Nicolas Le Roux : «Découvrir les protestants a été un choc pour les catholiques»

De Paris à Montpellier, en passant par La Rochelle, les guerres de Religion n’ont épargné aucun recoin du royaume. Pourquoi la France sombre-t-elle dans le chaos ? Nicolas Le Roux revient sur des décennies de combats entre catholiques et protestants.

Hélène Mandroux appelle au rassemblement de la gauche anti-Frêche

Branle bas de combat jeudi 28 janvier 2010, à la mairie de Montpellier.
Hélène Mandroux, maire de la ville décide de faire une déclaration exceptionnelle et inattendue à 17h30, suite aux propos de Georges Frêche tenus le 22 décembre 2009 lors du conseil d’agglomération de la ville.
Ceux-ci ont refait surface plus d’un mois après, puisque lâchés dans le dossier spécial consacré au président du Languedoc Roussillon dans l’Express.

Pour ceux qui n’auraient pas eu l’information assez vite ou qui n’en n’ont tout simplement pas eu vent, en lien, la déclaration mot pour mot d’Hélène Mandroux, nouvelle protégée de Martine Aubry et sauveuse des valeurs républicaines, si chères au PS.

A la lecture de cette déclaration, on peut se demander si la «tronche pas catholique» de Mr Fabius n’a pas bon dos? Il y a deux jours à peine, Mme Aubry s’était embourbée dans la polémique des retraites, en n’excluant pas la possibilité d’augmenter l’âge légal à 61 ou 62 ans. Une phrase qu’elle s’est aussitôt empressée de rectifier lors de son passage au journal de 20h de TF1 le lendemain. Mais trop tard, le « rétropédalage » ainsi nommé par l’opposition, avait été noté et acté. Bien que la première secrétaire du PS ait tenté de jouer sur l’âge effectif de départ et non pas l’âge légal…

Les propos de Mr Frêche semblent donc tomber du ciel… Un miracle inespéré pour le PS qui peut ainsi se racheter une conduite en prêchant des valeurs républicaines bafouées. Pour certains socialistes, comme Manuel Valls, « le risque de perdre une région n’est rien par rapport au risque de perdre nos valeurs ».

Pourtant le 17 janvier dernier Martine Aubry avait soutenu la candidature de Georges Frêche. La question est peut-être maintenant de savoir si la maire de Montpellier arrivera à rallier les quelques socialistes languedociens encore fidèles à Solférino et au bureau national, à sa cause.

Une alliance qui s’avère difficile, d’autant que quelques jours plus tôt l’idée d’un rapprochement entre Hélène Mandroux et la liste Europe Écologie menée par Jean-Louis Roumégas n’avait paru emballer ni les militants, ni leur chef de file. Reste à savoir si les deux candidats arriveront à mettre de côté leurs différends envers et contre Frêche. L’idée circule qu’Hélène Mandroux pourrait être tête de file dans l’Hérault, mais que Jean-Louis Roumégas conserverait le leadership régional.

Alors Hélène Mandroux, partant en croisade pour restituer les valeurs républicaines des vrais socialistes ? On y croirait presque, dommage que le PS n’ait eu besoin d’un signe divin pour retrouver enfin l’importance de ses valeurs…

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

Rosaires pour la vie : la dernière messe des anti-IVG.

Alors que le 17 octobre 2009, plusieurs centaines de milliers d’opposants à l’avortement défilaient à Madrid, les milieux anti-avortement – ou provie – sont en France devenus plus discrets à la fin des années quatre-vingt dix, notamment suite au durcissement de la législation contre les « commandos anti-IVG ». Mais les anti-avortement n’ont pour autant pas définitivement disparu. Direction Nîmes (Gard) pour une rencontre avec les derniers irréductibles.

Tous les premiers samedis du mois, les anti-avortement (qui se qualifient eux-mêmes de provie – la dénomination est importante, chaque côté cherchant à diaboliser ses adversaires) se réunissent afin de prendre part à des «rosaires pour la vie» , cérémonies au cours desquelles ils prient pour le salut des innocentes victimes de l’avortement. Une rapide visite sur le site dédié à ces rassemblements m’apprends que celui de Montpellier est «à recréer». Qu’importe, un coup de fil à l’un des numéros donnés sur le site et rendez-vous est pris à la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Castor de Nîmes à 16 heures le samedi 7 novembre, pour assister à un de ces fameux rosaires pour la vie.

La cathédrale de Nîmes, lieu où se déroulent les rosaires pour la vie, chaque premier samedi du mois

«Je vous salue Marie, pleine de grâces»

Une fois sur place, première surprise : la cathédrale est vide. Lorsque je demande où se déroule le rosaire, on m’indique une statue de Marie recevant le rosaire (couronne de rose). Ce n’est que quelques minutes plus tard que j’aperçois plusieurs personnes en train de prier dans une chapelle annexe à la cathédrale.
Deuxième surprise : le nombre des participants. Une douzaine de personnes, assez âgées. Quelques-unes se joignent à la prière sur le tas, ou repartent avant la fin du rosaire.
Pendant une heure, chacun va à son tour réciter une prière : le Pater Noster, l’Ave Maria. A chaque changement d’orateur, Mme Gautier, qui organise les rosaires, fait un rapide sermon, suivi d’un chant en latin repris par l’ensemble des participants. Tout le monde récite la prière, y compris la seule adolescente du groupe, même si elle agite entre ses doigts son téléphone portable plutôt qu’un chapelet.

Le but : prier pour le salut des Hommes, ou dans ce cas précis, des enfants victimes de l’avortement et des femmes qui comme «Notre-Dame», «attendent un enfant très jeune». À côté de diverses actions politiques (distribution de tracts, lobby auprès d’élus, etc.), les provies privilégient l’action symbolique : la prière. Le geste peut paraitre futile pour un athée, mais pour un croyant qui rejette en grande partie le système politique actuel, c’est probablement le plus important à accomplir.
Si je réalise tout de suite la ferveur de certains de participants, reste que tout ce petit monde semble bien loin des descriptions du milieu anti-avortement faites par Fiammetta Venner[[Fiammetta Venner, Extrême France : Les mouvements frontistes, nationaux-radicaux, royalistes, catholiques traditionalistes et provie, Grasset, novembre 2006]] : à première vue, le rosaire pour la vie apparaît plus comme une réunion de catholiques pratiquants que comme un repaire de royalistes réactionnaires.

«Il n’y a que le divin qui nous sauvera»

La cérémonie terminée, je me tourne vers Mme Gautier afin de lui poser comme convenu au téléphone quelques questions. Rapidement, le noyau dur du petit groupe se rassemble autour de moi, chacun voulant y aller de son propre commentaire. Les propos sont d’abord assez modérés : «il y a un manque d’information de la population à propos de l’avortement», «l’acharnement thérapeutique n’est pas une bonne chose, mais l’euthanasie n’est pas la solution» (en référence à la révision de la loi sur la bioéthique prévue avant la fin 2009). Comme on aurait pu s’y attendre, les participants se connaissent tous et sont proches de diverses associations et organisations provie : Alliance pour les droits de la Vie, Fondation Jérôme Lejeune, etc. Et comme l’avait laissé entendre la réaction du vicaire lorsque je lui ai demandé de m’indiquer le rosaires pour la vie, l’Église tient ses distances avec le mouvement : elle n’offre «aucun soutien», parce qu’elle a selon les militants «peur d’aller à l’encontre des pouvoirs publics». Quant à un retour en arrière de la légalisation sur l’avortement, ils le souhaitent, mais n’y croient pas trop : «trop de lobbies, trop de pression, et on ne dit pas la vérité aux gens».

Mais si Mme Gautier reste modérée dans ses propos, ce n’est pas le cas de tous les membres du groupe. Un homme me lance «ce qui a créé le mal, c’est l’évolution à l’école. Darwin c’est des conneries, il faut détruire l’évolution» avant de me parler d’ouvrages «scientifiques» qui «réfutent Darwin». Il commente également le métier de journaliste, il affirme que «les journalistes sont majoritairement des communistes et des franc-maçons». À ma question peut-on selon eux être à la fois catholique et pro-choix (c’est-à-dire favorable au droit à l’avortement), il me répond en souriant que non, «on ne peut pas être à la fois franc-maçon et catholique», comme si ma question était totalement idiote (et comme si le fait d’être pro-choix faisait automatiquement d’une personne un franc-maçon).

Un autre homme s’en prend lui à la Révolution française : «La France c’est pas 1789. La France a été créée par les monastères». Le constat est clair, «on est sorti du sillon en 1789 et depuis on ne respecte plus l’ordre naturel». Pis, on endoctrinerait les élèves français en ne leur «apprenant que l’histoire de la Révolution» et en omettant tout ce qui aurait rapport avec le glorieux Ancien Régime.
Au fur et à mesure que les langues se délient, les propos s’emballent : le même homme dénonce ainsi une «société d’handicapés», où l’on tuerait dans l’œuf les enfants sains et où l’on laisserait vivre les «dégénérés» qui auraient autrefois disparu suite à la «sélection naturelle». Mme Gautier, qui cherche à modérer son camarade, soutient malgré cela que les réformes du concile Vatican II[[Le Concile Vatican II a eu lieu entre 1962 et 1965 a eu pour effet de moderniser l’église Catholique, notamment en permettant la tenue de messes en langues autres que le latin.]] ont donné lieu à l’organisation de véritables «messes hérétiques» avant d’affirmer que «l’homosexualité est une maladie», même si «ce n’est pas de leur faute». La violence – souvent inconsciente – de certains propos contraste avec les messages de respect, d’amour et de dignité proclamés un peu plus tôt pendant le rosaire.

Déçus d’apprendre que je ne partage pas leurs idées, ils me souhaitent néanmoins de «trouver ma voie», et me recommandent un certain nombre d’ouvrages, dont ceux de Jean Sévilla, pourfendeur autoproclamé d’un discours unique fantasmé [[Voir notamment Le Terrorisme intellectuel : de 1945 à nos jours, Perrin, 2000 ou sa participation dans Le Livre noir de la révolution française, Éditions du Cerf, 2008]].

L’opposition à l’avortement en France semble donc bel et bien attachée au mouvement réactionnaire, faisant d’un amalgame fantasmagorique comprenant pêle mêle le communisme, la franc-maçonnerie et la Révolution les causes et les responsables du «génocide permanent» que serait l’avortement. Reste à savoir quelle sera l’orientation de la relève : l’association Etudiants provie (par ailleurs affiliée au mouvement Students for Life américain) a été créée en juillet 2009 et se réclame elle «aconfessionnelle et apolitique». Conscients que l’image profondément réactionnaire du milieu provie est contre-productive, les étudiants provie cherchent à s’émanciper de leurs prédécesseurs.