Noël dans la rue

Repas, sapin, cadeaux, crèche… Chaque année, c’est le même rituel. À l’approche de Noël, les familles s’organisent pour rendre l’événement convivial. Certains pourtant sont laissés en marge de cette fête tant attendue. Noël a-t-il encore un sens lorsqu’on n’a ni toit, ni famille, ni argent ? Rencontre avec des sans domicile fixe dans les rues montpelliéraines.

Restos du cœur : « 20 580 Héraultais ont reçu une aide alimentaire l’hiver dernier »

Aidés par 1 100 bénévoles, les Restos du cœur de l’Hérault s’apprêtent à affronter l’hiver. Cette période demande à l’association fondée par Coluche, un investissement particulièrement important. Rencontre avec Françoise Vezinhet, présidente de l’association départementale.

Hébergement forcé: Un faux débat qui masque un vrai problème

Chaque hiver, ceux qui sont au chaud pensent particulièrement à eux. Justement, alors que le nombre de SDF retrouvés morts augmente chaque jour, Christine Boutin la ministre du logement a annoncé jeudi le lancement d’une « étude pour qu’on examine l’hébergement obligatoire en dessous de -6 degrés. » Une proposition qui fait écho au discours du président de la République lors du conseil des ministres mercredi 26 novembre: « Les pouvoirs publics ont une responsabilité et un devoir : c’est de ne pas laisser mourir les gens. » Qu’en pensent les principaux concernés ?

Un degré ce matin à Montpellier. La barre du zéro n’est pas franchie mais le froid tenaille déjà les orteils. A midi, sur le parking des Arceaux, les Restos du Cœur sont là comme à leur habitude. Une trentaine de personnes attend la distribution d’un repas froid. Parmi eux chacun a son histoire, sa situation. Un logement ou pas, un passé, un avenir dans la rue. Propre sur lui, droit sur ses jambes, un pull à col roulé façon BCBG, il sourit et demande: « il vous faut quelque chose ? » Ce jeune et plutôt beau garçon n’est pas bénévole pour les Restos mais vient pour manger. Dans les propos de Christine Boutin la ministre du logement, le caractère obligatoire de l’hébergement le gène. « On ne peut pas forcer quelqu’un contre sa volonté. »

Un jeune homme qui semble tout juste sorti de ses 20 ans rejoint le petit cercle qui s’est formé. « Avant, j’avais un boulot, pas de problèmes de logement. Tout ce qu’il me fallait. Un jour, je me suis retrouvé dans le besoin. Je pense que c’est mieux que ceux qui se retrouvent à la rue aient un endroit où dormir au chaud. » Un SDF intéressé intervient. Plutôt bavard, il se présente sous le nom de Patrick. A 48 ans, il en a vu. Dans la rue depuis des années, il est plutôt remonté. « On ne peut pas nous obliger à nous mettre au chaud. On n’est pas en Russie ! ». «Bon d’accord », reprend le plus jeune une cigarette roulée à la bouche, « Il ne faut pas obliger, mais il faut rassurer. Le 115, je n’ose pas le faire car j’ai toujours pensé que c’était seulement pour les fous. En plus ils ne sont pas disponibles 24h/24h, c’est faux. Ça arrive qu’ils nous raccrochent au nez ou qu’on nous rétorque que l’essence coûte cher… Il n’y a pas de structures pour les jeunes comme nous. Tout le monde est mélangé dans leurs centres. » Patrick fait preuve de logique: « S’ils obligent les gens à y aller, il faudra qu’ils construisent de nombreux foyers et c’est impossible. En France il y a 95 000 SDF recensés ! » Catégorique, il refuse l’hébergement d’urgence. «  Je n’y vais jamais » Son camarade Dominique pense que « ces endroits sont comme la prison ». Installé sur un terrain laissé à l’abandon il ajoute: « Quand on appelle le Samu social, ils ne viennent jamais sur notre terrain.  »

Le sentiment général ? Des SDF soit oubliés et négligés, soit forcés et contraints. Un « deux poids, deux mesures » qui ne laisse pas la place à un juste équilibre. Loïc, bénévole depuis 14 ans aux Restos esquisse un sourire las et embarrassé. «C’est compliqué. » dit il, «Eux, ils ne sont pas toujours d’accord pour aller dans ces structures d’urgence. Il faut leur laisser leur liberté. Mais d’un autre côté, si on les retrouve gelés c’est un peu notre responsabilité… Il faudrait trouver un compromis »

Il est 13h, les Restos du Cœur remballent. Deux femmes discutent. L’une d’elle ressemble à la marraine de la célèbre princesse à la chaussure. Drôle de fée au visage apaisant et aux rides timides qui semble avoir piqué les haillons de sa Cendrillon. C’est Marcelle ou Françoise, on ne sait pas trop… Une ancienne enseignante, parait-il, qui rougit, glousse et supplie un camarade d’arrêter lorsqu’il la présente comme une voyageuse cultivée et multilinguiste. « Moi j’ai un logement mais je pense qu’on n’a le droit d’obliger personne. L’obligation c’est la répression. Il y en a qui aiment bien être seul et n’apprécient pas la proximité avec un SDF en état d’ébriété. Ça ne se passe pas toujours bien là-bas. Il y a des vols, la promiscuité, les bagarres, l’alcool aidant. Il y a aussi ceux qui ont des chiens et qui ne peuvent pas les prendre avec eux. Mais je comprends l’idée de la ministre d’un côté, car il y en a qui meurent de froid et ce n’est pas normal. En plus, quand ils sont saouls, ils ne se rendent pas compte du danger. » Dédé nous rejoint. Pour lui, les choses sont simples. «Certains veulent y aller, d’autres ne veulent pas. C’est à eux de décider. Avec les vols, ils savent qu’ils vont ressortir à poil. Là-bas, c’est malsain, il y a de tout mélangé : des toxicomanes, des alcooliques… Il faudrait au moins des chambres individuelles»

Peu à peu, le groupe diminue, ceux qui savent où aller s’en vont. Les autres restent dans la rue. Sylvie discute encore. Méfiante, au tempérament bien trempé, elle se livre peu à peu. La rue, Sylvie y a vécu pendant presque un an, suite au décès tragique de son compagnon. « D’un côté, c’est une bonne chose mais on ne peut pas choisir pour quelqu’un d’autre. A l’époque, quand je dormais à la gare routière, ils me proposaient d’y aller mais je refusais. Je n’aurai pas aimé qu’ils me forcent. Il faut laisser le temps aussi aux personnes de vouloir accepter leur histoire ».

Qu’en pense le Samu social ? Au téléphone le contact est froid, une mauvaise expérience avec des étudiants en journalisme et une surenchère de boulot. On ne connaitra pas leur avis. Si ce n’est que la personne jointe rappelle que ce n’est pas l’hiver qu’il y a le plus de morts et nous invite à les solliciter aussi l’été, quand ils ont moins de travail.

Morceaux de vie, de galères, de tristesse et d’espoir. La rue c’est aussi et surtout des histoires différentes qu’il semble difficile de régler par des mesures collectives. Derrière les propos de Mme Boutin se cache un réel problème à propos de la qualité des logements d’urgence. S’il parait difficile d’obliger un SDF à dormir au chaud, lui en donner l’envie en proposant un logement décent, respectueux de son intimité et de sa sécurité, serait une réelle avancée.

Depuis le tollé déclenché par les paroles sa ministre, François Fillon a démenti. Nicolas Sarkozy pour sa part a remanié la proposition pour faire passer plus doucement la pilule qui reste en substance inchangée. A l’heure du 6ème SDF retrouvé mort en région parisienne en moins d’un mois, le président de la République propose ainsi d’emmener ces récalcitrants suicidaires dans un centre d’hébergement où ils feront le choix ou non de rester. Une mesure qui semble efficace pour éviter la culpabilité et la responsabilité de l’État dans la mort des SDF et qui revient à celle de la ministre si elle n’est pas complétée par une réelle réforme structurelle. Ces logements d’urgence doivent respecter l’intimité et la sécurité des occupants et se conformer à des règles d’hygiène strictes. En plus d’être forcés à aller dans ces logements, les plus têtus n’auront plus qu’à rentrer tout seul à pieds en se consolant : l’État pourra dormir tranquille.

Les Enfoirés 2008, le seraient-ils vraiment?

Assister au concert des Enfoirés relève parfois du chemin de croix. Cette année, c’est à Strasbourg que se sont établis les héritiers de la générosité de Coluche. La distance, pense-t-on, n’est pas un obstacle à notre envie de bontés. Erreur. Car il faut au préalable se fournir en billets.
Deux solutions s’imposent alors :

 aller à un point de vente précis (Auchan Strasbourg, Virgin Strasbourg, Fnac Besançon…)

 passer par une plate-forme téléphonique, qui était, bien sûr, surchargée pendant trois jours.
Le résultat est sans appel : de Montpellier, impossible de dégoter le sésame ouvrant la voie vers l’Alsace.

Une seule solution : le marché noir

Reste alors le marché noir. Certes, le site Internet officiel des Enfoirés déconseille vivement ce type d’achat, rappelant que les billets ne doivent pas être revendus à un prix supérieur à celui d’origine. Et sur la Toile, les petites annonces respectant soi-disant cette sacro-sainte règle ne manquent pas. Mais en répondant à quatre d’entre elles, on s’aperçoit bien vite que la proposition de vente à 46 euros (prix unitaire de vente) n’est là que pour appâter le chaland. En effet, dès les premières réponses, le coût passe à 92 euros pour parfois atteindre les 300 euros (véridique !).

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Faisant fi de l’avis du site des Enfoirés, qui ne sont pas dupes souhaitons-le, on se procure un billet à moindre coût (sic) et on attend fiévreusement la réception par la Poste.

Le fameux bordereau en poche, le voyage vers Strasbourg s’organise. Strasbourg, cité magnifique s’il en est, mais très mal desservie par la voie ferrée pour celui qui ne vient pas de Paris. Qu’importe, après pas loin de 8 heures de voyage, un nouvel accent est la preuve d’iun dépaysement assuré. Mais pas le temps de flâner dans la Petite France ou de boire une bonne bière, la mission Enfoirés est en marche, et rien ne doit l’arrêter. Direction le Zénith donc, petite merveille architecturale au milieu d’une zone commerciale tristounette. Le concert ne débute que dans quatre heures, mais la file d’attente est déjà bien fournie. Il faut alors faire le pied de grue dans un froid sec. Bientôt, le futur spectateur, dont la patience s’effrite au fil des heures qui passent, ne voit plus qu’une masse informe composée de milliers de personnes, sagement rangées entre des barrières et chantant par moment à tue-tête la mélodie bien connue des Enfoirés (« Aujourd’hui, on n’a plus le droit… »). Une ola tente de réchauffer la foule, sans succès.

Le moment tant attendu arrive enfin, la bousculade commence. Les coudes entrent dans les côtes, les respiration se font haletantes, une personne chute en tentant d’enjamber une barrière, sans dommages. Le billet, acheté via Internet, n’est pas un faux. Le Zénith s’ouvre enfin. Mais la bagarre continue. Le placement est libre, la lutte est donc farouche pour s’asseoir le plus près possible de la scène. D’autant plus que le Zénith strasbourgeois, dernier-né en France, possède plus de 10 000 places. Des invectives volent. La sécurité est obligé d’intervenir. Les plus chanceux sont placés face à la scène. Un placement qui a son importance.

Comme une répétition générale

Car lorsque le concert débute, la surprise est grande de voir que les écrans géants ne fonctionnent pas. Il faut alors plisser les yeux pour distinguer quel artiste chante, ou regarder subrepticement vers les régisseurs et leur prompteur. On n’imagine que trop ce qu’ont du endurer les personnes au dernier rang, comme Anne le confirme : « Je suis stupéfaite ! J’ai hésité à partir. Après la bataille pour obtenir les billets, la file d’attente de plusieurs heures, nous voilà face à des écrans géants qui restent noirs ! C’est inadmissible. Du fond on ne voyait rien, j’ai donc passé 2 heures assise sur les escaliers. »
Surtout quand on sait que le dernier concert de la semaine, celui qui a fait l’objet d’un enregistrement vidéo, a vu les écrans fonctionner parfaitement. Le principal écueil envers le concert se situe bien là : les spectateurs (voir par ailleurs) ont eu l’impression d’essuyer les plâtres avant le grand soir du dimanche 27 janvier. Ainsi Eric a hésité à quitter prématurément le concert : « On a joué toute la soirée au jeu du ‘Qui est-ce ?’ tant on y voyait rien de loin. C’est dommage, surtout pour les enfants qui n’ont pas pu voir leurs idoles. N’aurait-il pas fallu prévenir les gens ? »
Les griefs contre l’organisation se s’arrêtent pas là… Tout d’abord, des artistes manquent à l’appel (Céline Dion, Muriel Robin, Christophe Willem, Zazie, Benabar, Gérard Jugnot…). Mis à part l’humoriste, tout ce beau monde était bien présent le jour de l’enregistrement. Le monde du show-biz ne respecterait-il pas les valeurs qu’il prétend défendre lors de cette manifestation ? La question peut se poser. De même lors de la soirée des NRJ Music Awards qui tombait cette année en même temps qu’un concert des Enfoirés. Un communiqué précisait alors que Jenifer, Lorie ou encore Alizée seraient absentesdu Zénith strasbourgeois… Si Coluche voyait ça. Les artistes veulent être là pour la bonne cause, mais si, et seulement si, les caméras sont présentes pour que la France entière voient leur dévouement. Ou comment se faire de la publicité sur les Restos du Coeur. Dommage.
Ensuite les changements de décors entre les chansons relevaient du sacerdoce pour la « star » chargée de le combler (Mimie Mathy, Pierre Palmade, Kad). Une ou deux promotion pour la vente du DVD à venir ne suffisait pas, ni la tentative de l’actrice Mimie Mathy de faire apprendre au public une chanson alsacienne. Enfin le thème de la soirée, Les Secrets des Enfoirés, ne correspondait à rien de précis, le concert s’ouvrant sur une scène médiévale présentant Pierre Palmade en roi et Lorie en princesse pour se finir sur une parodie de jeu télévisé avec Kad à la baguette.

enfoires.public-3.jpgMais ne boudons pas notre plaisir, l’attente a été trop longue, le froid trop piquant pour que le public ne se mette pas à chanter de vives voix avec Les Enfoirés. Reprise d’Obispo, de Benabar, de Mika et de classique (Dominique nique nique…)… Les artistes sur scène se donnent à fond, malgré des chansons ne faisant partie ni de leur répertoire, ni de leurs préférences musicales. Un grand moment : Amel Bent qui s’essaye à la tecktonik ! Un régal. Le show, qui dure trois heures, alterne moments d’émotions et humour piquant. Le spectateur en a pour son argent (à moins d’être passé par le marché noir), c’est certain. Les artistes, d’horizons divers, ont du talent à revendre.
Un moment intense donc, qui laisse malgré tout un léger goût d’amertume. Serait-ce l’impression du manque d’implication de certains? Ou les efforts faits pour parvenir jusqu’au Zénith qui étaient trop importants par rapport au show présenté? Et si on allait apporter quelques provisions au Restos du Coeur?