Un guide d’alphabétisation numérique pour journalistes est lancé en Amérique Latine

Le quotidien colombien El Tiempo a récemment publié en ligne un article à propos d’un « guide du journalisme numérique», élaboré par l’université du Texas. Supposé aider les journalistes du « Sud » à repenser leur profession et à entrer dans l’ère de l’informatique, d’Internet et du numérique, ce guide a été traduit en espagnol et en portugais pour l’Amérique Latine…

« Sous le titre « Journalisme 2.0, un guide d’alphabétisation numérique pour survivre et prosperer à l’ère de l’information », le document résulte d’un effort du Centre Knight pour le Journalisme des Amériques. Rédigé par l’Université du Texas à Austin, la version espagnole est la traduction d’une première version américaine, ‘Journalism 2.0: How to Survive and Thrive, A digital literacy guide for the information age’, signée par l’auteur américain Mark Briggs.

Le guide, initiative du J-Lab et du Knight Citizen News Network, a pu voir le jour grâce à l’Institut du Journalisme Interactif de l’Université du Maryland. Il est présenté par son auteur comme un « manuel pratique qui offre suffisamment d’éléments théoriques pour rentrer dans l’ère du journalisme numérique ». Il commence de ce fait par expliquer les caractéristiques du Web et des principes de base de cette technologie, le concept du web 2.0, les nouveaux dispositifs (iPod, MP3, USB, téléphones portables) et leur impact sur le journalisme.

La suite du guide présente des thèmes comme les nouvelles méthodes de reportage, comment tenir un blog, comment transmettre une information sur le web, comment faire des enregistrements audio et des podcasts, comment prendre et retoucher des photos numériques ou faire des reportages videos avec des voix off incrustées.

« Si vous souhaitez réellement apprendre comme faire du journalisme numérique, vous y arriverez. Ce manuel vous guidera tout au long de votre apprentissage, décomposant chaque possibilité, chaque technologie en différentes leçons, afin que vous puissiez utiliser cela directement dans votre travail. C’est un manuel pratique, non conceptuel. Vous pourrez aussitôt mettre en pratique ce que vous apprenez dans le guide » explique l’auteur, Briggs, dans son introduction du guide.

Le journaliste d’investigation Phil Meyer, auteur de la préface de la version anglaise, insiste aussi sur le caractère pratique de l’œuvre. « Vous pouvez l’utiliser comme un livre de recettes de cuisine. Il y a des recettes actualisées pour tout type d’action numérique. Quand vous le lirez, vous voudrez constamment mettre en pratique ce que vous lisez. Par exemple, configurer un flux RSS, convertir des vieilles cassettes audio en MP3 ou encore changer son navigateur internet prédéfini par Mozilla Firefox » s’enthousiasme-t-il.

Guillermo Franco, le traducteur et auteur de la préface de la version espagnole, assure que le livre peut guider des organes de presse, en pleine redéfinition de leur rôle comme générateurs de contenus et qui ne souhaitent pas rester de « simples fabricants de journaux ». Pour les journalistes qui ne s’inscrivent pas dans les médias traditionnels ou qui travaillent seuls, cela les guidera pas à pas pour apprendre sans nécessiter de tuteur. Le guide peut également permettre aux universités de trouver les idées préalables à la réorientation des programmes académiques.

« Le vieil adage selon lequel un bon reporter est bon dans n’importe quelle condition n’est plus convaincant. Nous avons besoins de bons reporters qui auront les outils appropriés pour survivre dans des situations extrêmement changeantes. Dans cet environnement, les journalistes plurimédias seront les plus demandés. Un bon reporter sera redéfini comme celui qui est bon sur plusieurs médias » précise Meyer.
Cette version en espagnol doit contribuer à fermer la « brèche numérique », le fossé entre le journalisme du monde développé et celui des pays en voie de développement. Ainsi, il contribuera à réduire l’écart de la langue, qui empêche l’accès aux oeuvres en anglais, produites aux Etats-Unis sur le journalisme numérique. Car c’est aux Etats-Unis que se situe le pôle central de développement et de référence du journalisme de l’ère numérique.

Alves, fondateur du Centre Knight pour le Journalisme à l’école de Journalisme de l’Université du Texas en août 2002, explique : « Cela n’est que le début d’un nouveau début pour le Centre Knight. Grâce à une généreuse donation, nous lancerons dans les prochaines années d’autres initiatives pour aider les journalistes de l’hémisphère sud dans leurs efforts d’adaptation aux changements apportés par la Révolution Numérique. »

« Le journalisme par « effraction », une réponse aux stratégies du pouvoir »

Vendredi 1er février 2008. Le journaliste Guillaume Dasquié se retrouve à nouveau face aux étudiants du Master professionnel « Métiers du Journalisme » de Montpellier. Thème de l’intervention : le journalisme par « effraction », ou comment exercer sa profession par tous les moyens et continuer de délivrer une information honnête au citoyen.

Fin novembre, il avait fait le déplacement pour parler de son expérience comme journaliste d’investigation, de sa vision du métier, et délivrer quelques conseils pratiques aux reporters en formation. Entre-temps, le 7 décembre dernier, Guillaume Dasquié a été mis en examen pour « détention et diffusion de documents ayant le caractère d’un secret de la défense nationale ».Tout ça pour avoir publié, le 17 avril 2007, dans Le Monde, une enquête qui démontrait qu’avant le 11 septembre 2001, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) avait anticipé les menaces d’Al-Qaida sur les États-Unis et qu’elle avait transmis ces informations aux services secrets américains (voir « Dérives et pressions pendant la garde à vue du journaliste Guillaume Dasquié »). Le jeudi 24 janvier, les avocats de Guillaume Dasquié ont déposé une requête en annulation de la procédure devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, au nom du droit à la protection des sources journalistiques. « Obtenir des informations sensibles génère forcément le type de réaction qui m’est arrivée. Mais ce n’est pas parce qu’un journaliste arrive à se procurer une information avec le tampon « confidentiel défense » qu’il doit tourner la tête et passer à autre chose » explique-t-il, déterminé. Presque deux mois après sa garde à vue de trente-huit heures et sa mise en examen, il revient sur sa « mésaventure », renforcé dans ses convictions :

x4cndf&v3=1&related=1

Pour Guillaume Dasquié, exercer le métier de journaliste dans un monde où règnent les stratégies de communication est devenu un sacerdoce, une mission quasi impossible sans le contournement des méthodes traditionnelles. Il introduit alors le concept d’un journalisme nerveux, virulent et déterminé, dont les seules limites restent, pour lui, la morale et l’éthique. « Les journalistes se doivent de contourner les dispositifs violents de la part des acteurs politiques ou individuels qui visent à cadenasser l’information : faire du vrai journalisme aujourd’hui, c’est faire du journalisme par « effraction » ».

x4cni5&v3=1&related=1

Qui parle de journalisme par « effraction », parle des moyens – pas toujours très légaux – que le journaliste utilise pour aller chercher l’information, ou alors pour se protéger lui-même. Le meilleur exemple : les micros et caméras cachés.

x4cnmt&v3=1&related=1

Certains professionnels, comme le journaliste Edwy Plenel, s’interdisent le recours à de tels procédés, quel que soit l’enjeu de l’information à glaner. Guillaume Dasquié, lui, ne voit ces techniques que comme des outils au service du jeu « informateur-informé ». « Pour s’en sortir dans le jeu de la communication, le journaliste ne doit pas être l’instrument du jeu, mais le manipulateur lui-même. Pour produire de l’information sur des sujets touchant la raison d’État, il faut forcément briser les règles, passer par des chemins détournés. Au bout du compte, on est soit manipulateur, soit manipulé. Au journaliste de choisir son rôle ».

En conclusion, Guillaume Dasquié évoque l’avenir du journalisme d’investigation avec le développement de l’information sur Internet. Pour lui, les médias on-line offrent de véritables perspectives : « C’est un vrai succès aujourd’hui dès que des sites Internet produisent de l’information de qualité. Ils développent une identité journalistique propre et une crédibilité supérieure aux supports papier. Les possibilités de développement ramènent les journalistes aux questions essentielles, aux bases du métier ».