CULTURE – Les 24h (vraiment) démentes

Voilà déjà une semaine que les Internationales de la Guitare ont imprégné Montpellier et ses alentours d’une atmosphère mélodieuse. Et cette 22e édition ne déroge pas à la traditionnelle journée-marathon des 24h dément(es).

De samedi dernier 10h, au dimanche 1er octobre, même heure, c’est bien une course effrénée, escortée par la pluie, qui s’est rythmée au fil des concerts et des rencontres. Ce parcours musical s’étendait dans le centre historique de celle que l’on nomme la « Surdouée ». De lieux insolites, à l’instar du Jardin des Plantes, aux lieux emblématiques que sont le Rockstore et l’Opéra Comédie, un métissage stylistique était à l’oeuvre. Jazz manouche, musique expérimentale, flamenco ou encore pop-folk étaient représentés par des figures de la scène nationale et internationale.

Plus qu’une simple journée, cet évènement entièrement gratuit illustre bien la volonté du festival de rendre accessibles ces concerts à la population locale. La musique semble transcender les frontières, les classes sociales et les genres.

Les internationales de la Guitare 2013 se devoilent

Si la billetterie des Internationales de la Guitare (du 28 septembre au 19 octobre) est ouverte depuis le 7 mai, la programmation n’est pas tout à fait finalisée. Une majorité est cependant déjà révélée. Une cordée d’artistes du monde seront présents, le Maghreb et le Proche-Orient à l’honneur (Rachid Taha, Mohamed Abozekry et Heejaz, Interzone…). Deux surprises ont retenu notre attention: une bonne et une vraie. La bonne, c’est le prix des billets en baisse: 60 % des places à prix réduit et un prix moyen de 20€ (contre 25€ en 2012). La vraie, c’est la venue de l’auteur-interprète-guitariste Joseph Arthur, originaire de l’Ohio (Etats-Unis). Découvert dans les années 90 par deux grands noms de la musique, Peter Gabriel et Lou Read, l’artiste a fait son chemin depuis et arrive avec son dernier album « The ballad of boogie Christ ». La création (à chaque édition sa perle rare) sera la rencontre des montpelliérains Pascal Comelade et Gérard Pansanel avec Emilie Simon. La première partie sera assurée par le français Sanseverino. Ce dernier, habitué du jazz manouche, apportera une petite touche originale (une de plus) au festival avec du bluegrass (mélange de rock irlandais et country américaine). Mais le tyrannosaure guitariste du festival – mascotte de l’affiche 2013 – a plus de six cordes à son manche et fait venir entre autres: Bumcello, Diego Amador, Bjorn Berg, Mathieu Boogaerts, Paco Ibanez, Don Cavalli… En tout, ce sont 200 concerts donnés dans 22 lieux en Languedoc-Roussillon.

Le Gitan Noir, un artiste au-delà des barrières

Ses 36 ans, Philippe Udino ne les fait pas. Skate à la main, jean, baskets, plume pendue à l’oreille et collier jaune vert rouge. On ne sait trop dans quel style le ranger. Et ça tombe bien, il déteste les étiquettes. A son passage, la rue l’interpelle: « Oh ! Le Gitan Noir ! ».

Artiste indépendant, le Gitan Noir se bat seul pour faire entendre sa musique et fait tout « à la gitane » comme il dit, d’instinct. Auteur-compositeur, il se produit régulièrement à Montpellier et fait partager sa musique aux passants, au hasard de la rue.
Cela fait 20 ans maintenant .« J’étais dans la danse avant. Le hip hop c’était ma manière de m’exprimer. Les années passant, je me suis rendu compte qu’il me manquait quelque chose et la chanson m’est apparue comme une évidence. »
Pseudo original pour un mélange musical et culturel détonant. Le Gitan Noir est un « pur produit » de la cité Gély du quartier Figuerolles. Il a grandit dans ce bouillonnement multiculturel où cohabitent blancs, maghrébins, gitans et africains. « Ce nom, c’est des gitans du quartier qui me l’ont donné. Je l’ai gardé car c’est vraiment ce que je suis dans la vie. Ma musique s’inspire du flamenco que j’entendais de la fenêtre de mon appartement dans la cité. En plus, nous avons les même batailles à mener pour exister. Pour être respecté malgré nos couleurs de peau, malgré le fait de venir d’un quartier. »

Sa musique est donc le reflet de ce qu’il est : un hymne moderne à la France d’aujourd’hui. Mêlant jazz, soul, rap et flamenco, un nouveau genre musical est né.  » J’ai toujours été à la recherche de mon propre style et je l’ai trouvé : c’est le flamensoul ». Un son qui colle au décor de son enfance. Amoureux de la Musique, il refuse de s’enfermer dans un genre, récuse les barrières qu’elles quelles soient « J’aime toutes les musiques, il suffit qu’un truc me parle ou me transporte. » Ses inspirations musicales vont de Jonathan Butler (jazz) à Tomatito (flamenco), en passant par Michael Jackson ou Marvin Gaye.

A musique sycrétique, public éclectique. « Quand je regarde les gens qui viennent me voir en concert, je me régale. Il y a des personnes de tous les styles, de tout niveau social, des bourgeois aux babas, des jeunes aux papis.» Le message est clair : rassembler, construire « tous ensemble » comme le dit un de ses titres. Le chanteur qui aurait aussi aimé être éducateur dit facilement que sa musique est aussi forcément politique. Son rap se veut conscient. « Je tente d’amener des solutions, c’est facile de se plaindre tout le temps mais il y a aussi des choses à faire, des messages positifs à passer. » Ses textes racontent sa vie, les difficultés qu’il a pu rencontrer. « Si j’avais été plus faible je ne serais pas là aujourd’hui. Il y a toujours des gens qui veulent te cracher leurs frustrations à la gueule. Chacun à sa place dans ce métier mais pour beaucoup, c’est une compétition. » Les chansons s’efforcent de décrypter la cité, d’analyser « le pourquoi » pour effacer les préjugés simplistes. Ce chanteur médiateur fait le pont entre un monde inconnu qui fait peur à certain et un monde de galère où la victimisation referme la boucle d’un cercle vicieux. « Je suis pour la douce révolution. Celle qui se fait par les mots magiques comme bonjour et merci. Des petits riens qui font que l’on communique et qui peuvent changer les mentalités, éloigner les idées préconçues. »
« J’ai fait un CAP menuisier et j’ai arrêté les études alors ma musique quelque part, c’est ma thèse
» confie l’artiste en montrant son CD. Après deux maxis : Nécessaire et Représentons, le premier album, Soul solution, est prévu pour début 2009. « Ma musique à moi c’est du calcium » dit-il pour clore l’entretien. Et en cette période hivernale, un peu de vitamines contre la grisaille, ce n’est pas de refus.

Le gitan noir: Tous ensemble
Le gitan noir sur 7LTV : « Tous ensemble »

Le myspace: http://www.myspace.com/lnblegitannoir.

Hey Bo

Bo Diddley, l’un des géniteurs du Rock’n’Roll a éteint son ampli une dernière fois le 2 juin 2008. Il est mort d’un arrêt cardiaque dans sa résidence à Archer, en Floride. Voyage au pays du bruit en hommage à celui qui en fut l’un des premiers explorateurs.

Le nom que Bo avait choisi (son nom de Baptême était Ellas Otha Bates McDaniel) fait référence à un instrument de musique de rue ; le Diddle. Cet instrument est la guitare des pauvre. Il s’agît d’un fil de fer tendu sur une caisse de bois. On gratte cette corde en y faisant glisser un goulot de bouteille (dit Bottleneck) pour en modifier le son, et ainsi accompagner le blues des rues. Le son qui en ressort n’est pas à proprement parler mélodique, mais il a un timbre, un relief. Quelque chose de particulier.

Fasciné par cet instrument, Bo s’en inspirera pour créer ses guitares, distribués par la firme Gretsch.

Gretsch Bo Diddley (1957)
Gretsch Jupiter Thunderbird (1959)

Bo était un créateur, un vrai. Il a introduit dans la musique ce rythme syncopé, cassé, qui apporte au rock toute sa rudesse et à la fois tout son coté dansant. Ce rythme, il l’inaugure dés son premier album en 1955, avec la chanson Bo Diddley :

Bo Diddley – Bo Diddley, 1955

Mais on ne doit pas seulement à Bo cette innovation technique au niveau du rythme. Il a avant tout révolutionné le rapport au son du Rock ‘n Roll, et ainsi créé les conditions d’éclosion d’un rock différent. Le Garage Rock avec notamment The Sonics dans la seconde moitié des années 1960, puis le Punk Rock à la fin des années 1970.

Bo Diddley РHey Bo Diddley (d̩but des ann̩es 1960)

A l’instar des peintres abstraits avec la forme, Bo va axiomatiser le son. Il va le faire exister en parallèle de le mélodie, parfois même à la perpendiculaire. Il va jouer avec les faibles possibilités qu’offrent les systèmes de sonorisations de l’époque. Il va pousser les reverbs et les trémolos dans leurs derniers retranchements. Il va jouer avec le larsen, qui dès lors, passera du statut d’ennemi à celui de compagnon de route, voir de meilleur ami du guitariste comme nous l’enseigne Jimi Hendrix :

Jimi Hendrix – Wild Thing (Live at Monterey, 1968)

Ce travail sur l’esthétique du son sera poursuivi. Ainsi, Link Wray, en 1958, souhaite durcir le son de la guitare Surf, il a alors l’idée de percer le haut-parleur de son ampli avec un tournevis. Le son sifflant, sale et nasillard qui en ressort est baptisé « Fuzz », et devient dès lors le son incontournable du Rock’n’Roll jusqu’à l’invention de saturations plus spécifiques.

Link Wray – Ace of Spades (Live 1997)

Plus loin du rock, des musiciens expérimentaux comme La Monte Young, et plus tard Glenn Branca vont construire en grande partie leurs travaux sur la texture du bruit. La Monte Young aura une large influence sur les New Yorkais du Velvet Underground :

The Velvet Underground – Black Angels Death Song (1967)

Plus tard, les Sonic Youth, progéniture spirituelle du Velvet, et leader incontestés de la scène Noise Rock américaine depuis plus de 20 ans vont poursuivre l’exploration. Ils branchent à leur débuts, des perceuses sur des pédales Wha-Wha par exemple. Leurs expérimentations bruitistes d’alors nourriront par la suite leur rock riche et intelligent.

Sonic Youth – Mote (1990)

Pour clore ce voyage et boucler la boucle, les correspondants anglais des Sonic Youth, [Jesus & Mary Chain-> http://www.myspace.com/jamcrocknroll
], rendent un hommage appuyé au grand père du rock bruitiste avec un somptueux Bo Diddley Is Jesus sur la compilation de faces B Barbed Wire Kisses(1988) :
J&MC – Bo Diddley Is Jesus