Les violentes critiques du Premier Ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à l’encontre d’Israël marquent-elles un tournant dans les relations israélo-turques, réputées bonnes jusqu’à présent?
Concrètement rien n’a changé. Les relations entre les deux pays se maintiennent tant sur un plan économique, politique que militaire. Il existe un décalage entre le discours turc et la réalité de ses relations avec Israël. Ce n’est pas en outre, la première fois qu’un dirigeant turc utilise un ton osé envers Israël. En 2004, alors que l’Etat Hébreu avait engagé une opération musclée contre les Palestiniens, la réaction de la Turquie avait été très violente. La tonalité des récentes déclarations s’inscrit donc dans la continuité du discours des officiels turcs.
Comment expliquez-vous la position d’Erdogan ?
Il paraît évident que le Premier Ministre est en phase avec son opinion publique. De là à affirmer qu’il agit à des fins électoralistes, puisque des élections municipales doivent avoir lieu en mars 2009, je n’en suis pas certain. Il faut comprendre que cette guerre a eu un impact émotionnel très fort en Turquie, comme dans tout le Moyen Orient d’ailleurs. Les images diffusées à la télévision, notamment par Al Jazeera, ont beaucoup choqué. Erdogan peut donc adopter une posture morale avec un discours virulent, car la situation a Gaza est jugée par tous inacceptable.
Le point de vue d’Erdogan est donc partagé en Turquie ?
Il existe un consensus contre l’offensive israélienne parmi l’opinion et dans la classe politique turque. L’attitude du Premier Ministre a ainsi été saluée par l’opposition et parmi elle le MHP, parti d’action nationaliste. Cependant l’armée a son mot à dire en Turquie. Or celle-ci a refusé la levée de la coopération militaire avec Israël comme l’exigeaient certains politiques turcs. Les propos d’Erdogan aussi virulents soient-ils, n’engagent que le pouvoir civil, en aucun cas les militaires.
Comment furent accueillies les déclarations du Premier Ministre turc en Israël ?
Les propos d’Erdogan ont provoqué de violentes réactions. Certains membres du gouvernement n’ont pas hésité à déclarer qu’Israël ne resterait pas les bras croisés. Mais au-delà de la rhétorique, l’Etat hébreu n’a pas intérêt à aller aussi loin. Les relations entretenues avec la Turquie, notamment la coopération militaire, demeurent essentielles. C’est d’ailleurs pour quoi les Israéliens commencent à s’en méfier. Ils se sont ainsi félicités d’avoir refusé un accord avec les Turcs qui aurait pu constituer un moyen de pression contre Israël durant l’offensive. En effet, cet accord aurait permis à la Turquie de pourvoir le pays en conteneurs d’eau douce.
Les élections israéliennes se sont achevées sans qu’un parti n’ait obtenu la majorité. Les leaders des deux grans partis israéliens, Tzipi Livni pour Kadima (centre), et Benjamin Netanyahu pour le Likoud (droite), ont chacun revendiqué la victoire et cherchent à former une coalition. Existe-il- une différence de vues entre les deux candidats sur l’avenir des relations israélo-turques ?
Ni l’un ni l’autre ne montrent une attitude hostile à la consolidation des relations entre les deux pays. Je ne pense pas qu’un véritable changement interviendra. Quant au conflit israélo-palestinien, les Turcs préféreraient voir arriver au pouvoir Tzipi Livni. De leur point de vue, elle semble plus ouverte aux suggestions turques et moins idéologue que Benjamin Netanyahu. Elle se dit en outre favorable à l’ouverture de négociations avec les Palestiniens, ce qui est positif pour les Turcs.
La sortie du Premier Ministre turc à Davos lors du débat sur la situation de Gaza le 29 janvier 2009
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