Mardi soir, au Baloard, le huitième café-démocrate [[Fondé et animé par Franck Michau, le café-démocrate est un temps de débat participatif qui a lieu tous les deux mois au Baloard. ]] donnait la parole au politologue Marc Smyrl. Cet enseignant de Montpellier 1 s’exprimait davantage ce soir là en sa qualité d’Américain. Intervenant régulier à l’université de Denver, dans le Colorado, il a finement observé la première année du mandat de Barack Obama. Et analyse le parcours d’un candidat atypique devenu un président… plutôt ordinaire.
Mercredi 4 novembre se tenait au restaurant Le Baloard le 7e « café démocrate » animé par Franck Michau, étudiant du Master professionnel « Métiers du journalisme » à Montpellier. Pour l’occasion, il recevait Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, invité à répondre sur une question largement médiatisée : « Clearstream : les coulisses du scandale ».
S’il est une affaire qui, aujourd’hui, demeure, aux yeux du profane, obscure et confuse, et ce en dépit de son large traitement médiatique, c’est bien l’affaire Clearstream. Face à ce flou, l’éclairage de l’ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde, qui s’est constitué partie civile au procès, était le bienvenu.
Sans surprise, l’analyse de M. Plenel s’est voulue sans complaisance à l’égard du président de la République, Nicolas Sarkozy, en condamnant tout d’abord son statut de partie civile « ordinaire », en dépit de l’immunité pénale dont il jouit au cours de son mandat. Il a rappelé que dans le jargon pénal, il existe une notion pour désigner un tel déséquilibre entre accusés et accusateurs: «l’inégalité des armes». Le fondateur de Mediapart a ainsi dénoncé ce qui constitue, à ses yeux, le principal danger de cette affaire : « le surgissement progressif d’une justice politique ». Et le journaliste de citer en exemple l’affaire Dreyfus pour mettre en exergue le problème « d’éthique publique » que pose le procès Clearstream.
De ce point de vue, Clearstream n’aura en effet pas été sans conséquences. Ainsi selon Edwy Plenel, l’affaire aurait été l’objet d’une « privatisation » par Nicolas Sarkozy qui s’en serait servie comme « levier » en vue de l’élection présidentielle de 2007. Dans la même veine, l’ancien directeur de la rédaction du Monde a stigmatisé une « privatisation de l’instruction », ainsi qu’une « ligne de lecture univoque » au profit du président de la République. Et de dénoncer un Nicolas Sarkozy trop impliqué dans l’affaire, allant jusqu’à parler à la télévision de « coupables » au sujet des prévenus qui jouissent pourtant du droit à la présomption d’innocence.
Sur l’affaire elle-même, sans rentrer dans ses méandres les plus obscurs, M. Plenel a pointé du doigt les responsabilités des différents acteurs, de l’habile informaticien Imad Lahoud à l’ancien vice-président d’EADS, Jean-Louis Gergorin, en passant par le journaliste Denis Robert. Il a surtout insisté sur le rôle majeur d’Imad Lahoud, accusé d’avoir remis au Général Rondot les fichiers trafiqués. Aux yeux du fondateur de Mediapart, la culpabilité de l’informaticien semble ainsi faire peu de doutes.
Au final, si l’auditoire ne sort guère plus éclairé sur les mécanismes de cette affaire complexe, le débat aura permis à Edwy Plenel de souligner, d’une manière plus générale, les « dérives » toujours plus nombreuses à la tête de l’État et de faire partager son « inquiétude » sur cette instrumentalisation politique de la justice. Et de mettre en garde, au final, sur cette absence de « vitalité démocratique » et de « contre-pouvoirs » qu’a mis en exergue avec acuité cette sombre affaire Clearstream.
Jacques Molénat était l’invité de Paul Alliès pour son Café citoyen. Il s’est déroulé au restaurant Le Baloard, lundi 26 octobre, pendant deux heures. Compte-rendu de la soirée.
La petite salle, ce lundi soir, était pleine. Située sous le restaurant du Baloard, à Montpellier, elle a été le lieu d’un Café citoyen organisé par Paul Alliès sur la question du pouvoir que détiennent les Francs-maçons en Languedoc-Roussillon. Professeur de Science Politique à l’Université Montpellier I et essayiste, il n’en est en revanche pas à son coup d’essai dans l’organisation de tels débats publics : le concept est rodé avec un intervenant qui expose le thème du Café, et un public qui s’interroge, puis interroge… Pour parler du sujet, l’invité était ce soir Jacques Molénat, journaliste reconnu pour sa connaissance des réseaux dans la région. Il est l’auteur d’un livre de référence sur la question, Le Marigot des Pouvoirs (éd. Climats).
Son exposé fut bref mais dense : parti du début des années 70, il constate que de 300 frères pour 6 loges, la franc-maçonnerie locale est passée aujourd’hui à 2 200 frères (et sœurs car il y a 20% de femmes) pour 48 loges. Soit un rapport de l’ordre de 7 pour 1 000 habitants au regard d’une moyenne nationale de 2,5 pour 1 000 seulement. Pourquoi une telle présence «dans la machine montpelliéraine»? La réponse est délicate, car complexe. Ce n’est pas seulement des petits arrangements entre amis, même si plus d’un s’y intéressent en espérant une ascension sociale plus rapide : «viens chez nous, ce sera bon pour tes affaires» rapporte le journaliste. Il y a aussi la tradition universitaire bien ancrée à Montpellier, ou encore les réseaux juridiques.
Mais il est vrai que les préoccupations du public concernaient plutôt ces arrangements occultes, dont beaucoup pensent qu’ils se font contre l’intérêt général. D’ailleurs, Michel Miaille, ancien Grand Maître de la Grande Loge Mixte Universelle et présent au débat ce soir, a reconnu la prégnance de l’individualisme chez les francs-maçons. Il évoquera en aparté, après le débat, «la lessive» qui a été faite début 2000 et dont la raison invoquée par les Grands Maîtres était de reconnaitre -«tardivement»- les dérives de certains frères et le triomphe des intérêts particuliers. La sanction est une radiation à vie tout de même, dans le cas où des fautes graves ont été commises. Marc Di Crescenzo, qui a été «un des piliers de la franc-maçonnerie montpelliéraine», dit à ce propos dans un article de l’express.fr, que le chemin fut long avant de faire ce travail d’assainissement interne. «Notre premier réflexe, ça a été de protéger les nôtres», avoue quant à lui M. Miaille.
Les discussions ont mené les participants au-delà de notre région pour aborder la question de la Franc-maçonnerie de plus loin. Abolition de l’esclavage, laïcité, école publique, congés payés, contraception : autant d’avancées indéniables revendiquées. Mais aussi contestées… Par le public en l’occurrence, à travers la voix d’une participante, restée silencieuse jusque dans les dernières minutes du débat, et qui rétorque à ce qui a été dit que les syndicats ou les associations ont aussi joué un rôle prépondérant dans ces avancées. On aura pu entendre également l’un des convives se plaindre du «ton consensuel» que prenait l’échange.
Pour ce qui était du cœur du débat, le pouvoir des frères dans la région, quelques noms ont été cités parmi les personnalités politiques locales inscrites dans l’une des loges. Leurs appartenances politiques hétérogènes (PS, UMP, PCF, MoDem…) prouvent la diversité des obédiences et la rupture avec une tradition originelle ancrée à gauche. Aussi, Jacques Molénat a insisté sur le rôle certain que jouent ces personnalités dans les institutions, notamment dans la préparation de décisions municipales ou au niveau de l’agglomération. Mais il a posé aussi à l’inverse les risques de manipulation des Francs-maçons par certains hommes de pouvoir.
Le débat était clair et serein, mais les clichés ont la vie dure, puisqu’au moins trois participants ont considéré qu’ils avaient assisté à un plaidoyer en faveur de la franc-maçonnerie plutôt qu’à un questionnement sur les dysfonctionnements politiques, économiques ou judiciaires dans la région. Pour aller dans leur sens, il est vrai que le caractère occulte de l’organisation trouble et provoque la crainte, plus qu’il ne permet le travail paisible des frères. Le secret et le mystère sont donc décidément liés à l’aura que dégage la franc-maçonnerie et ce, à plus forte raison dans le Languedoc-Roussillon. Le temps passant y a ajouté la suspicion, souvent justifiée, mais pas toujours fondée.