Il y a deux mois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiait un rapport accablant sur la consommation de viande rouge et de viande transformée. Elle établissait un lien direct entre cancer et tissus musculaires de mammifères (bœuf, porc, agneau, veau, etc.) ou charcuterie. Que ce soit pour des raisons de santé, d’écologie ou de respect des animaux, certains optent pour le véganisme : un concept anglosaxon né au milieu du 20ème siècle, et qui prend de plus en plus d’ampleur en France.
Le véganisme : une « philosophie de vie »
Végétarisme, végétalisme, véganisme… Les intitulés sont nombreux et un tantinet barbares. « Un végétarien exclut de son alimentation toute chaire animale, un végétalien ne mange rien qui soit produit par un animal », explique Emeline Bacot, diététicienne/nutritionniste basée à Paris. Autrement dit, le végétalien ne mange ni poisson ni viande tout comme le végétarien, mais s’abstient en plus de consommer lait, miel ou œufs. Le véganisme englobe les deux, mais incarne avant tout le refus de toute exploitation animale (impact sur les loisirs, les vêtements, les cosmétiques). « C’est une philosophie de vie en accord avec nos opinions et valeurs », lance Emeline Bacot, elle-même végane et membre de la commission diététique de l’association Végétarienne de France. « On fait attention à tout l’environnement qui nous entoure », poursuit-elle.
Une vision partagée par Lauren, 30 ans, habitante de Montpellier et végane depuis cinq ans. « C’est à la fois très idéologique et très marginal… Penser que les animaux sont dignes de considération, c’est révolutionnaire ! », lance cette diplômée de biologie, parcours reproduction des animaux. Un détail important, car son choix pour le véganisme entre directement en lien avec ses études : élevage et rentabilité, conduite des porcs en bande, comportement social et d’attachement des animaux… Autant d’éléments qui ont conduit à une « prise de conscience violente » chez la jeune femme : « C’était monstrueux, j’en faisais des cauchemars la nuit », confie nerveusement Lauren. Elle ira malgré tout jusqu’à la fin de son cursus en master, avant de prendre la décision difficile de claquer la porte au nez de la recherche.
Zéro viande = risque zéro ?
Côté santé, des études américaines ont démontré que les véganes « ont moins de chances d’être diabétiques ou obèses et réduisent leurs risques de décès précoce », affirme Emeline Bacot. S’il y a des maladies auxquelles ils s’exposent moins, comme les troubles cardio-vasculaires ou les cancers, Lauren prévient malgré tout : « Beaucoup pensent être « immunisés » et consultent très peu, ce qui empêche de détecter les maladies à temps », précise-t-elle.
Bien que bannir la viande de son alimentation serait bénéfique pour la santé, il subsiste certains risques pour les véganes. Le principal : les carences en vitamine B12. « Elle est produite par l’homme mais il ne peut pas la réabsorber. On la retrouve chez les animaux », explique Emeline Bacot. Pendant longtemps, le véganisme a été décrié car on ignorait son importance pour la santé de l’homme. Aujourd’hui, on sait que le seul moyen de s’en procurer pour un végane est la version supplémentée : « Elle est proposée en pharmacie, sous forme de cachets, d’ampoules buvables ou intramusculaires, et de sprays pour les enfants », ajoute la nutritionniste.
Car le véganisme n’a pas d’âge. Lauren est mère d’un enfant en bas âge, qui n’a jusqu’ici, jamais mangé de viande : « Il a déjà goûté des gâteaux à base de lait ou d’œufs à la crèche, mais à la maison, il nous parait naturel de ne pas lui donner ce que son père et moi ne mangeons pas », développe-t-elle, précisant qu’au-delà de la nourriture, ce sont avant tout les valeurs qu’ils souhaitent lui transmettre. Cependant, Lauren veille méticuleusement à ce que son fils ait tous les apports nécessaires en calcium (laits végétaux), en iode (algues), et en vitamines (B12 et D). De quoi passer le flambeau à la nouvelle génération.
Le mouvement végane est en marche
À Montpellier, le phénomène prend de l’ampleur depuis plusieurs années. Le collectif Food Not Bombs, que Lauren a initié en 2012, y contribue largement. L’objectif de l’organisation : récupérer des aliments jetés ou donnés dans les marchés, cuisiner des plats véganes et les redistribuer gratuitement sur un stand au centre-ville. Leur action a lieu le dernier weekend de chaque mois, près de l’office du tourisme de Montpellier. « Nous faisons cela dans un esprit de partage », explique Lauren. Si la gratuité en perturbe certains, l’initiative est globalement bien reçue par les Montpelliérains : « Les gens sont contents de découvrir une nouvelle cuisine, c’est très convivial et ça crée du lien », se réjouit-elle.
En parallèle, l’ouverture de restaurants véganes témoigne également d’un mouvement en pleine expansion. Fred, 39 ans, a décidé d’être végane depuis plus d’un an après un long cheminement. « Intoxication aux métaux lourds, au lactose, au gluten… J’ai commencé à m’intéresser à ce que je mangeais », détaille-t-il. Le jeune homme décide alors de se lancer dans l’aventure de la restauration végane. « Le concept me plaisait vraiment, c’est une alternative pour mieux vivre dans ce monde », argue-t-il. Son établissement Natural Sens, dont l’inauguration aura lieu le 31 décembre à Montpellier, proposera des plats véganes et une gamme sans gluten. Au menu :
- Junkfood végane avec burgers, wraps, tapas et pizza au faux fromage
- Soupes, crumbles aux légumes (radis noirs, pois cassés)
- Gâteaux crus et desserts véganes
- Vins bios et jus véganes
Des conférences, ateliers et séances yoga seront également organisés « pour favoriser la rencontre et l’échange », ajoute Fred. Pour Lauren, ce genre d’initiatives répond à une demande qui commence à émerger. « Personne n’est vraiment à l’aise avec le mauvais traitement des animaux. Mais on sensibilise plus les gens avec des bons petits plats véganes que des photos de poules en batterie », conclut cette blogueuse qui partage ses recettes sur Les Miams Véganes.