Identité nationale : un débat peu fructueux à Montpellier

Lundi 11 s’est déroulé à l’Ecole d’Application de l’Infanterie à Montpellier (EAI) le débat sur l’identité nationale. Organisé par le député UMP Jacques Domergue, le préfet de l’Hérault, Claude Baland a néanmoins su tenir les rênes de ce débat décrié. Ambiance.

18h30. Une petite foule se presse aux portes de l’EAI. Des manifestants tendent bruyamment, mais sans débordements, une banderole indiquant « Notre identité n’est pas Nazionale ». Ils viennent pour la plupart du NPA, d’Alternative Libertaire ou encore des Jeunesses Communistes.

À l’entrée, la sécurité nous demande si nous sommes sur la liste des invités. Un débat public sur invitation, surprenant. Heureusement le député Domergue pointe son nez dehors, et nous autorise à rentrer après lui avoir expliqué notre statut d’étudiants journalistes. Dehors, certains y resteront. Pas d’invitation, pas d’entrée. Il fallait montrer plus que patte blanche.

Après avoir traversé la cour sombre de l’école, nous arrivons enfin dans la salle remplie en grande partie de personnes de plus de 60 ans. Au centre de la tribune, le préfet Claude Baland et le député Domergue sont entourés de deux professeurs de droit public. Trois représentants de la société civile sont également venus apporter leur soutien et leur témoignage.

« Moi je me sens intégré mais j’ai l’impression que c’est la France qui n’arrive pas à m’intégrer »

La première prise de parole du débat chauffe les esprits. Un des premiers intervenants s’exclame : « C’est l’immigration musulmane qui met en question nos valeurs judéo-chrétiennes et laïques ». Au fil des interventions, on comprend rapidement que la plupart de ceux qui s’expriment sont de droite. Et pour cause, des sympathisants d’obédiences différentes n’ont pu assister à la discussion, pourtant ouverte à tous. « J’ai invité les représentants de tous les partis politiques » se défend le préfet. Et pourtant pas de PS, de PC, de Verts ou de NPA.

S’il a démarré sur des chapeaux de roues, le débat s’enlise peu à peu dans les banalités, voire les discussions de café. Peu de propositions concrètes ressortent. On note qu’il est entièrement tourné vers l’intégration des immigrés. « Moi je me sens intégré mais j’ai l’impression que c’est la France qui n’arrive pas à m’intégrer » l’idée est lâchée. C’est bien là toute la problématique de ce débat qui tourne autour de la question de l’immigration, sans jamais donner de définition propre de l’identité nationale.

Alors que le préfet appelait en prémices du débat à ne pas stigmatiser une communauté en particulier, force est de constater que revient dans toute les bouches les mots immigration, problème de cohabitation entre une « communauté musulmane » issue du Maghreb, considérée comme mal intégrée et une communauté de « français de souche » (expressions utilisées à de multiples reprises).

Le débat s’est presque exclusivement axé sur cette thématique, avec des intervenants allant d’étudiants ou de jeunes travailleurs, tentant d’expliquer la condition d’un fils d’immigré maghrébins en France. Parmi les représentants politiques, les conseillers régionaux FN Alain et France Jamet ont été peu soutenu par l’auditoire malgré une diatribe appelant sans surprise à régler le problème de l’immigration. Pour expliquer le sentiment de rejet que ressentent les fils d’immigrés de première ou de troisième générations, un homme questionne : « Va-t-on encore demander à ma fille, qui est née ici en 2009, si elle est française ou non ? ».

22h00 la discussion se termine. Alors que les participants commencent à partir, un bon nombre se lève et entonne la Marseillaise. La majorité de la salle suit, un étrange sentiment nous envahit alors.

Francs-maçons en Languedoc Roussillon : leur pouvoir en question.

Jacques Molénat était l’invité de Paul Alliès pour son Café citoyen. Il s’est déroulé au restaurant Le Baloard, lundi 26 octobre, pendant deux heures. Compte-rendu de la soirée.

La petite salle, ce lundi soir, était pleine. Située sous le restaurant du Baloard, à Montpellier, elle a été le lieu d’un Café citoyen organisé par Paul Alliès sur la question du pouvoir que détiennent les Francs-maçons en Languedoc-Roussillon. Professeur de Science Politique à l’Université Montpellier I et essayiste, il n’en est en revanche pas à son coup d’essai dans l’organisation de tels débats publics : le concept est rodé avec un intervenant qui expose le thème du Café, et un public qui s’interroge, puis interroge… Pour parler du sujet, l’invité était ce soir Jacques Molénat, journaliste reconnu pour sa connaissance des réseaux dans la région. Il est l’auteur d’un livre de référence sur la question, Le Marigot des Pouvoirs (éd. Climats).

Son exposé fut bref mais dense : parti du début des années 70, il constate que de 300 frères pour 6 loges, la franc-maçonnerie locale est passée aujourd’hui à 2 200 frères (et sœurs car il y a 20% de femmes) pour 48 loges. Soit un rapport de l’ordre de 7 pour 1 000 habitants au regard d’une moyenne nationale de 2,5 pour 1 000 seulement. Pourquoi une telle présence «dans la machine montpelliéraine»? La réponse est délicate, car complexe. Ce n’est pas seulement des petits arrangements entre amis, même si plus d’un s’y intéressent en espérant une ascension sociale plus rapide : «viens chez nous, ce sera bon pour tes affaires» rapporte le journaliste. Il y a aussi la tradition universitaire bien ancrée à Montpellier, ou encore les réseaux juridiques.

Mais il est vrai que les préoccupations du public concernaient plutôt ces arrangements occultes, dont beaucoup pensent qu’ils se font contre l’intérêt général. D’ailleurs, Michel Miaille, ancien Grand Maître de la Grande Loge Mixte Universelle et présent au débat ce soir, a reconnu la prégnance de l’individualisme chez les francs-maçons. Il évoquera en aparté, après le débat, «la lessive» qui a été faite début 2000 et dont la raison invoquée par les Grands Maîtres était de reconnaitre -«tardivement»- les dérives de certains frères et le triomphe des intérêts particuliers. La sanction est une radiation à vie tout de même, dans le cas où des fautes graves ont été commises. Marc Di Crescenzo, qui a été «un des piliers de la franc-maçonnerie montpelliéraine», dit à ce propos dans un article de l’express.fr, que le chemin fut long avant de faire ce travail d’assainissement interne. «Notre premier réflexe, ça a été de protéger les nôtres», avoue quant à lui M. Miaille.

Les discussions ont mené les participants au-delà de notre région pour aborder la question de la Franc-maçonnerie de plus loin. Abolition de l’esclavage, laïcité, école publique, congés payés, contraception : autant d’avancées indéniables revendiquées. Mais aussi contestées… Par le public en l’occurrence, à travers la voix d’une participante, restée silencieuse jusque dans les dernières minutes du débat, et qui rétorque à ce qui a été dit que les syndicats ou les associations ont aussi joué un rôle prépondérant dans ces avancées. On aura pu entendre également l’un des convives se plaindre du «ton consensuel» que prenait l’échange.

Pour ce qui était du cœur du débat, le pouvoir des frères dans la région, quelques noms ont été cités parmi les personnalités politiques locales inscrites dans l’une des loges. Leurs appartenances politiques hétérogènes (PS, UMP, PCF, MoDem…) prouvent la diversité des obédiences et la rupture avec une tradition originelle ancrée à gauche. Aussi, Jacques Molénat a insisté sur le rôle certain que jouent ces personnalités dans les institutions, notamment dans la préparation de décisions municipales ou au niveau de l’agglomération. Mais il a posé aussi à l’inverse les risques de manipulation des Francs-maçons par certains hommes de pouvoir.

Le débat était clair et serein, mais les clichés ont la vie dure, puisqu’au moins trois participants ont considéré qu’ils avaient assisté à un plaidoyer en faveur de la franc-maçonnerie plutôt qu’à un questionnement sur les dysfonctionnements politiques, économiques ou judiciaires dans la région. Pour aller dans leur sens, il est vrai que le caractère occulte de l’organisation trouble et provoque la crainte, plus qu’il ne permet le travail paisible des frères. Le secret et le mystère sont donc décidément liés à l’aura que dégage la franc-maçonnerie et ce, à plus forte raison dans le Languedoc-Roussillon. Le temps passant y a ajouté la suspicion, souvent justifiée, mais pas toujours fondée.

Franck Michau