Grande région : « Les vins du sud-ouest ont eu peur d’être mangés »

Jean-Louis Cazaubon, vice-président de la nouvelle grande région, a inauguré la 23ème édition du salon Millésime Bio ce lundi 25 janvier au Parc Expos de Montpellier. L’occasion de l’interroger sur les enjeux du vin bio au niveau régional.

Quelle est la place de la viticulture bio dans la nouvelle grande région ?

C’est un secteur qui se porte bien. D’un point de vue qualitatif, la grande région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées est la région qui a fait le plus d’efforts en France. Aujourd’hui, le vin bio représente 9% de la production viticole, mais c’est un marché qui croît de 8 à 10% par an.

N’avez-vous pas peur que les appellations soient diluées dans la nouvelle grande région ? Que cela sème la confusion dans l’esprit des importateurs étrangers ?

Les vins du sud-ouest ont effectivement eu peur d’être mangés. Ils pèsent quatre fois moins. Pourtant, chacun a sa raison d’être et les vins continuent d’exister avec leurs particularités. Les vins du pays d’Oc ont une notoriété certaine, une force de commercialisation et d’organisation. Les différentes appellations sont toutes dans la même église mais il y a plusieurs chapelles. L’enjeu de la nouvelle région, c’est de fédérer, de travailler tous ensemble. Il faut aller chercher les clients à l’export, comme on le voit ici au salon.

Quel est l’intérêt pour la région et pour Montpellier d’avoir un salon du vin bio de cette ampleur ?

Ce salon a pris sa place, il faut que ça continue. Il est très important pour les viticulteurs. Montpellier a les infrastructures pour le recevoir. Le marché s’accroît, ils ont d’ailleurs refusé cette année plus d’une centaine d’exposants. On peut dire d’une certaine manière que ce salon est victime de son succès.

Coup de chaud sur le vin bio

Le réchauffement climatique impacte depuis plusieurs années la vigne et donc la production du vin. Emmanuel Cazes, responsable technique du Domaine Cazes en Roussillon, l’un des plus grands domaines de France en biodynamie, dresse un état des lieux.

À l’image de la fonte des glaces, les vignes sont un bon indicateur du réchauffement climatique. La hausse des températures a un impact direct sur la qualité du vin. Pour un expert tel que Emmanuel Cazes, responsable technique du Domaine Cazes en Roussillon, l’aspect physiologique de la vigne est modifié : « Les raisins contiennent plus de sucres, le vin est plus concentré, donc le degré alcoolique est plus élevé. Les vignes souffrent de la chaleur. Si on n’a pas les moyens d’irriguer, la vigne aura plus de difficulté à vivre et à s’adapter. C’est la pérennité du vignoble qui se réduit au final

Autre conséquence majeure du réchauffement, la durée de vie des vignes se réduit considérablement, selon Emmanuel Cazes : « Une vigne a 25 ans d’existence aujourd’hui, alors qu’auparavant elles pouvaient atteindre 70 ans.» Les bouleversements de température de ces dernières années ont également modifié des habitudes ancestrales pour produire le vin : « Avant on vendangeait mi-septembre, aujourd’hui c’est mi-août. Il y a un décalage des saisons. La pluviométrie baisse et les pics de chaleur augmentent ». Mais le pire pour les vignerons est sans doute à venir : « Le changement de climat impacte sur le rendement. Plus il fait chaud, moins il y a de production. Il faudra repenser le modèle économique et baisser le rendement de certains vignobles », constate-t-il avec amertume.

Une adaptation echelonnée

Pour faire face au réchauffement, Emmanuel Cazes, à l’instar d’autres viticulteurs, a été contraint de s’adapter. Sur son domaine, il a développé une stratégie en trois temps : «À court terme, il faut privilégier l’irrigation et réfléchir aux charges. Concernant la surface végétale, on regarde le nombre de feuilles que l’on va laisser pour le bon épanouissement de la vigne par exemple. À moyen terme on va travailler sur l’implantation des parcelles, la quantité des pieds que l’on va mettre. Enfin, à long terme, on réfléchit à la manière d’adapter les cépages du sud qui supportent mieux la sécheresse. Au final, dans le sud de la France le vin va devenir un produit de luxe rare qu’il faudra préserver. C’est tout le système qu’il faudrait revoir… »

À l’entendre, la production de vin bio réclame donc encore davantage d’adaptations pour améliorer la qualité de la terre afin de pérenniser les vignes, les vignerons et leur domaine. Pour rappel, le vin bio est un vin naturel élaboré à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. La différence avec un vin dit « classique », c’est l’exigence. Le vigneron vinifie son vin sans additifs : moins de produits chimiques et un traitement différent.

Le choix du bio : un acte citoyen

Pour Emmanuel Cazes, choisir de faire du bio résulte en grande partie d’une démarche citoyenne : « Le bio permet de garantir la qualité des nappes phréatiques, la diminution des résidus dans les sols et la biodiversité des parcelles. » Outre cet « acte citoyen », c’est un choix d’homme, de transmission : le domaine Cazes est le fruit d’un travail sur plusieurs générations. Les sols, les vignes et les ressources doivent être en bonne santé. « Le bio nous permet d’exprimer un terroir, une origine, j’ai envie que le vin soit à mon image. Il nous donne cette garantie ».

Le responsable technique du Domaine Cazes regrette pourtant le faible pourcentage de viticulteurs bio. Selon lui, «c’est une fois que la pratique bio sera généralisée qu’elle aura un réel impact sur l’environnement parce qu’elle limitera certaines pollutions et résidus dans le vin». Un cercle vertueux qui, à terme, permettra de participer à la stabilisation du réchauffement climatique.

Challenge Millésime Bio : des vins dans les starting-blocks

À vos verres, prêts, partez ! Comme chaque année, Sud Vin Bio organise son Challenge Millésime Bio. Lundi 11 janvier, environ 400 bouteilles ont été médaillées d’or, d’argent ou de bronze pour l’année 2016. Haut Courant y était.

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Dès 9h30, les 330 dégustateurs attaquent l’évaluation des 1480 vins du concours. C’est la première fois que l’évènement est organisé au stade de rugby Altrad Stadium.


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Les spécialistes du vin ou personnalités reconnues au niveau régional, national ou international se sont retrouvées à des tables de 3 à 5 personnes pour discuter à l’aveugle des vins en compétition. Des conversations nourries – mais toujours discrètes – puisque les dégustateurs viennent de secteurs très différents. Globalement, l’ambiance est restée très studieuse pendant la notation.


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Pour préserver l’anonymat des produits, les bouteilles de vins ont été recouvertes par des sachets plastiques. Seules des mentions précisant l’origine des produits, le type de vin et l’année de production ont été affichées sur le haut du goulot. De quoi attiser la curiosité des dégustateurs à l’aveugle.


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En coulisse aussi, le nom des bouteilles est caché. Les bouteilles sont regroupées selon les différentes tablées et les petites mains de Millésime Bio n’hésitent pas à accourir pour remplacer une bouteille dès que l’une d’elles se vide.


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Le Président du jury de l’édition 2016 est Lars Torstenson, œnologue Suédois réputé dans le domaine du vin bio. Après avoir ouvert la nouvelle édition du Challenge Millésime Bio, il n’a pas hésité à déguster lui-aussi les vins. Les vins effervescents – Champagne, Clairette ou Crément, parmi tant d’autres – ont été testés et notés par le spécialiste.


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À disposition des jurés, les feuilles de notation leur permettaient de noter sur 20 les différentes bouteilles anonymes présentes à leur table. Pour chaque table, un examen visuel, olfactif et gustatif des différents vins permettent de nommer à l’aveugle quatre gagnants.


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Le jury du Challenge a accueilli en son sein beaucoup de jeunes passionnés de vin. Étudiants en œnologie, fils de vigneron ou jeunes commerciaux se sont retrouvés aux côtés de grands spécialistes internationaux du vin bio.


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Passage quasi-obligatoire après chaque gorgée de vin dégustée, le crachoir a donné du sien pour le Challenge Millésime Bio. «La première fois, c’est toujours une étape à surmonter» s’amuse Christian Combes, œnologue et expert en production viticole responsable.


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Dès qu’un jury a terminé de goûter et noter ses vins, il rejoint le commissaire du concours qui récolte les résultats, tout en les vérifiant. C’est lui qui donne ensuite l’autorisation de déballer les bouteilles pour découvrir les vainqueurs.


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« Rouge à lèvres » est la première bouteille médaillée d’or 2016 à être sortie de l’anonymat. Ce jury plus rapide que les autres a réussi assez facilement à trouver ses vainqueurs parmi la vingtaine de bouteilles étudiées : «Ce n’était vraiment pas difficile, il n’y avait que quatre vins qui sortaient vraiment du lot», précise-t-il.


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Environ 400 bouteilles ont été médaillées d’or, et autant médaillées d’argent, lors de ce Challenge Millésime Bio 2016. Après une longue matinée de concentration, les jurés ont été invités à se restaurer et à discuter des bouteilles primées avec leurs confrères. L’ambiance studieuse a laissé place à la chaleur humaine décontractée. De bon augure pour le salon à venir.


Azeddine Bouhmama, l’iconoclaste du Pic Saint-Loup

Azeddine Bouhmama est le gérant du domaine Zumbaum – Tomasi , un des plus prestigieux du Pic Saint-Loup. Il y a vingt ans, il plante les premières vignes bio de la région sous le regard dubitatif des autres vignerons. Aujourd’hui tous ses vins sont médaillés et reconnus. Rencontre avec celui qui se définit comme «le cœur du domaine».

Pull jean et basket, œil vif et sourire rieur, Azeddine Bouhmama, franco-marocain, la quarantaine, ne ressemble pas au vigneron d’un village perdu entre Méditerranée et Cévennes. Pourtant, c’est à lui que le domaine Zumbaum – Tomasi doit sa réputation. Situé à Claret, à une vingtaine de kilomètres de Montpellier, le domaine revêt la prestigieuse appellation Coteaux Pic Saint Loup et le label de l’agriculture biologique. Azeddine, ne se prédestinait pas au vin, et pourtant le hasard et les rencontres l’ont mené à construire sa vie autour de ses vignes.

« Je suis venu dans le Sud pour faire les vendanges, pour gagner trois sous comme tous les jeunes à l’époque »

L’été 87, à 20 ans Azeddine quitte les Ardennes pour venir faire les vendanges dans le Sud. Tailleur de pierre formé par les compagnons du devoir, il commence à travailler à Claret comme maçon. Il rencontre Jorg Zumbaum, un allemand qui vient d’acheter un terrain de 25 hectares à l’entrée du village, sans encore trop savoir quoi en faire. Azeddine commence par rénover la cave. Et puis l’été tire à sa fin, mais impossible de partir pour le jeune homme. «Je suis restée ici à cause d’une fille en vérité.» Cette fille c’est son ex-femme, Katy, une espagnole mère de ses trois enfants. «C’est grâce à elle si je suis là aujourd’hui
Jorg Zumbaum lui propose de planter des vignes sur ses terres. «Il n’est pas vigneron du tout, et moi non plus», raconte Azeddine. Le propriétaire du domaine, très sensible à la nature lance l’idée de faire un « produit naturel ». En 89, il fait l’acquisition de 4 hectares d’anciennes vignes, mais le processus est long pour obtenir les certifications de l’agriculture biologique. En attendant Azeddine, encore maçon, va bâtir de ses mains le caveau, fait uniquement des pierres du domaine.
En 1994, le domaine devient officiellement bio et classé dans l’appellation de renom Coteaux Pic Saint-Loup. «On ne parlait pas de bio à cette époque. On est partis à faire du bio sans le savoir vraiment. On s’est lancé comme des amateurs.» Enfin, pas tant que ça. Azeddine suit alors une formation BPA (Brevet professionnel Agricole) en viticulture. Le tout jeune vigneron laboure les vignes avec Pipi et Lauretta, ses deux chevaux en photo sur le mur en pierres de la réception. «Quand on a commencé à faire du bio, ici tout le monde nous prenait pour des fous.» La première récolte de 1997 produit moins de 3 000 bouteilles d’un vin de grande qualité. Les prémices du succès…

« À l’époque quand je suis arrivé j’avais l’impression qu’ils n’avaient jamais vu un black »

Azeddine Bouhmama a la double nationalité. «Je suis marocain et français. Les deux. Soi-disant aujourd’hui c’est pas bon mais je préfère garder la double nationalité», affirme-t-il avec un sourire en coin. Quand l’allemand et le franco-marocain s’installent à Claret, il y a alors 300 habitants, contre 1 600 aujourd’hui. Les villageois posent un regard méfiant sur ces deux étrangers qui plantent ces drôles de vignes bio qui font ricaner tout le monde. «Quand je suis arrivé ici je me suis dit mais qu’est-ce qui se passe là Azeddine ! Tu es revenu 20 ans en arrière. Toutes les petites vieilles de Claret, c’est véridique, elles avaient peur de moi. J’étais le premier black à l’époque.» Le vigneron l’affirme, l’accueil fut loin d’être chaleureux. «On n’a pas eu un bon accueil de la part des autres vignerons. On a fait notre business tranquille, on ne regardait pas les autres.» Désormais, la majorité du Pic Saint-Loup s’est transformé en bio. «Pas grâce à nous, mais on a montré le chemin

Le travail bien fait, parfait

Aujourd’hui le domaine produit environ 40 000 bouteilles par an. 25 000 de rouge, 4 000 de blanc et 7 000 de rosé. Un petit domaine, à la réputation bien scellée. Sur le mur de la réception, des dizaines de prix sont affichés : médaille d’or Signature bio, médaille d’or au Concours des grands vins du Languedoc ou encore médaille d’or Millésime bio. Un palmarès remarquable dont ne se vante pourtant pas le producteur. «Tous les vins sont médaillés, aujourd’hui tous en or. Mais je ne compte pas trop les médailles, je ne suis pas trop médailles et tout ça quoi voilà», balbutie-t-il. Pourtant, rien n’a été simple. «C’est stressant, faut pas croire que c’est facile. Depuis la taille jusqu’à la récolte. Les maladies, le mauvais temps, on sait jamais si ça va être une bonne année.» Même si une part de chance existe, pour Azeddine un seul mot d’ordre : le travail. «Il faut travailler. J’aime que le travail soit bien fait, parfait, même si j’aime pas trop ce mot. Je suis très droit dans n’importe quel travail, il n’y a pas que le vin, c’est un tout.» Jorg Zumbaum le décrit comme un homme discret, qui parle peu mais agit efficacement. Un homme en qui il a entièrement confiance, avec qui il partage la même passion. Même si le propriétaire, qui habite en Allemagne, ne vient pas souvent, ils restent très liés. «C’est comme un père et un fils, on travaille en confiance. Ses enfants ont le même âge que moi. On est amis depuis 26 ans », confie Azeddine. Selon lui, Jorg Zumbaum ne cherche pas à faire fortune avec ce domaine. «C’est pas rentable pour lui, c’est un passionné». Il a deux autres domaines, un en Corse et un Toscane. Même si Zumbaum en est officiellement le propriétaire, le domaine est entièrement entre les mains Azeddine Bouhmama. La relève ? Pas pour les enfants du gérant. «Ils font ce qu’ils veulent mes enfants, sauf du vin. Je leur souhaite autre chose», tranche Azeddine.

-202.jpg Pendant l’entretien la grosse porte médiévale s’ouvre et un ouvrier demande en arabe un conseil à Azeddine. Il est en train de tailler les vignes avec quatre autres salariés. «Ça reste familial, c’est un petit domaine.» En haut de la mezzanine qui surplombe la pièce, deux femmes s’affairent. Depuis deux ans le domaine s’est lancé dans l’œnotourisme sur idée de Joana, son bras droit, et Azziza, sa femme, qui cuisine le magret de canard et le couscous traditionnel pour ses hôtes. «Moi ça me fatigue, je suis pas comme ça », soupire le vigneron, «mais ça amène du monde, je suis d’accord avec elles. C’est bien, ce sont des travailleuses les femmes.» Elles gèrent avec lui toute l’exploitation. C’est Joana qui représente le vignoble au salon Millésime Bio cette année. «Tous les ans on le fait, pour moi c’est important», affirme le gérant. Le domaine Zumbaum – Tomasi est un incontournable du salon, il y est présent depuis sa création à Narbonne dans les années 90. «On était une quinzaine à l’époque», se souvient Azeddine.

Posées sur des tonneaux, à côté d’une horloge comtoise et d’un tableau d’épices, les bouteilles attendent les visiteurs. Le Clos Maginiai 2010, médaillé d’or à Signature Bio, trône en chef : «Robe profonde, reflets de jeunesse. Nez typé et engageant, aux accents de cerise noire, de cassis, de groseille, arrière-plan épicé. Bouche souple, à la chaleur maîtrisée. Un pic saint-loup séducteur.» Quoi de plus parlant que son vin pour décrire Azeddine.

Pourboire.com, le vin à domicile

Pourboire.com, une agence de communication liée au vin, a développé son propre concept de « box du vin » : pour un simple abonnement mensuel, deux bonnes bouteilles de vin apparaissent dans votre boîte à lettres chaque mois. Entre découverte et surprise, ce concept de « tribulations viticoles » séduit. Même les amateurs de bio.

«Marre de boire toujours les mêmes vins ? Découvrez les pépites des terroirs.» C’est avec ce slogan accrocheur que l’internaute est accueilli sur le site Pourboire.com, une offre d’abonnement liée au vin. Existant depuis maintenant deux ans, l’offre est un succès auprès des amateurs de bonnes bouteilles. Le site se définit lui-même comme un «dénicheur de vins aux quatre coins des terroirs».

Au départ, le fondateur Edouard de Luze part d’un constat simple : les amateurs de vin achètent souvent les mêmes bouteilles et ne sont pas assez curieux. Pour les aider à dénicher de nouveaux vins, et notamment des bio, il décide de développer avec son agence de communication une offre d’abonnement : «Les offres existantes nous correspondaient peu, alors nous avons décidé de développer la nôtre avec des vins peu connus mais tout aussi bons que les autres».
Pour 39 € par mois, l’abonné reçoit deux bouteilles proposées par des vignerons sélectionnés pour leur qualité. Beaucoup de bouteilles bio, mais pas seulement : «Nous ne sommes pas des ayatollahs de la culture bio mais les gens qui soignent leurs vignes ont plus de chance de faire du bon vin», argumente le fondateur.

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Un concept ludique basé sur le principe de découverte

Au mois de novembre, Julie, 23 ans, a reçu un rouge Anjou 2014 et un Jean-Marc Burgaud 2014. Le mois suivant : un champagne Grand Cru et un Languedoc. Des bouteilles qu’elle n’aurait peut-être jamais dégustées autrement : «L’intérêt est de découvrir les vins des autres régions que l’on ne trouve pas forcément en grande surface», admet-elle. Abonnée depuis deux mois et demi, Julie est satisfaite par la sélection proposée.

Edouard de Luze confirme cet objectif : «Notre but est de chercher des bouteilles qui ne sont pas vendues en grande surface, faites par des vignerons artisans. Des bouteilles difficilement trouvables si l’on n’habite pas dans la région de production». Il présente d’ailleurs le concept comme une initiative intéressante pour les vignerons eux-mêmes : «Nous contribuons à faire connaître certaines bouteilles. Lorsque les gens abonnés à notre offre aiment la bouteille qu’ils viennent de recevoir, ils cherchent souvent à en acquérir d’autres. Finalement tout le monde est gagnant : les vignerons tout comme les amateurs de bons vins.»

Jean-Marie, 34 ans, a racheté plusieurs fois des bouteilles qu’il avait reçues de cette manière. De vrais «coups de coeur» qui lui font dire que le rapport qualité-prix est «bon». Abonné depuis maintenant deux ans, il confie ne jamais avoir été déçu par la sélection et, selon lui, la newsletter qui accompagne les bouteilles vaut le détour.

Une newsletter « drôle » pour devenir un expert en vin

«Drôle et sarcastique ! » C’est ainsi que Jean-Marie qualifie le journal qu’il reçoit chaque mois par mail depuis son abonnement à Pourboire.com. Bons plans resto, guide du savoir-boire… Ce journal est avant tout l’occasion de parfaire sa culture viticole tout en riant des tournures de phrases adoptées. La présentation des deux vins du mois de décembre en est un bel exemple : «Au casting, que des têtes d’affiche. Une bulle champenoise aussi fine et froide que Grace Kelly et un rouge qui réunit la profondeur de Cary Grant et l’humanité de James Stewart.» Pas de doute, Pourboire.com sait manier la métaphore cinéphile.

Julie souligne également que certains articles sont plus sérieux et intéressants pour notre culture générale. Dans l’article «Aux origines de l’art de porter un toast», nous apprenons que trinquer permettait au Moyen-Âge de vérifier l’absence de poison dans le breuvage en mélangeant les contenus. Dans «Boire en temps de guerre», nous apprenons que la bouteille aidait les soldats français à tenir le coup dans les tranchées en 14-18. In Memoriam…

Naturels ou biodynamiques : des vins plus bio que bio

OGM, pollution, maladies : l’agriculture conventionnelle est plus que jamais remise en question. Malgré un succès commercial indéniable, le vin bio ne fait pas l’unanimité auprès de tous les vignerons. Plus traditionnels et parfois saugrenus, les vins biodynamiques et naturels se veulent « plus bio que bio ».

Chez les «bio» aussi, on a le goût de la nuance. À côté du vin bio, produit conformément à une réglementation européenne, d’autres types de vins issus de l’agriculture biologique séduisent le palais des aficionados : les vins naturels et les vins biodynamiques. Moins présents dans les rayons des supermarchés, ces concurrents cherchent à faire valoir leurs différences. En biodynamie, par exemple, nombre de viticulteurs poussent le processus de culture et de vinification à coup de techniques qui peuvent surprendre le novice. Côté naturel, on parle de respect du terroir et d’absence de sulfites ajoutés.

C’est à partir des écrits de Rudolf Steiner, philosophe croate du début du siècle dernier, que la biodynamie prend sa source. Il y décrivait tout un lot de règles et autres préparations à base de bouse de vache, silice de corne, diverses fleurs et plantes aromatiques. Mixez le tout avec le suivi du calendrier lunaire et les positions zodiacales et vous obtiendrez un vin biodynamique.

Dans le monde du vin, la culture de la terre et la vinification sont deux choses totalement différentes. Dans le vin bio, c’est dans la cave que le bât blesse selon François Aubry, propriétaire du domaine de La Fontude, «le cahier des charges du bio a été allégé à cause de pressions industrielles». Dans les faits, une quarantaine d’additifs et intrants sont encore autorisés, et l’utilisation de sulfites est limitée à 25 % de moins que le conventionnel. «Le bio reste laxiste au niveau chimique», accuse Jacky Dumouchel, caviste montpelliérain.

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La biodynamie : l’ésotérisme au service du vin

Pour venir se rajouter aux labels bio dont les vignes doivent être certifiées au préalable, la biodynamie est encadrée par un cahier des charges, ainsi que des organismes de suivi (Demeter et Biodyvin). Un vin sérieux, mais entaché de critiques et moqueries : «Entre un vin bio et un autre issu de la biodynamie, je ne ressens pas de différences au niveau du goût», commente Frédéric Guy-Moyat, caviste toulousain. D’autres voient ces pratiques comme de la «pseudo science».

Hormis son penchant ésotérique farfelu, le principe est de favoriser la biodiversité dans les cultures. Encensée au début des années 2000 par de célèbres œnologues tels que Robert Parker ou Jancis Robinson, cette pratique viticole connaît une popularité grimpante. Selon François Aubry, «beaucoup se tournent vers la biodynamie pour une question de confiance. Il s’agit très souvent d’anciens consommateurs de bio qui cherchent plus de cohérence». D’une considération supérieure au bio selon les connaisseurs, la qualité organoleptique de la biodynamie fait toujours débat.

Le vin naturel ou l’amour du terroir

Si le vin naturel est obtenu à partir de vignes travaillées en agriculture biologique, il ne jouit pas d’un label. Seule une certification d’engagement est proposée par des associations (notamment « AVN » ou « vins SAINS »). La terre doit être vierge de toute chimie, la vigne ne reçoit aucun traitement ni désherbage, et la vinification se veut sans aucun intrant ni sulfites ajoutés. Selon Jacky Dumouchel, «moins on utilise de sulfites, plus on revient au vrai métier de vigneron. C’est avant tout un choix philosophique visant à retrouver l’expression naturelle du terroir». L’authenticité est au rendez-vous avec le vin naturel.

En bouche, la différence est plus nette : «Lorsque je bois du vin naturel, j’ai l’impression de boire du jus de raisin», ajoute Frédéric Guy-Moyat. À en croire Jacky Dumouchel, le concept fonctionne bien auprès des consommateurs : «ceux qui passent le cap sont conquis et ne reviennent que rarement vers du conventionnel». Le public visé par le naturel n’est pas le même pour François Aubry : «ce vin est davantage consommé par un public assez jeune et ouvert, qui n’a pas eu plusieurs décennies pour éduquer son palais avec du vin conventionnel ou bio».

Quant à l’obtention d’un label pour le vin naturel, la question n’est pas à l’ordre du jour pour les vignerons : «il s’agit avant tout de personnes créatives qui veulent travailler comme elles le souhaitent», affirme Jacky Dumouchel. Issu d’une fabrication «loufoque» ou plus conventionnelle, ce qui compte à la fin, c’est que le vin soit bon.

Gilles Contrepois s’est reconverti dans le vin bio : « J’étais prêt à remuer des montagnes pour y arriver »

Voilà vingt ans, Gilles Contrepois plaque tout pour changer de vie. L’informaticien parisien met le cap au sud et décide de devenir vigneron. A 53 ans, il gère aujourd’hui avec sa femme le domaine Grand Guilhem à Cascastel-des-Corbières, dans l’Aude. Chambres d’hôtes et vin bio : il a trouvé sa voie. Rencontre.

Que faisiez-vous avant de gérer le domaine Grand Guilhem et de vous lancer dans la viticulture bio ?
-175.jpgJe suis originaire de la banlieue parisienne où j’ai également fait mes études. N’étant pas trop mauvais en maths et ne sachant pas trop quoi faire de ma vie, j’ai intégré une école d’ingénieur. J’avoue que c’était une voie royale : j’étais sûr de trouver un travail à la sortie. Issu d’un milieu modeste, je me suis payé mes études. Même si le métier d’ingénieur n’était pas une passion en soi, j’ai vécu la vie parisienne à 100 %. Je sortais beaucoup, je rencontrais du monde. Après mes cinq années d’études, j’ai travaillé dans trois sociétés différentes, j’ai touché à tout : marketing, commerce, technique… Mon dernier poste était celui de responsable des ventes dans une société américaine, Oracle. Je gagnais très bien ma vie, à la limite de l’indécence !

Mais alors, comment passe-t-on d’une vie parisienne qui vous procurait argent et confort à vigneron dans l’Aude ? Quel a été le déclencheur ?
À 33 ans, j’ai commencé à m’ennuyer dans mon travail. Je trouvais que ce que je faisais était répétitif, limité. Je traînais des pieds pour aller travailler, ce qui est rarement bon signe ! J’ai commencé à réfléchir aux choses qui me faisaient vraiment vibrer. J’ai beaucoup voyagé et découvert le monde du vin. Puis j’ai toujours aimé le contact avec les gens. Allier ces deux intérêts me paraissait être une bonne idée. Le but était d’associer le côté solitaire du vigneron tout en gardant le contact avec les gens grâce aux chambres d’hôtes.

Pourquoi avoir choisi l’Aude, les Corbières, et ce domaine en particulier ?
-15.pngCe n’était pas une évidence au départ. Avec ma femme, nous avons visité beaucoup d’endroits en France. On a commencé par le Lot avant de se rendre compte que l’hiver est un peu rude et la mer beaucoup trop loin ! On a enchaîné avec le Bordelais : on était tentés par les côtes de Castillon, les côtes de Francs. Mais là, nous n’avons pas aimé la mentalité bordelaise : nous n’avons pas été très bien accueillis. On s’est alors rabattus sur le Languedoc où nous avions l’habitude de passer nos vacances. On s’est dit : c’est une belle région avec de bons vins, il y a des choses à faire. On voyait la possibilité de s’exprimer et de créer des choses nouvelles. Les Corbières sont vite devenues une évidence après un passage dans les Pyrénées-Orientales où on s’est sentis un peu prisonniers : milieu plus urbanisé et accueil là encore pas très chaleureux. On est passés par des agences pour trouver un domaine qui nous correspondait. Le domaine Grand Guilhem avec sa maison qui n’avait jamais été habitée sauf pendant la guerre nous a plus : un site doté de dix-huit parcelles très morcelées avec des lieux-dits et des cépages très différents. Et surtout du Carignan, un cépage qui me faisait rêver !

N’étant pas vigneron à la base, vous êtes-vous formé avant de vous lancer ?
Il a fallu s’installer en tant que jeunes agriculteurs. Pour cela, j’ai passé un bac pro agriculture par correspondance via le Centre National de Promotion Rurale (CNPR). Ma femme, elle, a obtenu un brevet d’aptitude professionnelle agricole. De mon côté, j’ai enchaîné avec trois BTS : viticulture œnologie, boisson vin et spiritueux, conduite et gestion d’une exploitation agricole. Avoir les diplômes était la base pour pouvoir s’installer et bénéficier de prêts bonifiés. Mais je n’y suis pas allé à l’aveuglette : lorsque je suis allé voir la banque, j’avais préparé un business plan avec perspectives pour l’avenir sur trois, cinq, dix ans.

-178.jpgAvez-vous rencontré des difficultés pour vous installer ?
Au départ, la banque des agriculteurs nous a découragé : « il faut tout arracher » nous lançaient-ils ! On a su qu’on n’avait pas eu les prêts par les habitants du village ! Tout ça était un peu étrange. Je n’étais pas préparé à cet obstacle-là. Au vu de mon projet et de mon ancien métier, je pensais que les banques allaient me dérouler le tapis rouge, et pas du tout ! L’objectif était de privilégier l’emprunt pour avoir une trésorerie, ne pas diluer nos économies et vivre confortablement. J’ai consulté le maire qui n’a pas souhaité trop se mouiller. Fort heureusement, d’autres structures se sont montrées plus motivées par le projet. Il faut dire qu’à l’époque, nous étions des jeunes parisiens qui souhaitaient faire vivre une maison inhabitée depuis des années et lancer une production de vin bio : nous étions une curiosité dans le village !

Au-delà du financement, comment avez-vous réussi à construire cette nouvelle vie ?
L’ancien régisseur du domaine, Jeannot, nous a beaucoup soutenu. Vigneron à la retraite qui ne souhaitait pas s’arrêter de travailler, il a été présent à chaque étape. En décembre 1997, quand tout a vraiment démarré, j’avais 35 ans, une femme et deux enfants en bas âge. A cela s’ajoute les travaux de la maison, les artisans à trouver, les vignes à s’occuper en pleine période de taille, les cours par correspondance, le montage de la société… Pendant trois ans, ma femme et moi n’avons pas dormi plus de trois heures par nuit ! Mais j’avais tellement envie que, encore aujourd’hui, les difficultés me semblent toutes relatives. J’étais prêt à remuer des montagnes pour y arriver. Au final, le plus dur à gérer était l’inquiétude de mes parents : l’éloignement, le changement de vie… D’autant que je suis à la base « gaucher de la main gauche », pas du tout manuel ! J’ai dû tout apprendre sur le tas !

Pourquoi avoir choisi la viticulture biologique ?
Mon objectif était de travailler comme un artisan, au plus près du raisin. Le bio était une évidence dès le départ, même si à l’époque ce n’était pas vraiment tendance ! Je suis passé pour un fou, j’ai beaucoup fait rire dans le village ! Car évidemment, on a des rendements inférieurs à ce que l’on a en viticulture conventionnelle. Mais je me considère comme simple locataire des sols et je n’ai pas envie de transmettre des terres mortes. Parallèlement, je n’ai pas envie de me faire du mal : quand on voit le nombre de cancers du cerveau chez les viticulteurs, ça fait peur ! Dans certains produits utilisés à l’époque il y avait de l’arsenic, c’est vous dire ! Mon souhait aussi est de proposer un produit qui fasse du bien, un vin qui me ressemble. Une cuvée « nature » issue de vendanges manuelles, vinifiée à partir de levure naturelle, avec aucun ou très peu de sulfites : du raisin et rien que du raisin !

-176.jpgVous participez au salon Millésime bio à Montpellier. Que vous apporte cet événement ?
Cela fait dix ans que je participe au salon Millésime bio grâce auquel je trouve 80 % de mes clients. Le but est de ne pas être un vendeur de vin mais d’être présent. Je travaille avec des cavistes et des restaurateurs rencontrés au salon. J’ai fait le choix de ne pas courir les salons pour continuer à être présent dans les vignes. Millésime bio est sympathique mais c’est devenu énorme, peut-être un peu trop. C’est le reproche qu’on lui fait. Dès lors, des salons off se développent : chaque année j’admets me poser la question de continuer ou pas. Et tous les ans, au final, je reste fidèle pour honorer l’appellation et la certification. C’est un choix parfois mal vu par d’autres viticulteurs qui boycotte le côté « usine » du salon. Mais moi, j’aime sa philosophie : celle qui consiste à donner le même stand si on est jeune viticulteur ou viticulteur expérimenté, si on a 2 ou 50 hectares de vignes. Ce n’est pas le cas de tous les salons : sur certains, plus on a d’argent ou de parcelles, plus notre stand est important, je n’aime pas ça ! Malgré tout, je participe à deux autres salons : Expression des Vins Bio à Bordeaux (un off de Vinexpo) et Real Artisanal Wine à Londres.
Hors salons, je vends 20 à 30 % de mes produits au domaine : un tiers à l’export, un tiers aux cavistes et restaurateurs. C’est une répartition que j’essaie de préserver parce que la vente en direct, c’est forcément plus de marges.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent suivre votre exemple : se lancer dans la viticulture bio ou, tout simplement, changer de vie ?
Il faut d’abord être conscient que tout projet n’est pas voué à la réussite. Dès lors, la motivation et la réflexion sur la faisabilité économique du projet sont très importantes. Il est aussi nécessaire, quand on est en couple, de construire le projet à deux et de tenir compte des aspirations de chacun. Dans la viticulture bio plus précisément, être polyvalent est une obligation ! Tout comme avoir une âme de chef d’entreprise : s’occuper de la comptabilité, de l’encadrement des employés, du marketing, du matériel, des vignes… De notre côté, j’avoue que le fait d’ouvrir des chambres d’hôtes en parallèle nous a beaucoup aidé pour maintenir un lien social et pour la notoriété du domaine.

Quels plaisirs trouvez-vous dans votre métier ?
L’idée que des personnes boivent mon vin aux quatre coins du monde, je trouve ça top ! Le fait que le fruit de mon travail donne du plaisir aux autres : quand je reçois un SMS pour me remercier, je suis le plus heureux des hommes !

Millésime Bio : le mondial du vin bio à Montpellier

La 23ème édition du salon Millésime Bio ouvre ses portes du 25 au 27 janvier au parc des expositions de Montpellier. Avec près de 900 exposants issus de tous les continents, il s’agit d’un événement incontournable de la vinosphère.

Créé en 1993 par quelques vignerons pionniers du biologique en Languedoc-Roussillon, la réputation du salon interprofessionnel Millésime Bio s’améliore de cru en cru. Son principe est simple : chaque vigneron dispose du même espace et du même matériel pour exposer. Ici seul le vin compte. Durant trois jours, des acheteurs du monde entier pourront déguster les vins et passer commande. En parallèle plusieurs événements sont prévus: conférences, espace dégustation en libre-service, projection d’un documentaire…

« L’ouverture des inscriptions a eu lieu en juin mais même en augmentant le nombre de places nous avons fini avec une liste d’attente d’une centaine de vignerons », souligne l’organisation de Millésime Bio. Un indicateur, s’il en est du succès que rencontre le salon. D’année en année, il prend de l’ampleur et se prépare à accueillir « au moins 5000 visiteurs » pour cette nouvelle édition.

Explosion du marché du vin biologique

Le vignoble bio a connu un triplement de sa surface mondiale en l’espace de quelques années. En terme de chiffre d’affaires, le marché du vin bio est passé de 189 millions d’euros à 572 millions d’euros.

Un phénomène qui s’explique par un nombre élevé de certifications depuis 2012, année de l’entrée en vigueur de la réglementation européenne du bio. Ce n’est que depuis cette date que la certification biologique de la vigne à la bouteille existe. L’autre manne de cette croissance se trouve dans les conversions de plus en plus fréquentes. Depuis 2014, on note un ralentissement logique de cette croissance, même si cette année encore il a connu une augmentation de près de 14 %.

Au niveau national, la fusion des régions fait de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées le plus grand vignoble biologique de France. Le pays est lui-même au second rang des producteurs mondiaux de la filière, derrière l’Espagne. Le biologique a révolutionné la viticulture et conquis le consommateur, notamment européen.

Les Européens, premiers consommateurs de vins biologiques

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Selon une étude IPSOS sur « Les Européens et le vin », 34,9 % des sondés déclarent boire du vin bio au moins une fois par semaine.

Cela fait des Européens les premiers consommateurs au monde de vin bio. Un engouement qui ne connaît pas la crise avec en tête les Suédois suivis des Français, des Allemands et des Britanniques. Selon cette même étude, les jeunes consomment de plus en plus de vin bio. Ils représentent 21 % des consommateurs alors qu’ils ne représentent que 15 % des consommateurs de vins conventionnels.

Les habitudes de consommation évoluent donc mais les raisons invoquées sont différentes d’un pays à l’autre. Les Français (77 %) et les Suédois (73 %) évoquent en premier lieu un choix environnemental, là où les Allemands (50,5 %) parlent d’un réflexe bio alors que les Britanniques (46 %) mettent en avant le goût. Parmi les autres raisons citées, on trouve l’impact sur la santé et le caractère éthique de l’esprit du bio.

Quelles que soient les raisons, les Européens sont conquis par les vins bio, ils en sont les premiers producteurs et les premiers consommateurs mondiaux. Le secteur doit néanmoins réussir à faire perdurer cette croissance et à développer son image. « L’enjeu est de se battre contre les clichés qui disent que la qualité du bio n’est pas équivalente aux vins conventionnels. La recherche a changé tout cela et aujourd’hui les bios sont même devenus plus techniques que les autres », estime Brice Abbiatte, chargé de mission qualité/œnologie à SudVinbio.



Retrouvez notre dossier spécial consacré au vin biologique et au salon (portraits de vignerons, reportages, analyses…).




Ces « offs » qui saoulent un peu Millésime Bio

Millésime Bio victime de son succès ? Depuis que le marché du vin bio a explosé ces dernières années, le salon leader a généré l’éclosion d’une multitude de « offs ». Des contre-manifestations certes, mais qui reflètent avant tout la bonne santé du secteur.

La « plus grande cave bio au monde »… L’étiquette de présentation du cru 2016 Millésime Bio est alléchante. L’événement attire, il est vrai, des professionnels du vin du monde entier (vignerons, cavistes, œnologues, négociants…), et se pose en leader incontesté d’un marché viticole bio toujours en ascension. Mais au fil des années et ses évolutions, le salon a vu éclore en marge du Parc des expositions de Montpellier où il se déroule, tout un tas de petites manifestations non officielles.

Simples retrouvailles pour des dégustations entre copains vignerons au départ, elles ont pris aujourd’hui, pour certaines, une toute autre ampleur. Les réunions au fond des caves et des restos de Montpellier perdurent mais se développent aussi des « offs » qui assument plus ou moins une forme de concurrence avec Millésime Bio. Une certitude, toutes ces manifestations profitent de la manne de visiteurs drainés par le salon officiel. Certaines conservent un caractère convivial, d’autres cherchent ouvertement à faire du commerce.

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Le Vin de mes Amis, Les Affranchis, Biotop ou encore De Chemins en Pistes, les propositions de contre-manifestations sont tellement nombreuses qu’il est ardu de les recenser. Au départ, Millésime Bio s’est accommodé de cette modeste concurrence tout en rejetant ce terme même puisque nombre de ces « offs » ne s’arrêtent pas au strict label bio. Mais il y a deux ans, le président du salon, Patrick Guiraud, a dénoncé, en substance, le manque d’éthique de certains de ces salons qui ne respecteraient pas le cahier des charges bio de sa manifestation. Le sujet reste toujours hyper sensible. Millésime Bio ne souhaite d’ailleurs pas entretenir la polémique et ne s’exprime plus dessus.

« Je comprends que ça agace car ça marche pour nous ! »

Du côté des organisateurs des « offs », la notion de concurrence est assumée à demi-mots. Depuis 2008, Charlotte Sénat organise pendant Millésime Bio sa propre manifestation, Le Vin de mes Amis. Il compte 80 exposants en 2016 et affirme attendre plus de 1000 visiteurs au Domaine de Verchant. « Je ne me sens pas du tout en concurrence avec Millésime Bio », lance-t-elle tout en reconnaissant que ses clients profitent de leur présence à Montpellier pour se rendre aux deux salons.

« C’est une facilité de le faire là, nos importateurs se déplacent aussi pour Millésime Bio. Mais je me sens complémentaire. Je comprends que ça agace car ça marche pour nous ! », admet Charlotte Sénat, qui trouve Millésime bio « trop gros ». Avec ses 1100 visiteurs en 2015, le Vin de mes Amis est le « off » le plus fréquenté. L’année dernière, Millésime Bio a fait 4800 entrées pour 794 exposants. Signe que l’heure n’est pas à trinquer de concert, Charlotte Sénat met en avant « un ratio plus positif » pour son salon.

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Peut-on réellement comparer ces différentes dégustations ? Le « in » rassemble beaucoup de monde sur trois jours, dans trois gigantesques halls du parc des expositions. Le Vin de mes Amis, est au Domaine de Verchant, Biotop dans une salle à « 40 mètres du sol au coeur du phare de Palavas », ou De Chemins en Pistes se contente très bien de l’Aéroport-Hôtel.

Millésime Bio est désormais très ouvert sur l’international, avec « 15 nationalités représentées », selon Cendrine Vimont, responsable communication de l’événement. Pour se différencier, les organisatrices de Biotop, du Vin de mes Amis et de Chemins en Pistes vantent quant à elle des salons à taille humaine et axés sur la « convivialité » propre au monde du vin.

Un salon perçu comme « trop gros et trop cher »

Véronique Attard a fondé le « off » De Chemins en Pistes il y a trois ans. Cette ancienne artiste-peintre reconvertie vigneronne est partie d’un constat simple : son petit domaine n’avait pas les moyens de se payer le salon principal ni ses « offs ». « Ils font payer les vignerons pour exposer et les entrées des professionnels, c’est trop commercial. Je voulais un salon fait par des vignerons pour des vignerons ». Les « offs » se présentent comme un retour aux sources loin des gros négociants, même si l’organisatrice de Biotop, Isabelle Jomain, admet que « Millésime Bio est utile ».

Les 39 exposants de De Chemins en Pistes – du bio aux vins en conversion – et Véronique Attard se partagent le loyer de l’Aéroport-Hôtel, la nourriture, l’exigence… et même les visiteurs de Millésime Bio. « Il y a des navettes qui partent du parc des expos et qui amènent les visiteurs chez nous », assume-t-elle, bonne joueuse.

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Isabelle Jomain, de Biotop, agite le même argument du prix. « Quand on voit qu’il faut payer environ 2000 euros un stand de deux mètres, je comprends que certains vignerons, même les domaines qui marchent le mieux, ne veulent pas donner tout cet argent ». Sur son site, Millésime Bio, se considère à l’inverse comme « un salon abordable ». Vérification faite auprès de l’organisation, le prix d’un stand est de 1128 euros TTC pour les adhérents à Sudvinbio – qui organise Millésime Bio – et environ 2200 euros TTC pour les autres. Selon les « offs », le coût d’un table varie entre 150 et 800 euros toutes charges comprises. Mais finalement, le seul juge de paix reste le chiffre d’affaires généré sur chaque manifestation par rapport à son coût pour y participer. Et là, difficile d’avoir des informations chiffrées.

Des dessous idéologiques au commerce du vin bio

Si on laisse les aspects financiers de côté, on ne peut s’empêcher d’écouter la petite musique militante des organisateur des « offs ». Comme s’ils regrettaient finalement un âge d’or de Millésime Bio qui serait, selon eux, devenu une trop grosse machine. Rien que le nom du « off » Les Affranchis prête à sourire. « Il y a six ans, j’ai participé au Millésime, c’était tranquille. Depuis que le marché a explosé, ils sont comme stressés », avoue Véronique Attard. « On est passé à une autre échelle, répond Cendrine Vimont, du Millésime Bio. On n’a pas le choix, si on veut justifier notre ambition d’être le salon numéro un mondial, il faut suivre la demande et l’offre », poursuit-elle.

Les « offs » drainent les visiteurs du « in », mais cela fonctionne aussi dans l’autre sens, dans une moindre mesure. « J’ai des visiteurs et des exposants qui font les deux, ce n’est pas un problème » pour Isabelle Jomain.

Bientôt le verre de l’amitié ?