« La seule chose qui ait changé en matière d’immigration, c’est la communication »

L’expulsion de la jeune Léonarda a mis en lumière les conditions intolérables dans lesquelles sont expulsés les sans-papiers en France. Clémence, militante au Réseau Université Sans Frontière (RUSF) et étudiante en Master Droits des Etrangers, donne à Haut Courant son avis sur cette affaire.

Le 9 octobre à Pontarlier. Leonarda, collégienne kosovare, est arrêtée aux abords de son établissement pour rejoindre sa famille, en attente d’expulsion pour le pays d’origine du père. Alors que les conditions de son expulsion ont créé un malaise au sein même du PS, mettant notamment en question la « sanctuarisation » de l’école, les lycéens sont descendus dès jeudi 17 dans la rue pour manifester leur soutien à leur camarade. Ce samedi, le Président Hollande à proposé à Leonarda un retour en France mais non-accompagnée de sa famille, alimentant la polémique par un positionnement jugé soit inhumain, soit schizophrène…

 Haut Courant: Quel est votre point de vue sur la situation générale des expulsions d’étrangers en France depuis l’entrée en fonction de M. Hollande et son ministre M. Valls? Qu’est-ce qui a changé ou pas?

Clémence: Pour moi, la seule chose qui ait changé dans la politique d’immigration depuis l’élection de Hollande, c’est la manière de la gérer en termes de communication : avant, c’était « remplissez-moi ces charters! », maintenant c’est plutôt « on peut être de gauche et penser que la France peut pas accueillir toute la misère du monde, non? ». Dans les faits, je pense que rien d’autre n’a changé (à part, peut-être, une focalisation sur les Roms encore plus intense qu’auparavant…). Il me semble me souvenir que Manuel Valls se félicitait du fait que le gouvernement Hollande avait réussi à maintenir le nombre d’expulsions aux chiffres du gouvernement précédent.

 HC: Quel est votre point de vue sur l’affaire Léonarda? M. Ayrault avait parlé du besoin de vérifier si une «faute» a été commise. Pensez-vous que le déroulement des faits a impliqué une anormalité dans la manière dont se déroulent les expulsions d’habitude ou bien l’histoire de Léonarda est-elle plutôt banale?

C: Les deux !
Son histoire ne diffère pas vraiment du quotidien des arrestations de sans-papiers, qui sont très souvent entachées de telles « fautes » : on peut dire que la manière d’arrêter les étrangers en situation irrégulière est le plus souvent « anormale ».

 HC: Et pourtant une enquête administrative montre que les policiers n’ont fait qu’appliquer la loi…

C: Justement, à mon sens les procédures applicables aux étrangers et a fortiori aux étrangers sans-papiers sont bien spécifiques et portent avec elles beaucoup de violence, ne serait-ce que symbolique. On peut suivre une procédure à la lettre en hurlant et en stressant extrêmement la personne à arrêter. Donc même en appliquant la loi (voire surtout en appliquant la loi..), la police peut se conduire de manière « anormale ». Mais ça implique d’avoir une conception certaine de ce qu’est une arrestation « normale » et c’est un autre débat…

 HC: Ce qui a heurté dans l’histoire de Léonarda, c’est que son arrestation se soit fait aux abord de son collège, juste avant une sortie scolaire. Les arrestations qui se font dans l’ignorance de tous sont-elles moins choquantes ?

C: Elles ne sont pas moins choquantes quand on est au courant mais elle ne choquent personne puisque personne ne le sait. Quand on raconte à quelqu’un qu’un sans-papiers s’est fait arrêter à 7h du matin chez lui et emmener au CRA (Centre de Rétention Administrative, ndlr) en pyjama, bien sûr que la personne est le plus souvent choquée. Sauf que ça ne s’entend pas, ça ne se voit pas, ça ne se sait pas. L’histoire de Leonarda a ému parce qu’elle était voyante, sinon elle aurait juste été expulsée et basta.

 HC: M.Hollande a annoncé que Leonarda pouvait revenir si elle le souhaitait, mais sans sa famille. Que pensez-vous d’une telle proposition ?

C: Que c’est une sacrée bonne idée qu’il a eue! Comme elle est mineure et n’a sûrement pas envie de se retrouver seule en France, qu’administrativement c’est la merde voire impossible, il y a très peu de chance qu’elle rentre… Donc il sauvegarde l’image du mec de gauche compatissant à l’écoute des remous que cette arrestation a suscitée dans la population, et en même temps il est à peu près sûr que dans ces conditions elle ne rentrera pas.

«Les étrangers n’ont pas le droit à l’erreur»

 HC: L’expulsion de la famille Dibrani a été justifiée par divers comportements qui traduiraient une non-volonté du père à s’intégrer à la société française, comme par exemple «une absence de recherche sérieuse d’emploi» ou «des insultes adressées à l’encontre […] des personnels sociaux». Etre français se mérite-t-il ?

C: Selon moi ou selon les autorités françaises et la pensée majoritaire?
Ben oui, pour obtenir la nationalité française il faut se mettre en quatre et faire des efforts de taré qu’on ne demanderait jamais à un Français, oui ça se mérite et c’est pas donné à tout le monde, mais quand même, il faut avoir un minimum de volonté de s’intégrer non?
Plus sérieusement, les étrangers n’ont pas le droit à l’erreur en France parce qu’ils sont considérés comme « invités » ici, alors ils doivent se comporter en invités : ne pas faire de bruit, ne pas trop en demander, être gentil avec la dame, et surtout, se rendre utile.

 HC: Le responsable du Comité de Soutient aux Demandeurs d’Asile et Sans-papiers de Pontarlier, qui se réclame du RESF sans en faire partie, aurait donné son accord à l’expulsion au nom du regroupement familial, après l’épuisement de tous les recours possibles. Comment auriez-vous réagi au RUSF?

C: Je ne comprends pas bien comment il peut se réclamer du RESF sans en faire partie… Je pense qu’on aurait très mal réagi, bien sûr! Le fait de parler de manière individuelle au nom de tout un groupe n’est jamais super bien accueilli par les autres militants… Surtout après avoir donné son accord à une expulsion.

 HC: Pensez-vous que cette histoire va marquer les gens et induire une prise de conscience, ou bien que dans une semaine plus personne n’en parlera?

C: Je pense qu’il y a déjà une prise de conscience au niveau des lycéens, qui ont manifesté et bloqué leur lycée. Ils sont très choqués par le fait qu’on expulse un camarade de classe « juste » parce qu’il n’a pas de papiers alors qu’ils le voient tous les jours en cours. Si la mobilisation arrive à tenir, il y a peut-être une chance pour que ça ne soit pas oublié dans une semaine…

Quand l’exclusion forme un peuple : les tziganes.

Cinq futurs journalistes de l’équipe de Hautcourant.com se sont intéressés aux tziganes et plus particulièrement aux Roms. Ce travail a donné naissance au dossier qui suit.
De l’histoire de ce peuple méconnu, aux difficultés qu’il rencontre en Europe et dans les villes Française, ces articles dressent le panorama d’une population qui parfois, fait l’objet de discriminations et de rejet ethnique de la part de gouvernements occidentaux.

Nomades, voyageurs, gens du voyage, sont des termes qui évoquent l’itinérance et renvoient aux tziganes. Le voyage n’est cependant pas la seule spécificité de leur identité.
Parler de tziganes sédentaires semble contradictoire dans la mesure où toute leur histoire est celle d’une transhumance sans fin apparente. Pourtant la moitié de la population, évaluée à quelque 300 000 personnes en France, est sédentaire.
De même, le référent ethnique n’est pas non plus suffisant à l’étude des « gens du Voyage », puisque des non-Tziganes sont aussi des voyageurs. C’est dire la complexité du monde des tziganes qui se prête mal à une classification et interdit toute tentative de généralisation.

Et sans surprise, durant la première étape de ce travail qui consistait à raconter l’origine des tziganes, nous avons très vite été confrontés au flou qui accompagne l’histoire de ce peuple. La diversité des récits et des parcours géographiques et culturels nourrit l’impossibilité de définir précisément une histoire commune. Toutefois, ce flou est à lui seul un élément qui fait partie du tout qui compose l’identité tzigane.

Après avoir défini les éléments relatifs à l’histoire et à l’organisation sociale des tziganes, il nous a semblés intéressant de concentrer notre travail sur les problématiques qui touchent les Roms à différentes échelles géographiques.

Quentin Clairembourg a travaillé sur les minorités présentes au Kosovo. « A l’heure où la communauté internationale débat de l’indépendance du Kosovo, les organisations non-gouvernementales spécialisées dans les droits de l’homme alertent l’opinion sur la situation des minorités ethniques présentes dans le pays des Balkans. L’indépendance du Kosovo ne fait pas que des heureux. La communauté Rom fait partie des trois minorités ethniques menacées, selon Human Rights Watch. »

Avec le même intérêt pour les questions européennes, Julien Ginoux a focalisé son enquête sur les conditions d’accueil des nouveaux ressortissants européens. « Depuis le 1er janvier 2007, les Roms de Roumanie et de Bulgarie, sont citoyens européens. Avec une simple carte d’identité, ces nouveaux ressortissants européens bénéficient, au même titre que les autres citoyens de l’Union européenne, de la liberté de circulation sur l’ensemble du territoire des Etats membres. Or, un mois avant leur adhésion, en décembre 2006, deux circulaires sont venues préciser les conditions d’accueil de ces nouveaux ressortissants. »

Au cœur de cette nouvelle législation, les programmes d’aide au retour volontaire ou humanitaire. Sophie Morin-Feyssac a étudié ces dispositifs et propose un éclairage sur les désaccords qui opposent l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) et les collectifs de Roms. « Depuis quelques mois, déjà la grogne se ressent au sein de la population des Roms installés en France. En effet la politique d’aide au retour pratiquée par l’ANAEM est l’objet de toutes les controverses. Différents arguments sont avancés de toute part, de sorte qu’il est difficile de comprendre réellement la situation actuelle. L’ANAEM et les collectifs de Roms sont en total désaccord sur les objectifs poursuivis. »

Des situations locales illustrent également les difficultés que rencontrent les Roms. Jean-Philippe Juan a rencontré Jean-Philippe Turpin, directeur de la Cimade de Béziers et Raymond Couderc, maire de cette même ville. Ces deux acteurs connaissent mieux que quiconque la situation des Roms et les difficultés que ces derniers provoquent ou sont supposés provoquer dans le Biterrois. Pourtant le discours et les perceptions ne sont pas identiques notamment sur les questions relatives à l’éducation.
De même, au coin d’une rue, adossé au mur d’une banque ou appuyé à un feu rouge, apparaît parfois un Rom avec son identité et son histoire. Comme Julietta, une femme de trente-six ans qu’ Anne-Lise Dupays a rencontrée. « Cela fait maintenant quatre ans qu’elle a fuit la Roumanie avec son mari et ses trois enfants, leurs conditions de vie étant devenues trop pénibles en raison de la discrimination et des persécutions dont sont victimes les Roms. ». Des discriminations et des rejets systématiques de la part des gouvernements occidentaux qui ont inspiré Jean-Marc Turine dans son ouvrage Le crime d’être roms.

Quand l’exclusion forme un peuple : les tziganes.

Cinq futurs journalistes de l’équipe de Hautcourant.com se sont intéressés aux tziganes et plus particulièrement aux Roms. Ce travail a donné naissance au dossier qui suit.
De l’histoire de ce peuple méconnu, aux difficultés qu’il rencontre en Europe et dans les villes Française, ces articles dressent le panorama d’une population qui parfois, fait l’objet de discriminations et de rejet ethnique de la part de gouvernements occidentaux.

Nomades, voyageurs, gens du voyage, sont des termes qui évoquent l’itinérance et renvoient aux tziganes. Le voyage n’est cependant pas la seule spécificité de leur identité.
Parler de tziganes sédentaires semble contradictoire dans la mesure où toute leur histoire est celle d’une transhumance sans fin apparente. Pourtant la moitié de la population, évaluée à quelque 300 000 personnes en France, est sédentaire.
De même, le référent ethnique n’est pas non plus suffisant à l’étude des « gens du Voyage », puisque des non-Tziganes sont aussi des voyageurs. C’est dire la complexité du monde des tziganes qui se prête mal à une classification et interdit toute tentative de généralisation.

Et sans surprise, durant la première étape de ce travail qui consistait à raconter l’origine des tziganes, nous avons très vite été confrontés au flou qui accompagne l’histoire de ce peuple. La diversité des récits et des parcours géographiques et culturels nourrit l’impossibilité de définir précisément une histoire commune. Toutefois, ce flou est à lui seul un élément qui fait partie du tout qui compose l’identité tzigane.

Après avoir défini les éléments relatifs à l’histoire et à l’organisation sociale des tziganes, il nous a semblés intéressant de concentrer notre travail sur les problématiques qui touchent les Roms à différentes échelles géographiques.

Quentin Clairembourg a travaillé sur les minorités présentes au Kosovo. « A l’heure où la communauté internationale débat de l’indépendance du Kosovo, les organisations non-gouvernementales spécialisées dans les droits de l’homme alertent l’opinion sur la situation des minorités ethniques présentes dans le pays des Balkans. L’indépendance du Kosovo ne fait pas que des heureux. La communauté Rom fait partie des trois minorités ethniques menacées, selon Human Rights Watch. »

Avec le même intérêt pour les questions européennes, Julien Ginoux a focalisé son enquête sur les conditions d’accueil des nouveaux ressortissants européens. « Depuis le 1er janvier 2007, les Roms de Roumanie et de Bulgarie, sont citoyens européens. Avec une simple carte d’identité, ces nouveaux ressortissants européens bénéficient, au même titre que les autres citoyens de l’Union européenne, de la liberté de circulation sur l’ensemble du territoire des Etats membres. Or, un mois avant leur adhésion, en décembre 2006, deux circulaires sont venues préciser les conditions d’accueil de ces nouveaux ressortissants. »

Au cœur de cette nouvelle législation, les programmes d’aide au retour volontaire ou humanitaire. Sophie Morin-Feyssac a étudié ces dispositifs et propose un éclairage sur les désaccords qui opposent l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) et les collectifs de Roms. « Depuis quelques mois, déjà la grogne se ressent au sein de la population des Roms installés en France. En effet la politique d’aide au retour pratiquée par l’ANAEM est l’objet de toutes les controverses. Différents arguments sont avancés de toute part, de sorte qu’il est difficile de comprendre réellement la situation actuelle. L’ANAEM et les collectifs de Roms sont en total désaccord sur les objectifs poursuivis. »

Des situations locales illustrent également les difficultés que rencontrent les Roms. Jean-Philippe Juan a rencontré Jean-Philippe Turpin, directeur de la Cimade de Béziers et Raymond Couderc, maire de cette même ville. Ces deux acteurs connaissent mieux que quiconque la situation des Roms et les difficultés que ces derniers provoquent ou sont supposés provoquer dans le Biterrois. Pourtant le discours et les perceptions ne sont pas identiques notamment sur les questions relatives à l’éducation.
De même, au coin d’une rue, adossé au mur d’une banque ou appuyé à un feu rouge, apparaît parfois un Rom avec son identité et son histoire. Comme Julietta, une femme de trente-six ans qu’ Anne-Lise Dupays a rencontrée. « Cela fait maintenant quatre ans qu’elle a fuit la Roumanie avec son mari et ses trois enfants, leurs conditions de vie étant devenues trop pénibles en raison de la discrimination et des persécutions dont sont victimes les Roms. ». Des discriminations et des rejets systématiques de la part des gouvernements occidentaux qui ont inspiré Jean-Marc Turine dans son ouvrage Le crime d’être roms.