Honduras : le mirage démocratique

Une nouvelle crise politique frappe le pays d’Amérique Centrale, longtemps miné par une guerre civile. Depuis l’élection présidentielle du 26 novembre, le nom du vainqueur n’a toujours pas été proclamé. Retour sur une situation politique explosive avec le chercheur Christophe Ventura.

Les Honduriens auront-ils un président pour Noël ? Rien n’est moins sûr tant la situation dans ce petit pays d’Amérique Centrale est confuse. Le 26 novembre 2017, les neuf millions d’habitants du Honduras étaient appelés aux urnes pour l’une des élections présidentielles les plus scrutées au plan international avec la présence de 16 000 observateurs, venus notamment de l’Union Européenne et de l’Organisation des États Américains (OEA). « La question qui se posait était de savoir si le Honduras pouvait organiser une élection réellement démocratique », remarque Christophe Ventura, spécialiste de l’Amérique Latine à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques et Internationales). Le scrutin s’est déroulé sans violence mais non sans fraudes.

Honduras, situé en plein cÅ“ur du continent américain. À ce jour, les deux principaux candidats revendiquent toujours la victoire de leur camp… Une catastrophe pour un pays comptant parmi les plus corrompus de la planète et qui « détient la palme mondiale du nombre de personnes tuées, devant le Salvador notamment » s’exclame le chercheur. Le Honduras compose avec le Guatemala et le Salvador le fameux « Triangle du Nord » centraméricain connu pour être la principale plaque tournante du narcotrafic du continent.

Une énième crise démocratique

Cette élection à un tour a vu s’affronter, le 26 novembre, le président sortant Juan Orlando Hernandez du Parti National (Conservateur) face à un ancien journaliste très populaire dans le pays : Salvador Nasralla. Ce dernier se présentait sous la bannière des progressistes de l’Alliance de l’opposition contre la dictature, soutenue notamment par l’ancien président déchu Manuel Zelaya. « Il faut savoir qu’Orlando Hernandez est un rejeton de l’oligarchie hondurienne, souligne Christophe Ventura. Il contrôle les principales institutions du pays comme le Tribunal Suprême Électoral (TSE) et la Cour Suprême ce qui lui a permis de se représenter ». La Constitution hondurienne interdisait pourtant à un président d’effectuer plus d’un mandat. Si l’élection a bien eu lieu le 26 novembre, il a fallu attendre plusieurs jours avant que le Tribunal Suprême Électoral se décide à annoncer les résultats signifiant que le président sortant Juan Orlando Hernandez recueillait 52 000 voix d’avance sur son principal concurrent. Des résultats immédiatement attaqués par Salvador Nasralla dénonçant une « manipulation électorale ». Nombreuses, en effet, sont les zones d’ombre planant sur ces résultats puisque « Salvador Nasralla disposait, lors du dépouillement, de 57% des bulletins. Une avance de plus de cinq points ce qui est techniquement irréversible », affirme Christophe Ventura. Or, une panne informatique et la saisie de certaines urnes non dépouillées par les militaires ont inversé le résultat quelques jours plus tard. Depuis, le pays est plongé dans une dangereuse crise démocratique.

Salvador Nasralla, principal opposant de Juan Orlando Herndez.

Le coup d’État «légal» de 2009

« Le point de départ de cette crise, c’est la destitution en 2009 de l’ancien président Manuel Zelaya (Parti Libéral-centre droit)  », explique le spécialiste du Honduras. Une destitution qui est en réalité un coup d’ État « légal ». Un véritable oxymore. « C’est l’innovation hondurienne de 2009, sourit Christophe Ventura. C’est en fait une alliance entre le TSE et le Congrès hondurien qui a ouvert la possibilité de destituer le président à la manière de « l’impeachment » américain ». Une destitution légale aux motifs extrêmement contestables. Cette révocation liée aux politiques redistributives menées par le président Manuel Zelaya heurtait les secteurs les plus conservateurs de la société hondurienne. Mais c’est surtout « la décision de Zelaya d’intégrer le Honduras au sein de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase  », reprend le chercheur de l’IRIS. Un choix qui a déplu y compris au sein de son propre parti, mais surtout aux États-Unis qui ont fortement décrié cette position. Cet avis américain pèse lourd puisque le pays a été, pendant la deuxième moitié du XXe siècle, une base arrière des États-Unis dans leur lutte contre les guérillas communistes. Le pays, jadis l’archétype de la république bananière, reçoit encore aujourd’hui d’importantes sommes d’argent de la part de l’oncle Sam.

Une démocratie malade

Si le début de cette crise démocratique date de 2009, les élections présidentielles de 2013 n’ont rien arrangé. Lors de la première élection de Juan Orlando Hernandez, les nombreux observateurs de l’OEA avaient déjà émis de sérieux doutes concernant la validité du scrutin. « Aujourd’hui néanmoins, un autre stade semble avoir été franchi, clarifie Christophe Ventura. Orlando Hernandez a été trop loin et ceux qui le soutenaient au niveau international sont en train de le lâcher, notamment les États-Unis ».

Un mouvement amplifié par la pression de l’Union Européenne et l’OEA sur Orlando Hernandez pour un recomptage des voix, voire un nouveau scrutin. Recomptage que le président sortant a fini par accepter mardi 5 décembre, qui n’a pas convaincu l’opposition. Celle-ci réclame l’annulation du scrutin. Une situation périlleuse pour le « vainqueur » de l’élection qui cherche, selon Christophe Ventura, « à négocier avec son opposant afin d’éventuellement mettre sur pied un gouvernement d’union nationale temporaire ».

En attendant, le Honduras est paralysé depuis plusieurs jours par un couvre-feu défié par des manifestations quasi-quotidiennes. On dénombre déjà 14 morts parmi les manifestants et les policiers selon un rapport d’Amnesty International. Des spectres de la guerre civile auxquelles Christophe Ventura ne croit pas, jugeant ce risque « très peu probable ».

Le tour du monde de l’info #3

Si vous n’avez pas suivi l’actualité, voici un récapitulatif des événements internationaux qui ont marqué cette semaine.

Les Etats-Unis reconnaissent Jérusalem comme capitale d’Israël

Le président américain, Donald Trump, a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État hébreu mercredi 6 décembre. L’ambassade américaine déménagera prochainement de Tel-Aviv pour s’installer dans la ville trois fois saintes (le judaïsme, le christianisme et l’islam). Depuis plus d’un siècle, la ville est disputée par différents peuples.
Donald Trump a tenu l’une de ses promesses de campagne en appliquant une décision votée par le Congrès américain en 1995 mais qui avait toujours été repoussée par ses prédécesseurs.Une annonce qui risque d’anéantir le processus de paix mis en place ces dernières années.
Trump est seul contre tous. La communauté internationale a condamné unanimement la décision américaine et refuse de reconnaître la souveraineté d’Israël sur la totalité de la ville. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a rappelé que le statut de Jérusalem doit être « négocié directement » entre Israéliens et Palestiniens. Seul le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou s’est réjoui de cette décision en parlant de « jour historique ».
Les conséquences meurtrières se font déjà ressentir. Vendredi 8 décembre, deux Palestiniens sont morts lors d’affrontements – organisés pour s’opposer à la décision de Donald Trump – avec des soldats israéliens. Samedi 9 décembre, deux autres Palestiniens ont été tués lors d’un raid aérien israélien visant une cible du Hamas. Plusieurs dizaines de blessés sont à déplorer. Les protestations et les affrontements sont toujours en cours.
Une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité de l’ONU a été réclamée par plusieurs pays et s’est tenue vendredi 8 décembre. Une autre aura lieu lundi 11 décembre pour évoquer les violences à Jérusalem.

Brexit : un compromis voit enfin le jour

Vendredi 8 décembre, la première ministre britannique, Theresa May et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker se sont accordés pour mettre fin à la première phase des négociations entamée en juin dernier. Le droit des citoyens, le sort de la frontière irlandaise, et le coût du divorce sont les grandes lignes du compromis trouvé. Mais comme le souligne Michel Barnier, le négociateur de l’UE, « il faut encore le travailler, le consolider, le préciser ». Theresa May a assuré qu’il n’y aurait pas de frontière dure avec l’Irlande.
Jean-Claude Juncker a affirmé que pour les expatriés « leurs droits resteront les mêmes après le Brexit ». Mais l’UE a cédé sur un élément : le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est affaibli. Le recours à cette instance sera facultatif et les tribunaux britanniques pourront « l’interroger » pendant huit ans sur des dossiers portant sur les droits des citoyens immigrés. Mais Theresa May a dû céder pour le prix du divorce. D’abord évaluée à 20 milliards d’euros par les Britanniques, la facture devrait finalement avoisiner les 50 milliards d’euros.

Yémen : l’ex-président Saleh est mort, tué par des rebelles houthistes

Lundi 4 décembre, l’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh, a été tué par des rebelles houthistes. Après 33 années passées au pouvoir, il a été poussé à la démission en 2012 par une partie de la population et par la communauté internationale. Son successeur n’a pas pour autant réussi à améliorer la situation. En 2014, le mouvement rebelle houthiste (une branche minoritaire du chiisme), parvient à prendre la capitale, Sanaa, grâce à son alliance avec Ali Abdallah Saleh. Depuis deux ans, le Yémen traverse une guerre qui a coûté la vie à déjà plus de 9 000 victimes. À cela s’ajoute une crise humanitaire sans précédent.

Honduras : les résultats de l’élection divisent le pays

Plus de 5 000 personnes ont défilé à Tegucigalpa, la capitale du Honduras vendredi 8 décembre pour s’indigner des résultats du scrutin du 26 novembre. D’après le Tribunal suprême électoral (TSE), le président sortant, Juan Orlando Herlandez du parti national remporte l’élection avec 42,98% des suffrages contre 41,38% pour Salvador Nasralla, de l’Alliance de l’opposition contre la dictature. Ce dernier a appelé ses sympathisants à manifester et à porter plainte contre le président du TSE. Un recomptage des bulletins est en cours depuis jeudi avec la présence de membres de la société civile et d’observateurs de l’Organisation des Etats américains (OEA) et de l’UE. Mais les représentants de l’opposition n’ont pas voulu y participer. Les résultats définitifs seront prononcés lundi 11 décembre.

Catalogne : l’Espagne retire le mandat d’arrêt européen lancé contre Carles Puigdemont

Mardi 5 décembre, le Tribunal Suprême espagnol a retiré le mandat d’arrêt international lancé contre l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, et quatre autres membres de son ancien gouvernement, réfugiés en Belgique depuis le 27 octobre.
Pour justifier sa décision, le tribunal a expliqué que les responsables catalans avaient manifesté leur intention de revenir en Espagne. Mais ce retrait permet également d’éviter que l’affaire ne soit traitée par la justice belge ou européenne.
Néanmoins, le juge maintient le mandat d’arrêt espagnol contre eux. S’ils reviennent en Espagne, ils seront arrêtés pour rébellion et sédition.

Et pour prolonger le voyage, il s’est également passé…

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