Invictus, la victoire d’une nation arc-en-ciel

Clint Eastwood signe avec Invictus son trentième film. Il y retrace les moments forts de la Coupe du monde de rugby de 1995 qui a vu triompher une Afrique du Sud profondément divisée.

S’il est une chose que Clint Eastwood sait faire, c’est bien nous prendre par les sentiments. Avec son dernier film, il fait vibrer la corde sensible du spectateur. Des bons sentiments et des larmes, Invictus n’en manque pas. Quoi de plus normal après tout, puisqu’il retrace un moment historique où le pardon et l’union ont su triompher sur le racisme et la haine ? Les questions au cœur du dernier opus d’Eastwood sont effectivement la réconciliation, le pardon et l’unité nationale. « Le passé est le passé. Tournons-nous maintenant vers l’avenir » exhorte Nelson Mandela dans Invictus. Sans oublier les valeurs sportives portées en étendard et si chères au réalisateur de Million Dollar Baby.

Les premières minutes du long-métrage retrace la libération de Nelson Mandela, le 11 février 1990, après une condamnation à vingt-sept années de prison pour avoir combattu l’apartheid en Afrique du Sud. Puis, référence est faite à sa victoire électorale, quatre ans plus tard, à la suite des premières élections nationales non raciales du pays. Premier président noir sud-africain, il prône la réconciliation nationale. Il s’agit pour lui de « concilier les aspirations des Noirs et les peurs des Blancs« . Alors, pour unifier son pays et rendre à tous leur fierté de Sud-Africain, Mandela mise sur le rugby. Chose qui n’est pas aisée, puisque ce sport et les couleurs des Springboks étaient les symboles du nationalisme afrikaner. Il invite chacun à une réflexion et une tolérance réciproque. Une scène l’illustre particulièrement : les joueurs sont invités par le président à partager un instant avec de jeunes enfants noirs des quartiers pauvres de Johannesburg.

Le film atténue toutefois les réelles conditions raciales et politiques en Afrique du Sud. De même, il présente Nelson Mandela comme le principal artisan de la victoire qui engendra l’union nationale. C’est le symbole du rêve américain : l’individu solitaire qui se réalise lui-même et qui est capable de changer le monde. Faut-il y voir, un an après l’élection du président Barack Obama, des analogies avec l’histoire contemporaine des Etats-Unis ? Celles d’un premier président noir charismatique qui a su rassembler son peuple autour de lui et améliorer l’image de son pays ?

Invictus est un très beau film. Le jeu des acteurs est remarquable. Morgan Freeman, très bien grimé, interprète un Nelson Mandela charismatique et humaniste. Il est accompagné d’un Matt Damon brillant en capitaine de Springboks. Sur le plan visuel, Clint Eastwood a donné à son film une véritable authenticité. Rien n’est laissé au hasard : des couleurs donnant l’illusion d’images d’époque, un style photographique qui rend visible les imperfections des acteurs, et des photographies d’actualités qui pimentent l’œuvre.

Deux images resteront dans l’esprit du spectateur. La première est celle des deux mains jointes, noire et blanche, sur la coupe de la victoire. La seconde : le sourire de Nelson Mandela alors que sa voiture se fraie un chemin à travers une foule métissée en liesse. Celle de son peuple uni dans la joie.

Un film à voir.

Un Matt Damon peut en cacher un autre…

Dans son dernier film The Informant, Steven Soderbergh a de nouveau décidé de nous surprendre, avec un personnage bien plus surprenant encore!

Mark Whitacre, inspiré d’une histoire vraie, a un bon, même un très bon poste au sein de l’entreprise d’agroalimentaire Archer Daniels Midland. Face aux décisions peu scrupuleuses de ses supérieurs, il décide de comploter avec le FBI pour les dénoncer. Il risque certes de perdre sa place… Mais le spectateur croit volontiers à cet homme intègre dans un film qui se veut moralisateur. Que nenni! L’homme d’affaires s’avère en fait être de ceux qu’il dénonce…

Les grosses lunettes, la moustache, les cravates ridicules: le spectateur oublierait presque qu’il s’agit de Matt Damon, l’habituel « beau gosse » du cinéma hollywoodien. On est subjugué par le personnage qu’il incarne, indiscernable, drôle et pathétique à la fois, tant ses agissements sont contradictoires…

Soderbergh s’est appliqué à proposer un thriller qui n’en est pas un. Ou peut-être une parodie de thriller qui n’en est pas une non plus! Le film est soigné, travaillé, et épuré. Chaque détail a son importance. Le rythme est lent, certes, mais c’est pour mieux concentrer le spectateur sur ce personnage complexe, en laissant de côté la « peopolisation » du scandale survenu dans les années 1990 et qui a depuis fait l’objet d’un livre de Kurt Eichenwald, journaliste au New York Times (The Informant: A True Story).

Un chapeau bas à Monsieur Soderbergh pour ce vingtième film.