Gabriel est un homme de principes. D’abord : seul son plaisir compte. Ensuite: une fois dans ses paumes la chair perd toujours. En dépit des apparences de dandy élevé aux bonnes manières, son sourire juvénile n’a plus grand chose d’angélique. Toujours en soif, jamais rassasié, le satyre obscène d’à peine vingt ans abuse brutalement, jouit dans l’instant et parfois même tue. Tueur de petite fille, violeur de femme, Gabriel a comme on dit « mal tourné ». Rien ne le prédestinait pourtant, lui, le fils de la fée, à pareille perte. Elle si parfaite, elle si belle, aux jambes sans fin, au teint de lait et aux lèvres fraise des bois. De son vivant tout le monde l’admirait, et lui l’aimait, la fée et son ventre si rond. Celui dont Gabriel est le seul enfant.
Las, la fée est morte, fleur flétrie d’une longue agonie. L’ogre Gabriel souffre, et le lecteur avec lui. Certes, Gabriel est un monstre, un Œdipe à la lame facile. Mais Alice Ferney est de ces auteurs qui vous instillent en juste dose une émotion et son contraire, dégoût et compassion. Durant une centaine de pages noircies d’ecchymoses l’on assiste, en témoin impuissant, à la valse folle du diablotin issu du « Ventre de la fée ». Un conte de femme, où la brutalité s’écrit avec tendresse, qu’elle adresse aux hommes, montrant d’un doigt accusateur ce qu’ils renferment de plus sombre.
Premier ouvrage d’Alice Ferney, « Le ventre de la fée » paru aux éditions Actes Sud inaugure une longue réflexion de facture plus classique sur l’amour maternel dont « Paradis Conjugal » est le dernier né. Qu’elle les explore dans la violence ou qu’elle en fasse l’apologie à coups de sanguine bien ajustés, la femme, l’épouse et la mère ont trouvé en Alice Ferney une experte de talent portée par une plume à la ponctuation délicate. Homme ou femme, quittes à obéir à vos pulsions les plus viles, faites donc. Succombez et dévorez« Le ventre de la fée ».
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