Comment Montpellier tente de dompter le Lez

Mi-octobre 2018, des inondations meurtrières dans l’Aude faisaient une dizaine de morts, la plupart dans le village de Trèbes. Un événement dramatique qui relance l’interrogation sur la gestion du risque d’inondations dans des villes comme Montpellier.

Il y a une semaine encore, Montpellier était placée en vigilance orange inondation. En 2014, la ville a connu un épisode de pluies et orages exceptionnels avec près de 250 mm relevés en 3h et une crue spectaculaire du Lez. En 2015, un couple de personnes âgées meurt, emporté par le Verdanson, affluent du Lez. Si de violentes pluies s’abattaient sur Montpellier à l’image de l’Aude, la ville serait-elle en mesure de faire face à une crue hors du commun ?

Depuis une trentaine d’années, la capitale de l’Héraut cherche à réduire les risques d’inondations, principalement dus aux épisodes « cévenols » en fin d’été et pendant l’automne. Ces précipitations intenses et brèves sont « provoquées par des accumulations importantes de nuages provenant de la Méditerranée contre les versants sud des Cévennes» rappelle Montpellier Métropole. Un risque accru par l’urbanisation comme l’explique le paysagiste montpelliérain Guillaume Morlans : « On a bâti très près du Lez. Les zones qui étaient en périphérie, des champs ou des zones humides, ne captent plus l’eau, voire aujourd’hui sont habitées et soumises à un risque élevé d’inondations ». Du fait de l’imperméabilisation des sols, l’eau « se retrouve rapidement dans le réseau pluvial qui se déverse soit au niveau de la voirie soit dans les cours d’eau, contribuant a créer des débits et des hauteurs importants dans le Lez qui gonfle jusqu’à déborder» complète Séverin Pistre, chercheur au laboratoire HydroSciences de Montpellier.

Le Lez redessiné et recalibré

Cependant, ce risque est davantage pris en compte dans les constructions d’aujourd’hui souligne Guillaume Morlans. « On s’est aperçu qu’il fallait compenser l’imperméabilisation en créant des zones tampons, en répartissant l’eau, en stockant temporairement et infiltrant l’eau dans le sol au maximum». Des bassins de rétention ont ainsi été élaborés par l’agglomération de Montpellier. Le Lez a également été redessiné et recalibré. Une initiative à double tranchant selon Severin Pistre : « le côté positif c’est que le Lez a été élargi pour recevoir plus d’eau et se vidanger rapidement vers les zones en aval. Le petit côté négatif, c’est qu’il n’y a plus les obstacles naturels qui retenaient l’eau qui peut prendre une vitesse importante ».

Une vigilance constante

La ville s’associe à différents laboratoires universitaires afin de mettre en place des méthodes et outils permettant de suivre l’évolution du risque d’inondations. Ces centres de recherche étudient le niveau d’eau dans les roches calcaires du bassin versant : « quand ces roches imperméables contiennent trop d’eau,  elles ont déjà fait éponge en amortissant les premières pluies,  précise Séverin Pistre, c’est donc un indicateur du risque de futurs débordements de la source du Lez». Les laboratoires surveillent également les sous-sols et les nappes afin de connaître le niveau du Lez en cas de fortes pluies. Si le niveau est trop haut, l’alerte est lancée afin de déterminer les actions politiques adaptées pour limiter les dégâts. Fermetures de certaines routes, évacuation de zones à risques, émission d’alertes aux entreprises pour libérer le personnel plus tôt ou le garder en sécurité dans les lieux de travail, différentes mesures ont été pensées pour mettre à l’abri les habitants. La ville tend même à préparer ses citoyens par la mise en place d’ateliers pédagogiques visant à sensibiliser les riverains.

Mais le risque reste difficile à prévenir. Pour Severin Pistre : « beaucoup d’efforts ont été faits, mais il est toujours complexe d’être prêts à des pluies extrêmes. La Métropole continue de travailler avec le domaine universitaire et de se nourrir des dernières avancées technologiques pour toujours mieux comprendre la dynamique des crues et protéger Montpellier».

Mousson à la Mosson

Inondée à deux reprises ces derniers jours, la capitale héraultaise, encore gorgée d’eau, connaît d’importants dégâts matériels. De Philippe Saurel (Maire DVG) à Loulou et Laurent Nicollin, les Montpelliérains médusés prennent conscience de l’ampleur des réparations à effectuer. A l’ouest de la ville, le quartier de la Paillade n’a pas échappé aux intempéries diluviennes. Comme en 2003, le stade de la Mosson se trouve dévasté. Enceinte inondée, pelouse arrachée, vestiaires souillés : le constat fait mal pour le MHSC.

Une moto sur le terrain

Mardi 6 octobre, une semaine après avoir essuyé des chutes d’eau records, la ville de Montpellier se réveille ruisselante une nouvelle fois. Or, les 300 litres par mètre carré tombés sept jours plus tôt imprégnaient encore la cité languedocienne. N’ayant pas eu le temps d’évacuer l’eau qui s’y trouvait déjà en abondance, les sols ne peuvent plus en absorber une goutte. La ville est une éponge. Le stade de la Mosson ne fait pas mieux.

«L’eau est montée jusqu’à trois mètres de hauteur à l’intérieur du stade», indique Laurent Nicollin, engloutissant vestiaires, salle de presse, bancs de touche et même les gradins les plus bas. Les portes anti-inondations ne pouvaient rien face à la taille de la vague qui a assailli l’enceinte. La base de la tribune Corbières porte les stigmates de cette puissance. Fissurée sur plusieurs mètres, elle devra être consolidée avant d’accueillir à nouveau des spectateurs. Le théâtre du bon début de saison de l’actuel septième de Ligue 1 offre ainsi un spectacle désolant. La pelouse quant à elle n’est que vase et glaise. Parsemée de détritus charriés par les eaux, on y a même retrouvé… une moto !

Parer au plus pressé

« Les dégâts sont énormes », a rappelé Nicollin fils. Les travaux seront longs et la trêve internationale (6-16 octobre) bien trop courte. Joueurs et supporters ne retrouveront pas leur antre de sitôt. « Pas avant décembre » se murmure-t-il un peu partout. Pas de date précise non plus… Il faut donc s’adapter, et vite. En ce sens, le MHSC, qui a reçu de nombreux témoignages de soutien de ses pairs, a réussi à se mettre d’accord avec l’Olympique Lyonnais et la Ligue de Football Professionnel (LFP) pour inverser le calendrier et jouer le match du 19 octobre à Gerland. Oui, la Ligue peut se montrer compréhensive parfois… Le procédé sera probablement répété pour les seizièmes de finale de Coupe de la Ligue le 28 octobre face à Ajaccio. Mais après ?

Rien qu’en championnat, il restera cinq rencontres à domicile jusqu’à la trêve hivernale. Le calendrier ne sera pas toujours favorable à ces « inversements », et les adversaires pas si arrangeants. Lueur d’espoir cependant, l’appel à la solidarité du club héraultais a trouvé écho. Pas chez les Nîmois, les supporters ayant immédiatement fait blocus via Facebook, mais à Montpellier même. Le Montpellier Hérault Rugby a en effet proposé d’accueillir les footeux à l’Altrad Stadium – anciennement Yves-du-Manoir – pour la durée des travaux. Des émissaires de la Fédération Française de Football (FFF) et de la LFP doivent ainsi visiter le stade lundi 13 octobre selon le Midi-Libre et valider ou non le recours du MHSC.

« On ne peut pas revivre cette situation »

Et oui, Laurent Nicollin s’en souvient. Il y a dix ans, suite un « épisode cévenol » similaire, le stade avait déjà été dévasté. Le problème est récurrent. Inauguré en 1972, ce stade, comme l’ensemble de la ville et de ses habitants, ne supporte pas la pluie. N’ayant que très peu de prises sur les phénomènes météorologiques, le club va plutôt devoir agir sur l’infrastructure. On voit mal Loulou se muer en marabout dansant contre la pluie chaque automne.

Si la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle peut aider financièrement, les dirigeants pailladins vont surtout devoir se tourner vers les partenaires institutionnels qui ont fait la force du sport montpelliérain. La Ville, l’Agglomération et la Région en tête. D’autant plus qu’avant même le début des travaux, le clan Nicollin évoque l’hypothèse d’un nouveau stade. Une idée déjà lancée cet été. Interrogé à ce sujet, Philippe Saurel – maire (DVG) et président de l’Agglomération – ne s’oppose pas au projet d’une nouvelle construction. Il reconnaît cependant que les fonds seront difficiles à trouver. Mais surtout, tout le monde s’accorde à dire que partir de la Paillade, « là où on a commencé il y a 40 ans » dixit Loulou, couperait le club de son âme, de son histoire. Une affaire propre à déchaîner les passions dont on devrait certainement reparler d’ici peu.

Pour l’heure, il faut reconstruire au plus vite afin de limiter les pertes financières que risque d’occasionner l’indisponibilité de l’antre meurtrie du MSHC. Côté sportif, les Montpelliérains ont pour eux leur bon début de saison. Mais ce genre de « perturbation » peut être fatale. L’horizon reste terne. Outre la menace d’une nouvelle alerte météo, flotte désormais le fantôme de 2003 : une relégation en fin de parcours.

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Inondation à Figuerolles

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Circulation bloquée, poubelles traînées par le courant, commerces et habitations inondés. Voici le bilan de la première pluie automnale dans le quartier de Figuerolles à Montpellier. Un fleuve d’eau descendant le Faubourg des Figuerolles a envahi cet après-midi les rues adjacentes en débarquant sur la Place Roger Salengro (dans la vidéo ndr). L’épisode pluvieux a frappé la totalité du quartier, ainsi que plusieurs zones de la ville. Malgré la nature exceptionnelle de ce phénomène, l’inondation n’est pas une nouveauté pour les habitants, qui presque tout les ans sont confrontés à ces genres de difficultés.
Tout est revenu à la normale vers 17h30, quand la pluie a décidé d’accorder une trêve aux gens qui essayaient de débarrasser les trottoirs et les rues des déchets amenés par le courant.