Hey Bo

Bo Diddley, l’un des géniteurs du Rock’n’Roll a éteint son ampli une dernière fois le 2 juin 2008. Il est mort d’un arrêt cardiaque dans sa résidence à Archer, en Floride. Voyage au pays du bruit en hommage à celui qui en fut l’un des premiers explorateurs.

Le nom que Bo avait choisi (son nom de Baptême était Ellas Otha Bates McDaniel) fait référence à un instrument de musique de rue ; le Diddle. Cet instrument est la guitare des pauvre. Il s’agît d’un fil de fer tendu sur une caisse de bois. On gratte cette corde en y faisant glisser un goulot de bouteille (dit Bottleneck) pour en modifier le son, et ainsi accompagner le blues des rues. Le son qui en ressort n’est pas à proprement parler mélodique, mais il a un timbre, un relief. Quelque chose de particulier.

Fasciné par cet instrument, Bo s’en inspirera pour créer ses guitares, distribués par la firme Gretsch.

Gretsch Bo Diddley (1957)
Gretsch Jupiter Thunderbird (1959)

Bo était un créateur, un vrai. Il a introduit dans la musique ce rythme syncopé, cassé, qui apporte au rock toute sa rudesse et à la fois tout son coté dansant. Ce rythme, il l’inaugure dés son premier album en 1955, avec la chanson Bo Diddley :

Bo Diddley – Bo Diddley, 1955

Mais on ne doit pas seulement à Bo cette innovation technique au niveau du rythme. Il a avant tout révolutionné le rapport au son du Rock ‘n Roll, et ainsi créé les conditions d’éclosion d’un rock différent. Le Garage Rock avec notamment The Sonics dans la seconde moitié des années 1960, puis le Punk Rock à la fin des années 1970.

Bo Diddley – Hey Bo Diddley (début des années 1960)

A l’instar des peintres abstraits avec la forme, Bo va axiomatiser le son. Il va le faire exister en parallèle de le mélodie, parfois même à la perpendiculaire. Il va jouer avec les faibles possibilités qu’offrent les systèmes de sonorisations de l’époque. Il va pousser les reverbs et les trémolos dans leurs derniers retranchements. Il va jouer avec le larsen, qui dès lors, passera du statut d’ennemi à celui de compagnon de route, voir de meilleur ami du guitariste comme nous l’enseigne Jimi Hendrix :

Jimi Hendrix – Wild Thing (Live at Monterey, 1968)

Ce travail sur l’esthétique du son sera poursuivi. Ainsi, Link Wray, en 1958, souhaite durcir le son de la guitare Surf, il a alors l’idée de percer le haut-parleur de son ampli avec un tournevis. Le son sifflant, sale et nasillard qui en ressort est baptisé « Fuzz », et devient dès lors le son incontournable du Rock’n’Roll jusqu’à l’invention de saturations plus spécifiques.

Link Wray – Ace of Spades (Live 1997)

Plus loin du rock, des musiciens expérimentaux comme La Monte Young, et plus tard Glenn Branca vont construire en grande partie leurs travaux sur la texture du bruit. La Monte Young aura une large influence sur les New Yorkais du Velvet Underground :

The Velvet Underground – Black Angels Death Song (1967)

Plus tard, les Sonic Youth, progéniture spirituelle du Velvet, et leader incontestés de la scène Noise Rock américaine depuis plus de 20 ans vont poursuivre l’exploration. Ils branchent à leur débuts, des perceuses sur des pédales Wha-Wha par exemple. Leurs expérimentations bruitistes d’alors nourriront par la suite leur rock riche et intelligent.

Sonic Youth – Mote (1990)

Pour clore ce voyage et boucler la boucle, les correspondants anglais des Sonic Youth, [Jesus & Mary Chain-> http://www.myspace.com/jamcrocknroll
], rendent un hommage appuyé au grand père du rock bruitiste avec un somptueux Bo Diddley Is Jesus sur la compilation de faces B Barbed Wire Kisses(1988) :
J&MC – Bo Diddley Is Jesus

Nouveaux bombardements sur Motor City

Mick Collins, parrain de la nouvelle scène rock de Detroit ( White Stripes, Raconteurs, Von Bondies… excusez du peu ) sort un quatrième LP avec son gang. Les Dirtbombs nous assènent à nouveau une leçon bruyante de bonne conduite.

Detroit, terre de contraste… ville industrielle griseatre, «Motor City» siège de General Motors et de Ford, pourtant sinistrée économiquement, sinistrée socialement… mais hyperactive musicalement.

Iggy Pop lui-même n’hésite pas à le rappeler, Detroit, c’est la ville des Stooges (enfin, presque, le père Iggy n’aime pas trop les complications), mais c’est aussi celle du label Tamla Motown, qui définira le son de la musique noire à partir de 1959. Le rock et la soul. Les deux rejetons de blues. Les deux frères ennemis se rejoignent ici pour s’affronter, se confronter. Nul ne peut d’ailleurs contester le coté soul du plus grand groupe de Rock de Detroit, le MC5.

Les Dirtbombs chez le garagiste
Et bien les Dirtbombs, c’est ça. Entre autre. Parce que les Dirtbombs, c’est aussi, et surtout, un moteur entraîné par une double section rythmique. Une machine à Surround plus efficace qu’une Cadillac Eldorado traçant sur la Highway 66.

We have you surrounded, fait office de contrôle technique pour la machine. Dix ans après le premier album, on vérifie que tout va bien. C’est le cas. On retrouve les pièces classiques des Dirtbombs : gros son bourrin, affiné au refrain par un coeur très soul avec des titres comme Ever Lovin’ Man ; Leopardman at C&A ; Pretty Princess Day ou They Have You Surrounded. Poussé dans les tours, le moteur chargé au Stooges ( avec plomb ) rugit sur It’s Not Fun Until They See You Cry ou I Hear The Sirens. Sur Indivisible, Wreck My Flow ou Pretty Princess Day. On se verra contraint de détacher la ceinture de sécurité pour danser : toute résistance à ces rythmiques funky au gros son est impossible. Quand le soleil viendra à se coucher sur un horizon rougeatre, on se calera Sherlock Holmes, et sa longue montée planante.

Le pilote de l’engin, Mick Collins est noir. Et lui, les grandes lignes droite, ça ne lui plait pas tant que ça. Alors dans les années 1980, il décide de faire du garage-rock avec The Gories, son premier groupe, sans basse. Puis il décide en 1992 de monter les Dirtbombs, un side-project pour s’amuser, enregistrer quelques singles. Pour changer, il gonfle le moteur avec 2 basses, et 2 batteries. Finallement, l’énormissime son qui se dégage du capot des Dirtbombs le séduit. Il tentera de piloter cet appareil malgré un line-up des plus instables.

Il semblerait que depuis Dangerous Magical Noise ( 2003 ), le groupe soit parvenu à un équilibre. Ce qui ressort de ce We Have You Surrounded, c’est que le garagiste Collins a trouvé les bons réglages pour son Hot Rod.

Alors, nous n’avons plus qu’à leur souhaiter bonne route !