Des maltraitances animalières courantes
Comme sur de nombreuses autres îles, le rapport à l’animal sur l’île de la Réunion ne fonctionne pas comme en France métropolitaine. Les « chiens sonnettes » passent leur vie attachés à une corde et ne servent qu’à alerter leur propriétaire de l’arrivée de quelqu’un à proximité de la maison. « Les chiens grandissent, mais la corde non. Ça leur coupe le cou » témoigne Angeline Teston, sur l’île depuis 13 ans, bénévole dans les neuf associations de protection animale de l’île et famille d’accueil. Selon elle, la raison de ce traitement est claire : « Le rapport à l’animal est resté le même depuis l’esclavage avec ce statut de maître/animal ».
Dans certains cas, il est même question de cruauté envers les animaux. Ainsi, Marie-Charline, originaire de la Métropole et habitante de l’île depuis deux ans explique que l’une des pratiques courantes consiste à enfermer des chiots dans des sacs agricoles jetés sur les voies rapides. « Le sport national c’est d’écraser un maximum de chien », s’insurge la jeune fille de 23 ans.
De son côté, Marina, bénévole à l’association Agir Pour Protéger les Animaux Réunionnais (APPAR ) est amenée à rencontrer toutes sorte de situation : « Il y a un mois et demi de ça, j’ai retrouvé un chat à qui ont avait brûlé les pattes au briquet. Deux mois auparavant, j’ai recueilli une chatte qui avait des croix faites au cutter partout sur le corps. Elle n’a pas survécu ».
Autre pratique, l’utilisation des animaux pour la pêche au requin fait grand bruit dans les médias de l’île depuis 1995 dont quelques échos nous sont timidement parvenus en métropole en 2007 et 2011. « Plusieurs cas d’animaux « préparés » pour servir d’appâts ont eu lieu sur l’île. En février dernier, un chat a été retrouvé, un hameçon lui traversant du palais à l’œil. Il est évident que cette pratique persiste. Nous restons vigilants sur ce point et pratiquons des opérations régulières de surveillance discrète. Le dernier cas de chats hameçonnés s’est avéré être le résultat d’un jeu cruel commis par des gens inconscients, immatures et certainement sous l’effet de l’alcool et/ou de stupéfiants », rapporte Jean-Pierre Lafitte, président d’SOS animaux.
Animaux errants et immobilisme des autorités
Une des raisons expliquant la maltraitance animalière sur l’île de la Réunion est que les animaux errants s’y multiplient. Sont mis en cause les abandons, nombreux, et l’absence quasi totale de stérilisation. La population croissante de ces sans-colliers est alors soumise aux agissements d’Hommes plus ou moins bienveillants.
Dans ce contexte, la fourrière, le service d’équarrissage et les associations sont débordés. « Les pouvoirs locaux préfèrent traiter les conséquences plutôt que les causes. Des solutions comme la stérilisation gratuite pour tous ceux qui ne payent pas d’impôts existent, mais sont méconnues » se désole Marie-Charline.
Marie David, présidente de l’association Arbre de vie Universal renchérie : « Ces campagnes sont souvent programmées aux mauvaises périodes de l’année où les chattes sont déjà en gestation. Souvent, les dossiers déposés par les familles à faibles revenues traînent » Jean-Pierre Lafitte ajoute : « Ici, les préjugés ont la peau dure. Beaucoup de gens pensent que les chiennes et les chattes doivent vivre une portée avant la stérilisation ».
Pour tenter d’enrayer le problème, le recours à l’euthanasie est une pratique courante. « Il y a entre 11 000 et 13 000 euthanasies par an, sans parler de l’empoisonnement » précise Angeline.
« Nous sommes intervenus dans les écoles pour faire de la sensibilisation, mais cela ne sert à rien, les mentalités régressent. » dénonce Angeline. Les pouvoirs publics, pourtant sollicités par les associations comme celle de Jean-Pierre Lafitte, font la sourde oreille. « Nous ne nous sentons absolument pas entendus par les pouvoirs publics. Nous tentons régulièrement d’obtenir des rendez-vous avec les élus locaux et les administrations de tutelle, en vain »
Selon le président d’SOS Animaux, la clé serait la stérilisation encadrée des chats et chiens. « Il faudrait des campagnes de stérilisation massives par mono-injection à l’image de celles qui ont été mises en œuvre au Mexique » Marie-David d’Arbre de vie Universal fait elle aussi son diagnostic. « Les autorités devraient lutter contre les annonces d’adoption illégale et ne les confier qu’à des professionnels, mais surtout, les tortionnaires qui maltraitent les animaux devraient écoper de réelles sanctions».
Pour Marina, « Le président du conseil régional qui dépense des sommes folles dans le tourisme devrait investir dans la cause animale, car les touristes ne sont pas aveugles et voient bien ce qui s’y passe ». Un avis partagé par le président d’SOS animaux. « Les collectivités locales devraient créer et entretenir des refuges suffisamment dimensionnés pour répondre aux besoins spécifiques de notre île. Nous projetons de créer des structures de type « Dispensaire vétérinaire gratuit », mais ces projets devraient être pilotés par les institutions publiques plutôt que par les associations »
Aujourd’hui c’est un chien pour trois habitants que dénombre l’île soit plus de 150 000 animaux errants.
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