« Peu importe ce que tu fais dans la vie, fais le bien ! » Voilà la philosophie de Robin des Rues. Ce qu’il fait de ses journées ? La manche. Mais pas n’importe comment, « je ne hèle jamais les passants, je ne manipule pas. Je suis juste là. J’attends. Je ne cherche pas à faire du chiffre. Juste de quoi vivre. »

Robin des Rues a choisi de mendier sur le marché de Noël à Montpellier. Il s’installe là où il peut. « Ici, tout le monde me connait alors je peux rester » concède-t-il. D’ailleurs, Philippe, l’animateur des hivernales, le présente aux passants et lui tend le micro. « Rien que ça, ça me touche, cette attention, c’est beaucoup » confie-t-il.

« J’ai commencé la manche le 27 décembre 2009 »

Devant un chalet fermé, assis sur son tabouret, le quinquagénaire arbore sa pancarte : « Chalet 106, marre d’être pauvre j’en appelle au partage et à la solidarité pour vivre mieux. Merci, Robin des rues (moi aussi j’aime la culture) ». Il n’y a que 105 chalets officiellement sur l’Esplanade Charles de Gaulle, Robin en rit et s’invite à la fête. Pourquoi pas un stand où l’on tend simplement la main ?

Robin a vagabondé un peu partout dans le monde. États-Unis, Europe de l’est, Amérique latine ont fait partie de ses destinations avec pour leitmotiv « découvrir le monde, les gens, comprendre… » Et puis de retour en France, il a trouvé un poste à la mairie de Béziers : « 26 ans de service mais après il y a les aléas de la vie : ma femme est partie, j’ai accumulé les dettes alors j’ai tout plaqué, je suis parti… » Depuis trois ans, il s’est exilé à Montpellier ou plutôt dans les rues de la ville. Il raconte : « Quand tu te mets dans la rue, il y a une notion de territoire. Il faut faire attention. J’ai commencé la manche le 27 décembre 2009, je m’en rappellerai toujours ».

« Du politicien au toxicomane en passant par l’écrivain, je côtoie tout le monde »

Les traits tirés, le regard lucide parfois grave parfois rempli d’espoir, Robin raconte toujours avec cette envie de partager : « la rue, c’est une atteinte psychique, c’est brutal, c’est le regard des autres braqués sur vous et plein d’interrogations qui se bousculent : Qu’est ce qu’on fout là ? Qui je suis ? Quelle perspective j’ai ? ». Ces questions, il y réfléchit déjà depuis un moment. « Robin des Rues » ? C’est un personnage, « une façon de me protéger parce ce que se mettre dans la rue c’est être hyper exposé », mais en même temps cela intrigue et « amène à des relations psycho-sociales avec les passants et c’est ce que je viens chercher ici ».

En attendant, c’est aussi une façon pour lui de gagner « sa croûte ». La manche lui rapporte en moyenne 300 € par mois. En ces périodes de fête, Robin se mêle à la foule dans un endroit stratégique. « C’est la mécanique du porte-monnaie », explique-t-il, « sur le marché de Noël, beaucoup de gens sortent leur porte-monnaie et me glissent parfois une pièce ». Alors, oui, pour lui la manche est une façon de survivre après les coups durs que la vie lui a réservés. Un homme, une vie, une philosophie, une main tendue, Robin des Rues entame aujourd’hui son quatrième hiver dans les rues de Montpellier.

Il a acquis sa notoriété sur le parvis du Polygone, grâce à son personnage. Beaucoup le connaissent, le saluent. D’ailleurs Michaël Delafosse, adjoint au maire, l’a même aidé à trouver un logement social. Ainsi, « du politicien au toxicomane en passant par l’écrivain, je côtoie tout le monde » affirme-t-il. La manche, les rencontres, les intentions, il en a besoin, pour lui « c’est comme une thérapie, une alternative à la dépression ».

 » Ce n’est pas le VIH qui tue mais plutôt les autres « 

A l’occasion de la Journée Mondiale de Lutte contre le Sida, mardi 1er décembre, la Maison de la prévention santé de Montpellier a accueilli une conférence-débat. Animée par Franck Marcé, coordinateur régional de Sida Info Service, elle portait sur les résultats d’une enquête faite auprès des séropositifs sur les discriminations qu’ils subissent.

Les discriminations à l’encontre des personnes séropositives sont toujours d’actualité. C’est ce que montrent les résultats de la quatrième enquête faite par Sida Info Service sur ses lignes d’écoute. Celle-ci s’est principalement intéressée cette année aux discriminations dans les milieux de santé et du travail. Franck Marcé souligne que sous le terme « discrimination » se dégage deux aspects : la discrimination ressentie et la discrimination reconnue par la loi. Par exemple, si l’accès à la santé, à un travail ou au logement est refusé à une personne pour des raisons de sexe, d’âge ou d’origine ethnique, le recours à la loi est possible. Mais peu de victimes engagent des démarches juridiques. Ce, pour trois raisons principales : la méconnaissance de leurs droits, la peur des représailles ou encore parce qu’elles n’en ont pas la force physique et morale ou n’en voient pas l’intérêt.

70% des personnes interrogées estiment avoir déjà été discriminées. Les domaines pointés du doigt sont nombreux : amis (42%), famille (38%), assurances et banques (29%), conjoint (18%), etc. Mais l’enquête a mis en avant deux secteurs particulièrement discriminants : la santé et le monde du travail.

Le plus étonnant est de constater qu’un appelant sur deux s’est senti discriminé dans le milieu médical. « Ce qui constitue un vrai problème » selon Franck Marcé. En effet, une personne sur trois incrimine les spécialistes : gynécologues et dentistes en tête de liste. Cette « peur irrationnelle » de professionnels pourtant les mieux formés au sujet de la maladie et de sa transmission est un paradoxe. Le témoignage d’un des sondés illustre cette inquiétude :  » Après m’avoir soigné, mon dentiste m’a fait cracher mon sang à l’extérieur de son cabinet par peur d’être contaminé « . Certains séropositifs se voient donc contraints à cacher leur maladie pour accéder normalement aux soins.

Dans le milieu professionnel, la grande majorité des discriminations sont le fait de collègues (20%) plus que des patrons (15%). Ces derniers redoutent une baisse des performances due à la maladie. Une personne interrogée sur quatre a été discriminé sur son lieu de travail. Ce sont le plus souvent des stratégies de harcèlement, de mise au placard et de mauvaise ambiance. Ce qui engendre un fort sentiment de rejet. Ces situations qui touchent à la question du droit du travail sont difficiles à prouver. Un homme de l’assistance témoigne :  » Quand mon patron a appris ma séropositivité, il n’a pas renouvelé mon contrat. Je n’ai jamais pu le prouver. D’ailleurs, je n’avais pas la force physique de me battre pour faire respecter mes droits « . Pour Franck Marcé, la discrimination professionnelle n’est donc  » pas une histoire ancienne et reste un fait d’actualité « .

A noter également que les discriminations sont multiples. A celles dues au VIH (virus de l’immunodéficience humaine), s’ajoutent celles dues au sexe, au handicap, à l’ethnie ou encore à l’homosexualité. Pour faire évoluer les mentalités, le chemin à parcourir est encore long.