Nationalisme corse et catalan : victoire identitaire ou politique de l’identité ?

Y-a-t-il une issue à la crise catalane ? À l’heure de la multiplication des mandats d’arrêt à l’encontre des dirigeants indépendantistes catalans, Haut Courant revient sur leur victoire aux élections et la source de ce nationalisme auprès de trois experts : les chercheurs Juan Moreno et Christophe Roux, et le président de l’amicale des Corses de Montpellier, Christian Castelli. Analyse.

Le 21 décembre 2017, les élections catalanes ont accordé de nouveau une majorité absolue aux partis indépendantistes avec les deux listes « Junts pel Si » (JuntsxCat et ERC-CatSi) et la Candidature d’unité populaire (CUP, extrême gauche). Les indépendantistes catalans ont obtenu 70 des 135 députés régionaux, pour 47,5% des voix. Le Parti populaire s’est effondré, tombant à 3 sièges contre 11 aux élections de 2015. Le président destitué de la région et réfugié à Bruxelles, Carles Puigdemont, s’est satisfait de ce résultat. La tête de liste du parti libéral et anti-indépendance Ciudadanos, Ines Arrimadas, a remporté 1,1 million de voix et 37 sièges au parlement catalan mais elle ne dispose pas d’alliés pour former un gouvernement. Ce parti est né en 2006 afin de se mobiliser contre les politiques nationalistes.

Dimanche 10 décembre, le second tour des élections territoriales en Corse a donné une large victoire à la liste nationaliste « Pè a Corsica » avec plus de 67 000 voix, soit 56,5% des suffrages exprimés, pour une participation de 52,6%. La coalition, menée par l’autonomiste Gilles Simeoni et l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, a ainsi remporté 41 des 63 sièges de l’Assemblée de Corse.

Suite à ces deux victoires, les réactions se sont enchaînées. Du côté des Catalans, le président indépendantiste sortant du gouvernement régional, Artur Mas, a revendiqué la victoire, en lançant : « Nous avons gagné ! » « Le oui l’a emporté, mais c’est aussi la démocratie qui a gagné. Nous avons un mandat démocratique (…), nous avons une énorme légitimité pour aller de l’avant avec notre projet ». Du côté de l’Île de Beauté, Michel Castellani, député nationaliste de la première circonscription de la Haute-Corse, a déclaré : « Le gouvernement doit maintenant prendre en compte la volonté des Corses de vivre démocratiquement leur autonomie. Il doit cesser de mépriser leurs élus et élaborer avec eux le cadre institutionnel de l’île. »

Regards croisés sur « la question catalane »

Si pour la Corse, les revendications d’indépendance ne sont pas d’actualité, elles le sont pour la Catalogne. Christophe Roux dans La Démocratie espagnole évoque cette « question catalane au coeur des tensions qui fragilisent la gouvernabilité de l’Espagne ». Se pose alors le problème de la légalité constitutionnelle. Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, en appliquant l’article 155 de la constitution de 1978, a défendu « l’intérêt général de l’Espagne », affirmait-il. Cette légalité imposée par Madrid se fonde sur la constitution, votée par le peuple. La légitimité populaire à laquelle s’attachent les indépendantistes n’est donc pas à un seul sens. Le fondement juridique d’une démocratie semble intrinsèque à sa nature.

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Christophe Roux est professeur de science politique à l’Université Nice Sophia Antipolis et chercheur au CEPEL de l’Université de Montpellier. Il est l’auteur de Corse Française et Sardaigne italienne. Fragments périphériques de construction nationale (2014) et de La Démocratie espagnole. Institutions et vie politique (2016), co-dirigé auprès d’Hubert Peres.
Selon lui, l’État espagnol souhaite maintenir l’intégrité de son territoire, dès lors, « il n’a aucun intérêt à l’indépendance de la Catalogne ».
Juan Serrano Moreno, chercheur à l’Université de San Diego au Chili, docteur en science politique à l’Université Paris Sorbonne et avocat membre du barreau de Madrid, rappelle l’illégalité actuelle d’un tel référendum qui nécessiterait une « révision de la constitution, accompagnée de la dissolution du gouvernement ainsi que d’élections générales puis régionales ». De plus, il précise que « leur revendication d’une autonomie fiscale ne pourra être acceptée. Elle existe au Pays Basque mais c’est une anomalie ». La Catalogne a par ailleurs « plus de compétences qu’un état fédéral, comme un lander en Allemagne » souligne-t-il.

Les deux chercheurs s’accordent sur la radicalisation programmée des nationalistes catalans. Selon Juan Moreno « le parti nationaliste catalan, qui a voté l’investiture du premier mandat de Rajoy, s’est reconverti en parti indépendantiste ». Christophe Roux confirme ce conflit ouvert avec Madrid engagé lors de l’organisation du référendum : « On opposait une logique politique à des règles juridiques (…) c’est fait pour entrainer une réaction de l’état espagnol qui servira à fonder la critique catalane qui consiste à dire que l’état espagnol est antidémocratique, en empêchant leur expression, en brimant leur liberté et en niant les droits qu’ils revendiquent ». À cet effet, Juan Moreno rappelle que « l’actualité médiatique n’est pas toujours le reflet de la réalité sociale et politique » et que les catalans connaissaient les conséquences de ce référendum illégal : « L’arrestation de leurs leaders politiques et les violences policières faisaient partie de leur stratégie ». Si l’Union Européenne (UE) n’a pas réagi, c’est d’ailleurs car « il n’y a pas eu de violation des droits fondamentaux car l’Espagne reste un état de droit donc nul besoin d’ingérence internationale » précise-t-il. L’indépendance de la Catalogne aurait par ailleurs engendré sa sortie de l’UE, comme l’expliquait la Commission Européenne dans un communiqué du 2 octobre. Cette potentielle sortie de l’UE faisait partie du mensonge fait à l’opinion publique, selon Juan Moreno, lorsque Carles Puigdemont avait annoncé que l’UE les soutiendrait et que les entreprises ne fuiraient pas de la Catalogne.

Naissance d’une identité propre et nature des revendications nationalistes

Mais alors comment a-t-elle pu naître une telle identité catalane ? Selon Christophe Roux, elle s’est appuyée sur un « climat favorable en Espagne, marqué par une crise économique forte post-2008 et une désaffection des partis traditionnels ». Cette identité catalane, semblable à l’identité corse, repose sur trois dimensions « une dimension culturelle avec une langue régionale et une histoire propre, comme en Corse. Une dimension socio-économique avec une protestation des riches et un sentiment d’injustice, pour la Catalogne, affirmant être la région la plus dynamique d’Espagne, et à l’inverse, en Corse comme en Sardaigne, où la pauvreté de la région est présentée comme un motif de grief et de critique de l’état central. Ils affirment que l’État les néglige de par une situation structurelle défavorable. Enfin, une dimension politique avec une volonté d’autonomie, en terme de pouvoirs institutionnels ».

Christian Castelli, ex-directeur de la filiale de Totale en Corse, est l’actuel président de l’amicale des Corses de Montpellier, créée sous forme de mutuelle avant 1900. Il affirme que l’identité corse est fondée sur « un attachement à sa famille, à son village d’origine, à ses traditions et à sa terre » ; Mais aussi sur une histoire dont ils sont fiers : « on a dénoncé aucun juif à Vichy et on s’est auto-libérés en 1943 ». Mais la nature des revendications diffère de la Catalogne, puisqu’ils ont en commun « la co-officialité de la langue corse voulue » mais réclament aussi « la possibilité de légiférer sur le domaine quotidien, comme pour le logement, en appliquant le principe de subsidiarité, ainsi que de rapprocher les prisonniers politiques corses ». Parmi les 48% de nationalistes corses « seulement 7% sont indépendantistes contre un grand nombre d’autonomistes » précise-t-il. Ils réclament une plus grande autonomie de gestion, en dehors des pouvoirs régaliens. Selon Christian Castelli, entre la victoire aux élections et la création d’une collectivité unique avec 5000 fonctionnaires, « leurs revendications vont devoir être écoutées par le gouvernement car c’est l’expression de la démocratie ». Il rappelle que dans les années 1970, l’Action Régionaliste Corse (ARC) s’est heurtée au pouvoir clanique des partis politiques majoritaires (RPR et PRG à l’époque) qui avaient la main mise sur le territoire. Reste à voir si La République en Marche d’Emmanuel Macron sera favorable à l’ouverture d’un dialogue.

Construction d’une « nation catalane artificielle » et « différenciée de la vie politique de l’Espagne » – Juan Moreno

Juan Moreno dément l’existence d’un processus de construction nationale remontant à cinq siècles, comme l’affirmait Josep Fontana. Selon lui, cette identité nationale date de « la fin de la transition démocratique, dans les années 1980, faisant suite à l’autonomie catalane, obtenue par référendum en 1979. Ainsi commence le processus de construction du nationalisme avec la Catalogne qui obtient une administration régionale et des organes représentatifs propres ». Un fait important à souligner est l’absence de l’État dans ce processus de construction nationale, Juan Moreno l’explique : « avec la forte décentralisation et l’état des autonomies, on a transféré les compétences d’éducation et de contrôle des médias publics du centre vers la périphérie ». On se retrouve ainsi avec « un espace public différencié de la vie politique de l’Espagne où le Parti populaire, premier parti national, se retrouve cinquième en Catalogne ».

Christophe Roux rappelle dans son ouvrage La Démocratie espagnole que « en envisageant l’État-nation comme un idéaltype, il est possible d’appréhender l’Espagne comme (un) État-nation en dépit de la Catalogne ». Cependant, les communautés de l’article 151 ont reçu plus de compétences et de ressources, ainsi le processus de nation building est asymétrique en fonction des 17 communautés autonomes : « l’asymétrie juridique entre territoires (…) a posé les bases d’un système instable par nature », rappelle l’auteur.

Cette instabilité se retrouve également dans la complexité identitaire de la population catalane. En effet, dans une enquête du Centro de Investigaciones Sociologicas (CIS), reprenant le questionnaire de Juan Linz, publiée en septembre 2015, 42,1% des sondés se déclaraient « autant espagnol que catalan » ; 25,1% « plus catalan qu’espagnol  » ; 21,5% « uniquement catalan », 5,3% « uniquement espagnol » et 4,4% « plus espagnol que catalan ». Cependant, le réveil des anti-indépendance ne date pas des dernières élections puisque depuis les années 90 les espagnolistes affirment « que l’Espagne ne peut se concevoir que comme une nation unitaire », rappelle Christophe Roux. Cette thèse a été un temps discréditée par le franquisme, puis « le Parti populaire a eu abondamment recours, entre 1996 et 2004, à la thématique du ‘patriotisme constitutionnel’ » pour y remédier.

Néanmoins, ces nationalistes de Madrid sont souvent discrédités, comme le rappelle Juan Moreno : « Il y a un mythe de supériorité culturelle et économique de la Catalogne face au reste de l’Espagne qui serait plus développée, plus démocratique car les catalans seraient plus travailleurs, plus compétents et plus intelligents ». Cela remonte à leur origine de bourgeoisie industrielle. C’est d’ailleurs un mythe qu’entretient le réseau clientélaire pro-nationaliste de l’élite catalane, constitué de « 3000 personnes activistes-militants financés par la Catalogne » selon Juan Moreno.

Alors que Carles Puigdemont signait le 11 octobre la déclaration d’indépendance de la Catalogne, Artur Mas avait déjà initié ce processus lorsqu’il était président de la Généralité suite à une résolution votée le 9 novembre 2015, par le parlement catalan, qui proclamait le « début du processus de création de l’État catalan indépendant sous la forme d’une république ». D’une déclaration unilatérale à une autre, sur fond de construction nationale protéiforme, l’indépendance de la Catalogne semble être compromise. À tel point que l’indépendance de la Corse, souhaitée « pas avant 15 ans » selon Christian Castelli, se concrétisera peut-être avant.

Honduras : le mirage démocratique

Une nouvelle crise politique frappe le pays d’Amérique Centrale, longtemps miné par une guerre civile. Depuis l’élection présidentielle du 26 novembre, le nom du vainqueur n’a toujours pas été proclamé. Retour sur une situation politique explosive avec le chercheur Christophe Ventura.

Les Honduriens auront-ils un président pour Noël ? Rien n’est moins sûr tant la situation dans ce petit pays d’Amérique Centrale est confuse. Le 26 novembre 2017, les neuf millions d’habitants du Honduras étaient appelés aux urnes pour l’une des élections présidentielles les plus scrutées au plan international avec la présence de 16 000 observateurs, venus notamment de l’Union Européenne et de l’Organisation des États Américains (OEA). « La question qui se posait était de savoir si le Honduras pouvait organiser une élection réellement démocratique », remarque Christophe Ventura, spécialiste de l’Amérique Latine à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques et Internationales). Le scrutin s’est déroulé sans violence mais non sans fraudes.

Honduras, situé en plein cÅ“ur du continent américain. À ce jour, les deux principaux candidats revendiquent toujours la victoire de leur camp… Une catastrophe pour un pays comptant parmi les plus corrompus de la planète et qui « détient la palme mondiale du nombre de personnes tuées, devant le Salvador notamment » s’exclame le chercheur. Le Honduras compose avec le Guatemala et le Salvador le fameux « Triangle du Nord » centraméricain connu pour être la principale plaque tournante du narcotrafic du continent.

Une énième crise démocratique

Cette élection à un tour a vu s’affronter, le 26 novembre, le président sortant Juan Orlando Hernandez du Parti National (Conservateur) face à un ancien journaliste très populaire dans le pays : Salvador Nasralla. Ce dernier se présentait sous la bannière des progressistes de l’Alliance de l’opposition contre la dictature, soutenue notamment par l’ancien président déchu Manuel Zelaya. « Il faut savoir qu’Orlando Hernandez est un rejeton de l’oligarchie hondurienne, souligne Christophe Ventura. Il contrôle les principales institutions du pays comme le Tribunal Suprême Électoral (TSE) et la Cour Suprême ce qui lui a permis de se représenter ». La Constitution hondurienne interdisait pourtant à un président d’effectuer plus d’un mandat. Si l’élection a bien eu lieu le 26 novembre, il a fallu attendre plusieurs jours avant que le Tribunal Suprême Électoral se décide à annoncer les résultats signifiant que le président sortant Juan Orlando Hernandez recueillait 52 000 voix d’avance sur son principal concurrent. Des résultats immédiatement attaqués par Salvador Nasralla dénonçant une « manipulation électorale ». Nombreuses, en effet, sont les zones d’ombre planant sur ces résultats puisque « Salvador Nasralla disposait, lors du dépouillement, de 57% des bulletins. Une avance de plus de cinq points ce qui est techniquement irréversible », affirme Christophe Ventura. Or, une panne informatique et la saisie de certaines urnes non dépouillées par les militaires ont inversé le résultat quelques jours plus tard. Depuis, le pays est plongé dans une dangereuse crise démocratique.

Salvador Nasralla, principal opposant de Juan Orlando Herndez.

Le coup d’État «légal» de 2009

« Le point de départ de cette crise, c’est la destitution en 2009 de l’ancien président Manuel Zelaya (Parti Libéral-centre droit)  », explique le spécialiste du Honduras. Une destitution qui est en réalité un coup d’ État « légal ». Un véritable oxymore. « C’est l’innovation hondurienne de 2009, sourit Christophe Ventura. C’est en fait une alliance entre le TSE et le Congrès hondurien qui a ouvert la possibilité de destituer le président à la manière de « l’impeachment » américain ». Une destitution légale aux motifs extrêmement contestables. Cette révocation liée aux politiques redistributives menées par le président Manuel Zelaya heurtait les secteurs les plus conservateurs de la société hondurienne. Mais c’est surtout « la décision de Zelaya d’intégrer le Honduras au sein de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase  », reprend le chercheur de l’IRIS. Un choix qui a déplu y compris au sein de son propre parti, mais surtout aux États-Unis qui ont fortement décrié cette position. Cet avis américain pèse lourd puisque le pays a été, pendant la deuxième moitié du XXe siècle, une base arrière des États-Unis dans leur lutte contre les guérillas communistes. Le pays, jadis l’archétype de la république bananière, reçoit encore aujourd’hui d’importantes sommes d’argent de la part de l’oncle Sam.

Une démocratie malade

Si le début de cette crise démocratique date de 2009, les élections présidentielles de 2013 n’ont rien arrangé. Lors de la première élection de Juan Orlando Hernandez, les nombreux observateurs de l’OEA avaient déjà émis de sérieux doutes concernant la validité du scrutin. « Aujourd’hui néanmoins, un autre stade semble avoir été franchi, clarifie Christophe Ventura. Orlando Hernandez a été trop loin et ceux qui le soutenaient au niveau international sont en train de le lâcher, notamment les États-Unis ».

Un mouvement amplifié par la pression de l’Union Européenne et l’OEA sur Orlando Hernandez pour un recomptage des voix, voire un nouveau scrutin. Recomptage que le président sortant a fini par accepter mardi 5 décembre, qui n’a pas convaincu l’opposition. Celle-ci réclame l’annulation du scrutin. Une situation périlleuse pour le « vainqueur » de l’élection qui cherche, selon Christophe Ventura, « à négocier avec son opposant afin d’éventuellement mettre sur pied un gouvernement d’union nationale temporaire ».

En attendant, le Honduras est paralysé depuis plusieurs jours par un couvre-feu défié par des manifestations quasi-quotidiennes. On dénombre déjà 14 morts parmi les manifestants et les policiers selon un rapport d’Amnesty International. Des spectres de la guerre civile auxquelles Christophe Ventura ne croit pas, jugeant ce risque « très peu probable ».

Second tour des régionales: Carole Delga renverse le Front national

Ce 13 décembre 2015 marque le deuxième tour des élections régionales. En France métropolitaine, Les Républicains arrivent en tête dans six régions sur treize. Le Parti socialiste dans cinq dont le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Le Front national n’emporte aucune région mais place tout de même 358 conseillers en France. « C’est une défaite victorieuse », fanfaronne Gilbert Colard, député frontiste du Gard. Malgré la défaite le Front national réalise son meilleur score national avec 400 000 électeurs de plus par rapport aux présidentielles de 2012.

Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées divisé

Le taux de participation passe de 52% à 62% soit une évolution de 401 425 électeurs supplémentaires. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées le second tour a mobilisé. Carole Delga, tête de liste de l’union de gauche, a réussi son pari. Elle gagne aisément la présidence de la région avec 44,8% des voix. L’alliance du Parti socialiste avec le Nouveau monde de Gérard Onesta a porté ses fruits.

Louis Aliot, en tête du premier tour, réussi à séduire plus de 172 000 nouveaux électeurs. La défaite du Front national est donc à relativiser. Report de voix ou mobilisation frontiste d’entre-deux tours, le FN se consolide notamment dans le Gard et les Pyrénées-Orientales où il arrive en tête.

Le « ni retrait ni fusion » de Dominique Reynié, tête de liste de l’union de la droite, lui assure 25 sièges au conseil régional de Toulouse. Même l’Aveyron, fief natal du politologue, ne lui octroie que la deuxième place.

Si la fusion n’avait pas eu lieu, le Languedoc-Roussillon aurait probablement eu comme président de région Louis Aliot. Une nette division est visible avec le Midi-Pyrénées qui reste rose puisque le FN n’arrive à prendre la tête d’aucun de ses départements.

40 conseillers régionaux siégeront à Toulouse sous les couleurs du Front national. Leur part est considérable, puisqu’ils sont plus nombreux que les conseillers régionaux LR-UDI (25). Les 93 autres sièges seront occupés par les élus de l’union de la gauche. Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est la seule région de France où le FN a plus de conseillers que l’union de droite.


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Voici commune par commune le résultat du deuxième tour en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (en noir les communes où le FN est en tête, en rose l’union de la gauche, en bleu l’union de la droite) :

Au plan national un rapport de force plus équilibré

À l’échelle nationale le parti de Nicolas Sarkozy est en tête dans sept régions : Normandie, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Alsace-Champagne-Ardenne, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Ile-de-France. En 2010, la droite n’avait que l’Alsace, aujourd’hui elle est majoritaire. Le retrait de deux listes socialistes au nord et au sud leur a permis de former un front républicain contre le FN.

L’union de la gauche menée par le Parti socialiste se contente de cinq régions : la Bretagne, l’Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire. La perte de sept régions anciennement socialistes semble exprimer le mécontentement des électeurs envers la gauche gouvernementale.

Particularité corse, la région passe aux mains du nationaliste Gilles Simeoni tête de liste « Pè a Corsica ». Il rafle 45% des suffrages.



Tous les résultats par région sont disponibles sur cette carte interactive (cliquez sur la capitale de votre région pour découvrir les résultats) :

Beaucaire : la résistance au FN fragmentée

La ville gardoise dirigée par le Front national a voté au premier tour à 60 % pour le parti de Marine Le Pen. Fragmentée au plan politique comme associatif, la résistance anti-FN peine à proposer une alternative. Reportage dans le maquis beaucairois de l’entre-deux-tours.

Parties à la recherche des opposants au FN, nous sommes arrivées sous la grisaille dans une ville tourmentée en ce mardi 8 décembre d’entre-deux-tours. 16 000 personnes vivent à Beaucaire, mais personne ne s’aventure sur les pavés glissants de la ville. En votant à 60 % FN au premier tour des régionales, Beaucaire s’octroie le score frontiste le plus élevé du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Les opposants politiques et associatifs n’ont pas déserté la ville, mais le frontiste Julien Sanchez maire de Beaucaire, semble tirer des avantages de leurs bisbilles intestines.

Une résistance associative mise à mal

Le milieu associatif beaucairois est structuré par le sport, la culture et la politique. Pilier de l’opposition au Front national, le Rassemblement citoyen de Beaucaire (RCB) a été créé par quatre habitantes et compte aujourd’hui une vingtaine de membres. La blogueuse Laure Cordelet, une des fondatrices, habite la ville depuis quatre ans. « Avant je n’étais pas du tout politisée, je venais d’une famille de droite. Je votais centre-droit. Mais avec l’élection de Sanchez, la parole raciste s’est libérée. C’est là que j’ai décidé de créer le Rassemblement ». Ateliers d’instruction civique, manifestations et conférence sont les principaux moyens d’action de l’association.

« Mon combat principal reste les municipales », confie-t-elle. D’où une moindre mobilisation pour ces régionales, malgré une distribution de tracts anti-FN dans les boîtes aux lettres des quartiers abstentionnistes de la Moulinelle et du centre-ville. L’association ne reçoit « aucune subvention, ce qui nous permet de dire merde à qui on veut », même si elle regrette de se battre avec peu de moyens. « C’est plus difficile de résister ».

L'édile Julien Sanchez dans son bureau empli de symboles français. Dans son grand bureau de l’hôtel de ville, Julien Sanchez connaît bien Laure Cordelet. « Son cas relève de la psychiatrie», lâche-t-il. Le jeune élu frontiste dit bien s’entendre avec le monde associatif beaucairois. Cela ne l’empêche pas de dénigrer le RCB: « On a donné un sens à leurs vies. Qu’elles continuent, ça nous fait monter ». Laure Cordelet s’en amuse : « Je sais très bien qu’il me prend pour une folle hystérique ».

Il suffit d’arpenter les rues aux côtés de Laure pour s’apercevoir qu’elle a la côte. En quelques mètres, quatre personnes l’accostent au long du canal, entre bavardages et accolades. « Mieux vaut ne pas être pressée », glisse-t-elle.

Au sein même de la résistance, les avis divergent à son sujet. « Elle fait un gros travail de diffusion, mais elle sert malgré elle de porte-voix au FN », affirme Claude Dubois, ancien conseiller municipal de l’opposition Front de gauche. Maxime créateur du groupe Facebook Les Beaucairoiseries, pense que « les gens ne la prennent plus trop au sérieux mais c’est dommage car on a besoin d’elle ». Des propos révélateurs de leurs difficultés à se fédérer. Les pôles d’oppositions existent mais ne sont pas à la hauteur de la montée du FN.

D’autres associations ont subi une coupe budgétaire. « Le principal rempart au FN c’est le monde associatif. Ce que fait Sanchez à Beaucaire, c’est enlever des subventions aux assos qui créent du lien social, comme l’aide scolaire. Donner des subventions, c’est reconnaître leur intérêt public », relève Sylvie Polinière, ancienne enseignante à Beaucaire et militante CGT, dans les locaux nîmois du syndicat.

L’enjeu pour ces associations est de trouver des moyens d’existence en dehors des subventions publiques. Le monde associatif beaucairois est sinistré. Il ne constitue pas à ce jour une opposition suffisamment forte pour enrayer l’ascension du Front national. La difficulté est d’autant plus forte pour la gauche de s’installer dans une région historiquement monarchiste et conservatrice. « L’arrivée des rapatriés d’Algérie et d’une main d’œuvre maghrébine ont créé des tensions. Ces deux populations ont dû cohabiter », explique Michel Crespy, sociologue gardois. Après avoir essayé le communisme il y a trente ans, ni la gauche ni la droite classiques n’ont su prendre le relais. Avec un chômage avoisinant les 20 % et des incivilités récurrentes, les Beaucairois se sont divisés, tout comme leurs représentants. Et le maire s’en frotte les mains.

Une opposition partisane incapable de s’unir

Le conseil municipal compte trois groupes d’oppositions : Beaucaire 2014 (divers-droite), Beaucaire pour tous (liste de l’ancien maire Jacques Bourbousson) et Réagir pour Beaucaire (Front de gauche). Cette fragmentation reflète le paysage politique des élections municipales de 2014. Face à Julien Sanchez, quatre listes se sont affrontées sans trouver d’union. « Pour les prochaines municipales, on veut une liste unique, seule condition pour gagner face au Front national », souligne Laure Cordelet du RCB.

Les conseillers de Beaucaire 2014 « ne font que s’opposer pour s’opposer », estime Claude Dubois. L’édile confirme : « c’est une opposition ridicule ». Il préfère celle de l’ancien maire qu’il qualifie de « constructive », et celle de l’unique représentante du Front de gauche. Il n’a même pas besoin d’affaiblir son opposition municipale : elle est déjà en lambeaux.

Une situation qui a conduit Claude Dubois à démissionner de sa fonction de conseiller municipal. « Je me suis mis en retrait, aujourd’hui j’agis seul, je suis un militant ». Amer, cet ancien candidat aux élections municipales de 2014 a baissé les bras et préfère aller prêcher la bonne parole dans le bar Le Romain.

Remy Vidal et Laure Cordelet, deux manières de s'opposer au Front national. « Le paysage politique beaucairois est en situation de mort clinique. La ville est abandonnée, tout est centralisé à Nîmes », analyse Rémy Vidal, secrétaire départemental de la fédération gardoise du Parti radical de gauche (PRG). Aucune antenne locale de parti n’est présente à Beaucaire. Ils ont déserté le champ de bataille. Le PRG lui-même n’a rien entrepris pour contrer le FN dans le cadre des régionales. Rémy Vidal préfère construire les fondations d’une section départementale qui puisse mobiliser autour d’un « projet collectif ».

Mal organisée, divisée, voire inexistante, l’opposition institutionnelle fait le jeu du FN en lui permettant de se maintenir. « Julien Sanchez est installé pour longtemps », conclut le sociologue Michel Crespy.


Faire renaître une résistance citoyenne

La ville se retrouve totalement assommée. « Certaines personnes ont peur de s’opposer. Dès que le Front national a quelqu’un dans le nez, il fait tout pour l’enterrer », confie la militante CGT Sylvie Polinière. La ville est divisée entre ceux qui soutiennent le FN et ceux qui sont contre. Conséquence : plus personne n’ose parler, comme si la loi du silence régnait.

« Rue nationale » à Beaucaire. Un lieu où les commerçants, d’origine maghrébine pour la plupart, sont visés par un arrêté municipal jugé discriminatoire par les concernés. Preuve de la défiance ambiante, l’un d’eux nous déroule un discours pro-frontiste de façade. « Le FN apporte du bien c’est un bon patron. Il y a des barbus qui nous pourrissent », nous explique cet épicier marocain. Un discours ambigu. Intriguées, nous lui garantissons son anonymat et celui-ci nous livre une toute autre version. « Je veux qu’on me montre du doigt en tant qu’arabe qui réussit. Je ne veux pas de problème avec la mairie, je suis commerçant ».

Cette méfiance nous l’avons aussi retrouvée au café de Malik, lorsque nous avons abordé quelques clients. « Mais vous êtes des journalistes, vous allez déformer nos propos », lance un des jeunes hommes. Une fois passée la barrière, deux d’entre eux de 27 ans acceptent de s’ouvrir. « Le maire se dit proche des gens, mais ça dépend desquels… moi je ne l’ai jamais rencontré ! », sourit Mohamed. Les régionales ne l’intéressent pas. Il préfère voter aux présidentielles et aux municipales, « sauf si c’est vraiment trop serré avec le Front national », ajoute-t-il. Samir, de son côté, n’a pas le droit de vote mais aimerait l’avoir. Il essaye de s’informer comme il peut, « avec les moyens qu’il a ». Contre le Front national, mais pas résistants pour autant.



Une ville où les habitants ne courent pas les rues à l'image de cette place.

Résistance 2.0. L’opposition citoyenne semble œuvrer davantage sur les réseaux sociaux que dans les rues de la ville. Le groupe Facebook Les beaucairoiseries, créé par Maxime, rencontre un vif succès depuis sa création il y a sept mois. Il a été formé suite à la censure immédiate de posts sur la page officielle de Beaucaire. Aujourd’hui, le groupe compte plus de 1400 membres et « une dizaine de personnes s’ajoutent chaque jour », selon Maxime. On y retrouve certains membres de l’opposition institutionnelle ou associative qui y débattent quotidiennement de politique locale. La résistance citoyenne se fait virtuelle.

« Une opposition constructive ne peut émerger que si le maire fait des actions très impopulaires », prévient Michel Crespy. « Mais Sanchez est quelqu’un de charismatique, jeune et malin ». Un seul espoir : le renouveau du militantisme, par la jeunesse et le dialogue. « C’est la jeunesse qui doit se bouger. À un moment donné, ils n’accepteront plus ça », conclut Sylvie Polinière. Nous quittons une ville illuminée par des décorations de Noël bleu marine, qui donne l’impression que la couleur du Front national a même envahi la ville. Beaucaire semble s’être résignée à moyen et long terme.

À la Mosson, l’abstention rime avec sanction

Lors du premier tour des élections régionales le 6 décembre, 70% des électeurs de la Mosson à Montpellier se sont abstenus. Une tendance habituelle dans ce quartier miné par les inégalités sociales, le désenchantement politique, mais aussi sensible à l’état d’urgence et à l’islamophobie. Une accumulation qui se traduit par un malaise palpable. Reportage.

Une ville dans la ville. Un quartier à perte de vue, avec ses tours et ses logements sociaux à profusion. 26 000 habitants, dont moins de la moitié (11403) inscrits sur les listes électorales. Et 23% de taux de participation enregistré dans le bureau de vote Heidelberg (B90) au premier tour des élections régionales 2015. La Mosson, plus communément appelée la Paillade, est caractéristique de ces quartiers populaires où l’abstention prospère. Une tendance qui s’explique à la fois par des critères sociologiques, de trop fortes contraintes procédurales pour pouvoir voter, et un profond désenchantement politique.

Un « No man’s land électoral »

« L’abstention bat des niveaux record dans les quartiers populaires ». Dans son bureau de l’Université de Montpellier, Jean-Yves Dormagen, chercheur au CEPEL (Centre d’Etudes Politiques de l’Europe Latine) et spécialiste de l’abstention, accumule les dossiers d’enquêtes qualitatives à ce sujet. Il explique s’être intéressé à ce phénomène à la Mosson en 2011 : « Il y a des caractéristiques sociologiques qui favorisent l’abstention dans ce quartier. Les électeurs sont plus jeunes, peu diplômés, de parents étrangers, souvent peu ou pas qualifiés. La désinsertion, due au décrochage scolaire et au chômage, y contribue également ». Un « No man’s land électoral », que les chiffres révélés dans un rapport préfectoral en 2012 tendent à confirmer : 31 % d’habitants de nationalité étrangère (contre 11 % pour l’ensemble de Montpellier), un taux de chômage de 46 % chez les moins de 26 ans, 12 500 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et 45% de la population sans diplôme.

Et les procédures pour s’inscrire sur les listes électorales n’arrangent rien : « Sur cet aspect, on est encore au Moyen-âge. C’est absurde », lance l’auteur de La démocratie de l’abstention. « Il faudrait une réforme radicale de l’inscription sur les listes et de la procuration, notamment grâce à des démarches en ligne », explique-t-il. Une alternative virtuelle, qui permettrait de lever de réelles barrières dissuasives pour les jeunes des quartiers populaires. Et si les bureaux de proximité sont censés permettre d’éviter les trajets jusqu’au centre-ville, c’est raté pour cette année : celui de la Mosson n’a pas été ouvert en septembre pour ceux qui auraient souhaité s’y inscrire.

Des jeunes peu informés, une campagne inexistante

Dans un petit local situé dans le secteur dit Oxford, au cœur de la Paillade, Ilham a ouvert l’association « Union pour l’avenir » (UPA). Elle a choisi de s’occuper de l’accompagnement et de l’insertion des jeunes du quartier (de 18 à 25 ans). « Le vote est un devoir civique, c’est donc important. J’essaye de les sensibiliser aux enjeux électoraux ». Une démarche pas toujours évidente… Car même si les jeunes sont « réceptifs », ils manquent cruellement d’informations, mais aussi de culture politique. « On ne parle du vote que pendant les élections. Il faudrait leur en parler dès le lycée ». Par ailleurs, les « décrocheurs scolaires » pâtissent particulièrement. Beaucoup n’accomplissent pas leur JDC (Journée défense et citoyenneté, ex-JAPD) et ne peuvent, par conséquent, pas s’inscrire sur les listes et voter.

La campagne électorale aurait peut-être pu encourager les habitants à se rendre aux urnes. Mais Djamel Boumaaz, natif du quartier qui vient de quitter le Front National, s’exclame : « Il n’y a pas eu de campagne ici ! On n’a reçu aucun programme ou bulletin de vote dans les boîtes aux lettres, il n’y a pas eu de démarchage, et pas de rabatteurs devant les bureaux de vote dimanche », poursuit-il, avant de rappeler qu’en plus de tout ça, les magasins étaient ouverts à l’occasion des fêtes de fin d’année.

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Du désenchantement à l’indifférence

Attablé dans une boulangerie très fréquentée de Saint-Paul, Adil observe, soucieux, la pluie battante à l’extérieur. Ce père de famille de 39 ans fait partie des 70% de Pailladins qui ne se sont pas déplacés au bureau de vote dimanche 6 décembre. Et il le revendique : « Sur Facebook, j’ai appelé à ne pas voter, à sanctionner ce gouvernement de menteurs », argue-t-il. Ce militant associatif qui se bat depuis 20 ans contre les injustices sociales se dit « démoralisé » : « Le vote n’a jamais rien changé pour nous. On doit se battre pour des choses banales, comme un simple terrain de foot », explique-t-il, en jouant nerveusement avec des grains de sucre éparpillés sur la table.

Gauche, droite… Les habitants ne font simplement plus la différence. Un désenchantement pour ces électeurs de François Hollande, parfois anciens sympathisants PS. Mohamed*, autre militant associatif de la Mosson âgé de 36 ans, avait adhéré au parti pendant quelques temps. Mais depuis deux ans, il n’a pas renouvelé sa carte d’adhésion : « Je ne me reconnais plus dans la classe politique actuelle. La gauche et la droite nous servent le même baratin », regrette ce trentenaire, qui n’a pas voté au 1er tour de ces élections régionales.
Autre problème, la défiance envers les politiques : « Les élections sont devenues un business. Les jeunes n’ont plus envie qu’on marchande leur voix. Les candidats ne sont plus crédibles à leurs yeux, ils n’y croient plus », ajoute Ilham.

Par la force des choses, les habitants de ce quartier ont appris à faire avec… Ou plutôt sans. Ismaël*, assis aux côtés d’Adil, pense qu’il fait partie de ceux qui ne comptent pas. Il explique, avec beaucoup de sérénité, qu’une certaine forme de « résilience », s’est installée avec le temps dans le quartier : « C’est dans notre culture. Si on ne nous donne rien, on apprend à se débrouiller en pensant que c’est la loi de la nature. » C’est bien un mépris réciproque qui existe désormais entre les habitants et les politiques, mais un « mépris sans colère… Une indifférence paisible », souligne-t-il.

Le FN ne fait plus peur

Dans ce contexte, plus rien n’effraie les Pailladins. Le risque FN, autrefois argument choc pour mobiliser les électeurs, ne marche plus. Ismaël raconte qu’il entend souvent, au détour d’une phrase, « on n’a pas peur du FN, on s’en fiche ». Adil, quant à lui, affirme que « le PS applique déjà les idées du FN. Avec l’état d’urgence, on cible une communauté. Les perquisitions, les bavures, la stigmatisation ou la déchéance de nationalité… », énumère-t-il, révolté.

Si la montée du Front National ne les effraie plus, certains vont même jusqu’à voter pour le parti : Louis Aliot, tête de liste FN, est arrivé en tête dans deux bureaux de vote du quartier, Heidelberg avec 31,55% et Sedar Senghor avec 35,51% des voix (B89 et B92). « On préfère l’original à la copie ! » s’exclame Adil, avec ironie. « Au moins avec eux, on sait à quoi s’attendre ». Un résultat à la fois surprenant et alarmant, dans un quartier où la population est souvent d’origine maghrébine. « Les gens sont perdus », lance Mohamed. « Moi, je n’oublie pas que c’est un parti profondément raciste. Je voterai au 2ème tour car je considère qu’il doit y avoir un sursaut républicain », ajoute-t-il. Et il n’est pas le seul à vouloir faire barrage au parti de Marine Le Pen. Ismaël est catégorique : « J’ai voté au 1er tour car je suis alerté par le danger FN. C’est une autre limonade, et je n’ai pas envie d’y goûter. » Dimanche, lors du second tour des élections, le taux d’abstention devrait être similaire dans ce quartier, où l’espoir semble avoir disparu.

*A la demande de ces personnes, leur nom a été modifié.

Philippe Saurel : 5% et puis s’en va

En dépit d’un score qui lui aurait permis de fusionner sa liste avec celle du PS, le maire de Montpellier a choisi de se retirer. Fidèle à sa stratégie d’indépendance toute, il échoue dans son pari régional, mais confirme son implantation à Montpellier et dans l’Hérault. L’essentiel pour lui.

Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées : le milieu culturel, social et touristique en parle

Ils travaillent dans la culture, le social et le tourisme : trois compétences de la future région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées. Gaston, dessinateur, Frédéric Gal, directeur général de l’association Le Refuge et Frédéric Destaillats, directeur de l’Ecole supérieure de tourisme (EFHT) se penchent sur les enjeux du scrutin des 6 et 13 décembre prochains. Et refont le match des capitales Montpellier – Toulouse.

Autour d’un café pris sur la place de la Comédie, le dessinateur Gaston est dubitatif sur l’avenir de la grande région : « On ne sait pas trop ce qu’ils vont faire de ce territoire qui sera plus grand que la Belgique ! » Pour lui, la culture reste «le parent pauvre» et il n’attend pas plus de subventions de la part de la super institution. «Ce qui va changer, c’est que nous allons traiter avec d’autres personnes. Ce sera plus facile d’être chauvin en rejetant la faute sur Toulouse si on n’a pas d’argent !», ironise ce Montpelliérain.

Frédéric Gal, est plus inquiet. Le directeur général de l’association le Refuge travaille avec la région en menant des actions de sensibilisation contre l’homophobie dans les lycées. Il redoute que la thématique du social soit «noyée dans un flot d’autres compétences».

De son côté, Frédéric Destaillats, directeur de l’EFHT, école privée de tourisme, ne reçoit pas de subvention de l’instance régionale. C’est en toute neutralité qu’il pense que la nouvelle région peut être «une force de frappe» au plan du développement économique, un axe ô combien «essentiel» dans les deux régions : «Il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis ».

Compétences régionales et secteurs professionnels

«Au Refuge, on a la chance ou la malchance d’être sur plusieurs thématiques», précise Frédéric Gal qui souhaiterait voir la compétence sociale de la région couplée avec celle de la santé. L’association est notamment en charge de la prévention sur les thèmes du suicide et des risques sanitaires et sexuels. Elle préférerait donc voir ses actions considérées séparément : «Le suicide au sens général n’est pas la même prise en charge que le suicide lié aux discriminations » .

Du côté de l’EFHT, on parle volontiers de lier la compétence développement économique avec celle du tourisme, nouvellement partagée avec le département : «Le tourisme est une part importante du Languedoc-Roussillon. Il faut que les élus y prêtent une attention particulière en développant les budgets en conséquence et en mettant en commun les atouts des deux régions » . Pour le directeur, on peut par exemple jouer sur les deux aéroports comme levier de développement économique.

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Aucun candidat ou programme privilégié

Malgré leurs secteurs de travail différents, les trois professionnels n’ont clairement pas été touchés par un candidat ou un programme particulier. Frédéric Destaillats a «vaguement entendu» prononcer le mot «tourisme» lors de la campagne. «J’ai surtout vu des candidats se battre sur leur propre liste», plaisante-t-il.

Même son de cloche au Refuge, « ça serait bien de privilégier une politique sociétale plutôt qu’une politique de partis ». Selon Frédéric Gal, bien que tous les politiques aient intégré la notion de discrimination, «les candidats privatisent ce sujet alors qu’il devrait être transversal et orienté sur le respect de l’autre ». Pour lui, le problème reste la mise en place d’actions concrètes : «Dans la campagne, j’aurais aimé que l’on se pose la question de comment agir contre l’homophobie, avant de faire des promesses qui, on le sait, sont rarement tenues » .

Gaston admet avoir «une sensibilité de gauche» mais Carole Delga, la candidate PS, lui semble « trop téléphonée ». Il votera « sûrement écolo au premier tour » et « PS au second ». Et conclut, tonitruant : « La gauche est tellement dispersée ici que ça en devient risible ! S’ils ne sont pas au second tour, on sera la région la plus con de France !»

Montpellier ou Toulouse ?

Comme beaucoup de Montpelliérains, nos trois intervenants adorent discuter le match des capitales. Leurs avis convergent sur la «complémentarité des deux villes». Gaston pointe leur ressemblance : toutes deux étudiantes et dynamiques. Mais pour le dessinateur il est logique que Toulouse l’ait emporté : «La ville est plus grande et le siège d’importantes entreprises » .

Plus que la logique, la flamme Montpelliéraine l’emporte : « Par pur chauvinisme, je choisis Montpellier, évidemment », lance Frédéric Gal. « On va rester local en disant Montpellier », renchérit Frédéric Destaillats. Le directeur de l’EFHT précise néanmoins : «Toulouse a un tourisme d’affaire qu’il n’y a pas à Montpellier, plus tournée vers le balnéaire ». Selon lui, il va être intéressant de mettre les forces en commun « même si Montpellier doit garder une compétence propre ». Et pour Frédéric Destaillats cela doit être le tourisme. Rassembleur, il appelle les élus à « se mettre autour de la table » et à « prendre les décisions de manière intelligente pour éviter que les deux villes ne tirent la couverture vers elle ». Tout ça pour que Montpellier « n’ait pas de complexe d’infériorité ».

Gaston le rejoint sur ce point : « Évitons juste la bagarre ! L’essentiel est que les deux villes marchent main dans la main. Montpellier est deuxième, il faut faire avec et trouver des secteurs dans lesquels elle peut être première ».

Fusion, compétences, candidats, capitales : pour eux trois aucun enjeu particulier n’est pour l’heure ressorti de cette campagne, malgré les nouveautés du scrutin. La nouvelle région reste juste un flou qu’il va falloir vite dissiper.

Philippe Saurel, la bataille électorale sans fin

Son gimmick de « maire à plein temps » n’a duré que quelques jours. Depuis 18 mois, Philippe Saurel court après les scrutins. Une nécessité politique autant qu’une fringale de pouvoir, pour le maire de Montpellier et baron de Caravètes qui, candidat aux régionales, rêve d’étendre son royaume par delà la Garonne.

Cette semaine, nous vous proposons une série d’articles consacrés aux élections régionales. Retrouvez nos portraits et nos vidéos dans notre dossier.

Seul . Philippe Saurel ne cesse de braver les appareils partisans, il en a même fait sa marque de fabrique. Le chirurgien-dentiste de profession, ne pose presque plus de couronnes mais cherche plutôt à les conquérir. Après la mairie de Montpellier et l’agglomération dans la foulée, le voilà de nouveau en campagne avec ses « Citoyens du Midi ». Objectif : devenir « faiseur de » roi de la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées.

Perdre sa famille politique – le parti socialiste – n’a pas endeuillé ce quinqua « montpelliérain de souche ». Bien au contraire. Il a transformé son éviction du PS en Janvier 2014, en un acte politique fondateur. Depuis, il n’en finit pas de moquer « les chars de Solférino » qui n’aiment pas la dissidence. Biberonné à la politique par Georges Frêche, il a chipé quelques traits de caractère à son mentor : la provoc’, la gouaille, et une forme de détestation des partis politiques. Et, comme son illustre prédécesseur, il fonce dans le tas.

Sans argent et sans fidèles, il s’aventure depuis l’été en dehors des murs de sa métropole fraîchement bâtie. L’autoproclamé candidat « antisystème », s’est lancé cette fois dans un défi qui semble hors de portée. 13 départements, 183 colistiers et des milliers de kilomètres parcourus… Crédité selon les instituts Ifop et BVA de 6 à 8%, le maire de Montpellier estime déjà avoir remporté une victoire par le simple fait d’avoir pu déposer les listes en préfecture.

« Saurel, c’est Gerd Müller ! »

Entre flagornerie et admiration, un de ses collaborateurs le compare à Gerd Müller, joueur de football allemand des années 70, célèbre pour sa niaque et le nombre de buts qu’il a marqué dans sa carrière. Ca tombe bien, le prévôt aime mettre en parallèle sa campagne à un match ou une compétition sportive : « Vous gagnez le premier match et vous êtes qualifiés en quart de final, vous allez vous arrêter à ce match ? Non, je joue les quarts de final ». Le sport collectif en politique n’est pourtant pas ce qui caractérise ce solitaire assumé.

Fustiger les structures partisanes, lui permet surtout de guigner des voix à gauche comme à droite. Dans l’Hérault, son argument majeur est « la préservation des intérêts de Montpellier et de sa métropole au sein de la nouvelle région ». Ce qui lui a permis d’attirer dans son filet électoral des élus de poids comme Jean Pierre Grand, sénateur de l’Hérault et maire Les Républicains de Castelnau-le-Lez. Ce dernier parle de Saurel comme « un homme plein de qualités intellectuelles qui incarne la défense de la métropole ». Cerise sur le gâteau, Grand conteste depuis des mois la légitimité de Dominique Reynié, chef de file aux régionales … de la droite républicaine.

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« Mais j’ai déjà gagné les régionales.. »

L’œil un peu hagard, on lui donnerait des airs de grand gamin, lorsqu’il ramasse par terre un morceau de ruban « bleu-blanc-rouge », fraîchement coupé lors d’une inauguration, pour le ranger précieusement dans la pochette de sa veste de costume. Entre deux coups d’œil à sa montre, il vérifie que son discret rappel des couleurs républicaines dépasse suffisamment pour être vu.

Pour se rassurer dans cette campagne, Philippe Saurel rabâche sans arrêt qu’il a « gagné tous les scrutins » où il se présentait sous son nom depuis 1998. En réalité, c’est surtout sa brillante victoire aux municipales de mars 2014 qui a marqué les esprits. Mais depuis, le maire de Montpellier est accusé d’avoir oublié son grand engagement d’être maire à plein temps. Il a étiqueté et fait élire une série de candidats en son nom aux élections départementales de mars 2015.

« Un rapport personnel au pouvoir important.. »

« C’est une personne qui a un style agressif, il n’est pas dans l’apaisement » dézingue Michael Delafosse, conseiller départemental PS et rare survivant de la tempête Saurel. Selon lui « les citoyens ont été trompés » et à entendre la litanie de ses critiques, le maire mentirait comme un arracheur de dent.

Expert du rapport de force et du calcul électoral, Saurel sait pertinemment qu’il ne l’emportera pas. Mais son plaisir politique du moment est ailleurs. Il se rêve en faiseur de roi. Son choix de reporter ses voix vers l’une ou l’autre des listes sera décisif pour le futur président de région. Pour l’heure, il reste muet sur ses intentions et réserve son choix « à ses 12 autres têtes de listes en fonction des scores du premier tour ». Seule certitude, il ne prendra pas le risque de laisser la région au Front National par le jeu de calculs politiciens suicidaires.

Fabien Nicolas, son conseiller politique, analyse : « faute d’avoir un parti politique, Philippe Saurel a l’obligation d’être candidat » scrutin après scrutin. Dit autrement, on n’a pas fini de le voir courir sur les routes du Midi.

Présidentielles argentines : l’obésité, un enjeu bien maigre

Le 22 novembre, les Argentins élisent leur nouveau président. Au choix de ce menu présidentiel, le candidat issu du Front pour la victoire, Daniel Scioli ou Mauricio Macri, de la Proposition Républicaine. Aucun des deux ne propose de solution sanitaire pour lutter contre l’obésité. Pourtant, selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 30 % de la population était en surpoids ou obèse en 2011. Quatre ans plus tard, le constat est encore plus grave.

Pays de la viande rouge, des barbecues, du football, du tango. Derrière cette brochette de clichés, un constat alarmant : l’Argentine est le pays d’Amérique du Sud le plus touché par l’obésité. « La moitié de la population argentine est concernée directement par ce problème, dont 26,4% d’enfants », affirme Fàtima López, chef du service nutrition de l’hôpital Pablo Soria de San Salvador de Jujuy. Ce sont concrètement 21 millions d’Argentins touchés. Rien de nouveau, puisqu’en 2011, 30 % de la population était touchée, selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ces chiffres montrent qu’aucune décision politique ou sanitaire n’a été prise pour diminuer ce fléau.

La priorité de la campagne présidentielle n’est pas à la santé publique

La presse locale et nationale tire la sonnette d’alarme fréquemment. Mais le modèle politique argentin semble insensible aux nombreuses conséquences de l’obésité sur la santé publique. Diabète de type 2, hypertension artérielle et autres maladies cardiovasculaires pourraient être évitées par des mesures contraignantes. « La politique ne s’ingère pas dans cette question là. L’obésité est jugée irrationnelle. Pourquoi essayer de guérir une maladie qui n’est pas épidémique ? », soulève Pablo Schencman, sociologue de l’obésité de Buenos Aires. « Surtout qu’ici, les personnes en surpoids sont loin d’être stigmatisées comme dans les cultures occidentales. Avoir des formes en Argentine, c’est aimer la nourriture, être un bon vivant ».

Les programmes politiques des candidats sont concentrés sur une seule chose : l’état économique du pays. « Nous traversons une crise depuis 2001, sans arriver à véritablement renouveler la classe économique. La présidente sortante Cristina Kircher termine son mandat sous le signe des difficultés. La seule obsession du régime aujourd’hui, c’est de régler les problèmes financiers avant-tout », explique Pablo Schencman.

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Pourtant, ces élections présidentielles pourraient apporter du changement. Il prend forme dans le second tour, totalement inédit dans le paysage politique argentin. Les candidats pourraient véritablement se différencier sur des thèmes aussi peu traités que la santé. « La plupart des aides sociales promue par la politique a servi à acheter le vote de la population », souligne Fàtima Lopez.

Les plus pauvres sont aussi les plus gros

L’obésité est un mal subjectif. Même si elle n’est pas épidémique, elle n’en reste pas moins une maladie. L’OMS a reconnu le statut de maladie pour l’obésité en 1997, alors que « la loi argentine reconnaît l’obésité comme une maladie depuis 2010 », s’insurge Fàtima López. Autre paradoxe, « dans le traitement de l’obésité, seule la pose d’un anneau gastrique est reconnue et remboursée comme un cas chirurgical  ». Ce qui semble être le dernier recours en Europe ou aux Etats-Unis, reste ici la solution la plus efficace et accessible pour les plus pauvres. Ce qui caractérise l’obésité chez les pays émergents comme la Chine, le Mexique ou encore l’Argentine, c’est qu’elle touche en particulier les plus pauvres. Ce phénomène récent semble être lié à une série de facteurs convergents.

En premier lieu, « le déracinement culturel  ». Depuis les années 2000, l’Argentine connaît un dépeuplement progressif de ses campagnes vers ses agglomérations. « Les gens sont déracinés par cet exode rural. Ils perdent leur culture, leurs habitudes nutritionnelles », explique Veronica Cruz, préparatrice d’appareil chirurgicaux à l’hôpital de Jujuy. La solution de facilité et peu coûteuse pour se nourrir reste la malbouffe. « Les plus pauvres se tournent vers la nourriture bon marché, les glucides, les acides gras, les plats préparés trop riche en sel. Ces habitudes alimentaires se sont vraiment dégradées », conclut Veronica Cruz. Les produits sains et peu chers sont devenus impossible à trouver dans les grandes villes.

Buenos Aires, agglomération de 14 500 000 habitants, en est l’exemple le plus frappant. « Les produits frais sont introuvables. Ou lorsque vous êtes face à un stand de pommes, il vous donne tout sauf envie d’en acheter », raconte Pablo Schencman, sociologue de l’obésité. L’enjeu est énorme : un tiers de la population argentine qui vit dans la capitale n’a pas accès de manière normale à ces produits.

Il existe pourtant des initiatives locales, soutenues par les politiques provinciales. «Nous avons commencé à Jujuy un traitement personnalisé de l’obésité, avec des groupes de soutien. Nous allons étendre le programme progressivement », espère Fàtima López. Mais sans de réelles contraintes à l’échelle nationale, le seul régime que connaîtront les Argentins prochainement sera l’austérité financière.

Vite, dernier jour pour vous inscrire sur les listes électorales !

Du 6 au 13 décembre prochains auront lieu les élections régionales. Du fait de la date exceptionnelle qui a été annoncée par le gouvernement en mars dernier, vous pouvez vous inscrire jusqu’au 30 septembre conformément à la loi du 13 juillet 2015. (loi 2015-852)

  • Où ? Hôtel de ville de Montpellier uniquement, Service population
  • Quand ? à 24h de la fermeture officielle des inscriptions sur les listes électorales, ce mercredi 30 septembre
  • Comment ? Carte d’identité et justificatif de domicile en main

Manque d’information ou procrastination habituelle, vous avez complètement oublié de vous inscrire ? Pas de panique, il vous reste 24 heures. Armez-vous de votre carte d’identité ou de votre passeport, d’un justificatif de domicile datant de moins de trois mois et d’une patience sans bornes pour vous rendre à l’Hôtel de ville de Montpellier avant demain 17h30.

Vous auriez pu envoyer tout ça par courrier, mais il est trop tard il va falloir vous déplacer. Si vous n’habitez pas tout près de l’Hôtel de ville, manque de chance, les mairies annexes et de proximité « ne pourront pas effectuer les inscriptions électorales pour des raisons techniques » apprend-t-on sur le site de la mairie.

J’ai testé pour vous : m’inscrire sur les listes électorales de Montpellier au dernier moment

Ambiance tendue cet après-midi au Service population de l’Hôtel de ville de Montpellier. Apparemment je ne suis pas la seule à m’être réveillée à la dernière minute, beaucoup de jeunes entre dix-huit et vingt-cinq ans, de jeunes couples, des retraités, tout le monde attend plus ou moins patiemment son tour, armé de son petit ticket magique qui annonce le compte à rebours. Je me précipite sur la borne numérique pour retirer un ticket quand une jeune mère de famille en poussette, visiblement en colère, m’interpelle me tendant son ticket : « Ils sont fadas, je vais pas attendre tout ça pour voter ! Tenez ! » Sur ledit ticket on lit « Il y a 30 personnes devant vous. » Il n’y a que deux guichets d’ouverts sur sept. Maxime, étudiant de vingt ans qui attend à côté de moi, repart bredouille, il lui manque la carte d’identité de sa mère chez qui il vit, il reviendra demain, peut-être…

Après plus de quarante minutes d’attente, le numéro 273 enfin, s’affiche faisant de moi l’heureuse élue du moment. Euphorie passagère, mes papiers ne vont pas. Vivant en colocation les factures ne sont pas à mon nom, je me suis donc procurée l’attestation de sécurité sociale, comme préconisé sur le site de la mairie de Montpellier mais ça ne suffit pas, il manque d’autres papiers qui sont évidemment restés chez moi. Comme mon prédécesseur, je peux revenir demain… Je repars déconcertée en même temps que Denis et Joëlle, un couple de jeunes retraités venus de Moselle où, me disent-ils, on peut s’inscrire sur internet.

L’inscription en ligne, le télé service pratique qui n’existe pas à Montpellier

Désormais, des communes telles que Lyon, Aix-les-Bains, Rouen, Strasbourg ou encore Le Triadou, petite commune de 410 habitants située à une demi-heure de Montpellier, sont reliées au dispositif d’inscription en ligne accessible sur http://mon.service-public.fr . C’est gratuit, sécurisé et rapide, le site prévoit environ 15 minutes, de chez vous, pour vous inscrire.

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https://mdel.mon.service-public.fr/inscription-listes-electorales.html

Armelle, vingt-et-un ans, originaire de Normandie et étudiante à Lyon depuis deux ans, n’a pas pu voter dans sa commune aux départementales d’avril dernier, faisant partie des nombreux étudiants mal inscrits sur les listes électorales.

Elle s’est inscrite en ligne aujourd’hui, dix minutes après avoir appris la date de l’échéance, rappelant le manque de communication concernant les campagnes d’inscriptions : « Je ne pense pas que je me serais inscrite s’il avait fallu se déplacer, j’ai appris que j’avais jusqu’à demain seulement ce midi au JT de 13h, tellement la communication autour des élections est médiocre. Donc ça me laissait peu de temps pour m’organiser. »

Armelle vante le système d’inscription en ligne, sans lequel elle ne se serait pas inscrite : « Je me suis inscrite en ligne car c’est rapide, je n’ai pas besoin de me déplacer, je n’ai pas les contraintes horaires d’ouverture de mairie, et puis je suis sûre de n’oublier aucun papier et d’avoir tout sous la main puisque je suis chez moi ! J’ai reçu la confirmation de la prise en charge de mon dossier peu de temps après l’envoie, c’est simple et efficace! »

On se demande donc pourquoi une ville comme Montpellier, recensée ville la plus jeune de France par l’INSEE, avec un apport migratoire (afflux de population, ndlr) de 58% (contre 13% dans les autres agglomérations), ne dispose-t-elle pas de ce système désormais très répandu.

À Montpellier donc, il n’y a aucun bureau de proximité pour s’inscrire, par exemple à la Mosson composée d’environ 20 000 habitants et on ne peut pas s’inscrire en ligne. Lorsqu’on pose la question aux agents de la mairie, on ne veut pas répondre, on n’a pas le temps. Lorsqu’on sait qu’aux élections départementales d’avril dernier Montpellier a eu un taux d’abstention de 45,65% (source Ouest France), on se demande pourquoi le remède internet n’est-il pas dispensé ici.

Mais ne nous laissons pas abattre par les contraintes administratives, il est encore temps de vous rendre à l’Hôtel de ville, même s’il est loin de chez vous, même si vous allez attendre, ce sera l’occasion pour vous de visiter ce petit bijou d’architecture que le New York Times vante pour son innovation. Et surtout ce sera l’occasion pour vous dans trois mois, d’accomplir le plus vieux et bel acte citoyen qui soit : voter.