Gilles Fontaine : « MyMajorCompany est un simple symptôme plutôt qu’une révolution »

Directeur général adjoint de l’IDATE, centre d’étude et de conseil pour les secteurs
des télécoms, d’internet et des médias, Gilles Fontaine revient sur le phénomène MyMajorCompany et l’évolution de l’industrie musicale. Rencontre.

Haut Courant : Les dernières années ont vu émerger de nouveaux acteurs de l’industrie musicale. Que pensez-vous de ces alternatives ?

Gilles Fontaine : MyMajorCompany (MMC) a su créer un marketing viral bien pensé et intelligent. Il reste cependant un phénomène limité, notamment en
termes de modèle économique. La capacité d’investir en dehors du noyau dur des passionnés semble limitée. Je doute de l’ampleur de la solution face au poids des maisons de disques.

Quelle place occupe ces phénomènes internet musicaux ?

Il faut resituer ces nouveaux sites dans un contexte de simplification et de raccourcissement de la chaîne musicale. L’autoproduction d’artistes est de plus en plus présente. Avec un Mac, tout le monde peut faire sa propre maquette. Les nouveaux acteurs du net offrent donc une réponse adaptée. Néanmoins le rôle essentiel de ces sites, et notamment de MMC, tient dans le marketing et la promotion. Ils arrivent à faire venir certains artistes mais il ne s’agit pas d’un modèle dominant. Plus qu’une révolution de l’industrie musicale, c’est un symptôme, en lien avec l’importance du marketing et la volonté de sortir des artistes plus rapidement.

Quels sont les acteurs qui se démarquent dans cette industrie musicale fragilisée ?

En termes d’exposition Youtube ou Dailymotion sont incontournables. Je suis aussi curieux de voir ce que va faire Facebook dans le domaine de la musique. Myspace reste un site communautaire professionnel destiné d’abord aux passionnés. Enfin, certaines maisons de disques ont également réussi un gros travail et résisteront, comme Universal. Elles restent le cœur de l’industrie même si leur rôle évolue.

Quel est l’avenir de l’industrie musicale dans cette ère numérique ?

Les usages seront surement démultipliés avec des distributeurs qui prendront une place de plus en plus importante comme Google ou Facebook. Les maisons de disque se recentreront sur un métier de diffusion des droits plus que sur la production elle-même, avec des recettes provenant en partie de l’événementiel, des concerts et du merchandising. La vente de disque sera minoritaire. L’industrie du futur sera probablement de plus petite taille qu’aujourd’hui mais aura retrouvé son équilibre et une rentabilité économique.

Quel modèle économique pour les sites d’écoute en ligne ?

Face à la pression financière des majors, les sites de musique en ligne ont tâtonné avant de trouver un modèle économique viable. Focus sur l’exemple Deezer.

« À la différence des radios musicales, les majors considèrent les sites de musique en ligne comme des concurrents directs. C’est pour cela que Deezer paye aux maisons de disques un taux de royalties nettement supérieur que les radios », explique Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’IDATE.

Le modèle publicitaire était l’équation de départ chez Deezer. Dans un premier temps, la publicité était présente sur les pages de navigation du site. Puis elle a été intégrée aux morceaux de musique. Comme d’autres sites similaires, ce modèle économique pourrait atteindre ses limites : l’équilibre d’exploitation reste fragile.

Nouvelle stratégie

Des offres d’abonnement premium [[Offre payante permettant d’accéder à tous les services]] sans publicité ont été lancées en 2009. « Mais, le seuil d’abonnés ne dépassait pas plus de 10 000 personnes. Ils ont donc eu l’idée de passer un accord capitalistique avec Orange, l’abonnement à Deezer étant intégré aux forfaits de l’opérateur. Depuis, ils sont passés à 500 000 abonnés» ajoute le consultant de l’IDATE.

« Le marché de la musique en ligne ne pourra pas supporter un trop grand nombre d’opérateurs. » La mise en concurrence des plateformes reste forte. D’ailleurs, aucun ne communique de chiffres sur la fréquentation, le nombre d’abonnés et les recettes publicitaires. L’exemple du site Jiwa, fermé l’an dernier, pour ouvrir au début 2011, montre que certains de ces sites peuvent se trouver en difficulté.

Dans le portefolio : les différents modèles économiques adoptés par les sites d’écoute de musique.