Grand entretien avec Anne-Laure Bonnel : « Ce qui m’intéresse, c’est comment les humains parviennent à survivre »

Jurée à l’occasion de la première édition du Festival International du Film Politique, Anne-Laure Bonnel a réalisé le documentaire Donbass en 2016 sur la guerre civile en Ukraine. La réalisatrice, que nous avons rencontrée, se spécialise aujourd’hui sur les zones de conflits.

Pourquoi avoir accepté d’être jurée au FIFP ?

Le documentaire est souvent politique, le voir traiter en fiction m’intéressait beaucoup. On observe que l’actualité des gilets jaunes se mêle à tout cela avec des tensions sociales brûlantes et palpables à tous les niveaux de la société. Les personnes qui m’ont contactée ont également évoqué des termes qui me parlent énormément comme l’envie de créer le débat, d’éveiller les consciences, de créer du lien social, être une passerelle de communication dans une époque où les intermédiaires et les lieux de débats n’existent plus vraiment. Les individus sont en train de se réapproprier cette question urgente du sens de l’existence. Qu’est-ce qui est acceptable ? Qu’est-ce qui ne l’est plus ? On est allé tellement loin dans les abus d’un capitalisme exacerbé, une mondialisation qui a été mal gérée, un appétit des élites pour le pouvoir qui a laissé de côté les questions sociales. On est dans une drôle d’époque pour tout ce qui a trait à l’humanisme.

Est-ce le devoir de l’artiste de s’engager ?

Je ne pense pas qu’il doive s’engager dans le sens du militantisme. Par contre son travail est par essence politique. L’artiste a un point de vue sur le monde, une sensibilité, un regard. Son devoir c’est d’éclairer différents mondes, de faire réfléchir sur une réalité en prenant de la distance. Il donne à voir et à comprendre ce que l’on n’a pas l’habitude de voir et d’entendre. Il rend palpables à travers des personnages ou des histoires des choses qui vont nous mettre en colère ou nous indigner. En tout cas, qui réveillent nos émotions.

En tant que jurée, quels sont vos critères de sélection d’un film ?

Pour moi le fond et la forme sont indissociables. Un bon film c’est l’adéquation parfaite entre son contenu et sa forme. Je regarde aussi d’autres facteurs comme l’interprétation, l’atmosphère du film, le rythme, la mise en scène, la lumière, l’audace du sujet et la manière de le traiter. Quand on arrive à avoir cette osmose là, à voyager à travers tous ces éléments, je trouve que c’est une grande réussite.

Envisagez-vous de réaliser une fiction ?

Non, parce que je n’ai pas le talent d’écrire une bonne fiction ou de diriger des acteurs. Le réel offre tellement d’histoires incroyables qu’il me suffit. J’aime le contact humain direct, les histoires que les gens me racontent, rendre la justesse du réel. Dans le documentaire, je travaille ma forme en cherchant à rendre le sujet palpable. Chaque projet a son écriture, une musique particulière, un rythme unique. Pour moi, le point de vue humain reste le sujet le plus intéressant, montrer les situations dans lesquelles l’être humain ne devrait pas se trouver. Je me spécialise aujourd’hui dans les zones de conflits. J’ai eu l’occasion de voir des populations ravagées au quotidien, la souffrance d’un peuple, les effets d’une guerre sur un individu.

Dans votre documentaire Donbass, y a-t-il des éléments que vous avez choisi de retirer en vous disant je ne peux pas montrer cela ?

Oui, la violence des corps. J’ai coupé les corps des enfants. Quand vous rentrez de zones comme celles-là, vous êtes révolté. Le premier réflexe, c’est de vouloir exposer un maximum de choses. Mais avec du recul, vous vous rendez compte que cela ne changera rien. Quand vous assistez à un bombardement, vous voulez montrer la souffrance des gens. Mais elle n’est pas efficace. La seule raison pour laquelle j’ai montré des corps au début du film, c’est pour contredire les discours du Président Porochenko qui affirme qu’il n’y a pas de morts au Donbass et qu’il ne bombarde pas son peuple. Encore aujourd’hui, j’ai eu des échanges avec des ambassades pour qui le discours officiel c’est qu’il n’y a pas de guerre au Donbass. Je voulais une preuve.

Avez-vous eu peur parfois lors du tournage ?

Non, parce que j’ai fait le choix d’y aller. J’en assume les conséquences. Quand ces gens vous parlent de leur quotidien, vous comprenez que ce que vous vivez un instant, eux, le vivent tous les jours. À ce moment-là, vous ne sentez plus la peur. Le corps humain est bien fait, il s’habitue à tous les stress possibles.

Ces violences ont des conséquences désastreuses sur les sociétés.

Ce type de conflit génère plusieurs générations de souffrance. Les stigmates, les plaies et les conséquences ne s’arrêtent pas à la fin de la guerre. Encore moins dans le cas d’une guerre civile comme  le Donbass. Les gens deviennent paranoïaques. Ils ont vu leurs voisins trahir des gens qu’ils connaissaient depuis des années. Certains pardonnent, mais n’oublient pas. Comment voulez-vous que la société se reconstruise. Pour le Donbass, on parle de 10 000 morts mais c’est aussi 200 000 amputés. Quand tout s’est inversé dans votre vie, l’impensable devient normal, la charité n’existe plus. Cela va créer des individus qui n’auront plus foi en quoi que ce soit. Si on regarde les enfants nés sous la guerre, vont-ils réussir à se construire une conscience humaniste . Quand vous avez vu la haine partout dès vos plus jeunes années, vous y êtes habitué. Paradoxalement peut-être que vous en souffrez moins. Qu’est-ce que cela va laisser comme failles ? Quels individus de demain la société va voir fleurir ? La haine entretient la haine. On rentre dans des cycles de vengeance. Il y a beaucoup de probabilités que ces gens aient des pulsions destructrices en eux. On ne fait pas assez d’études sur l’après-conflit.

Comment avez-vous vécu votre retour en France  ?

Il y avait une forme de décalage avec les gens autour de moi. En six mois, j’ai très peu parlé. Je ressentais beaucoup de colère, un sentiment de lassitude. Vous êtes un peu plus seul aussi. Cela change votre sensibilité. Vous sentez moins les problèmes du quotidien. J’avais tendance à relativiser énormément, à adopter un comportement plus désengagé dans ma vie de tous les jours.

Quels sont vos futurs projets ?

J’ai un projet sur les femmes prostituées du trafic humain en France. On n’a pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour trouver des horreurs aussi terribles que dans des zones de guerre. Pour moi le trafic humain, c’est un crime contre l’humanité.  J’essaie de comprendre, la manière dont les individus arrivent à survivre dans les cas les plus terribles. Mon but est de rendre leur dignité et de montrer leur force. Ces personnes ont une philosophie quand vous les écoutez parler, c’est une grande leçon d’acceptation, de patience, et de bienveillance. Sans faire de généralités, les femmes prostituées que j’ai rencontrées ont une forme presque de pureté. Elles souffrent énormément, mais ne se plaignent pas. Elles sont dans l’idée : moi j’en suis sortie, maintenant je pense aux autres. Elles mettent une énergie incroyable pour dénoncer ces abus et risquent leur vie. Vous savez dans des milieux comme cela, on ne pardonne pas. Si vous balancez, on vous tire dessus.

Vous parlent-elles facilement ? Ne sont-elles pas méfiantes ?

J’ai le sentiment que quand vous n’êtes animé par aucun calcul autre que l’écoute, cela se ressent. Lorsque je vais sur le terrain, je n’ai pas de brassard presse, je ne mets pas de gilet pare-balles. Je vis avec la population, non dans les hôtels où logent les journalistes. Je traverse les zones avec eux dans leur voiture. Les gens voient bien que je ne suis pas là pour faire du scoop. Ces femmes me parlent parce que je vais rentrer sur ces zones de trafic avec elles. Il y a un partage du risque. Si cela se passe mal, on en fait les frais ensemble. Cela génère une confiance.

Comment souhaitez-vous le diffuser ?

Je recherche une maison de production qui soit respectueuse de la forme. Je suis en discussion avec Arte qui laisse une grande marge de manœuvre. Si la chaîne le prend, la question du cinéma ne se posera pas. Je préférerais ne pas passer à la TV que d’être diffusée avec un commentaire imposé irrespectueux du sujet pour garder l’audimat. Certaines situations fortes se suffisent à elle-même. Mais vous n’avez pas le droit au silence en TV.

Propos recueillis par Léa Coupau et Camille Bernard

1914-1918 dans l’Hérault : une appli pour se souvenir

À l’occasion du centenaire de la Grande guerre (1914-1918), le département de l’Hérault propose l’application Hérault de Guerre pour se souvenir : de la victoire, actée le 11 novembre, mais également de la guerre en elle-même.

Souvent oublié de l’histoire puisque département de l’arrière, l’Hérault n’a pourtant pas été épargné par l’effort de guerre. L’Hérault, grâce notamment à la médiathèque et les archives départementales PierresVives, propose du 7 au 24 novembre diverses présentations pour (re)découvrir cette histoire.

Une application comme « outil de tourisme de mémoire »

Au delà des traditionnelles expos, conférences et spectacles qui commémorent le centenaire (voir programme ici) le département innove en créant l’application Hérault de Guerre (aussi accessible ici). Pourquoi une appli ?  « pour fournir un outil innovant qui répond plus aux usages actuels, des jeunes en particulier, pour utiliser un moyen qui fait découvrir le territoire, ses lieux et son histoire, et pour montrer de façon plus attractive des documents d’archives » nous confie Annie Parmentier, directrice Médiation, Mémoire et Multimédia à la Direction générale Archives et Mémoire du Conseil départemental de l’Hérault.

Facile à utiliser, l’application pour smartphones et tablettes présente des documents d’archives reliés aux communes de l’Hérault. Annie Parmentier précise : «  À chaque commune est reliée des images numériques de documents d’archives, de photographies, cartes postales, lettres, etc. Les images sont légendées et commentées. Les points peuvent être parcourus de manière thématique pour constituer des circuits de mémoire. L’application contient aussi des dossiers pédagogiques adaptés aux différents niveaux scolaires. Elle est conçue au départ comme un outil de tourisme de mémoire. »

La Grande Collecte : « un événement déclencheur »

Pour aboutir à une application aussi riche en documentation, il a fallu procéder à une longue collecte d’informations : « en gros, c’est un sujet qui nous monopolise depuis 5 ans, avec des pointes d’activités en 2014 et 2018, mais aussi un suivi régulier pour enrichir l’application, recevoir des contributions, accueillir des classes… » nous confie Annie Parmentier. Également conservatrice en chef du patrimoine, elle ajoute que cela a notamment été rendu possible grâce à la Grande Collecte. La Grande Collecte est une opération nationale invitant tous les Français à fournir aux archives tous les documents et objets en leur possession, portant sur la Grande Guerre. Pour la troisième fois, les Archives de France et la Bibliothèque nationale de France, organisatrices, ont choisi ce thème. La conservatrice ajoute que ça a été « un événement déclencheur qui a fait connaître à beaucoup d’administrés l’existence et le rôle de « passeur » des archives départementales ». Comprenons par « passeurs », les archivistes. Mais également une expérience pour les « passeurs » à qui cela « a montré, s’il en était besoin, l’attachement profond de la population à la mémoire de cette période ».

Pour l’Hérault, c’est une occasion de se rappeler des 137 000 héraultais qui sont partis au front. 14 000 d’entre eux n’en sont jamais revenus, comme le rappelle Kléber Mesquida, président du Département. Renaud Calvat, délégué à l’éducation et à la culture au Conseil départemental de l’Hérault ajoute qu’ils étaient « des pères de famille, des frères, des oncles… Nous voulions les incarner [parce que] derrière les noms gravés sur les monuments aux morts, il y a des gens morts pour la France ».




Hérault de guerre 14-18, c’est aussi un « ouvrage de 130 pages illustré par 250 images, extraites de l’application, pour garder une trace papier de la période. Ce sont deux approches complémentaires » explique Annie Parmentier, des archives de Pierresvives. Ce livre est une manière plus traditionnelle de commémorer le centenaire de 1914-1918.

Informations pratiques : disponible en librairies et sur internet, 25 euros.

H.F. Diané : « Si l’écriture ne prenait pas une telle place dans ma vie, j’aurais été jazzman »

« Le Jazzman du Misanthrope » est un livre que vous ne trouverez dans aucune librairie. Pourquoi ? Car son auteur, H.F. Diané, a choisi le format numérique pour être publié. Ce jeune écrivain de 26 ans, originaire du Congo, a sorti son deuxième ouvrage au mois de janvier. Avec plus d’une « centaine d’histoires en stock », l’écriture est pour lui plus qu’un métier : une raison d’être.

Haut Courant : Tout d’abord, résume-nous l’histoire du « Jazzman »
En 1941, Egmond Parker, un pianiste de jazz noir américain, rêve de faire fortune. Il a une liaison avec une fille blanche, Fiona-Amaryllis, ce qui à l’époque était interdit par les lois ségrégationnistes. Qui plus est, cette fille est déjà fiancée. Tiraillée entre les deux hommes, elle choisit de s’enfuir en Suède, pays dont elle est originaire. Egmond, fou amoureux de Fiona-Amaryllis, décide de tout plaquer pour la suivre. Son bateau arrive en France, à Bordeaux, où il rate de peu la correspondance pour Göteborg. Il rencontre Aleksandre qui l’invite à rejoindre une ville prospère du Sud de la France qui ne connaît pas la guerre, Jefferson. Il accepte et découvre une ville riche, dirigée par le fortuné Lewis D. Whalbourg, qui vit reclus dans sa folie. Egmond devient son pianiste et découvre petit à petit son histoire…

Comment t’est venue l’idée de ce livre ?

Tout a commencé en 2005-2006 après avoir vu le film Aviator avec Leonardo Di Caprio. Ce film retraçait l’histoire d’Howard Hughes, un milliardaire américain, cinéaste, aviateur, homme à femmes… Au milieu de sa vie, il a sombré dans une espèce de folie. Il a commencé à vivre reclus dans son immense château avec ses majordomes, et cela jusqu’à la fin de sa vie. Il est passé du stade d’homme le plus adulé d’Amérique dans les années 40-50 à celui d’un vieillard mort seul dans sa demeure. Au moment où les brancardiers arrivent, on retrouve un vieil homme avec des longs cheveux, des ongles longs, avec vingt kilos en moins, tout rabougri. Et ça, ça a été ma premier source d’inspiration.
Par la suite, « Gatsby le magnifique », le livre de mon auteur préféré Francis Scott Fitzgerald, m’a beaucoup marqué. J’ai été frappé par l’histoire, son aspect romantique et je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien entre le personnage de Gatsby et Howard Hughes.
Mon livre est un hommage à « Gatsby le magnifique », il adopte le même schéma : un personnage de l’extérieur qui rencontre un homme immensément riche et qui raconte son histoire. Il traite de l’enrichissement, de l’Amérique toute puissante, de l’homme qui se perd dans sa vie à cause d’un amour perdu.

Ton livre recouvre plusieurs thèmes. Le jazz est notamment très présent. On pourrait même en ressortir une bande-son ! Que représente pour toi cette musique ?

Depuis tout petit, j’ai toujours eu une relation particulière avec le jazz. Quand j’étais au Congo, j’étais sensible à certaines mélodies, à certains instruments de musique et je n’arrivais pas à poser un nom dessus. Avec l’âge, j’ai fini par comprendre que c’était du jazz. Plus le temps passait, plus j’imprimais cette musique et j’ai fini par l’adopter. Au point que cela devienne aujourd’hui une véritable religion pour moi ! Au réveil, j’écoute du jazz et pareil quand je vais me coucher. Si l’écriture ne prenait pas une telle place dans ma vie, je pense que j’aurais été jazzman.

Le héros principal, Egmond Parker, fait souvent mention de sa couleur de peau. En quoi était-ce important d’appuyer sur ce trait ?

Avant j’avais une vision un peu utopiste de cette époque, des premières heures du jazz. Avec le temps, j’ai fini par réaliser, en lisant les biographies des grands jazzmen, qu’eux-mêmes n’étaient pas à l’abri du racisme. Par exemple, lorsqu’ils partaient en tournée, ils devaient aller dans les motels malfamés, réservés aux Noirs. A Las Vegas, ils chantaient dans des 5 étoiles, des hôtels huppés mais ils n’avaient même pas le droit d’y rester après leur représentation. C’est terrible.
Et plus je progressais dans l’écriture du livre, plus j’ai réalisé que j’avais tendance à m’éloigner un peu de cet aspect racial des choses à l’époque. Puis je me suis dit qu’il fallait que le lecteur baigne dans cette époque sans idéalisme. Je voulais qu’il soit vraiment confronté à ça, ce qu’était la vie d’Egmond Parker, la vie de dix millions de Noirs à ce moment-là.

De qui t’es-tu inspiré pour le personnage d’Egmond Parker ?

Nat King Cole, mon chanteur de jazz préféré. Et, curieusement, il y a beaucoup de gens qui m’ont dit en lisant l’histoire qu’Egmond Parker, c’était moi.

Qu’en penses-tu ?

Avec le recul, je me dis qu’il y a beaucoup de similitudes ! L’amour du jazz, les chapeaux… Je m’arrêterai là ! (rires)

Pourquoi avoir choisi cette époque ?

L’époque du jazz, c’est la Belle Epoque ! Les poids lourds du jazz comme Art Tatum, Lester Young sont au sommet de leur art. Une nouvelle génération est aussi en train d’émerger.
D’autre part, parce que l’histoire parle de la guerre aussi. On est en 1941, deux ans après le début du conflit, à un moment charnière où l’on va voir les Etats-Unis s’engager après l’attaque de Pearl Harbor.

Justement, la réalité et la fiction se mélangent souvent dans le récit. On y croise même des personnages réels comme Orson Welles ou Henry Ford…

Je pense que le roman historique a cette particularité de s’imprégner de la réalité, de la tourner de telle manière que le lecteur, qui ne connaît pas forcément l’Histoire, vient à douter. A ne plus distinguer le vrai du faux. Je trouvais ça beau aussi. Un roman comme « Ragtime » de E.L. Doctorow m’a inspiré, ça a été comme une révélation. Le but, c’est également que le lecteur fasse cet effort de recherche. De plus, cela renforce l’authenticité du roman.

Les personnages principaux sont tous attirés par des femmes qui leur échappent. Comment voulais-tu retranscrire les relations amoureuses ?

Avant tout, de manière romantique. C’est-à-dire qu’il y ait une espèce d’amour inaccessible. On est en 1941 et l’amour n’est pas du tout pareil que celui de nos jours. Il y avait un aspect beaucoup plus fusionnel, plus fort. On aimait une personne, on s’engageait avec elle pour toute la vie. Ce n’est plus trop le cas aujourd’hui.
Je voulais aussi mettre en avant le côté amour impossible. Aimer une personne sans forcément l’avoir. Les trois personnages principaux se démènent pour acquérir leur amour. Plus ils s’en rapprochent, plus ils s’en éloignent.

Ils ont aussi cette obsession de la richesse, cette quête d’un rang social plus élevé. Cela relate-t-il pour toi cet esprit « American dream » de l’époque ?

Oui. A l’époque et aujourd’hui aussi. Ce concept d’enrichissement rapide se retrouve moins aux États-Unis et plus dans les pays émergents. Ce que je voulais faire passer comme message, c’est cet aspect enrichissement à tout prix au point de renoncer aux valeurs morales. C’est encore d’actualité. On trouve des gens qui rêvent à tout prix de s’enrichir et qui négligent certaines choses.

Notamment leurs origines…

On trouve beaucoup de personnes qui, au lendemain de la guerre, se sont enrichies – les « nouveaux riches » – et qui étaient méprisées par la haute société. Et le seul moyen d’être adopté par cette classe sociale était de cacher un peu ses origines.

Pourquoi avoir fait le choix du livre numérique ?

J’avais essayé de faire publier mon premier roman, « Le Palais des Songes », en 2011. Mais ça n’avait pas pris auprès des éditeurs. Du coup, je me suis inspiré du modèle japonais qui consiste à publier les mangas dans des fanzines qui paraissent chaque mois. Ça a bien pris et j’ai réussi à être présent dans les librairies de Montpellier et notamment Sauramps. Mais il se trouve que je n’ai pas réussi à rentabiliser le fanzine étant donné que c’était moi qui l’imprimais. Je perdais même de l’argent.
Je me suis dit que j’allais basculer vers une version numérique. J’ai vu qu’avec Amazon, ça marchait très bien aux États-Unis et que ça commence à prendre en France grâce aux smartphones et aux tablettes.

Est-ce qu’Amazon t’impose des conditions comme le prix du livre ?

Non, c’est moi qui fixe le prix. Toutefois, il y a une règle non dite qui consiste à fixer le prix du livre d’un auteur débutant à 3€. On touche 70% des ventes et Amazon le reste.

Est-ce un modèle viable pour les auteurs ?

On trouve des auteurs qui vivent de ça. Il suffit d’être présent dans le top 100 d’Amazon pour commencer un peu à rentabiliser son livre. Des auteurs qui lancent leurs livres avec des éditeurs puissants comme Gallimard, Flammarion etc. n’arrivent pas forcément à vivre de ça dans le sens où ils sont obligés d’avoir un travail alimentaire à côté… Grâce à Amazon, ça a un peu changé. Je le conseille aux auteurs débutants car aujourd’hui, certains éditeurs de renom ont tendance à aller fouiner dans le top 100 d’Amazon voir les livres qui marchent bien et leur font signer des contrats.

Tu espères suivre ce chemin-là ?

C’est en réflexion. J’ai eu quelques contacts avec une grande maison d’édition. Ça aurait pu se faire, mais certaines choses ne me satisfaisaient pas : ils pouvaient m’imposer un changement de couverture, de titre, voire une partie de l’histoire ! Au final, on pond une histoire qui ne nous plaît pas forcément.

Comment vois-tu l’avenir ?

Tout dépendra du « Jazzman ». S’il marche, j’aimerais investir mes revenus dans le « Palais des songes » que je voudrais sortir en papier. Être publié en format papier reste mon rêve. Je suis très attaché à ce format.

Propos recueillis par Steve Rivière

Une jeunesse française

La dernière réunion publique, organisée dans le cadre du débat sur l’identité nationale à Montpellier, a tourné au fiasco islamophobe ce lundi 11 janvier. Une preuve de plus, s’il en fallait, que ce débat n’apportera rien de bon et qu’il faut l’arrêter sur le champ. Si nous devons parler d’identités, des alternatives existent mais le pouvoir n’a certainement pas envie de les envisager. Parti pris à l’appui du parcours d’un officier de la Légion d’honneur aujourd’hui âgé de 84 ans, et qui vit depuis 40 ans dans le Vercors.