L’étrange armée de Vladimir Poutine

Chaud devant ! Vladimir Poutine, vainqueur contesté des élections législatives russes du 4 décembre et très probable futur président de la République, dispose d’un soutien sans faille : celui de « L’Armée de Poutine ». Mais, alors qu’il est de plus en plus décrié, ses étranges soldats risquent de ne pas lui suffire à sortir la tête de l’eau.

Un soutien jeune et féminin

Des jeunes et jolies jeunes filles ont pris au pied de la lettre le slogan de campagne de l’actuel premier ministre, « Déchire pour Poutine ». Elles sont plusieurs centaines à poster des vidéos sur la toile dans lesquelles elles déchirent leurs vêtements, après y avoir inscrit au rouge à lèvre leur amour pour Poutine.
Un concours est même organisé sur Facebook. Un jury vote pour ses vidéos préférées et la gagnante remportera un iPad 2, véritable symbole de modernité dans un pays où eau potable et électricité ne sont pas encore raccordées à toutes les habitations.
« L’Armée de Poutine » n’en est pas à son premier coup d’essai. En octobre 2010, à l’occasion du 58ème anniversaire de leur homme politique préféré, des étudiantes en journalisme avaient posé pour un calendrier osé. A l’époque, Lena Gornostaïeva, miss Mars, posait en dentelle noire et proclamait : « Vous avez maîtrisé les feux de forêt mais moi, je brûle encore ».

Des élections contestées

Cela prêterait à sourire si la situation politique en Russie n’était pas aussi préoccupante. Selon une rumeur qui courrait sur Twitter dès le soir du scrutin, Poutine aurait donné l’ordre de ne pas trop gonfler le nombre de ses voix pour que le résultat paraisse moins suspect. Peine perdue. Les observateurs de l’OCDE [[Organisation pour la Coopération et le Développement Economique]] pensent que les urnes ont été bourrées de bulletins en faveur du parti de Poutine, Russie Unie. L’organisation dénonce également une « concurrence limitée et non équitable » et le « le manque d’indépendance des autorités électorales et des médias ».
L’ONG russe L’Observateur Citoyen fait le même constat. Sur les 176 bureaux de vote étudiés, le taux de participation a été gonflé (41.5% contre les 61.1% officiels) et le nombre de voix des partis concurrents largement diminué. Le Parti Communiste aurait ainsi obtenu 25% des voix, contre les 19.1% annoncés par le pouvoir et le parti de centre gauche Russie Juste 21% contre les 13.2% officiels.
Des vidéos amateurs circulent sur Youtube, où l’on voit clairement que l’encre des stylos mis à disposition des votants est effaçable. De quoi aider à falsifier davantage les bulletins.

Des dizaines de milliers de manifestants

Des manifestations sans précédent ont eu lieu le 10 décembre. Entre 50.000 et 80.000 personnes (selon des sources indépendantes) ont défilé dans les rues de Moscou. Du jamais vu dans ce pays où les opposants au pouvoir ne sont pas bien vus. Dimitri Medvedev, l’actuel président de la République, aurait donné l’ordre aux policiers de n’interpeller aucun manifestant de la capitale alors que des dizaines de personnes ont été arrêtées dans d’autres villes du pays.
Le mécontentement grandi en Russie, gangrénée par la corruption et la limitation des libertés individuelles. Les manifestants ont déjà prévu de nouvelles journées de mobilisation les 17, 18 et 24 décembre prochains.

Vladimir Poutine devrait être élu président de la République le 4 mars 2012 et pourrait bien le rester jusqu’en 2024 s’il enchaine deux mandats. « L’Armée de Poutine » a donc encore de beaux jours devant elle. A moins que les opposants au régime ne parviennent à la vaincre.

Katyn, un drame polonais

Se rendant à Katyn pour une cérémonie commémorative, le président polonais, Lech Kaczynski, son épouse, de nombreux ministres et généraux, ont trouvé la mort dans un accident d’avion ce samedi 10 avril. L’ensemble de la communauté internationale a alors exprimé ses condoléances à la Pologne. Aujourd’hui, les Polonais se pressaient dans les églises pour rendre un dernier hommage à toutes les victimes du crash. A la mi-journée, la Pologne a observé deux minutes de silence. A présent, les experts russes et polonais étudient ensemble les boîtes noires de l’avion.

La République bananière de l’Est

« Pour qui allez-vous voter à l’élection de Medvedev ? » ironisent certains moscovites à la veille d’un scrutin présidentiel dont l’issue ne fait aucun doute. Car demain, dimanche 2 Mars, la Russie va élire Dmitri Medvedev, le dauphin désigné par Vladimir Poutine pour lui succéder au Kremlin.

Crédité de 60 à 80% d’intentions de vote selon les sondages, l’héritier au pouvoir n’a qu’une incertitude : le score final recueilli à la clôture des votes. Un résultat supérieur à 70% témoignerait du soutien unanime du peuple russe à la politique du régime, dont Medvedev incarne la continuité.
Pour cela, l’orchestration gouvernementale de l’accession au pouvoir du (non) candidat est rondement menée. Seuls trois autres concurrents ont été autorisés à affronter le prétendant : Vladimir Jirinovski, leader de l’ultranationaliste Parti libéral-démocrate, crédité de 7% des voix ; le communiste Guenadi Ziouganov, crédité de 8% des suffrages au lieu des 29% obtenus en 2000 ; et Andreï Bogdanov, un inconnu sûrement poussé par le Kremlin pour donner une touche pluraliste.

L’évidence. Si les rues de Moscou restent désespérément vides de toute campagne publicitaire ou de slogans présentant les divers candidats, Medvedev est omniprésent sur les chaînes de télévision russe. On peut le voir visiter un village, caresser les têtes blondes d’une école ou s’envoler pour Belgrade, afin d’assurer son appui à la Serbie contre l’indépendance du Kosovo. Pourtant, conforté par l’évidence de sa victoire, le « favori » a boycotté les débats électoraux et refusé de mener une campagne classique. Son temps d’antenne demeure manifestement supérieur à celui de ses trois rivaux réunis.
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Pour cette présidentielle jouée d’avance, Dmitri Medvedev apparaît déjà sur d’immenses affiches aux cotés de Vladimir Poutine. Le taux de participation ne changera rien aux résultats mais le gouvernement s’assurera d’une bonne mobilisation. Ainsi, l’idée de déplacer les bureaux de vote dans les résidences universitaires sera concrétisée afin d’inciter les étudiants à voter. Lors des élections législatives, déjà, de nombreux étudiants moscovites racontaient comment ils avaient été « invités » à aller voter : discours du recteur, café et gâteaux gratuits, voire certaines propositions financières pour mettre la croix au bon endroit sur le bulletin…
Le slogan « Votez pour votre avenir le 2 mars » des rares affiches électorales en devient provoquant. Des résultats qui seront probablement félicités par la communauté internationale. Quid de la transparence ?

Litvinenko, empoisonnement d’un ex-agent du KGB

Film documentaire réalisé par Andreï Nekrassov
Russie, 2007, 1h50

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Cette histoire aurait pu faire l’objet d’un bon polar. Il n’en est rien. Lorsqu’il apprend que son ami Alexandre Litvinenko a été empoisonné, Andreï Nekrassov dispose de seulement six mois pour réaliser son documentaire, tourné à partir d’éléments collectés durant sept ans. Il le présente au Festival de Cannes, en 2007. Pourquoi un tel empressement ? Ce film à petit budget est un témoignage à multiples facettes.

Alexandre Litvinenko, nom de code Sacha, décède le 23 novembre 2006 à Londres, où il a trouvé refuge. Empoisonnement au polonium 210, un produit radioactif très toxique. La victime est un ex-agent du FSB, nouveau service de sécurité intérieure russe créé après la dissolution du KGB en 1991. Cet homme a accusé ses supérieurs de commanditer des assassinats dans une vidéo tournée en 1998, et révélée au public des années plus tard. A ses côtés, d’autres officiers du FSB parlent. Il s’agit d’une véritable rébellion au sein des services secrets. Après avoir été libéré, Sacha est finalement condamné à trois ans de prison avec sursis. Il préfère fuir pour protéger son fils, âgé de six ans.

Mais la caméra d’Andreï Nekrassov ne se contente pas de recueillir les propos du défunt. Les sources sont confrontées, recoupées et alimentées d’images d’archives et de documents officiels. La politique de Vladimir Poutine est clairement mise en cause : la guerre en Tchétchénie, le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa, les affaires de corruption…Autant de sujets que l’auteur traite de façon pédagogique et approfondie.

Il reste fermement engagé : c’est un sympathisant déclaré du mouvement d’opposition L’autre Russie, de l’ex-champion d’échecs Garry Kasparov. Mais ses positions politiques ne l’empêchent pas d’accomplir un travail remarquable, digne d’un journaliste d’investigation. La défense des libertés demeure primordiale à ses yeux ; la politique vient après. Sans cesse aux aguets, il décèle les lèvres pincées ou l’œil fuyant de celui qui ne veut pas en dire trop.

De retour chez lui en avril 2007, le réalisateur retrouve sa maison dévastée…sans qu’aucun objet ne manque. Seule la photo de son ami, agonisant sur son lit d’hôpital, est disposée en évidence sur l’oreiller.

Selon lui, A. Litvinenko a fait preuve de « courage civique » en dénonçant les crimes du FSB. En s’engageant à restituer la vérité de cette affaire, noyée par le mensonge d’Etat, A. Nekrassov a aussi pris des risques au nom de valeurs démocratiques.

Ce documentaire n’a malheureusement pas été diffusé en Russie. La censure – non officielle – sévit aussi sur le grand écran.