Ils avaient pourtant voté. Au moment de faire leur choix pour les élections municipales de Montpellier, les militants de la section du Parti communiste (PC) de la ville avaient très largement opté (à hauteur de 98% des voix) pour un accord avec le Front de Gauche (FDG). Alors que Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, dirigeants nationaux respectifs des deux partis, connaissent des difficultés à établir une stratégie nationale pour les élections de mars, cet accord tombait à point nommé dans la capitale héraultaise. Créditée de 10% d’intentions de vote selon un sondage mené par l’institut Polling Vox, Muriel Ressiguier, tête de liste FDG, affirmait il y a quelques semaines au Nouveau Montpellier : « La section locale du Parti communiste a réaffirmé plusieurs fois qu’elle partait sur une liste Front de Gauche. On travaille avec eux et ça se passe très bien. » Depuis, la donne a changé.
Ressiguier relativise, le PS exulte
Le 7 janvier 2014, la nouvelle tombe : 6 responsables du PCF de Montpellier annoncent qu’ils rejoignent la liste menée par le Parti socialiste de Jean-Pierre Moure. Profitant de cette bonne nouvelle, la tête de liste PS déclare sur France 3 Languedoc-Roussillon : « Je suis habitué depuis longtemps à travailler de concert avec le Parti communiste et c’est un élément de consolidation de l’accord qui est important. » Et Michaël Delafosse, adjoint à l’Urbanisme, très engagé dans la campagne à ses côtés, d’ajouter sur Facebook : « Les forces de gauche poursuivent leur rassemblement : dès le premier tour, le PCF sera aux côtés du PS. »
Simples éléments de langage ou contre-vérités ? En parlant d’ « accord avec le PCF », les socialistes jouent sur l’ambivalence de cette nouvelle pour continuer à communiquer cette idée de « rassemblement ».
Muriel Ressiguier, de son côté, relativise : « Cette affaire est interne au Parti communiste et ne mérite aucun commentaire. » Avant de préciser : « Ce sont des aventures individuelles, des choix personnels. Ces six responsables n’impliquent en aucun cas le Parti communiste de Montpellier avec qui nous avons un accord. » Un jeune militant se montre plus vif : « Le Front de Gauche est une véritable force de proposition par rapport au PS. Tous les responsables qui ont rejoint Moure sont déjà aux commandes de la ville avec les socialistes depuis des années et ils n’ont rien montré. »
Rassembler contre la menace Front national…
En réalité, parmi les six responsables, cinq sont élus de la ville et de l’Agglomération : Claudine Troadec, Françoise Prunier, Cédric Sudres, Hervé Martin et Michel Passet. Ce dernier, secrétaire départemental du PC, rappelle : « Les communistes participent depuis 1977 à la gestion de la ville. Nous devons être présents pour instaurer un rapport de force. » Et pour conserver la ville, une seule solution : « Montpellier commence à être cernée par des villes de droite voire d’extrême droite, on doit essayer de se rassembler. » D’autant plus que, selon lui, les communistes ont joué un rôle primordial pour la ville, arguant d’une ville « n°2 en petite enfance, avec des jumelages en Palestine et en Algérie et le Plan Local d’Urbanisme qui prévoit 40% de logements sociaux d’ici 5 ans. »
Dans la même veine, Hervé Martin, vice-président de l’Agglo et président délégué de la commission des politiques urbaines et de l’habitat, se félicite de son bilan : « Je n’ai pas à rougir de ce que j’ai fait auprès de Jean-Pierre Moure ces dernières années, je veux m’inscrire dans la continuité. » En prenant soin de dissocier national et local : « La politique menée à Montpellier est aux antipodes de celle menée par Jean-Marc Ayrault. »
… et mettre Ressiguier au placard
Très clairement, les propositions de la tête de liste FDG n’ont pas su séduire les six communistes en cause. Très critiquée au sein même de sa famille politique, la jeune femme est souvent remise en cause pour son « amateurisme et son manque de charisme », selon une sympathisante. Hervé Martin se montre particulièrement féroce, estimant que certaines mesures de la candidate sont irréalisables : « Muriel Ressiguier veut doubler la production de logements sociaux à Montpellier. J’en ai fait voter 40% supplémentaires d’ici 5 ans et j’atteste qu’il est impossible de doubler dans les 6 ans à venir. » Quitte à remettre totalement en cause la crédibilité de la jeune femme : « Soit elle est incompétente et elle ne voit pas ça, soit elle se moque du monde et ment délibérément. Donner de faux espoirs aux gens, c’est une mentalité que je ne peux pas supporter et il est hors de question que je travaille avec des gens ayant de telles pratiques. »
Certains communistes ne sont pas de cet avis. Roger Moncharmont, animateur des municipales pour le PC, applaudit le partenariat PC/FDG, une occasion de « renouveler le contrat politique à Montpellier. » Scandalisé par la décision des six responsables, il estime qu’ « ils n’ont aucune confiance dans la possibilité de changer les choses par l’action politique ». Il s’interroge d’ailleurs sur la régularité de ce choix que devra trancher la Commission des conflits du PCF, saisie par la section locale. « Nous attendons qu’elle recommande la suspension de tous les responsables, notamment celle de Michel Passet qui est un responsable local et national et qui se place en dehors des statuts ! » Avant de conclure : « Ce sont des pratiques antidémocratiques de personnes qui négocient pour leur compte, en secret. J’estime que c’est une faute politique et morale. » Et dont les conséquences se révéleront en mars, dans les urnes.