A qui John Kennedy Toole faisait-il référence en citant Jonathan Swift dés le début de son œuvre? A lui même? Lorsqu’en 1960, il ne parvient pas à trouver le moyen de publier « La conjuration des imbéciles », il reste convaincu dés lors d’être un écrivain raté et se donne la mort en 1969. Ce n’est qu’en 1980 que sa mère réussira enfin à faire éditer l’ouvrage. Beau pied de nez posthume puisque ce roman qui connut un immense succès dés sa publication, s’est vu sacré par le prix Pulitzer en 1981.
La citation mis en exergue par Toole convient tout aussi parfaitement à Ignatius Reilly, personnage principal de son roman. L’histoire se déroule dans un quartier miteux de la Nouvelle Orléans. Ignatius est obèse, fainéant, paresseux, paranoïaque, hypocondriaque, il n’a jamais réussi à garder un seul job et se plait à critiquer la société américaine. Comme Boèce qu’il prend comme modèle, il expose sans retenue sa vision du monde et sa volonté de rendre la société plus « géométrique et théologique ». Sous ces caractéristiques plutôt repoussantes, Ignatius, se révèle drôle, et attire finalement notre sympathie. Son expérience professionnelle au sein des « pantalons Lévy », ses habitudes quotidiennes, où encore ses réflexions sur la société qui l’entoure sont autant d’éléments qui le rendent aussi répulsif qu’attachant.
Autour d’Ignatius gravitent des personnages tout aussi ridicules. Cette « conjuration d’imbéciles » et les histoires qui leurs correspondent prennent vite des allures rocambolesques. Les personnages s’imbriquent, réapparaissent au fil du livre comme dans un film de Tarantino et donnent un rythme dense à l’histoire. L’humour s’y trouve sous toutes ses formes: ironie ,cynisme, humour noir…et rend ce récit aussi absurde que réaliste. En ajoutant à ces ingrédients une précision de vocabulaire impressionnante, qui pour certains peut paraître pompeux, Toole a néanmoins fait de son œuvre, un roman hors du commun.