Grand entretien avec Richard Sammel (2/2) : La politique.

De OSS 117 à Inglourious Basterds en passant par Un village français, Richard Sammel a enchaîné les productions à succès, devenant l’un des nazis les plus populaires du cinéma international.
Jury du premier Festival International du Film Politique (FIFP), l’acteur allemand livre sans détour son regard sur l’actualité.

“Sur le papier notre système politique est superbe. Dans la réalité c’est que dalle !”

Dans le cadre du FIFP, vous avez visionné de nombreux films politiques traitant de sujets très variés. Quelle est votre définition du film politique ?

C’est un film qui parle d’un sujet qui brûle. Ça balaye un champ très large. Il peut traiter des hautes sphères de la politique comme d’un retraité qui n’arrive plus à boucler ses fins de mois parce qu’on lui a coupé 10% de ses 800 euros de pension retraite. Donald Trump, Maastricht, l’affaire Kadhafi, l’affaire Elf, le glyphosate… Il y a un nombre infini de sujets politiques.

Traiter de ces sujets vous tient à coeur ?

Oui bien sûr, la politique n’est rien d’autre qu’un instrument que l’homme s’est inventé pour organiser la société. Bien plus que la compétition politique en tant que telle, je m’intéresse aux règles qu’on invente et aux morales qu’on établit. Il est crucial de parler de ce qui ne va pas. Parce qu’on a des règles superbes mais qu’on les respecte pas. C’est ça en fait le problème de la politique. Parce que le système en place est superbe sur le papier. La démocratie, l’élection, votre voix compte, ma voix compte … Dans la réalité c’est que dalle. La voix d’un électeur compte de moins en moins.

Vous considérez-vous comme engagé politiquement ?

Qu’on le veuille ou non nous sommes tous engagés politiquement. Si vous fermez votre gueule, c’est politique. Vous êtes un mouton qui se laisse faire. Vous pouvez vivre comme ça bien sûr. Mais à partir du moment où vous n’avez plus envie de vivre comme ça, vous vous rendez compte que votre comportement est politique.
Si vous ne dites rien, vous faites le jeu du système en place. Si vous trouvez que ça fonctionne mal, il faut vous positionner. On le voit bien avec la crise des gilets jaunes.
C’est une discussion extrêmement active dans toutes les couches de la société. On peut pas faire comme si ça ne nous concernait pas. Ça nous concerne tous.

“Une situation proche de la guerre civile où tout le monde se tape dessus, ça fait le profit de l’Etat.”

Et vous, quelle est votre position sur ce mouvement des gilets jaunes ?

Je le trouve complètement logique, très juste et très dangereux en même temps. La nature humaine est ainsi faite, elle ne peut supporter un certain niveau d’injustice sans se révolter collectivement. Et là, il semblerait qu’on ait depuis un moment atteint ce stade.  Le mouvement des gilets jaunes est le parfait exemple de ce qu’est devenu notre société. Jusqu’alors, la population était très compartimentée. Quand les infirmières manifestaient, les lycéens s’en foutaient, quand les lycéens manifestaient les routiers s’en foutaient, quand les routiers manifestaient les chauffeurs de taxis s’en foutaient et ainsi de suite. Aujourd’hui, pour la première fois depuis 68, il y a un rassemblement de la population qui se mobilise dans son ensemble contre un gouvernement qui n’est plus en phase avec ceux l’ont élu.

Vous semblez comprendre les revendications des manifestants.  

Bien sûr que je comprends cette contestation. Moi je fais partie des privilégiés. Mais comment voulez-vous comprendre un dirigeant qui dit aux retraités de se serrer la ceinture, alors que, dans le même temps, il augmente lui-même le salaire de ses ministres de 20% ou 30% ? C’est quoi ce délire là ? En aucun cas tu veux augmenter le SMIC, ne serait-ce qu’au niveau de l’inflation, mais tu continues à faire des cadeaux aux plus riches et aux entreprises. Le pire, c’est que je pense que c’est un calcul tout à fait conscient du gouvernement. Une situation proche de la guerre civile où tout le monde se tape dessus, ça fait le profit de l’État.

“Les gens sont prêts à des sacrifices s’ils servent vraiment à sauver la planète.”

Vous avez une vision très cynique du pouvoir.

D’un autre côté, on a les politiques qu’on mérite car ils ne sont pas arrivés au pouvoir par un coup d’État. Ils ont tous été élus. Et si la population continue à croire les balivernes qu’on lui raconte avant les élections… Il faut clouer les dirigeants sur leurs promesses. Le problème de nos jours, ce n’est plus plus seulement les sans-abris qui crèvent la dalle, c’est les gens qui ont un boulot, qui bossent et qui ont peur de ne pas finir le mois. C’est quand même un délire énorme.

Ces revendications sont-elles compatibles avec l’urgence écologique ?

Je pense que les gens sont prêts à faire des sacrifices si ces derniers servent réellement à sauver la planète. Concernant la taxe carbone, tout le monde était prêt à se serrer la ceinture à partir du moment où elle servirait entièrement et uniquement à financer la transition écologique. Mais ce n’est pas le cas !

Pensez-vous que les manifestations des gilets jaunes puissent aboutir à un changement de cap de la part d’Emmanuel Macron et une augmentation du pouvoir d’achat des plus pauvres ?  

Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’après Mai 68 et ses clashs hyper violents, l’Etat a augmenté le SMIC de 35%. C’est quand même malheureux qu’il faille en arriver là.
Nos dirigeants sont complètement à côté de la plaque. A partir du moment où on est élu aujourd’hui, on se comporte comme si on était dans une caste.
On se comporte contre le peuple. On en fait plus partie. Mais mon cul ! Tu es le représentant de ceux qui t’ont élu !

Propos recueillis par Paul Seidenbinder et Boris Boutet

Communauté internationale ou « communauté d’intérêt national » ?

La communauté internationale semble oublier ses prérogatives au profit de l’intérêt respectif des grandes puissances. Elle ressemble parfois à une jungle où chaque état garde égoïstement son butin au détriment d’une paix mondiale. Ici, la citation de Jean de La Fontaine tombe fort à propos :
« La raison du plus fort est toujours la meilleure »

A l’origine, la communauté internationale à travers l’ONU est là pour régler les conflits dans le monde et préserver la stabilité économique, environnementale et la paix dans le monde. Partant d’un constat sur les responsabilités des grandes puissances actrices importantes de la communauté internationale, on pourrait croire que l’appellation de «communauté d’intérêt national » semble mieux appropriée. Est-il exagéré d’affirmer que la communauté internationale est un pompier pyromane ? Et comment le désir de préserver des intérêts respectifs constitue des menaces pour la stabilité de la communauté internationale qui de ce fait ne nous apparaît plus comme une «communauté d’intérêt national » ?

Tout d’abord qu’entendons nous par « communauté d’intérêt national ». Le mot intérêt se présente comme un leitmotiv car ce calcul d’intérêt respectif des États constitue un facteur déterminant dans la politique internationale. Et cette appellation vient d’un constat fréquent.Très souvent les grandes puissances de cette communauté internationale sont elles-mêmes à l’origine de grands conflits dans le monde. Elles sont souvent des obstacles au règlement rapide ou pacifique des conflits. En guise d’illustration, on peut citer par exemple les deux grandes guerres mondiales (1914 – 18) et (1939 – 45), de même que l’invasion de l’Irak par les USA. Aujourd’hui on se rend bien compte que les armes de destructions massives n’étaient qu’un prétexte pour l’administration de Bush. Mais la quintessence de cette sauvegarde de l’intérêt des grandes nations est symbolisée par le droit de véto au sein de l’ONU comme nous le savons tous. Dans le Conseil de sécurité de l’ONU, les cinq membres permanents (les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni) ont le pouvoir de véto. Si l’un de ces pays vote contre une proposition, elle est rejetée. Et ce droit de véto est un moyen efficace pour ces pays de sauvegarder leurs intérêts dans toutes les relations internationales. Cette pratique est une menace pour la stabilité car ce calcul d’intérêts se manifeste par un soutien gratuit pour ses alliés ou états amis et une sévérité avec les États avec qui ils n’ont pas d’intérêts. Les armes de destructions massives nous en témoignent entre autres . Ainsi des pays comme Israël ou le Pakistan alliés des États-Unis ont bénéficié d’un laissez-faire, d’une légèreté de cette communauté internationale. Et ces dits pays disposent maintenant de la bombe atomique.

Nous avions assisté à deux élections marquées par des soupçons de manipulations à travers le monde : l’une en Iran et l’autre au Gabon. En Iran, la communauté internationale n’est pas restée à l’écart même si le caractère belliqueux de Mahmoud Ahmadinejad demeure une réalité. En revanche, au Gabon, après 40 ans au pouvoir d’Omar Bongo, son fils Aly Bongo a été élu malgré les fraudes supposées et les manifestations de l’opposition. On n’a d’ailleurs noté aucune réaction de cette communauté internationale ou plutôt de cette « communauté d’intérêt national ». Et on comprend pourquoi vu les intérêts que la France a dans ce pays.

D’autre part, dans des fléaux cruciaux comme le réchauffement de la planète par exemple, les USA, tête de file de cette communauté internationale qui doivent donner de bons exemples, ont refusé pendant longtemps d’adhérer à tout protocole ou accord qui menace ses propres intérêts. L’organisation de l’OMC qui encourage essentiellement la domination des puissants leur permettant de sauvegarder leurs intérêts au détriment des faibles en est aussi un exemple. Enfin le point culminant qui justifie l’hypocrisie de cette communauté internationale et le mérite de les appeler « communauté d’intérêt national » peut trouver sa justification dans le commerce des armes. Tous les jours, des mines antipersonnelles détruisent la vie des enfants dans des pays en conflits. A cela s’ajoute le nombre de victimes dans ces conflits et les pertes humaines considérables. Et pourtant aucun de ces pays ne fabriquent ces armes. Dans beaucoup de conflits, ce sont les leaders de cette communauté internationale qui arment l’un ou les deux belligérants et font marcher ainsi leur business au grand malheur des populations ! On peut citer dans cette vision la guerre Iran – Irak avec des milliers de morts. La France, comme d’autres pays, a bénéficié de contrats pour leurs industries d’armements. Aujourd’hui encore la crise de Darfour a mis du temps pour voir la mobilisation de cette même communauté et pourtant si ce pays disposait d’intérêts capitaux pour le reste du monde, on lui aurait accordé depuis longtemps l’engagement que la gravité de la situation nécessitait. La chine a toujours été pendant longtemps un obstacle au règlement de ce conflit brandissant à tort et à travers son droit de véto à toute sanction contre le régime d’Omar El – Béchir pour sauvegarder ses propres intérêts. La Chine soutient militairement et diplomatiquement le gouvernement de Khartoum.

La communauté internationale est elle dés lors dans son ensemble un arbitre intéressé ? Et on peut se demander si les attitudes des uns et des autres de cette communauté internationale ne peuvent pas engendrer des frustrations ? Quelle interprétation doit-on donner à la dernière intervention de Momar Khadafi à la tribune de l’ONU ? Certes les médias occidentaux n’ont rapporté que le côté folklorique de Kadhafi en passant sous silence le contenu de son discours et se limitant à ironiser. Mais demandons-nous au moins si le président libyen n’était pas ce jour là, la voix des sans voix. Outre le fait que Khadafi a déchiré et a jeté la charte de l’ONU, il a renouvelé son appel pour le transfert des compétences du Conseil de sécurité, le qualifiant de « Conseil de la terreur et du terrorisme » à l’Assemblée générale qui représente « le Parlement du monde » où tous les pays sont égaux tel que stipule sa charte. Dans son coup de gueule, Kadhafi a aussi évoqué le dossier du transfert du siège des Nations Unies vers un autre endroit et a proposé son transfert à Syrte en Libye, ou à Vienne en Autriche ou au centre de la planète à New Delhi ou à Beijing. Passer outre la personnalité du guide libyen, certaines de ses suggestions peuvent au moins nous interpeller pour un monde plus paisible, un monde peace and love!
Comment arriverons nous vraiment à refonder un système basé sur l’intérêt commun au service de cette communauté internationale au détriment des intérêts respectifs de chaque état?

Ibra khady NDIAYE