Mousson à la Mosson

Inondée à deux reprises ces derniers jours, la capitale héraultaise, encore gorgée d’eau, connaît d’importants dégâts matériels. De Philippe Saurel (Maire DVG) à Loulou et Laurent Nicollin, les Montpelliérains médusés prennent conscience de l’ampleur des réparations à effectuer. A l’ouest de la ville, le quartier de la Paillade n’a pas échappé aux intempéries diluviennes. Comme en 2003, le stade de la Mosson se trouve dévasté. Enceinte inondée, pelouse arrachée, vestiaires souillés : le constat fait mal pour le MHSC.

Une moto sur le terrain

Mardi 6 octobre, une semaine après avoir essuyé des chutes d’eau records, la ville de Montpellier se réveille ruisselante une nouvelle fois. Or, les 300 litres par mètre carré tombés sept jours plus tôt imprégnaient encore la cité languedocienne. N’ayant pas eu le temps d’évacuer l’eau qui s’y trouvait déjà en abondance, les sols ne peuvent plus en absorber une goutte. La ville est une éponge. Le stade de la Mosson ne fait pas mieux.

«L’eau est montée jusqu’à trois mètres de hauteur à l’intérieur du stade», indique Laurent Nicollin, engloutissant vestiaires, salle de presse, bancs de touche et même les gradins les plus bas. Les portes anti-inondations ne pouvaient rien face à la taille de la vague qui a assailli l’enceinte. La base de la tribune Corbières porte les stigmates de cette puissance. Fissurée sur plusieurs mètres, elle devra être consolidée avant d’accueillir à nouveau des spectateurs. Le théâtre du bon début de saison de l’actuel septième de Ligue 1 offre ainsi un spectacle désolant. La pelouse quant à elle n’est que vase et glaise. Parsemée de détritus charriés par les eaux, on y a même retrouvé… une moto !

Parer au plus pressé

« Les dégâts sont énormes », a rappelé Nicollin fils. Les travaux seront longs et la trêve internationale (6-16 octobre) bien trop courte. Joueurs et supporters ne retrouveront pas leur antre de sitôt. « Pas avant décembre » se murmure-t-il un peu partout. Pas de date précise non plus… Il faut donc s’adapter, et vite. En ce sens, le MHSC, qui a reçu de nombreux témoignages de soutien de ses pairs, a réussi à se mettre d’accord avec l’Olympique Lyonnais et la Ligue de Football Professionnel (LFP) pour inverser le calendrier et jouer le match du 19 octobre à Gerland. Oui, la Ligue peut se montrer compréhensive parfois… Le procédé sera probablement répété pour les seizièmes de finale de Coupe de la Ligue le 28 octobre face à Ajaccio. Mais après ?

Rien qu’en championnat, il restera cinq rencontres à domicile jusqu’à la trêve hivernale. Le calendrier ne sera pas toujours favorable à ces « inversements », et les adversaires pas si arrangeants. Lueur d’espoir cependant, l’appel à la solidarité du club héraultais a trouvé écho. Pas chez les Nîmois, les supporters ayant immédiatement fait blocus via Facebook, mais à Montpellier même. Le Montpellier Hérault Rugby a en effet proposé d’accueillir les footeux à l’Altrad Stadium – anciennement Yves-du-Manoir – pour la durée des travaux. Des émissaires de la Fédération Française de Football (FFF) et de la LFP doivent ainsi visiter le stade lundi 13 octobre selon le Midi-Libre et valider ou non le recours du MHSC.

« On ne peut pas revivre cette situation »

Et oui, Laurent Nicollin s’en souvient. Il y a dix ans, suite un « épisode cévenol » similaire, le stade avait déjà été dévasté. Le problème est récurrent. Inauguré en 1972, ce stade, comme l’ensemble de la ville et de ses habitants, ne supporte pas la pluie. N’ayant que très peu de prises sur les phénomènes météorologiques, le club va plutôt devoir agir sur l’infrastructure. On voit mal Loulou se muer en marabout dansant contre la pluie chaque automne.

Si la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle peut aider financièrement, les dirigeants pailladins vont surtout devoir se tourner vers les partenaires institutionnels qui ont fait la force du sport montpelliérain. La Ville, l’Agglomération et la Région en tête. D’autant plus qu’avant même le début des travaux, le clan Nicollin évoque l’hypothèse d’un nouveau stade. Une idée déjà lancée cet été. Interrogé à ce sujet, Philippe Saurel – maire (DVG) et président de l’Agglomération – ne s’oppose pas au projet d’une nouvelle construction. Il reconnaît cependant que les fonds seront difficiles à trouver. Mais surtout, tout le monde s’accorde à dire que partir de la Paillade, « là où on a commencé il y a 40 ans » dixit Loulou, couperait le club de son âme, de son histoire. Une affaire propre à déchaîner les passions dont on devrait certainement reparler d’ici peu.

Pour l’heure, il faut reconstruire au plus vite afin de limiter les pertes financières que risque d’occasionner l’indisponibilité de l’antre meurtrie du MSHC. Côté sportif, les Montpelliérains ont pour eux leur bon début de saison. Mais ce genre de « perturbation » peut être fatale. L’horizon reste terne. Outre la menace d’une nouvelle alerte météo, flotte désormais le fantôme de 2003 : une relégation en fin de parcours.

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Soir de rugby dans un bar de Montpellier

Samedi 20 novembre, les Montpelliérains qui n’avaient pas leur sésame pour le test-match de rugby France-Argentine au Stade de la Mosson, se sont donné rendez-vous dans les bars de la ville pour supporter le XV de France. Reportage et ambiance place Sainte-Anne au pub irlandais le O’ Carolans.

« Allons enfants de la patrie » ! Alors que les premières mesures de la Marseillaise retentissent, tous les regards convergent vers les différents écrans de télévision retransmettant l’opposition face aux Pumas. Chacun y va de son pronostic sur le score final. « J’espère une victoire des Bleus 23 à 10 », prédit Philippe, observateur assidu de rugby. D’autres sont moins optimistes sur l’issue de la rencontre : « Difficile de faire un pronostic, explique Clément, les duels franco-argentins sont toujours âpres et disputés ».

Pression à tous les étages

Au fil des minutes, le bar se remplit et le premier quart d’heure rythmé fait réagir le public. La pression monte, autant sur le terrain que dans les pintes. Mais, progressivement, le match baisse d’intensité, tout comme l’ambiance dans le pub. A la mi-temps, le score est seulement de 9 à 3. Les supporters réagissent et attendent que le match s’emballe. Jean-Paul, accompagné de ses camarades de pétanque, est un peu déçu du niveau de jeu produit par les hommes de Marc Lièvremont : « l’équipe tient la route, mais elle manque de liant au niveau des trois-quarts ». Un autre spectateur fait le même constat : « c’est un match décousu, un peu du n’importe quoi par moment et au final le niveau de jeu reste moyen ». Le premier acte peu enivrant ne leur coupe toutefois pas la soif. Beaucoup profite des dix minutes de pause pour reprendre leur souffle : une cigarette, un verre et c’est reparti pour 40 minutes de combat.

De la première à la dernière minute, tous les regards étaient rivés sur les écrans de télévision

A l’image de la première mi-temps, le second acte est tout aussi pauvre en animation offensive, les défenses prenant le pas sur les attaques. Les rares tentatives françaises n’arrivent pas à enflammer le bar, pourtant bien rempli. Le monde présent en surprend même certains : « c’est plutôt étonnant », souligne Jean-Paul, « vu que le match se dispute à Montpellier ».
La fin du match est tendue, l’Argentine maintient l’écart et reste menaçante pour le XV de France. Le coup de sifflet final libère les supporters qui applaudissent les Bleus, malgré leur victoire poussive (15-9).

Une victoire sans la manière

Une fois la tension redescendue, les commentaires vont bon train. Vincent et Simon sont les premiers à réagir : « tout s’est joué sur la défense. Ce fut un match très stressant, avec peu de jeu développé par les deux équipes ».
De la première à la dernière minute, tous les regards étaient rivés sur les écrans de télévision
Guillaume livre la même analyse : « c’était ennuyeux, l’équipe n’a pas réussi à conclure ses actions, à cause d’un manque de précision. Le match était trop mou avec deux équipes qui se sont neutralisées ». Dans ce florilège de réactions, la gentes féminine, bien représentée, a également son mot à dire. « L’Argentine est une grande équipe, mais la victoire de la France est logique au vue de sa domination d’ensemble », avance Estelle. À contrario, son amie Mayane pense que « la victoire n’est pas méritée, car les Pumas ont dominé physiquement ». De son côté, Lucas s’attarde plus particulièrement sur la performance des joueurs français : « Rougerie et Chabal ont fait une bonne prestation, quant à Morgan Parra, il a été plutôt moyen ». Concernant Damien Traille, « il n’a pas sa place en tant que numéro 10 » conclut Lucas.

Bilan de la soirée : un match moyen, malgré le succès français, qui a déteint sur l’ambiance générale. Hervé parle ainsi « d’une ambiance qui ne s’est jamais véritablement enflammée ». Malgré tout, la plupart se disent prêt à revenir et ce dès la semaine prochaine pour supporter à nouveau le XV de France contre l’Australie pour son dernier test-match d’automne.

Le XV d’Argentine « craint » l’équipe de France

Samedi, l’Argentine affronte la France à Montpellier. Bête noire du XV tricolore depuis la coupe du monde 2007, les pumas s’attendent à un match compliqué.

Si l’atmosphère est détendue dans les travées du stade Yves du manoir – lieu de villégiature de l’équipe d’Argentine – les pumas ne sont pas venus passer des vacances à Montpellier. Felipe Contepomi, demi d’ouverture du RC Toulon, s’attend à « un match dur » samedi. Les chiffres plaident pourtant en faveur du XV argentin, qui s’est imposé sept fois en neuf matchs face aux tricolores. Felipe Contepomi, capitaine de l'équipe d'Argnetine
Mais par humilité ou véritable méfiance, c’est avec beaucoup d’honneur qu’ils décrivent leur adversaire, «  on va jouer contre une des meilleures équipes du monde, ils ont beaucoup de qualités » confie l’ouvreur.
Pour son coéquipier Patricio Albacete, seconde ligne du stade toulousain, « le rugby français à beaucoup d’individualités, il y en a quarante ou quarante-cinq qui ont le niveau international ». Quand on lui demande comment il explique la réussite des pumas face aux Français, l’imposant seconde ligne fait preuve d’une grande retenue : « je ne sais pas, peut être que c’est parce qu’on se connait…on essaie toujours de défendre notre maillot, dernièrement on a eu de la chance. On les respecte tellement, on les craint, c’est pour ça qu’on fait nos meilleurs matchs contre la France. On sait aussi que si on se relâche on peut en prendre quarante ».

Une fédération en voie de développement

L’humilité démontrée par ces joueurs est inhérente à la situation de la fédération argentine. Petit poucet au milieu des grandes nations du rugby professionnel, elle peine à exister à côté du football, le sport national. Ne bénéficiant pas des structures pour se développer, la plupart des joueurs sont obligés d’émigrer vers Patricio Albacetel’Europe pour vivre de leur passion. Une situation qui pourrait évoluer prochainement. A partir de 2012, les pumas disputeront le tri-nation et une franchise argentine se verra intégrer au championnat des provinces des nations du sud. Une avancée saluée par Patricio Albacete: « C’est vraiment important, ça va permettre au rugby argentin de se développer. Ça permettra aux générations à venir d’apprendre, d’incorporer des façons de s’entrainer. C’est un changement constructif en tout cas. Surtout pour les jeunes, ils ne seront plus obligés de quitter le pays. Pour devenir professionnel, ça leur laisse le choix ».

Montpellier – Nîmes : L’accent qui déchante

30 octobre 2008. Nîmes, ville antique, carrefour des cultures occitanes et romaines. Au-delà des arènes et des batailles épiques, une réalité contemporaine. Au local des Gladiators, point de Maximus et de Spartacus, l’histoire se montre bien plus chimérique, mais vingt-trois montpelliérains venus mettre à sac la permanence des ultra nîmois. Armés de battes de base-ball, les héraultais blesseront trois nîmois dans cette joute si équitable. Les vingt-six héros d’un soir, se retrouveront en garde à vue quelques heures plus tard, et n’assisteront pas à l’escarmouche du lendemain.

31 octobre 2008. Jour de match à Montpellier. Ce soir, La Mosson ne vibrera pas que pour ses Pailladins. Montpellier accueille Nîmes, son émule gardois. Une rencontre sportive aux allures d’héraut, d’étendard sportif de la région. Deux villes séparées par quelques douzaines de kilomètres qui alimentent ce même goût de la confrontation, de l’antagonisme et de la différence, et pourtant deux villes qui partagent historiquement un même amour du football. De ce Montpellier 1990-1991 qui tutoyait les sommets européens, d’un Laurent Blanc formaté et d’un Carlos Valderrama capillaire à souhait, de ce Nîmes des « sixties », éternel deuxième derrière l’inoubliable Stade de Reims.

20h20. La Mosson accueille son premier derby depuis huit ans. Au cœur de la tribune « Etang de Thau », les fervents, les abonnés : la Butte. Des chants, des clameurs, des applaudissements. Le speaker pailladin barytonne une « mentalité sudiste ». Un tifo, une bannière aérienne de la Butte, se déploie dans toute la largeur de la tribune. Le bleu et le orange, couleurs de la ville et du club, s’immiscent dans le kop héraultais. Une phrase sur la toile, une provocation : « Ce soir à la Mosson rayonne l’unique blason de la région ». Dans la partie haute de la tribune, au sein de la « Petite Camargue », une douceur, un blason entouré de feuilles dorées. En face, tribune Corbières, les Gladiators nîmois tentent la riposte. Un tifo plus modeste dans l’esthétique comme dans la dialectique : « Range ton blason, seul le nôtre illumine la région. Des feuilles dorées pour une mentalité fanée ». L’âme de la Butte s’indigne et siffle. Les insultes fusent. Au milieu, un terrain de football. Les joueurs ne sont pas encore sur la pelouse.

20h30. Coup d’envoi du match. Les Pailladins en rouge, les Crocos gardois en blanc. D’entrée de jeu, une reprise de volée de Lacombe, feu follet montpelliérain, est détournée par Puydebois, gardien de la citadelle nîmoise (4e). Seule véritable action de la première mi-temps. Au cœur de la Butte, les supporters entonnent un « nîmois, nîmois, on t’encule ». En face, les « Gladiators » répliquent. Le ton est enjoué, lyrique, d’une prose à faire rougir Paul Valéry, le natif : « Montpellier, public de merde ». A l’est, sur le terrain, rien de nouveau.

Mi-temps. Score vierge à la pause. La température ne dépasse pas les cinq degrés celsius. Les spectateurs, impotents, transis par le froid, assistent tranquillement à cette rencontre apathique, discutent, parfois commentent, mais rarement s’emportent. Dans les travées, un homme habile, sûrement mandaté par le Loulou local, s’essaye au lancer de chouchous. Il ne manque que rarement son coup. Nuls doutes, le spectacle ce soir, se déroule en dehors du terrain.

21H30. Les joueurs des deux équipes rentrent sur la pelouse pour la seconde période. Le gardien nîmois vient se placer devant la Butte. Les sifflets enflent. Des torches sont allumées. Trois sont lancées sur le terrain. A quelques mètres du portier gardois. Les fumées toxiques s’émancipent. Le match peut reprendre.
A l’heure de jeu, Lacombe toujours lui, est lancé en profondeur et file seul au but, avant d’être bousculé par Sankharé. L’action est litigieuse et il semble y avoir faute, mais M. Duhamel, arbitre de circonstance habitué au plus niveau, en décide autrement. La Butte explose. Un supporter, à la voix fluette, mais avec cet accent du sud qui chante, déchante : « Oh, l’arbitre, tu ne vaux pas une merde ! ».

21H52. Action nîmoise. Malm déborde sur le côté droit avant de centrer au deuxième poteau pour Kébé qui se jette et ouvre la marque (65e). Stupeur à La Mosson. La lanterne rouge, rivale et voisin régional, vient créer la surprise sur les terres pailladines. Dans les tribunes, comme sur le terrain, la tension monte et les esprits s’échauffent. Les tacles glissent, les cartons s’inclinent. Pris par l’euphorie de la victoire, les Gladiators envoient dans leurs chants « Courbis en prison ».

22h08. Egalisation pailladine. Fana centre parfaitement au deuxième poteau et Lacombe, du haut de ses 1.64 mètre, reprend de la tête et ajuste magnifiquement Puydebois (81e). La Butte se lève et exulte. Les supporters s’enlacent et se congratulent. Les chants reprennent : « Allez hey, allez oh, allez Paillade allez, allez faut rien lâcher ! ». S’ensuit rapidement : « Nous sommes l’armée de Montpellier. Rien ne pourra nous arrêter. Les nîmois, c’est des pédés ».

22h22. Fin du match. Le score reste de parité. Sifflets du public. Jamais un match nul n’aura aussi bien porté son nom.

14 avril 1996. Retour à Nîmes, Stade des Costières. Demi-finale de Coupe de France. Nîmes Olympique, alors en National 1, et délaissé dans les méandres du football sans panache, bâtit une nouvelle épopée qui captive les étoiles. Le nîmois Christian Pérez lâche ces mots, après la victoire 1-0 de ses coéquipiers sur le Montpellier Herault SC : « J’ai attendu trente-deux ans pour pleurer pour un match de foot. Ce soir, c’est fou, ils m’ont fait chialer ! ». Pourtant, en cette soirée illustre, les insultes jaillissent et piquent. Des banderoles virevoltent sans pudeur ni valeurs : « Nicollin ne ramasse que la merde. Montpellier en est la preuve », « Nîmes, la honte du Sud ». Mais à l’époque, le terrain, le football, celui qui passionne et soulève, avait endigué la honte, le déshonneur de l’autre football, celui qui abaisse et discrédite sans concessions la beauté de ce sport.