Haut Courant : Quelle est votre histoire au sein d’Étincelle ?
Betty Mercier : Ma mère. J’ai perdu mon papa d’un cancer. Puis quand ma mère a eu un cancer à son tour ça a été un véritable choc. Je ne connaissais rien en ce qui concernait le cancer et quand elle m’appelait pour demander des conseils pour les problèmes de cheveux et d’ongles, je ne savais pas quoi lui dire. J’ai essayé de me renseigner sur Internet. Quand j’ai vu qu’il n’y avait rien, je me suis demandée comme cela était possible ! Il n’y a rien pour s’occuper de toutes ces femmes qui sont malades et qui ont pleins de questions. Aucune question n’est futile, par contre face au médecin qui s’occupe du traitement de la maladie on n’ose pas. Le cancer engendre pourtant des tonnes de problème.
Un matin devant la télé j’ai découvert une femme venue présenter son association à une émission, qu’elle avait appelé Étincelle et qui accueillaient les femmes atteintes d’un cancer. Je suis allée à Paris rencontrer cette femme. Je lui ai demandé des conseils pour créer le même type d’association, ici à Montpellier. Comme le nom Étincelle était jolie je lui ai demandé si je pouvais créer un comité local. Au départ ça n’a pas été facile, mais comme j’étais déjà dans le milieu hospitalier, je suis allée voir les gens, des anciens collègues dans la recherche, la Mairie, j’ai fait mon chemin et j’ai réussi à récolter de l’argent grâce aux dons. Ce projet est un bel hommage à la mémoire de ma mère.
H.C : Quelle aide apporte Étincelle aux femmes atteintes d’un cancer ?
B.M : Les femmes qui viennent ici recherche une écoute, elle veulent sentir qu’elles ne sont pas seules et qu’elles peuvent parler librement. Ici il n’y a aucun regard de jugement. D’accord elles ont un cancer mais ce sont des femmes avant tout. La maison Étincelle est un endroit où elles peuvent se lâcher. On les écoute et on leur apprend aussi à s’occuper d’elles. Elles adorent ça ! Il y a tout ce côté esthétique et féminin très important. Elles peuvent également parler avec les psychologues bénévoles de tous les problèmes psychologiques qu’engendre la maladie. Un cancer ça met à rude épreuve un couple, la famille, les enfants, l’argent, le travail, etc. Il y a tellement de dommages collatéraux liés au cancer. En général, ces femmes ont un arrêt de travail de 6 mois au moins, donc le salaire n’est plus le même. Il faut gérer les conjoints qui ont souvent du mal à supporter la maladie et qui s’en vont. Plus de cheveux, parfois ablation du sein, c’est une véritable spirale. Une femme jeune, de 38 ans par exemple, à qui ont annonce un cancer, elle perd son mec mais elle est encore jeune elle a envie de plaire. Puis on lui annonce qu’elle ne pourra plus avoir d’enfant. Elle est opérée, elle a un sein en moins donc elle est mutilée, elle doit rester avec une cicatrice le temps que ce soit refait et encore ce n’est jamais extraordinaire. C’est très lourd.
H.C : Étincelle a créé l’année dernière son propre magasine L&Vie. Comment est née cette idée ?
B.M : En 2010, une jeune femme qui avait créé un magazine gratuit, Décor&Sens, est venue faire un reportage sur la maison Étincelle. Cette personne avait elle-même eu un cancer. J’étais très motivée par cette idée de magazine pour les étincelles et par les étincelles. J’ai demandé à cette journaliste de nous aider à créer ce magazine et elle a acceptée. Une première maquette a été lancée mais il nous manquait une commerciale, car comme pour tout magazine gratuit il nous fallait des annonceurs. La vie est bien faite, une jeune étincelle assiste à une discussion sur le magazine et nous révèle être commerciale ! Quatre nanas et on s’est lancées dans cette aventure.
On en est au troisième numéro d’L&Vie. Il sort tous les deux mois. Tous les bénévoles d’Étincelle y participent : Jennifer De Calheiros la socio-esthéticienne de l’association, Marie-Morgane Le Berre la responsable du Pôle Activités Physiques Adaptés et Nutrition, Alain Andreu le responsable du Pôle Psychologie, Maître Hicham El Malih l’avocat d’Étincelle. On a des retours extraordinaires, parce que les gens disent que ce magazine il a une âme et on s’éclate en plus. Enfin, c’est un formidable outil de communication. On le distribue nous même. Là, où il y a des salles d’attentes. On a un public qui attend beaucoup et qui a besoin de lire, d’où une édition papier disponible dans des lieux spécifiques. On raconte des histoires de femmes qui avec leur cancer ont réussi à faire des choses merveilleuses, réaliser leur rêve. Pour le numéro de février-mars, nous avons fait un spécial couple, avec toujours nos propres histoires. Le prochain sera un spécial mère-fille. On a une rubrique mode, avec des photographes professionnels, tous bénévoles.
H.C : Quelle est votre plus grande satisfaction aujourd’hui ?
B.M : Que tous les jours, les femmes me disent qu’Étincelle leur a sauvé la vie. Quand elles arrivent elles sont au plus bas, quand elles repartent elles sont belles et elles ont le sourire. On s’attache beaucoup, mais il faut garder une attitude très professionnelle. Quand on accompagne des personnes atteintes d’un cancer il faut être fort et avoir de l’énergie. C’est pour cela qu’il faut savoir parfois mettre l’affectif de côté. Si je m’effondre, comment va faire la femme atteinte d’un cancer ? Grâce à ça j’ai réussi à toujours accompagner ma mère. Et c’est elle aujourd’hui qui m’accompagne. Même si elle n’est plus là, elle est toujours présente.
H.C: Quels sont les projets que vous aimeriez aujourd’hui réaliser ?
B.M: Mon rêve serait de créer une maison Étincelle pour les hommes. Un espace mixte ne peut pas fonctionner. Ici c’est trop féminin, il faut un endroit adapté aux hommes : sport, cuisine, esthétique car les hommes prennent aussi soin d’eux mais dans une ambiance mec ! Un bar à café, la télé pour le foot, faire un truc qui rassemble car les hommes ne parlent pas de la maladie entre eux, contrairement aux femmes. Il leur faut un endroit où ils puissent se sentir bien et se lâcher.
J’aimerais également faire un espace d’accueil et de recherche. En forme d’étoile avec des psychologues, un parcours santé, de l’esthétique et un lieu pour évaluer. Faire des tests à l’arrivée des Étincelles et un an après analyser l’évolution sur leur bien-être, la qualité de vie. C’est évident qu’avec un bien-être, il y a moins de récidive et de meilleurs guérisons. Donnez-moi 500 m2 et je fais ce projet. J’y crois.