Vendredi, 14h55, Véronique, jeune femme d’une quarantaine d’années, arrête sa voiture devant un hangar drive-fermier à Eysines, dans la banlieue bordelaise. À 15 heures pétantes, elle repart avec le sourire et le coffre plein. Cinq minutes, c’est le temps record qu’il lui a fallu pour faire son marché. Deux jours avant, elle avait commandé et payé ses produits agricoles sur internet. Nombreux sont ceux qui, comme Véronique, ont été séduits par cette nouvelle forme de cybermarché version agricole.
Ce concept, le drive-fermier, initié en partie par la Chambre d’Agriculture de la Gironde, permet de simplifier la corvée des courses pour le consommateur qui connait désormais l’origine de ses achats.
«C’est un énorme gain de temps»
Plus besoin de passer des heures en grande surface, d’aller chercher sa côte de bœuf chez Dédé le boucher, de faire une escale chez le viticulteur de la bourgade voisine pour acheter sa bouteille de rouge, puis de finir par quelques kilomètres supplémentaires pour acheter ses légumes au marché. Avec le drive-fermier, le marché se fait dorénavant en ligne, la production locale est relancée et en prime, cela permet de faire une action écologique en diminuant les transports de distribution. Faire ses courses sur le web et venir récupérer ses marchandises à la façon du MacDrive en plus sain, c’est selon Véronique «très pratique, car on peut passer commande à n’importe quelle heure, à minuit si on veut, et ça ne coûte pas plus cher qu’à la ferme». Chaque semaine, les clients ont jusqu’au mercredi minuit pour passer leur commande en ligne. Ils peuvent ensuite venir récupérer leurs marchandises directement acheminées par les producteurs concernés le vendredi après-midi entre 14h et 19h à la Sica maraîchère d’Eysines[[La Sica maraîchère bordelaise est une coopérative de producteurs. Adresse : 44 rue du 19 Mars 1962, 33320 Eysines]], ou prochainement au château des Iris à Lormont. «C’est un énorme gain de temps ! On arrive, on se gare, les producteurs chargent les coffres de voiture avec les cagettes déjà prêtes, et le tour est joué!», rapporte Bernadette, une cliente très enjouée. « Et comme on achète directement aux agriculteurs, les prix sont moins chers qu’en grande surface».
Avec une vingtaine de producteurs partenaires, le choix des produits est très large et plutôt original. En plus des fromages olfactivement corsés mais très savoureux, des conserves de foie gras, des vins bordelais et des légumes, le consommateur peut aussi acheter des produits atypiques tels que des physalis [[Plante de la famille des Solanacées, dont une espèce, acclimatée en France, donne un fruit jaune. On l’appelle aussi « amour en cage »]], du safran ou encore du civet de chevreau.
Clients satisfaits, ambiance champêtre et chaleureuse, les vendredis sont aussi l’occasion d’échanger avec les producteurs. Au final, chacun y trouve son compte, avec d’un côté, le client qui «fait une bonne affaire en mangeant sain et en faisant travailler l’économie locale», selon Véronique, et le producteur qui adapte ses quantités à la demande. «Cela nous permet de limiter les invendus», explique Marlène Serrano, productrice de fromages de chèvres. Lassée des visites de journalistes dans sa petite ferme pourtant encore inconnue il y a quelques mois, elle accepte tout de même de nous présenter les véritables productrices de ses fromages – ses chèvres – et de nous parler de sa démarche. «C’est une autre clientèle que l’on touche. Si sur les marchés la majorité de nos clients sont des ruraux, il s’agit plutôt de citadins avec le drive-fermier.» Maintenant, grâce au drive-fermier, Véronique, qui admet acheter régulièrement des surgelés, n’a plus d’excuse pour ne pas consommer local.