Le Beaujolais nouveau célébré pour rassembler

Ce jeudi 15 novembre, le Beaujolais nouveau a été fêté à Montpellier comme un peu partout en France et même au-delà. Ce vin, qui s’exporte en effet très bien au Japon, aux Etats Unis et en Allemagne, est issu du cépage de Gamay et doit son nom à la ville de Beaujeu (entre Lyon et Macon).
Sa date de dégustation est « débloquée » depuis 1967. C’est pourquoi, ce vin jeune d’appellation d’origine contrôlée, peut être découvert si tôt après les vendanges.

« On met longtemps à devenir jeune »

Cette phrase de Pablo Picasso est souvent associée au Beaujolais nouveau, dont la jeunesse ne fait pas l’unanimité. Les réactions des amateurs de vin sont mitigées quant à cette boisson. Pourtant les soirées de lancement du Beaujolais nouveau sont toujours un succès comme l’indique Jennifer, serveuse à Esprit Vin à Montpellier : « Tout le monde ne vient pas pour goutter le beaujolais, c’est surtout une bonne excuse pour sortir ».

Une bonne ambiance pour un vin rassembleur

Des tintements de verres à l’incontournable « tchin-tchin », en passant par les assiettes de tapas, les soirées se ressemblent d’une terrasse à l’autre. Beaucoup ont misé sur cette date et prévu des groupes de musique, comme à Esprit Vin, où « l’intérieur comme l’extérieur n’a pas désempli » précise à nouveau Jennifer. Une clientèle très diverse, allant de l’étudiant à l’amateur de vin d’une soixantaine d’année, s’est donc retrouvée dans les bistrots montpelliérains. Jean-René Privat, propriétaire du Café Joseph, explique d’ailleurs que cette soirée est « accessible à tous et pas seulement à un réseau de ghetto branché ». C’est cet esprit de rassemblement qui a animé son commerce jeudi soir. Pour lui, fêter le Beaujolais nouveau est un moyen de se retrouver pour « sourire et partager ». Ce vin, comme toutes choses selon lui, fait partie d’un tout, d’une soirée où la bonne nourriture, la musique, la danse et la complicité sont réunies. Cette année encore, la dégustation du Beaujolais nouveau le troisième jeudi de novembre a donc été donc un succès. Et il fait le bonheur des commerçants. Comme quoi, la jeunesse mérite bien le respect.

Halles Laissac: des tripes, des courges et du rouge

«Un matin de marché aux Halles», ce n’était pas exactement ce à quoi nous nous attendions. À la place des légumes chers et des commerçants aigris, à Laissac, nous avons trouvé une ambiance chaleureuse, des clients fidèles et bavards. Récit d’une crise de foie.

9h40, un matin de Beaujolais Nouveau, aux Halles Castellanes. Pas un chat, les commerçants semblent à peine se réveiller. Le reportage paraît d’ores et déjà compromis. Qu’à cela ne tienne, nous irons aux Halles Laissac. 9h50, arrivés sur les lieux, l’ambiance est toute autre. Le contraste avec les Halles Castellanes est saisissant. Une structure métallique qui semble crouler sous le poids des années, des commerçants qui s’activent à leurs besognes quotidiennes, et surtout, des clients qui flânent d’échoppe en échoppe. Si ces halles sont d’apparence précaire, leur histoire ne l’est pas.

Au détour d’un étal, Jeannine, jeunette de 78 ans, nous alpague: « Vous êtes nouveaux ici? » Une permanente blond Marilyn, un visage gaiement fardé, de grosses bagues à chaque main, un accent chantant du midi, Jeannine fait partie des murs. « Je viens ici tous les jours depuis que je suis petite. J’accompagnais maman aux commissions, et j’ai pris le relais ». On ne peut plus l’arrêter. On apprend rapidement qu’elle est cancer ascendant scorpion, qu’elle aime la viande chevaline et qu’elle travaillait en tant que secrétaire au Lycée Clémenceau. Derrière sa vitrine, une commerçante qui a suivi le monologue s’exclame «Vous êtes tombés sur la bonne!»

«La triperie, si ce n’est pas frais, vous ne tenez pas le choc»

Plus loin, Françoise s’affaire à ranger museaux et pieds de porc dans son présentoir. Elle tient la dernière triperie de Montpellier. Sa mère avait ouvert le magasin en 1958, et la fille a pris la relève en 1970. Elle nous explique brièvement le fonctionnement des halles: «Ici, on est tous locataires, on paie un loyer en fonction du m². Moi, je paie 750 euro par trimestre». Les clients se succèdent. L’un achète une tête de veau, le suivant deux cœurs de bœuf. Pour beaucoup, ce sera du foie ou du gras double. «La triperie, si ce n’est pas frais, vous ne tenez pas le choc,» explique la commerçante. Pour elle, c’est simple, elle se fournit chez son frère, qui a repris le poste de chevillard de son père.

En face, la tenancière de la maison Christopholi range potimarrons et salades dans ses paniers. Elle a un regard moins positif sur les halles que les autres commerçants. Selon elle, ce lieu devrait être détruit, ou au moins réhabilité. «Elles sont vraiment vétustes, et la clientèle vieillit. Les jeunes ne savent pas que les légumes sont moins chers ici qu’en grande surface». Mais elle reste optimiste sur un fait: avec les émissions culinaires qui ont le vent en poupe, elle compte bien sur un retour aux produits des terroirs. Aujourd’hui, selon elle, les habitudes changent, les consommateurs demandent de plus en plus des produits bio. «C’est très dur de faire du bio en France, avec la concurrence de l’Espagne du Maroc et d’Israël». Et de se désoler de la disparition des petits producteurs de proximité. Surtout qu’elle a pris un risque en prenant la succession de sa mère dans le commerce. «Avant, j’étais infirmière de bloc et j’ai repris les légumes pour des raisons sentimentales» lorsque sa mère est partie à la retraite.

«Je crois bien que cette année ils ont mis du raisin dedans!»

DSCF5778B.jpgIl est 10h30 et il nous reste le cœur des halles à visiter. Placé au centre, ouvert aux quatre vents, le bar est déjà occupé par une dizaine d’hommes, tous un ballon de rouge et un bout de pâté devant eux. Accoudés au bar, ils discutent, refont le monde. Dans notre souci de réalisme, nous nous joignons à la bande apparemment joyeuse pour comprendre l’essence des halles. Nous faisons la connaissance du taulier, Gérard. À peine les verres de Beaujolais Nouveau servis, il s’exclame «je crois bien que cette année ils ont mis du raisin dedans!». Très vite, nous nous faisons adopter par la clientèle du bar. Une première tournée est offerte: «ça vient des Corses, là-bas!» Les autres s’enchaînent rapidement: «celle-là, c’est de la part d’un de vos confrères journalistes». D’ailleurs ce dernier nous rejoint rapidement et entame la conversation. Il semble connaître le bar de longue date: «Ici, il y a la moitié des clients qui n’a pas de voiture, et l’autre moitié qui n’a plus le permis!» Une fois intégrés, nous pouvons questionner Gérard, qui travaille ici depuis une douzaine d’années. Les clients sont pour la plupart réguliers. Très tôt le matin, ce sont les commerçants qui viennent prendre le café, puis suivent «ceux qui vont au boulot». L’heure passe, notre sens journalistique s’évapore, nous voilà copains comme cochons avec la bande à Gégé.

Le beaujolais nouveau pour les nuls

Goût de banane, vin pas bon, c’est chaque année la même rengaine. Profitons de la période pour comprendre sa fabrication et tenter de dépasser ses a priori. Dominique Piron, vigneron installé depuis 40 ans à Morgon (ville célèbre pour son vin éponyme) nous renseigne sur ce vin qui divise.

De quels cépages est composé le beaujolais nouveau ?

A 100% de gamay noir

Quand peut-il être commercialisé ?

Chaque année, le beaujolais nouveau est mis en vente le troisième jeudi de novembre. Légalement, les vins ont le droit d’être vendu à partir de 0h00 le 15 décembre. Depuis 1951, certains vins ont reçu l’autorisation d’être vendus au 15 novembre. [Il s’agit entre autres, selon une note de l’Administration des Contributions Indirectes: du Beaujolais, des Côtes-du-Rhône, du Muscadet, Ndlr]
C’est devenu le troisième jeudi de chaque mois car si le 15 tombait un dimanche, on se retrouvait face à des problèmes de transport.

Quand ont lieu les récoltes ?

Elle a lieu selon les années entre le 25 août et le 1er octobre avec une moyenne autour du 15 septembre. Chez nous, la récolte s’est faite cette année du 20 septembre au 6 octobre.
En réalité, la date dépend du temps qu’il fait au printemps car la période de floraison de la vigne a lieu autour du 20 mai et les récoltes ont lieu 100 jours après.
Cette année, on a eu une floraison tardive, qui a décalé la date. Mais les vins tardifs ont souvent plus de finesse.

Quelles sont les étapes de fabrication du beaujolais nouveau ?

Après la récolte, on met les raisins en cuve pour une fermentation courte de 6 à 8 jours afin de garder le fruit. Pour des vins comme le morgon, la fermentation est longue pour garder les tanins car ce sont eux qui donnent leur structure au vin. Ensuite on presse, ce qui libère les sucres et fait que la fermentation se poursuit quelques jours. Au total, entre la récolte et la fin de la fabrication il se passe entre 15 et 20 jours pour le beaujolais.

Pourquoi entend-on dire que le beaujolais nouveau a goût de banane ?

C’est quelque chose qui date de 1987, à cause d’une nouvelle levure. Il avait beaucoup plu cette année là, ce qui a lavé totalement les raisins, donc les levures naturelles qu’il y a sur la peau du raisin ont été lavées de la même manière. Les levures industrielles rajoutées à ce moment là ont impacté sur le goût du vin.

Dans la tête des gens, le beaujolais nouveau n’est pas bon, pour quelles raisons ?

A une époque, la qualité de ce vin était moyenne. La tradition du beaujolais nouveau s’est construite grâce à des bistrots à vins à Paris, parce qu’ils aimaient ça, parce que c’était joyeux et festif. Assez vite, Londres l’a importé et de là, ça a fait le tour du monde. Les ventes représentaient donc des volumes importants et comme toujours dans ces cas là, certains se sont nourris sur le dos de la bête, ceux qui n’achètent que du prix et du volume et pas de qualité. Forcément, les gens ont été un peu déçus.
Aujourd’hui, les mauvais beaujolais nouveau se font plus rares.

Comment est la production 2010 ?

C’est une année très typique du beaujolais nouveau avec du fruit et des vins croquants, friands. Chez nous, il aurait légèrement goût de cerise alors que chez d’autres, on retrouve le cassis et la groseille.

Dans votre domaine, les ventes de ce vin représentent quel pourcentage des ventes totales ?

Sur 2.500 hectolitres (environ 300.000 bouteilles) produits chez nous, la part du beaujolais nouveau est de 15%.

Et pour finir, une question essentielle : avec quoi peut-on l’accompagner ?

C’est un vin qui va avec beaucoup de choses, des petits fromages de vaches, de chèvres et ce que l’on appelle les « cochonailles lyonnaises » donc toutes sortes de pâtés.