez-vous par là ?

Il faut avoir une vraie réflexion sur : comment créer une société où il y a une plus grande fraternité ? C’est dépasser le problème racial. J’ai fait faire un sondage et il y a encore 55% des personnes en France pensent qu’il y a plusieurs races. Pour sortir de ces problématiques de couleur, il faut en parler tranquillement. Pourquoi multiculturel ? De nombreuses personnes ne comprennent pas que nos sociétés sont en mouvement. Nos identités sont en constante évolution. Cet appel, c’est créer une réflexion sur une société multiculturelle et post-raciale pour comprendre comment créer des liens pour que l’on puisse vivre ensemble. Il faut éduquer nos enfants à ouvrir leurs horizons et accepter l’autre.

Modifié le 19/02/10, à 02h55