Nouvelle-Calédonie: « On n’est pas prêt pour l’indépendance »

En novembre 2018, les Calédoniens trancheront par référendum : quitter ou rester dans la République française. Céleste, Jade, Florian et Jocelyne, quatre étudiants calédoniens de Montpellier sont à l’image de leur territoire… en plein questionnement.

« Il faut couper le cordon ombilical avec la France ». Florian, jeune Kanak de 24 ans, originaire de Lifou, en Nouvelle-Calédonie, se dit « indépendantiste modéré ». Cet étudiant en gestion des littoraux et des mers, à l’université Paul Valéry de Montpellier, considère « la France comme un parent et la Calédonie comme un enfant, qui doit s’émanciper, se débrouiller tout seul ». Mais attention, il n’est pas question pour lui de couper toutes relations avec la métropole. « Des accords bilatéraux avec la France et l’Union Européenne, sur la défense ou la diplomatie, seraient souhaitables », précise-t-il. Sur les questions économiques, le jeune kanak est plus évasif. Selon lui, «  la Calédonie est riche avec ou sans la France, et il faut savoir utiliser cette richesse ».

Ce n’est pas l’avis de Jade, 19 ans, étudiante en science politique, qui défend l’idée que le Caillou n’est pas prêt à quitter le giron français. « Il ne faut pas oublier que la France nous donne quelques milliards ». La jeune femme, née en métropole, vit depuis ses 2 ans en Nouvelle-Calédonie. « Mais je ne pourrai pas voter pour le référendum, parce que ma mère s’est inscrite sur les listes électorales après 1998. ». La liste référendaire a des critères spécifiques établis, en partie, lors de l’accord de Nouméa en 1998. Si elle avait pu voter, la voix de Jade se serait portée en faveur des loyalistes, qui veulent rester au sein de l’État français.

Pourquoi se séparer de l’État français ?

La question du futur référendum n’est pas encore tranchée précisément. On sait tout de même, selon les mots du Premier ministre, Édouard Philippe, qu’elle « doit porter sur la pleine souveraineté, être sans ambiguïté et précise ». Les Calédoniens devront donc répondre par « oui » ou par « non », à une question concernant l’indépendance de l’archipel.

La Nouvelle-Calédonie dispose déjà d’une relative autonomie dans la République. Elle a son propre gouvernement, son assemblée et son sénat coutumier. L’État n’incarne plus que les fonctions régaliennes : la défense, la monnaie, la justice, le maintien de l’ordre, le contrôle de l’immigration, l’enseignement supérieur et la recherche. Ceci vient d’un long processus de décolonisation, entamé après les événements tragiques de 1988.
Pour Florian, le Kanak, « ce référendum est la fin de ce processus et doit permettre d’apaiser les tensions dans la population ».

Jocelyne, autre jeune Kanake originaire de l’Île des Pins, étudiante en master d’histoire militaire et métiers de la défense, espère aussi « que cela va permettre au pays d’aller de l’avant ». Mais elle-même, tout comme Jade, sait que cette question de l’indépendance reste hyper clivante et pourrait réveiller d’anciens conflits.

Inégalités et identités nourrissent les désirs d’indépendance

Quand on les questionne sur les motivations du vote indépendantiste, les étudiants énoncent les problèmes de discrimination envers les populations locales. Au niveau de l’emploi, « de nombreux cadres viennent de métropole », explique Céleste, jeune Calédonienne de 21 ans, en étude de sciences sanitaires et sociales à l’université Paul Valéry à Montpellier. D’origine wallisienne, elle est née et a grandi en Nouvelle-Calédonie, à Nouméa. « Dans les prises de décision, ce qui compte, c’est le fric et la performance, alors que ça devrait être axé sur les besoins des Calédoniens », ajoute-t-elle.

Selon Jade, la métropolitaine, les discriminations se voient aussi dans la vie de tous les jours : « Il doit y avoir cinq ou six boîtes de nuit sur Grande Terre, et bizarrement les Kanaks ont beaucoup de mal à y entrer  ».
Les questions identitaires sont un autre enjeu central. « C’est très très important en Nouvelle-Calédonie », insiste Céleste. Elles reviennent au cœur de la discussion lorsque sont abordés la hausse de l’immigration asiatique, la perte de repères d’une frange de la jeunesse, tiraillée entre modernité et tradition, ou le besoin de reconnaissance vis-à-vis de l’État français. « Même si ça n’est pas en lien direct avec l’indépendance, les gens rapprochent les problématiques », ajoute Jade à cette analyse.

Une indépendance trop précoce ?

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Après réflexion, même les plus revendicatifs finissent par hésiter quant à un avenir en dehors de l’État français. Florian, l’indépendantiste modéré, avance que toute « la population n’est pas encore prête pour un tel pas ». Jocelyne, qui voit des bienfaits dans l’indépendance ne pense pas voter « oui » au prochain référendum, pour l’instant. « Aujourd’hui il n’y pas assez de personnes formées pour reprendre le pays en mains  ». Si le « non » l’emporte, deux autres consultations référendaires pourraient avoir lieu avant 2022.
L’inquiétude la plus prégnante reste le manque d’intérêt des jeunes vis-à-vis de l’enjeu. « Pour être franche, la plupart des jeunes suivent des idées, sans avoir vraiment creusé la question », commente Céleste. « On manque d’informations pour se faire une opinion ». Sur ce point, l’avis des quatre étudiants calédoniens converge. Tous critiquent le manque de communication des partis, des médias ou de l’administration. « Aujourd’hui, personne ne sait vraiment ce qu’implique ce référendum, les politiques expliquent les enjeux à leur sauce », critique Florian. « Il faut vraiment que cela change, parce que c’est une question cruciale pour le futur de la Calédonie et les gens devraient pouvoir voter en connaissance de cause », conclut Céleste, le regard tourné vers l’avenir.

Les « booktubeurs », nouveaux prescripteurs littéraires des ados et des plus grands

À l’ère du numérique et des discours pessimistes sur l’avenir du livre, de nouveaux prescripteurs voient le jour, bien décidés à faire mentir les prédictions. Appelés « booktubeurs », des férus de littérature se mettent en scène sur internet pour parler de leurs lectures et conseiller des milliers d’internautes passionnés. Parmi eux, les adolescents ne sont pas en reste. Beaucoup ne l’aurait sûrement pas parié et pourtant : la génération 2.0 lit encore et sait tirer profit de la technologie pour soutenir et perpétuer la culture du livre papier. Haut Courant vous explique le phénomène « booktube ».

Le souffle des Mots, Bulledop, FairyNerverland… sont autant de chaînes internet qui appartiennent à la vague « booktube ». Leurs propriétaires, de jeunes adeptes de romans jeunesse, se filment et partagent leurs dernières lectures sur le web. Devant des bibliothèques pleines à craquer, ces prescripteurs d’un nouveau genre témoignent de leur passion pour la littérature, mais également pour l’objet en tant que tel. De quoi rassurer les fervents défenseurs du livre papier.

Définition de booktubeur

L’emploi du terme « booktube » est la contraction du mot book (« livre » en anglais) et de youtube (site internet participatif d’hébergement de vidéos).

Un booktubeur désigne une personne se mettant en scène, via la plateforme youtube, pour parler de littérature. Importé des pays anglophones et hispanophones, le phénomène booktube est arrivé en France en 2012 et séduit de plus en plus les internautes ; y compris, les adolescents.

Devenir booktubeur 

Sur la toile, n’importe qui peut créer son propre contenu, poster des vidéos et devenir booktubeur. À condition, bien sûr, d’aimer la littérature et de savoir en parler avec suffisamment d’intérêt.

Ensuite, le succès de chacun dépend de plusieurs critères tels que la qualité des vidéos, tant sur le contenu que sur l’aspect technique ; la régularité de production ; la longévité de la chaîne (gagner de la visibilité sur youtube ne se fait pas en quelques semaines) et également, d’un certain facteur chance.

Booktube, la littérature jeunesse et les adolescents

Bien que toute sorte de littérature soit la bienvenue sur youtube, on note une forte représentation de la littérature young-adult, avec en ligne de mire, le genre de l’imaginaire.

Les bibliophiles qui se mettent en scène sur youtube parlent avec enthousiasme des livres qu’ils ont lu. Après un bref résumé de l’intrigue, ils détaillent ce qu’ils ont, ou n’ont pas aimé dans les différents ouvrages. Les booktubeurs conseillent leurs internautes comme ils conseilleraient leurs amis proches. Ils emploient un langage « jeune » et n’hésitent pas à livrer leurs émotions personnelles, sans fard, ni artifice. Si les vidéos sont regardées par un large public, elles sont très appréciées des adolescents, cœur de cible de la littérature jeunesse. Par le biais de youtube, les jeunes lecteurs ont désormais accès à des sources d’informations inédites, ludiques et attractives qui savent piquer leur intérêt.


Présentation des 10 livres coup de cœur de la booktubeuse Audrey, résidant à Montpellier, sur la chaîne Le souffle des Mots.

Ce mode de communication libre et sans filtre plaît aux internautes et participe à créer un nouveau rapport à la lecture. Grâce à youtube, les pré-adultes trouvent des prescripteurs qui leur ressemblent et qui évoquent une littérature en raccord avec leurs désirs et leurs centres d’intérêts. Fini les lectures rébarbatives imposées pour le bac de français et place aux livres « plaisirs » ! Les adolescents redeviennent maîtres de leurs lectures et peuvent échanger au sein de ce qui devient de véritables petites communautés de lecteurs, grâce notamment à l’espace commentaires.

« Toujours un plaisir de te retrouver en vidéo ! Je suis tentée de lire le roman que tu nous présentes. Il faut dire que tu nous vends tellement bien les livres ! » Commentaire d’une internaute, sur la chaîne de Margaud liseuse.

« Merci beaucoup pour cette vidéo coup de cœur Audrey. Même si ça fait encore autant de livres qui s’ajoutent à mes envies de lecture. Il faut que j’arrête de me faire soudoyer ! 😉 » Commentaire d’une internaute sur la chaîne Le souffle des Mots.

Un vocabulaire propre à la communauté booktube a vu le jour. Aussi, si un booktubeur parle d’une « PAL », sachez qu’il s’agit d’une « Pile à lire », un « Book haul » est une présentation de toutes les acquisitions livresques sur une période définie, un « Update » est consacré aux trois dernières lectures, ou encore un « Swap » désigne un échange de colis entre deux booktubeurs, avec ouverture et découverte du contenu devant la caméra.


Un book haul proposé sur la chaîne FairyNeverland.

En plus de proposer des vidéos de présentations et de critiques littéraires, les jeunes booktubeurs regorgent d’imagination pour faire participer leur communauté d’internautes. Ils initient par exemple des défis, tels que des « Read-A-Thon », qui consistent à lire le plus de livres en une période donnée ou bien le « Week-end à mille », qui invite à lire 1000 pages en un week-end.

Toujours dans l’idée de diversifier leur proposition et la rendre plus attractive, les propriétaires de chaîne littéraire n’hésitent pas à se rencontrer afin de tourner des « Booktalk », soit des débats entre deux booktubeurs autour d’un livre en particulier ou encore à lancer des « Tags », des questionnaires en rapport avec la littérature, créés par un booktubeur. À la fin de sa vidéo, ce dernier désigne d’autres booktubeurs pour reprendre ce questionnaire, et ainsi que de suite jusqu’à ce que le Tag devienne viral.

Outre la richesse des vidéos proposées, les booktubeurs tirent en partie leur succès du phénomène de communauté. En effet, le sentiment d’appartenir à un groupe et de posséder des modèles-référents sont des étapes clefs du développement et du bien-être chez les adolescents. À l’image de booktube, d’autres communautés ont vu le jour sur internet, telles que les chaînes de « beauté » qui rassemblent 2 744 986 d’abonnés pour EnjoyPhoenix ou encore 766 979 abonnés pour la chaîne Elsamakeup. Et, comme il est autant important d’appartenir à un groupe que de s’intéresser à une multitude de choses, il n’est pas rare que les youtubeurs débordent de leur sujet de prédilection en proposant des vidéos annexes. C’est par exemple le cas avec EnjoyPhoenix, estampillée youtubeuse beauté, qui a posté une vidéo de ses lectures favorites, qui totalise 290 113 vues à ce jour.


EnjoyPhoenix, youtubeuse beauté, dresse la liste de ses livres favoris.

Une vitrine pour les professionnels

Internet est devenu une excellente vitrine puisque certains booktubeurs totalisent jusqu’à 50 000 abonnés. Cela, des maisons d’édition l’ont bien compris et ont choisi de monter des partenariats avec les prescripteurs les plus influents.

Tous les mois, les vidéastes sélectionnés reçoivent gratuitement une pile de livres (qu’ils ont pour la plupart choisis parmi les nouveautés des éditeurs) et pour lesquels ils sont invités à faire une critique sur leur chaîne, le plus souvent dans un délai d’un mois après réception. Pour autant, les booktubeurs affirment vouloir garder leur indépendance et rester maîtres de leurs opinions malgré les partenariats.


Sur sa chaîne, Audrey explique ce que sont les maisons partenaires.

« Sarkozy t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! »

Mardi 12 octobre, la jeunesse a répondu massivement présent à l’appel lancé par les syndicats contre le projet de réforme des retraites.

Aux côtés de l’UNEF, de SUD étudiant et lycéen et de l’UNL, les lycéens de la ville et du département (Lunel, Clermont l’Héraut et Béziers…) ont défilé dans les rues ensoleillées montpelliéraines.

Entre 12 000 (selon la préfecture) et 70 000 (selon les syndicats) personnes, la mobilisation a pris de l’ampleur depuis la journée d’action du 2 octobre dernier. Une fois la rentrée passée et les démarches administratives réglées, les étudiants peuvent désormais s’impliquer davantage dans la contestation. « Notre mouvement s’intensifie. Il y a de plus en plus de monde aux AG et dans les manifs » assure Gabriel Holard, président de l’UNEF Montpellier. De même, Anne Pernet, secrétaire générale national de l’UNL se dit satisfaite de la montée en puissance des jeunes : « c’est un élément décisif pour faire reculer le gouvernement ». L’opposition contre le CPE au printemps 2006 est ainsi encore bien présente dans tous les esprits.

Face à l’augmentation du nombre de manifestants, le gouvernement, par l’intermédiaire d’Éric Woerth, tente d’affaiblir le mouvement : « Ceux qui appellent à la mobilisation des jeunes sont totalement irresponsables ». Une phrase qui fait bondir autant les étudiants, les profs qui les soutiennent que les syndicats.
« ça me fait rire. On prend les jeunes pour des moutons alors qu’ils sont tout à fait capables de se décider seul » réplique Cyril, professeur syndiqué à la FSU (Fédération Syndicale Unitaire). « Le Ministre devrait prendre la sienne de responsabilité en nous écoutant » assène Mejdouline, 17 ans, à la tête du mouvement de blocage du lycée Jean Moulin à Béziers. Cette lycéenne se défend toutefois de toute récupération politique et syndicale : « on n’empêche pas les lycéens de rentrer, on veut juste leur faire prendre conscience des enjeux de la réforme. On les laisse se faire leurs propres opinions, tout comme les profs qui ne sont pas si influents que cela ».

Même si certains manifestants s’interrogent sur l’efficacité d’une telle mobilisation,
les syndicats étudiants et lycéens appellent à une nouvelle journée d’action, le samedi 16 octobre prochain. « Il faut renforcer plus fortement encore notre mouvement, souhaite Lucas Djelloul, lycéen et représentant au Conseil de la Vie Lycéenne (CVL), c’est à la jeunesse de se prendre en main ! ».

Controverse littéraire : que doivent lire les jeunes ?

Du 28 novembre au 1er décembre, se tiendra la 24e édition du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint Denis. Autour du thème « Peurs et frissons », près de 2000 auteurs et illustrateurs chercheront à faire frémir leurs jeunes lecteurs. Cette tranche d’âge intéresse de plus en plus le monde de l’édition par l’éventualité des profits qu’elle représente mais aussi par l’étendue des possibles en matière de choix des thèmes et de traitement des sujets.

Un Salon de référence

Avec près de 143 000 visiteurs l’an dernier, ce Salon est devenu une référence en matière d’évènement littéraire pour la jeunesse. Cette année encore, près de 1500 séances de dédicaces, 600 rencontres organisées et des milliers de livres proposés devraient garantir un succès tant numérique que qualitatif. C’est aussi l’occasion de remettre différents prix littéraires pour le livre de jeunesse.

Une littérature à part pour un public fragile

Plus que jamais « les peurs et frissons » des jeunes sont au centre des débats. La littérature Adolescente est « un des segments qui monte dans l’édition jeunesse » nous apprend Emmanuel Davidenkoff sur le site de France Info. C’est surtout l’objet de polémiques incessantes entre ceux qui souhaitent protéger la jeunesse et ceux qui entendent la former au contact de réalités parfois pénibles.

Le 29 novembre 2007, dans le journal Le Monde, la journaliste Marion Faure a publié un article intitulé « Un âge vraiment pas tendre ». Elle s’indigne au fil des lignes de la noirceur qu’on impose continuellement aux plus jeunes aux travers de sombres récits. « Mal-être, suicide, maladie, viol… Pourquoi les livres destinés aux adolescents sont-ils si noirs ? » s’interroge-t-elle. Mais loin de faire l’unanimité, sa position a suscité de vives réactions, de la part d’éditeurs notamment.

Les avis sont partagés : il y a ceux qui pensent d’un côté qu’il faut préserver la jeunesse, parfois fragile, de la dureté du monde et ceux qui croient, au contraire, qu’il est indispensable d’aborder l’ensemble des sujets existants. Tous les jeunes ne seront pas amenés à vivre un divorce, le suicide d’un proche ou une guerre civile. Tous les livres n’ont d’ailleurs pas vocation à être des outils pédagogiques aidant les jeunes à faire un travail psychologique, mais faut-il pour autant se cantonner à de douces histoires qui prolongent un peu l’enfance ?

Les débats entre enseignants, psychologues, écrivains et éditeurs ont encore de beaux jours devant eux.

Infos concernant le Salon:

Paris Est Montreuil – Halle Marcel Dufriche
128 rue de Paris
93100 MONTREUIL
http://www.salon-livre-presse-jeunesse.net/
tel : 01 55 86 86 55

« La biture express », le nouveau phénomène

Pour faire face au nouveau phénomène de « biture express », l’hyper-alcoolisation des plus jeunes, le lycée Jules-Fil de Carcassonne fait tout pour sensibiliser élèves et parents à ce problème.

Aujourd’hui, « beaucoup recherchent l’ivresse. Et surtout, ils consomment de plus en plus jeunes. » Ce constat, tiré par Élizabeth Richard et Colette Maurete, profs de sciences et techniques sanitaire et sociale à Jules Fil, définit un nouveau phénomène qui touche les jeunes, la « biture expresse ». D’ailleurs, le proviseur, Jérôme Rallo, considère l’alcool comme un « problème à prendre à bras-le-corps ». Son adjointe, Marie-Thérèse Roque et l’infirmière Monique Dalenc encouragent la première phase, celle du constat. La deuxième, l’action, doit très vite intervenir.

Dès le matin, à 8 h quand les élèves rentrent dans l’établissement, il arrive que certains ne soient pas bien réveillés, en raison d’une fête qui s’est achevée tard la veille. Plusieurs pôles doivent vérifier l’état des jeunes. Le premier se trouve en cours, le second à l’infirmerie. Les lycéens y vont de leur plein gré ou y sont envoyés par un « adulte », qu’il soit surveillant, prof ou administratif. Hors de l’établissement, la scolarité entretient des relations régulières avec les conducteurs de bus du conseil général, en charge de transporter les élèves, là aussi pour établir son réseau. Marie-Thérèse Roque explique que certains de ses élèves sont « en danger », il est donc de son devoir « de responsabiliser les parents ». Evidemment, le discours diffère à chaque fois, selon les cas.

Pour la prochaine rentrée, « tous les adultes de l’établissement vont recevoir un sondage qui permettra d’élaborer une attitude commune » soutient Monique Dalenc. Ainsi, dès septembre, si le projet voit le jour, chaque adulte devra adopter une attitude commune. Ce sera la deuxième phase du projet, celle de l’action.

En attendant, les lycéens de première d’Élizabeth Richard et de Colette Maurete ont réalisé un sondage, distribué à plusieurs classes. Il confirme que les jeunes sont informés. Pour atteindre le plus grand nombre, les tableaux statistiques de l’enquête doivent être bientôt affichés au CDI de l’établissement. D’ailleurs, dans cette classe de sciences et technologies de la santé et du social où les trois quarts veulent devenir infirmière et beaucoup d’autres travailler dans le social, on commente allègrement les résultats. « On s’y attendait » souffle une d’elle. Les prémix, mélanges colorés d’alcool fort et de soda ou jus de fruits « se boivent comme du jus d’orange » ajoute un camarade. « Dans les fêtes de villages, des jeunes de 10-11 ans disent que c’est pour leur père » ajoute une autre.

En tout cas, une chose est sûre. Jules Fil n’est ni plus, ni moins touché que les autres lycées par les problèmes d’alcool chez les jeunes. Mais au moins, ici plus qu’ailleurs, on veut trouver des solutions au problème.

30 % des sondés boivent dix verres en soirées

Jérôme Rallo, proviseur du lycée Jules Fil, est très attaché à lutter contre l’alcool. Selon lui et son entourage pédagogique, son établissement est dans la « moyenne nationale » de la consommation d’alcool. En témoigne un sondage réalisé par la classe de première sciences et technologies de la santé et du social (ST2S, ex-SMS). Dans le cadre de leurs études, les élèves ont réalisé un questionnaire interne auprès de dix-sept classes. Les résultats indiquent entre autre que 90 % d’entre eux consomment de l’alcool, à intervalle plus ou moins régulier. Plus de quatre sur cinq déclarent boire occasionnellement. Élément surprenant, près d’un tiers avoue absorber plus de dix verres en soirée.

Juste quatre élèves sondés déclarent ne pas avoir reçu d’information concernant les risques liés à l’alcool. Un seul sondé avoue avoir déjà consommé en toute solitude et très peu sont accompagnés des parents. Deux ont déclaré avoir déjà bu dans l’enceinte du lycée. Ce dernier chiffre confirme ce que pensent professeurs et personnel administratif : les jeunes qui boivent aux abords de l’établissement n’y sont inscrits.

Témoignages de lycéens

En privé, certains élèves avouent boire parfois un peu trop. Quatre élèves de Jules Fil acceptent de témoigner, anonymement, de leur expérience avec l’alcool.

Une fois, cette première demoiselle a bu plus que de raison. Il semble que ça lui a servi de leçon. « Ce soir-là, j’étais proche du coma éthylique. Comme si je m’étais pris un mur de pleine face. Le soir, j’étais gelée et pour parler, c’était la galère. J’avais l’impression de bien parler, mais les autres ne comprenaient rien. Le lendemain matin, j’étais dans le brouillard total, je n’avais rien vu venir. Le lundi, en revenant au lycée, j’avais très honte, c’est rabaissant. » Maintenant, elle ne boit jamais plus d’un verre ou deux. Ce qu’elle ne veut pas, c’est « gâcher la soirée en finissant à l’hôpital, ni faire peur aux parents ». Puis son copain ne boit pas et il n’aime pas la voir dans de tels états.

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« Je n’ai jamais été ivre, je n’ai jamais vomi. Juste ce qu’on appelle joyeuse ». Le week-end, cette autre jeune fille boit un peu. « Certains disent qu’ils vont se saouler la g…… Et quand tu n’es pas joyeuse, tu ramasses les autres. L’autre soir, tout le monde était ivre. Moi, je n’avais bu qu’un seul verre, je me suis ennuyée toute la soirée. Quand je suis à cinq verres, j’ai chaud, je rigole, j’ai l’estomac en feu. » Elle-même, 17 ans, craint les mélanges entre l’alcool et le volant. « Une de mes copines a le permis. Un soir, elle retrouve des amies et revient saoule. On n’avait pas le choix que de rentrer avec elle. Maintenant, elle continue de boire et conduire, mais depuis, je refuse de monter avec elle. J’ai peur pour elle, elle prend beaucoup trop de risques. »

Un jeune homme déclare ne jamais boire au lycée. Si son éducation lui interdit, c’est aussi, et surtout, une question de respect pour les profs. « Ici, je suis là pour travailler ». Il a quand même un ami avec une grande maison dans un village. « En cinquième, le groupe (une petite vingtaine, avec pas mal de filles) amenait surtout de la bière, maintenant, c’est un peu de tout, whisky, vodka… Le but n’est pas d’être ivre, mais parfois on boit une dizaine de verres par soirée. Quand un d’entre nous va mal, les autres lui disent d’arrêter. » En tout cas, il n’est jamais question d’aller jusqu’au coma.

Enfin, cette élève-ci ne boit jamais. « Boire, ça ne me dit rien. Je ne sais même pas quel goût cela peut avoir. Enfin, on m’a dit que la bière avait un goût de rouille » ! Elle pense que le sondage est une bonne action mais qu’il faut plus intervenir auprès des secondes, car « beaucoup d’entre eux boivent déjà ». « Moi, je fais des soirées avec du thé. En tout cas sans alcool, je n’ai pas envie de me bousiller la santé. Puis j’ai peur des accidents de la route, de croiser quelqu’un qui a bu. »