Les Américains de Montpellier parlent de Barack Obama

Pamela, Deming et John sont trois Américains qui vivent à Montpellier. Ils représentent une communauté, dans le département, de près de cinq cents personnes originaires des États-Unis. Après avoir rapporté le propos d’un expert sur les douze premiers mois de Barack Obama à la Maison-Blanche, Haut-Courant donne aujourd’hui la parole à ces citoyens d’outre-Atlantique. Se refusant à l’obamania, ils se montrent lucides sur la politique de leur président.

«Les Français ont perdu toute objectivité sur Obama au moment de son élection». Enseignant l’anglais depuis dix ans à Montpellier, Pamela avoue avoir été surprise de l’engouement suscité en France par la candidature de Barack Obama : «vous avez été bien plus séduits par l’homme que les Américains eux-mêmes!» s’amuse-t-elle. «Pour toute une génération d’Européens, l’Amérique était un pays modèle. Dégoutés par les années Bush, ils ont vu en Obama le retour du rêve». Comme elle, John, chef d’entreprise, et Deming, elle aussi professeur, ont toujours gardé les pieds sur terre : «je me souviens», raconte cette dernière, «lorsqu’il a été élu, tout le monde me disait « oh la la, tu dois être heureuse ! », et moi je ne savais pas vraiment quoi dire… Oui j’ai aimé le candidat, mais je savais déjà qu’il ne serait pas l’homme de tous les changements comme il l’annonçait».

John était à Washington, il y a un an, pour fêter l’investiture du premier président Noir. Il n’était pourtant pas son premier allié : «pendant les primaires, je soutenais Hillary Clinton» sourit-il. «Je ne pensais jamais qu’il pourrait être élu. Il y avait une ambiance inoubliable le jour de sa prise de pouvoirs. C’est un souvenir très fort.» Un an après, pourtant, ce même John a quelques grandes déceptions : «même si c’est conforme à ses annonces de campagne, je ne comprends pas qu’il pense régler le problème afghan par les armes. Pour moi, le vrai échec de sa diplomatie, c’est la question palestinienne. Il est revenu sur tout ce qu’il avait dit, notamment la solution des deux États et l’arrêt de la colonisation par Israël.» Deming rappelle que, contrairement à un lieu commun répandu, le président américain n’est pas tout-puissant : «il est obligé de négocier avec les contre-pouvoirs», c’est-à-dire les représentants et les sénateurs. Pamela va plus loin : «dans le système américain, les campagnes électorales sont si chères que vous devez être soutenu par de nombreux acteurs économiques. Et ces derniers surveillent étroitement vos actions une fois élu…» La marge de manœuvre de l’occupant de la Maison-Blanche se révèle donc faible, entre le Congrès d’un côté et les lobbies de l’autre.

Autre réalité qui a tendance à être gommée par les observateurs français : la persistance du racisme à l’égard d’Obama. Repartie en Caroline du Nord, son État d’origine, pour les fêtes, Deming l’a particulièrement remarquée : «sur une route, nous suivions une voiture où un large autocollant était apposé. Sur ce dernier, il était écrit : « C’est pas ma faute, moi j’ai voté pour le Blanc ». Les problèmes économiques que nous rencontrons sont imputés à Obama, comme si le fait qu’il soit Noir l’avait rendu plus faible qu’un John Mac Cain». Discret depuis sa défaite, l’ancien candidat républicain a vu ses alliés les plus conservateurs se complaire dans une stigmatisation constante de l’actuel président. Pamela tempère : «c’est un pays plein de contradictions. Et si les racistes purs et durs n’évolueront pas, certaines mentalités vont changer et mieux accepter la différence.»

Deming s’étonne du débat français autour de certaines positions internationales du chef de l’État américain : «les Européens ne se rendent pas compte que la crise économique a un poids réel outre-Atlantique. 10% de chômeurs, c’est du jamais vu. Les déçus d’Obama le sont bien plus sur des considérations économiques que sur le conflit afghan. Pour une majorité d’Américains, la guerre reste un point positif.» L’adoption de plus en plus probable d’une large réforme du système de santé est un succès pour l’administration démocrate : «mais encore faut-il savoir comment elle sera mise en place…» s’inquiète John. Leur premier bilan reste donc assez partagé : «j’ai quand-même du mal à trouver des décisions qu’il a prises et qui ont été vraiment positives pour le pays» avoue Deming. «Il y a eu beaucoup d’annonces, mais peu d’actions.» Pour John, «Obama reste le meilleur président que l’on peut avoir. Je suis donc optimiste, mais j’attends des grandes victoires.» Ces trois citoyens de la bannière étoilée auront à nouveau l’œil tourné vers l’Amérique à la fin de l’année. Les élections sénatoriales de novembre prochain seront un test important pour Barack Obama qui sera déjà à mi-mandat.

Pour un complément d’informations, retrouvez l’analyse de Marc Smyrl, politologue franco-américain ici.

« Obama n’a pas changé, c’est le monde qui a perdu ses illusions »

Mardi soir, au Baloard, le huitième café-démocrate [[Fondé et animé par Franck Michau, le café-démocrate est un temps de débat participatif qui a lieu tous les deux mois au Baloard. ]] donnait la parole au politologue Marc Smyrl. Cet enseignant de Montpellier 1 s’exprimait davantage ce soir là en sa qualité d’Américain. Intervenant régulier à l’université de Denver, dans le Colorado, il a finement observé la première année du mandat de Barack Obama. Et analyse le parcours d’un candidat atypique devenu un président… plutôt ordinaire.

Sarkozy s’attaque aux hôpitaux

Le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy a présenté, jeudi 19 avril à Neufchâteau (Vosges), le rapport du sénateur UMP et ancien ministre du Travail Gérard Larcher, qui vise à réformer l’hôpital en regroupant les établissements de santé. Alors même que le déficit des hôpitaux publics est estimé entre 700 et 800 millions d’euros en 2007, ce texte ne comporte pas la moindre annonce budgétaire.

« Cette réforme trop longtemps différée est une réforme majeure. » Hier à Neufchâteau, le président de la République a insisté sur l’aspect capital de ce vingtième rapport sur la santé en six ans : « Le refus de la réforme conduira à la fermeture des hôpitaux. »
Jean-Olivier Arnaud, directeur général du CHU de Nîmes, partage cet avis et revient sur les trois propositions phare du texte.

Les hôpitaux regroupés comme les communes

Les regroupements d’hôpitaux paraissent inévitables aux yeux de Jean-Olivier Arnaud. Nicolas Sarkozy entend favoriser la mise en réseau d’établissements de santé en créant des communautés hospitalières de territoire. Ces dernières verraient le jour grâce à des aides et des subventions, à hauteur d’une dizaine de milliards d’euros. Pour le directeur nîmois, il s’agit d’une des innovations les plus intéressantes : « Cela va faciliter la mission de service public des hôpitaux. Il y aura ainsi une continuité de la prise en charge du patient, de son domicile jusqu’à son retour chez lui. »2008-04-10T095038Z_01_NOOTR_RTRIDSP_2_OFRTP-FRANCE-HOPITAUX-LARCHER-20080410.jpg

Collaborations accrues avec le secteur privé

Cette mesure s’accompagne d’une porosité accrue entre les secteurs publics et privés. Si ce concept semble novateur, il n’en est rien pour Jean-Olivier Arnaud : « A Nîmes, nous avons déjà passé des conventions avec des établissements privés. Les dirigeants hospitaliers sont convaincus qu’il faut développer de tels partenariats, notamment avec les médecins libéraux. » La maternité privée de Ganges et le CHU de Nîmes travaillent en symbiose, par le biais de la visioconférence. Entre Montpellier et Nîmes, les échanges sont également antérieurs au rapport, d’après le directeur gardois : « Nous collaborons déjà dans plusieurs domaines. Beaucoup de médecins sont passés par les deux hôpitaux, nous sommes aussi liés par la faculté de médecine. »
Cette coopération entre public et privé vise également à endiguer la concentration des établissements de santé à but lucratif. Nicolas Sarkozy craint, en effet, un « risque de monopole des cliniques privées, guidé par des fonds de pensions ». Pour Jean-Olivier Arnaud, cela pourrait engendrer une perte de la qualité des soins.

Le directeur d’hôpital devient le seul patron

Avec le rapport Larcher, le rôle du directeur d’établissement va également être bouleversé. « Les pouvoirs du directeur seront accrus afin que les hôpitaux aient un seul patron et un seul », a affirmé Nicolas Sarkozy. Sur ce point névralgique, Jean-Olivier Arnaud ne se montre pas hostile : « Moi, je compte bien rester un directeur d’hôpital et ne pas devenir un chef d’entreprise. Je suis ancré dans les valeurs du service public. Mais si je peux être un acteur du changement… »
Le directeur du CHU de Nîmes justifie la future évolution de son statut par la nécessité, pour un hôpital, de devenir plus réactif à la mutation de la société : « Les directeurs d’hôpitaux posséderont les clefs des investissements. Nous aurons donc une plus grande liberté de gestion. Nous pourrons investir plus rapidement en s’exonérant de certaines règles du marché public. » Jean-Olivier Arnaud cite en exemple de cette plus grande latitude de décisions l’embauche des médecins : « Actuellement, dans certaines spécialités et zones géographiques, nous avons du mal à recruter. Avec cette mesure, chaque établissement pourra recruter plus facilement, en faisant des choix dans le cadre de sa liberté budgétaire. »
Dès l’annonce du rapport, des voix se sont élevées, exprimant leur inquiétude de voir disparaître les établissements les moins rentables. Mais pour Jean-Olivier Arnaud, « il ne s’agit pas de réformes visant à comprimer. Un établissement avec une bonne activité n’a rien à perdre. » Reste à voir ce qui va advenir des petites structures.