Le domaine Zumbaum Tomasi, terre de vin bio

Dans le cadre de notre dossier sur le Millésime bio, partez à la découverte du domaine Zumbaum Tomasi dans le petit village de Claret, dans l’Hérault. Reportage photo dans un domaine qui sait faire du bon vin bio.

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Le domaine Zumbaum Tomasi est situé en plein coeur du village héraultais de Claret, à une vingtaine de kilomètres de Montpellier. La certification « Agriculture Biologique » accueille les visiteurs qui entrent dans la propriété.

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Le domaine comprends plusieurs bâtisses en pierre. À droite, la réception et le caveau, où sont entreposées des centaines de bouteilles.

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En face de la réception : le mur des médailles. Malgré sa jeunesse – tout juste vingt ans d’existence – les bouteilles de Pic Saint Loup du domaine Zumbaum Tomasi ont obtenu plusieurs prix. Le domaine remporte notamment deux médailles d’or en 2013 et 2014 au salon Millésime Bio, qui se tient chaque année à Montpellier à la fin du mois de janvier.

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Le chai est un terme étrange que l’amateur de vin n’a peut-être jamais entendu. C’est cet endroit frais où se déroule la vinification. Au domaine Zumbaum Tomasi, ce processus de vinification dure douze mois. Les fûts de chêne confèrent au vin un goût boisé. Ces fûts sont changés tous les trois ans.

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Au premier plan : une machine à étiqueter les bouteilles. Bouhmama Azeddine, régisseur du domaine, précise : « Avant nous faisions venir un embouteilleur au domaine, mais depuis quelques temps c’est cette machine qui s’en charge. Elle est capable d’embouteiller 4000 bouteilles par jour. »

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Destination l’Allemagne ! Les étiquettes donnent des indications précises sur la provenance des bouteilles, à savoir Coteaux du Languedoc. Celles-ci seront vendues outre-Rhin.

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Au milieu de l’image : le pressoir. L’objectif est de récupérer le jus de raisin. Le reste est envoyé à la distillerie, où il sert à confectionner d’autres produits comme du maquillage : « Dans le raisin tout se garde ! », glisse Bouhmama.

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Le rosé reste onze mois dans cette cuve. L’objectif est de purifier le vin : les particules fines s’amoncellent au fond de la cuve, et seul le haut est récupéré pour la confection du breuvage.

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Au numéro 49, la porte s’ouvre sur un décor atypique. Les chambres d’hôtes du domaine Zumbaum Tomasi séduisent par leur charme discret et donnent envie de s’y attarder.

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C’est dans ces chambres d’hôtes que les oenotouristes peuvent découvrir le domaine et déguster du bon vin. Bouhmama Azeddine ne croyait pas à cette idée au départ, mais sous l’impulsion de sa femme, il a décidé de développer ce système : « Ça marche bien et ça fait connaître le domaine », nous confie-t-il.

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Des bouteilles de vin dans tous les coins, histoire de se sentir bien chez soi.

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La certification biologique, c’est la preuve qu’aucun pesticide n’est utilisé pour la culture de la vigne et la récolte du raisin. Le vin fabriqué de cette manière est dit « naturellement bon ».
Les vignes du domaine Zumbaum Tomasi s’étendent sur plusieurs hectares à l’entrée du village.

J’ai testé pour vous : la gueule de bois au vin bio

Le vin bio fait-il vraiment moins mal au crâne que le vin conventionnel ? Hautcourant s’est interrogé… On a testé pour vous! On n’aurait peut-être pas dû. Autant dire qu’on en a tout de suite subi les conséquences.

Tout est parti d’une boutade lancée par des étudiants de la promo, alors en pleine préparation du dossier sur le vin bio. L’objet du délire ? Une interrogation pas vraiment existentielle mais assurément tendancielle : une cuite au vin bio a-t-elle les mêmes effets qu’une cuite au vin conventionnel ? La question intrigue, passionne, démange même. Et si on comparait ? Le projet suscite immédiatement l’adhésion. On veut faire ça bien. Il faut que ce soit léger mais sérieux quand même. « Une véritable expérience journalistique » selon la formule d’un membre de la rédaction. Rapidement, l’organisation de l’évènement se précise.

Au programme, deux soirées : l’une consacrée au vin bio, l’autre au vin conventionnel. Les étudiants de la promo joueront les testeurs. Pour garantir sa fiabilité, l’expérience se fait à l’aveugle. Seule une poignée de participants, les organisateurs, savent si la soirée est bio ou « traditionnelle ». Pas question de fausser les perceptions en dévoilant à l’avance la nature des bouteilles, préalablement recouvertes de papier journal pour dissimuler les étiquettes. Obnubilée par la réussite du projet, la rédaction déploie toute son énergie durant la phase de préparation. En témoigne cette liste de douze symptômes typiques de la gueule de bois, dressée en concertation avec les plus éminents spécialistes de la gueule de bois.

Tableau des douze symptômes de la gueule de bois, notés de 0 à 10
Un document soigneusement rempli par les participants au lendemain des deux soirées, sur lequel chacun consigne avec application son ressenti émotionnel, physique et moral et évalue sur une échelle de 0 à 10 la prégnance des symptômes sur son organisme. Restait à comparer les notes de ces deux soirées distinctes. Dernier détail, et non des moindres, chaque verre bu pendant l’expérience est soigneusement comptabilisé afin d’obtenir un ratio équivalent entre les deux soirées. Hasard ou pas, on a commencé par la soirée « conventionnelle ».

Moyennes du tableau :

Moyennes des symptômes pour chaque soirée
Globalement, les résultats montrent que tous les symptômes ont été plus importants avec le vin conventionnel (sauf sueur et tachycardie). De plus, les écarts entre les deux moyennes d’un même symptôme sont significatifs (excepté pour la fatigue qui est sensiblement similaire d’une soirée à l’autre). Les chiffres laissent donc croire que la gueule de bois au vin conventionnel est plus difficile à encaisser pour le corps qu’une cuite au vin bio…. Enfin, si on ne fait pas du cas par cas.

Evaluation des symptômes de la gueule de bois au vin conventionnel et au vin bio

Crédits infographie : Mathilde Belin

Rencontre avec la Casa Miguel Torres, producteur espagnol de vin

Interview du troisième producteur espagnol de vin (1500 hectares dont un tiers en bio). La maison Miguel Torres est une institution familiale très impliquée dans l’écologie. Ils étaient présents au salon Millésime Bio pour la première fois cette année. L’équipe de Haut Courant est partie à leur rencontre.

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Initiation et sensations au plus grand salon de vin bio au monde

Odorat, goût, ouïe, vue… Le salon Millésime Bio met nos cinq sens en éveil. Hautcourant a arpenté les allées du plus grand salon de vin bio au monde, qui s’est tenu à Montpellier du 26 au 28 janvier 2015. Une invitation à la découverte des facettes anecdotiques et traditionnelles de ce rendez-vous incontournable de la sphère viticole mondiale. Embarquez pour un parcours initiatique et une expérience sensorielle.

« Est-ce qu’il y a de la bière ? » Oui, pas de panique… Dans le plus grand salon de vin bio au monde, on trouve même de la bière biologique ! Vodka, rhum, ouzo, whisky, gin et autres alcools viennent gonfler les rangs de la production de boisson bio. Sur le seul stand britannique du salon, pas de vin mais des spiritueux «by appointment » du Prince de Galles. Avec sur la bouteille, un blason apposé tel un label ou une certification décernée par la famille royale. Classe. Mais le salon Millésime Bio c’est bien sûr l’antre du marché du vin bio.

Stand britannique d'alcools forts bio

On déguste, on crache, on commente…

Les professionnels du vin, cavistes, grossistes, restaurateurs, œnologues, importateurs sont là pour déguster, négocier et acheter la production de vignerons du monde entier. Un courtier rencontré au cours d’une dégustation dit en riant : « Je suis comme la bourse de Genève : neutre ! » Il doit évaluer le juste prix de la bouteille, et fait l’intermédiaire entre le producteur et le vendeur. Quand certains flânent au gré des stands, d’autres savent où ils vont et ce qu’ils cherchent. On déguste, on crache, on commente («ce vin, un vrai feu de garrigue…»), on re-goûte, on re-crache, on négocie, et rebelote. L’odeur enivrante des vapeurs d’alcool qui flotte dans les halls dès la matinée atteste de cette consommation effrénée. Sur les visages, des airs sceptiques, ravis, déçus, intéressés se dessinent. Tous sont parés de leur verre et d’un carnet de notes. Ils consignent des détails gustatifs et qualitatifs après chaque gorgée. Une véritable armée d’inspecteurs du pinard. Et chacun y va de son petit commentaire, parfois laissé sur un post-it, comme ici trouvé au bar de dégustation des vins médaillés : « Pas trop frais ! Petit fond de glace. »

Commentaire laissé au bar Challenge Millésime Bio

Un rendez-vous cosmopolite, convivial et coloré

Un brouhaha règne dans ces grands espaces ouverts, qui privilégient l’échange entre vignerons et visiteurs. On se rencontre, on s’interpelle et on bavarde. « Comment tu le trouves ? Il manque de corps, non ? » Ça parle allemand, italien, espagnol, anglais, portugais, chinois… Une triade de pays viticoles domine cette 22e édition : France, Espagne, Italie. Mais là, un stand bulgare, hongrois ou même grec. Nichés dans l’angle d’une allée, des vignerons ont parcouru près de 20 000 km pour avoir leur place au salon : trois domaines de Nouvelle-Zélande vendent pour la première fois ici des vins issus de la région de Malborought. Au milieu de toutes ces teintes rouges, blanches et rosées, un orange vif. Des oranges, des clémentines et des sanguines parsèment une table : le stand espagnol de Tarrangino, spécialisé dans les vins d’agrume, se démarque par son originalité.

Stand espagnol de vin d'agrume

Organisation militaire

La salle est profonde, la hauteur du plafond immense et l’architecture presque industrielle. Dans les trois halls du salon, les allées quadrillent de façon militaire les 632 stands. Des stands identiques pour chaque exposant : une table relevée d’une nappe blanche, deux chaises, un présentoir. Cette sobriété ne laisse aucune place au marketing. « Ce côté égalitaire est très appréciable » confie une vigneronne d’un petit domaine, qui se réjouit de ne pas être dans l’ombre d’un grand vignoble. Mais pour le responsable du stand de Miguel Torres, il ne fait pas bon être en entrée ou en sortie de couloir. Il regrette avoir été placé dans un angle. « Quand on rentre dans une maison, on ne s’éternise jamais trop dans l’entrée, on passe très vite au salon.  » Et bien là même constat, il remarque que les passants ne prennent pas le temps de se poser en début d’allée, ils prennent plus de temps au milieu de ces dernières.

Une consommation frénétique de vin

Au service verrerie, ça carbure. Des petites mains poussent sans cesse leur chariot dans les allées, débarrassant les verres sales. Un des agents raconte sa journée : « Chaque jour à 9 heures, on met en place 15 000 verres sur l’ensemble des tables. Et on finit à 2 heures du matin, une fois tous les stands redressés.  » Au total, 25 personnes assurent la rotation de 30 000 verres par jour. Malgré cette effervescence, une employée trouve le temps de papoter avec les vignerons et goûter leurs vins.

Au service verrerie, ça carbure!

Le staff gère aussi ces énormes crachoirs, disposés à chaque coin de stand. Ils ressemblent à de grosses bouteilles de vin en verre foncé, d’une contenance de 12 litres, et sont chapeautés d’un entonnoir. André, le chef du service verrerie, ne quitte pas son talkie-walkie et son oreillette : « Les vignerons m’appellent quand le crachoir est plein. » Le service est bien rodé. Pour les deux plonges du salon, ça fait beaucoup de vaisselle!

Crachoir

Au restaurant, l’ambiance est aussi conviviale que rébarbative. Après avoir fait la queue au buffet bio, on s’attable avec des inconnus, vignerons et journalistes. L’échange se crée automatiquement dans cette immense salle qui accueille 1500 personnes chaque midi. « Moi je suis blogueur, je tiens un site sur les vins… et vous ? » À la table voisine, des vignerons ont apporté leur bouteille, pour accompagner leur repas d’un petit verre de rouge. En revanche, ils ont l’air sceptiques à l’idée de partager une goutte de leur pinard avec des inconnus.

« The sky is the limit  »

Le dernier jour, le salon se vide. Les visiteurs tirent des diables, prêts à y empiler des caisses de vin. Au vestiaire, ça regorge de valises. Sur les tables du « coin repos », deux étrangers étudient la carte de Montpellier pour repartir en direction de la gare. Et s’ils ont besoin d’un petit coup de main, ils pourront toujours demander à Jean-François du Point Information. Jean-François, c’est un peu « le majordome du salon » : il répond à toutes les requêtes. « The sky is the limit  » prétend-t-il. Appeler un taxi, réserver une chambre d’hôtel, prêter une paire de ciseaux, « on m’a volé mon vin ! », etc. Les demandes s’enchainent. Au comptoir, une vigneronne lui demande un rouleau de scotch pour fermer une caisse de vin. « Je suis l’arche de Noé, et les gens sont satisfaits.»

À la sortie, visiteurs et exposants sont invités à remplir des fiches de satisfaction. Un vigneron se dit content mais souligne un bémol. « Le prix du stand est tout de même élevé (1100 euros, ndlr). Je partagerais peut-être mon stand l’année prochaine, pour réduire le coût de moitié. » À cent mètres de la porte, un bruit résonne. C’est celui du verre qui se brise. Deux employés font des allers-retours entre le salon et le point de recyclage. Ils ont des caddies remplis de bouteilles vides. Pour elles aussi le salon est terminé, direction le centre de recyclage pour vivre une nouvelle vie.

Les coups de cœur de la presse du salon millésime bio

Durant les premiers jours du salon millésime bio, les journalistes étaient invités à élire leur coup de cœur. C’est à dire le vin médaillé d’or qu’ils ont préféré. Retour sur les tenants et les aboutissants de ce concours.

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Sylvain Fadat, vigneron pas si fou que ça

Sylvain Fadat est un ultra du bio. Son domaine d’Aupilahc, situé à Montpeyroux pratique la culture biologique et biodynamique. Rencontre à l’occasion du salon Millésime Bio.

Il se veut plus bio que bio. Sylvain Fadat, vigneron du domaine d’Aupilhac près de Montpellier, a pourtant commencé voilà 25 ans en produisant du vin conventionnel. « Les chercheurs étaient à l’ouest ! Ils nous disaient que ce n’était pas dangereux. Moi qui utilisais du Roundup dans les champs, j’ai été empoisonné par les insecticides, victime de fièvres et de vertiges », se souvient avec agacement ce fils d’agrégés en sciences. Cette prise de conscience le pousse à rejeter les pesticides. D’agriculture raisonnée, il passe en agriculture biologique pour enfin être aujourd’hui en biodynamique. Une transition « logique » selon lui. Il s’en porte mieux, ses vignes aussi.
Tout n’a pas toujours été aussi simple se rappelle Sylvain : « Au début, la vinification était faite dans des citernes de camion. Les caves n’existaient pas. Nous avons tout construit, même les caves ! »

De Biologique à Biodynamique

Bio dans l’esprit et dans les actes depuis ses débuts, Sylvain n’a pas été pressé de le devenir officiellement. « Trop de paperasse » s’exaspère celui qui produit désormais 130 000 bouteilles pour 25 hectares répartis entre les lieux dits Aupilhac et Cocalière. Il se fait tout de même certifier bio par Écocert en 2006. Une simple étape pour ce personnage proche de sa terre et de ses vignes pour qui le bio n’est pas suffisant. En 2014, le domaine passe en agriculture biodynamique. Il est officiellement certifié la même année par le label Demeter (qui n’apparaît pas sur ses bouteilles). Cette méthode, encore assez méconnue mais faisant de plus en plus d’adeptes, se base sur l’homéopathie naturelle pour soigner les plantes. Elle utilise des techniques surprenantes comme du fumier de bovin enterré dans des cornes de vaches durant l’hiver puis déterrés et mélangés à de l’eau. Très riche pour la vie microbienne et l’humus, cette préparation participe à la vie du sol. Le tout en corrélation avec le calendrier lunaire. Sylvain justifie ce tournant : « C’est une question de bon sens paysan. La biodynamie active la vie dans les vignes. Les plantes nous envoient des signaux qui nous font découvrir leurs facultés de résistance ». Taxé d’ésotérisme, voire de mysticisme par ses détracteurs, notamment pour l’utilisation du calendrier lunaire, Sylvain s’offusque : « On n’est pas des illuminés. La lune à des effets sur l’eau, sur nous, sur la vigne. Il n’y a pas de doute ! ».

Une philosophie humaine

Engagé dans ses vignes, le vigneron Fadat l’est aussi avec les gens. Il a toujours privilégié les relations sur la durée avec sa clientèle de cavistes, restaurateurs et particuliers. « J’ai une clientèle fidèle depuis 25 ans, avant même d’être certifié, qui me fait confiance ». La confiance, le rapport humain : deux valeurs fondamentales à ses yeux. « Si un caviste fait du bon boulot, je ne vais pas voir quelqu’un d’autre, j’essaye que les gens ne se concurrencent pas. J’essaye d’être le plus possible à l’écoute de leurs problèmes, de faire le meilleur vin possible ». Vendu à 75% à l’export, son vin est présent dans 29 pays. Japonais, américains s’arrachent ses bouteilles mais le gros du business se fait avec les Canadiens (20 000 bouteilles par an). En Corée, il ne vend son breuvage qu’un un seul client : « Il a mon exclusivité morale, je lui fais confiance ».
Chef d’entreprise en mode plutôt alter, Sylvain Fadat garde les pieds sur terre ou plus exactement dans sa terre de Montpeyroux.

Les Vinifilles au rendez-vous du salon Millésime Bio

Créée il y a sept ans, l’association Vinifilles regroupe une vingtaine de viticultrices du Languedoc-Roussillon. Des femmes qui partagent toutes la même volonté de « parler du vin avec des voix de femmes ».

À quelques mètres de l’entrée du salon Millésime Bio, elles sont toutes regroupées dans la même allée. Les vigneronnes de l’association Vinifilles se sont fédérées en 2009 sous l’impulsion de leur présidente Pascale Rivière, au tempérament bien trempé : « L’idée est venue de trois-quatre copines, et puis on en a trouvé d’autres pour agrandir le cercle. Aujourd’hui, nous sommes 20. L’objectif, c’était de se créer un réseau, mais c’était aussi, et avant tout, l’entraide. Quand on est vigneronne, on est seule. » Venues du Gard, de l’Hérault ou des Pyrénées-Orientales, elles sont dix sur ce salon à représenter les domaines bio de l’association. Sur leurs tables on remarque aussitôt les autocollants et prospectus siglés Vinifilles, ainsi que des exemplaires de leur revue.

« C’est comme une deuxième jeunesse »

« Parler entre femmes ou entre hommes, ce n’est pas la même chose. Nous, on se retrouve à 40, 50 ans, avec 19 copines, c’est comme une deuxième jeunesse. On s’entraide entre nous. Et puis, tout doucement, on a appris à se connaître. » poursuit Pascale Rivière. Une solidarité entretenue grâce à des critères d’adhésion spécifiques, comme l’explique Françoise Ollier, membre fondatrice de l’association, qui s’occupe du domaine Ollier Taillefer situé à Fos (Hérault): « On n’est pas la pouliche de service. Il n’est pas obligatoire d’exploiter seule, certaines travaillent leurs terres avec un frère, un père, un mari… mais avant tout, elles sont chefs d’entreprise. Surtout, si quelqu’un désire adhérer à l’association, elle doit être validée par l’ensemble des filles. On connaît toutes les facettes du métier. On n’a pas besoin de gens qui soient passifs, on est toutes là pour s’aider mutuellement. »

« Commercialement, c’est super intéressant »

Pour les Vinifilles, l’association permet aussi aux viticultrices de s’y retrouver financièrement. « Commercialement, c’est super intéressant. On se rend chez les cavistes à plusieurs, on peut faire des achats groupés. Et puis, au sein de l’association, l’ambiance de travail est très agréable. » Une dynamique que les viticultrices prennent soin de faire perdurer. Ensemble, elles se sont déjà rendues à Paris, Amsterdam ou Londres, et fréquentent régulièrement des salons internationaux comme Vinisud et Vinexpo. En prenant soin d’inclure une dimension éducative à leur projet de marketing. « On va prendre le temps d’aller dans des écoles pendant les vendanges pour expliquer comment on fait le vin. Pour la plupart, on est quasiment tous des maman. Toute cette communication, c’est important. »

La dégustation, un art ouvert à tous

Déguster le vin, reconnaître un cépage ou déceler les arômes comme un professionnel nécessite pas mal de connaissances et d’expérience. Mais, relax, les non-initiés peuvent aussi profiter de ses charmes. A condition de laisser parler ses sens.

« La dégustation est un échange, un partage, dit Michel Tata, œnologue au Domaine de la Colombette à Béziers, mais il existe de nombreuses perceptions possibles des vins. » A les entendre discourir sur une cuvée, les professionnels donnent souvent le sentiment de pratiquer un art élitiste. Pourtant, « les œnologues se doivent de rester humbles dans la dégustation » souligne Michel Tata.
Déguster un vin est un art. Il consiste à déceler ses arômes, distinguer sa robe ou mesurer son intensité. Et ce n’est pas si compliqué.

L’éveil des sens

Le vin touche les sens. Il les anime, les réveille, les émeut ou les crispe. La dégustation est un chemin, une progression vers l’identité d’un cru.

Première étape : l’œil se porte sur la couleur du vin. Sa robe éclaire la bouteille mais surtout la carafe et bien sûr le verre. Elle recèle une part de son identité qui en dit déjà beaucoup sur sa qualité, son harmonie et sa structure. Michel Tata confirme que la vue joue un rôle primordial dans l’appréciation d’un vin : « Elle permet de distinguer la brillance et les défauts qu’il peut exister. » D’un vin blanc brillant et ensoleillé à un rouge sombre et profond, la vue se laisse guider par la teinte et l’intensité colorante d’un vin. Pour Thierry Trebillon, œnologue consultant, « la couleur peut permettre de distinguer le millésime du vin. Plus un vin est violacé, plus il y a de chance que ce soit un vin jeune ».

Après la vue, place à l’odeur. Elle anime le nez, le chatouille, l’excite. « L’approche olfactive est très importante. Elle définie l’aspect du vin et son éventuelle acidité » poursuit Michel Tata. Le nez d’un vin se fait en deux temps. Une première approche, directe, laisse échapper certains arômes, discrets ou ténus. Vient ensuite le moment de la danse, tournoyante. Agité, le vin laisse exploser des parfums dominants. L’oxygène incorporé offre alors une nouvelle expérience sensorielle. Il dévoile l’intensité aromatique du vin. Le nez s’approche, décèle une palette d’arômes, leur puissance et leur dominante.

degustationmilbio23.jpg Il est un guide suprême ! Arômes de fruits rouges, d’agrumes, ou d’épices, les sensations sont éveillées. L’intensité aromatique est dévoilée par la distance entre le nez et le verre. Certaines effluves sont très prononcées au premier abord puis se diluent et laissent échapper des odeurs plus discrètes à mesure que le nez s’approche.
L’excitation des sens se poursuit par la dernière phase de la dégustation. Il est temps de solliciter le goût. Le vin se dépose sur les papilles et le palais. Il raconte une histoire et appelle à l’interprétation. « En bouche, on doit déceler un équilibre entre l’alcool, l’acidité, les sucres, les arômes et les tanins » insiste Thierry Trebillon.

« Le plus difficile dans la dégustation est d’analyser le vin pour reconnaître le cépage ou la région d’origine. L’expérience joue alors un rôle primordial » selon Michel Tata. Thierry Trebillon conseille aux non-initiés de ne pas chercher à déterminer tel ou tel arôme, avec précision. Il regrette l’inscription sur les étiquettes des mentions d’arômes présents dans le vin. « C’est du folklore commercial. Je considère que c’est trompeur pour le consommateur. L’objectif est de retrouver des familles d’arômes. Est-on plutôt en présence de fruits rouges, de fruits noirs ou d’agrumes ? » A vous de jouer !

Les vins portugais donnent le vertige aux sens

Si la France poursuit sa croissance dans le domaine du vin bio, le Portugal et ses quelques producteurs locaux se battent pour développer leur activité. Plongée au cœur du vin bio portugais pour que soit plus belle la vigne.

La vallée du Haut Douro, située dans le nord du Portugal, produit deux vins aux appellations d’origine contrôlée : le porto et le douro. Dans cette région, la vigne est essentiellement exploitée par de petits producteurs possédant leur propre domaine, appelé quinta. On dénombre pas moins de 30 000 hectares de vignes dans la région avec des caves qui vendent leur porto aux grandes compagnies mais également en vente directe. L’exportation fait partie éminente des caves coopératives portugaises.

Peu en vogue au Portugal, le vin bio est l’apanage de quelques familles qui se succèdent de génération en génération. La société Clemente Menéres, qui espère voir le secteur se développer à l’avenir, ne déroge pas à la règle. Cette société agricole, créée en 1874, est basée en marge du fleuve Douro au nord-est du pays. Elle pratique exclusivement du bio, que ce soit pour le vin ou l’huile d’olive. 36 personnes travaillent quotidiennement dans les parcelles. Et même jusqu’à 40 puisque quatre personnes s’occupent du restaurant du domaine. Les équipes effectuent des rotations pour s’occuper à tour de rôle de la production du vin, de l’huile d’olive mais aussi du liège, matériau indispensable de par son pouvoir isolant. D’autant plus que les hivers sont très froids et humides et les étés très chauds et très secs dans cette région au climat continental.

Une véritable affaire de famille en somme (cinquième génération) qui conserve le même esprit tout en essayant de perfectionner les techniques ancestrales avec soin et dévouement. «Tout est relié pour qu’on puisse travailler tous ensemble et ne pas faire de monoculture», assure João, le fils du patron du domaine qui prendra le relais dans quelques années. L’échelle humaine prédomine dans leur travail pour la préservation du terroir tout en étant à la recherche de nouveaux arômes.

La famille Menéres se vante de pouvoir produire un des meilleurs vins du Portugal en termes de qualité. Elle en veut pour preuve de son succès, son export : les cinq plus gros acheteurs étrangers proviennent des États-Unis, d’Angleterre, de Belgique, du Danemark et de la Belgique. Au salon Millésime Bio, la Quinta do Romeu espère conquérir de nouveaux marchés, trouver des acheteurs potentiels pendant ces trois jours et obtenir plus de reconnaissance pour leur travail. En effet, les vins du Porto sont souvent tombés entre les mains de grands groupes internationaux (Cruz, Fonseca, Sandeman, Graham’s, …) au détriment de société familiales 100% portugaises qui fabriquent parfois encore leur vin en foulant toujours le raisin dans les lugares, ces grandes cuves naturelles où sont stockés puis mis en sommeil les vins destinés prochainement à la consommation lorsque ceux-ci seront en bouteilles.

Dans leur domaine de 25 hectares situé à 320 mètres d’altitude, la famille Menéres obtient ses meilleurs vins avec des raisins issus de cépages noirs portugais comme la Touriga nacional. Grâce à ses faibles rendements, cette variété à petits grains et peaux épaisses joue un rôle essentiel dans les assemblages du vin de Porto ou du Douro en apportant au vin puissance et équilibre mais le domaine produit aussi des rosés et des blancs à des prix abordables situés entre dix et quinze euros pour le grand public. «Nos meilleurs vins sont de 2011 pour les rouges, de 2012 pour les blancs et de 2013 pour les rosés. Toutes nos bouteilles oscillent entre 11 et 14 degrés d’alcool», commente João.

Toujours à la recherche d’une parfaite harmonie entre les personnes, l’environnement et la culture agricole et profondément attaché aux traditions religieuses et à la terre, la famille Menéres se désigne comme «étant consciente d’avoir les pieds sur terre et d’avoir Dieu dans le ciel». Venue au tout bio depuis 1998, la Quinta do Romeu est entièrement certifiée, ce qui «valorise notre volonté de produire une culture qui respecte l’environnement et la santé de nos consommateurs », explique João. Pour le plus grand bonheur de leurs compatriotes. Les Portugais apprécient ainsi tout particulièrement la dégustation de ces vins avec du bacalhau, plat typique de la cuisine portugaise confectionné à base de morue. «Pas avec la cuisine italienne, les sushis ou la nourriture light» prévient João, de manière catégorique. Les vins du Douro semblent donc se marier à la perfection à une nourriture traditionnelle.